Sujet : La culture, la religion et la science.
Débat autour de quelques questions sensibles du moment : bioéthique et archéologie biblique.
Résumé : J’avais voulu intituler ma conférence : « La morale dans la science. »
J’ai eu crainte que les gens n’y mettent le holà, rien que de savoir qu’on va leur parler de la morale…leur faire la morale ! Qu’est-ce que la morale vient faire dans la science ?
*En effet, depuis qu’a été créé en France le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) en 1983, les questions relatives à l’euthanasie, à l’assistance médicale à la procréation, la contraception, l’avortement, le don de gamètes ou d’embryons… les questions de clonage humain, de diagnostic prénatal ou préimplantatoire ont franchi la limite des questions embarrassantes pour la morale religieuse. Elles sont devenues objets de réflexion de la bioéthique à cause de leur potentiel eugéniste. Un quart de siècle (1983-2008) après, quelles évolutions et quelles lumières dans la conscience des citoyens et des chrétiens ? Quel impact ces questions ont-elles pour les citoyens et chrétiens de cultures non occidentales ; et au sein même de la culture occidentale, entre différentes couches de la société ? Qu’est-ce que l’homme pour qu’il se soucie de lui-même ?
*Après le succès phénoménal du roman de Dan Brown et du film qui s’en est suivi : Da Vinci Code, l’archéologie biblique et la curiosité sur le personnage d’un certain Jésus fils de Joseph posent un autre genre de questions sur le lien entre la science et la religion. A-t-on retrouvé le tombeau de Jésus ? Les découvertes scientifiques viennent-elles contredire ou confirmer les vérités religieuses ? Partant des positions personnelles de certains scientifiques sur la science et la religion, quel recul prendre devant ce qui paraît bouleverser notre foi ? [Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » (Pantagruel, chapitre VIII) ; Albert Einstein : « La science sans religion est boiteuse, la religion sans science est aveugle »]
Corps de la conférence
Heureux d’être parmi vous pour un temps de partage et d’échange, je voudrais commencer par remercier les organisateurs de ces soirées de mardis d’été, notamment Mr l’abbé Marc Langlois qui a pris les premiers contacts avec moi, sans oublier André Damay qui m’a présenté à lui au détour d’une pause café au Centre Saint François de Sales Amiens. Merci à vous qui êtes venus m’écouter ce soir. Rassurez-vous, mon exposé restera simple et à la portée de tous du fait que le sujet que j’ai choisi, comme l’écologie, concerne l’avenir proche de notre société.
Pour situer l’angle d’attaque de mon intervention, je voudrais commencer par une anecdote, un proverbe et une citation.
1. Anecdote
On raconte qu’un jour un disciple de Confucius, lui montrant une pomme, pose cette question :
- Maître, comment pèle-t-on ça ?
- Confucius lui répond : On l’appelle pomme.
- Je sais qu’on l’appelle pomme, mais je voudrais savoir comment on la pèle.
- Dis-moi pourquoi tu veux la peler je te dirai comment on la pèle.
2. Proverbe et citation :
* « Quand tu ne sais plus où tu vas, retourne-toi, regarde d’où tu viens » (proverbe éthiopien)
* « Pour éviter la guerre, il faut commencer par définir le sens des mots. » (Confucius, dictionnaire des citations)
La culture, la religiosité, les religions et les sciences. Débat autour de quelques questions sensibles du moment : bioéthique et archéologie biblique.
J’avais voulu intituler mon exposé : « La morale dans la science. »
J’ai eu crainte que les gens n’y mettent le holà, rien que de savoir qu’on va leur parler de la morale…leur faire la morale ! Qu’est-ce que la morale vient faire dans la science ?
*Nous savons que le développement de la science et de la technique a fait entrer l’homme dans une connaissance pointue des éléments constitutifs de la vie. Cependant, plus ces secrets de la vie se dévoilent, plus l’homme prend conscience de ses limites et plus il s’interroge sur le sens de son existence. C’est à ce niveau qu’intervient l’éthique dans la science : je sais comment faire, est-ce que je dois, est-ce que je peux sans m’interroger sur le pourquoi ? Les récents débats autour du Téléthon et du clonage de Jésus de Nazareth en sont une illustration. Les questions relatives à l’assistance médicale à la procréation, la contraception, l’avortement, le don de gamètes ou d’embryons… les questions de clonage humain, des cellules souches, de diagnostic prénatal ou préimplantatoire et de l’euthanasie ont franchi la limite des questions embarrassantes pour la morale religieuse. Elles sont devenues objets de réflexion de la bioéthique à cause de leur potentiel eugéniste.
Un quart de siècle après la création en France d’un Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), quelles évolutions et quelles lumières dans la conscience des citoyens et chrétiens que nous sommes? Quel impact ces questions ont-elles pour les citoyens et chrétiens de cultures non occidentales ; et au sein même de la culture occidentale, entre différentes couches de la société ?
N’étant ni biologiste ni médecin, je ne vais pas m’attarder sur le côté purement scientifique de toutes ces questions majeures pour l’avenir de notre société. Ma démarche fondamentale est d’ordre philosophique, théologique et historique. Celle du psalmiste qui se demande : « Qui donc est l’homme ? A quoi est-il appelé ? Jusqu’à quelle limite faut-il soulager la souffrance ? Où risque de nous emmener la science sans conscience ? En quoi la religion est-elle un bouclier ? En quoi peut-elle devenir un obstacle ? Pourquoi nos actes vitaux sont-ils appréciés différemment suivant qu’on est riche ou pauvre ? Plus instruit ou moins instruit ? Suivant qu’on est né en chine ou en France, En Argentine ou au Kenya, au Cameroun ou au Congo ?
J’ai divisé mon exposé en trois parties :
*Dans la première partie, je voudrais vous parler de ce qui fait l’homme depuis qu’il est homme : La culture et la religiosité.
*Dans la seconde partie, je voudrais vous parler de ce que fait l’homme pour répondre à toutes ces questions vitales et pour se stabiliser : Les religions et les sciences.
*Dans la troisième partie, je voudrais vous parler de ce qu’est l’homme et ce qu’il devient, après la maîtrise de la vie grâce aux développements de la science et de la technique :
La conscience (la morale dans la science).
I. CE QUI FAIT L’HOMME : LA CULTURE ET LA RELIGIOSITE
Quand tu ne sais plus où tu vas, retourne-toi, regarde d’où tu viens. Ce proverbe éthiopien a été repris par Régis Debray qui écrit ceci : « Connaître ses racines, permet de voyager l’esprit tranquille et les yeux bien ouverts ».
En effet, les philosophes existentialistes du 19ème et 20ème siècle (Martin Heidegeger et Sorein Kierkegaard en Allemagne ; Jean-Paul Sartre et Gabriel Marcel en France,) ont défini l’homme comme étant « l’être jeté dans la nature – le da sein ». Jeté comme un grain ou comme un plant, il prend racine au contact de l’humus, la terre, la chair... Il devient un être de culture au sens agraire, mais surtout au sens intellectuel et spirituel à partir des structures sociales et des manifestations artistiques. A la différence de l’animal qui n’est qu’humus et amas de chair, la culture fait de l’homme un être rationnel et insatiable de religiosité. Religiosité étant entendue comme disposition pour les sentiments religieux en dehors de toute religion particulière.
A l’instar de l’agriculture, culte et culture procèdent d’un même verbe latin, colere, qui veut dire développer avec soin, prendre souci, faire honneur. La culture peut donc se définir comme ‘ce qui reste d’un culte quand nous ne le pratiquons plus.’ Dans ce sens, les racines fondamentales de l’homme sont la culture et la religiosité.
L’homme est un animal cultuel et culturel. La culture est la meilleures des choses qui restent quand on arrête de pratiquer le Culte. Le professeur Jean-Michel Djian le faisait encore remarquer récemment dans un article dans ouest France du 18 juillet 08 : « A l’heure où les nouvelles générations ont définitivement intégré, dans leur pratique sociale, la consommation de musique et d’images enregistrées, l’idée de se rassembler physiquement dans un festival semble se confondre avec celle de la « communion », d’une quête collective de sens ou d’altérité que rien n’arrête… » Il cite un philosophe laïque, Marcel Gauchet qui écrivait dans Les Cahiers de la Musique d’octobre 2006 que
« pour beaucoup de gens, aujourd’hui, la vie dans l’art est un moyen de vivre religieusement sans se l’avouer. » Sinon, comment expliquer la troublante coïncidence entre l’origine de nombreux festivals avec des périmètres régionaux à fortes pratiques religieuses ? A commencer par Avignon où, dès 1945, Jean Vilar trouve le moyen d’installer l’emblématique festival de théâtre au cœur même du Palais des Papes. Sait-on que la Bretagne est la première terre festivalière rapportée au nombre de ses habitants ? Si le spectacle et le patrimoine n’ont plus guère de rapports avec la fièvre spirituelle d’antan, il est intéressant de constater que la seule la fraicheur des églises n’explique pas l’engouement du public estival pour les manifestations toujours plus nombreuses qui s’y déroulent… La culture occupe la place, récupérant au passage, comme de rien n’était quelque poussière du prestige d’une gloire passée… L’ancien ministre des affaires culturelles gaulliste, André Malraux, qui, dans les années 1960, disait vouloir installer, dans chaque département, des «cathédrales de la culture ? »
C’est à partir de ces deux fondamentaux, culture et religiosité, que se sont développées progressivement l’idée de la politique en tant que l’art de gérer les affaires de la communauté et celle de la civilisation en tant que culture de l’esprit (instruction et éducation). Selon une certaine conception, la religion elle-même représente la dimension transcendante de la culture et donc son âme. Toutes les deux sont dépendantes et tributaires de leur environnement géographique et sociologique. Elles diffèrent donc selon qu’on est plus ou moins instruit, plus ou moins riche, né en Asie, en Europe ou en Afrique…
II. CE QUE FAIT L’HOMME : LES RELIGIONS ET LES SCIENCES
Les actes culturels et cultuels concrets que pose l’homme deviennent eux-mêmes aussi tributaires de cet environnement géographique, social et économique. Dès lors, la religiosité s’extériorise en religions au pluriel, l’instruction et l’éducation génèrent les sciences et développent de la technique.
A. Recours aux religions.
Plus l’homme progresse, plus il se pose des questions, plus il cherche la réponse aux énigmes cachées de la condition humaine qui troublent profondément son cœur : qu’est-ce que l’homme ? Quels sont les sens et but de la vie ? Quelle est la voie pour parvenir au vrai bonheur ? Pourquoi la souffrance ? Pourquoi la mort ? Comment venir à bout de la souffrance, comment vaincre la mort… ? Toute réponse appelle une nouvelle question.
Confronté en permanence à ce qui divise et casse l’harmonie (diabolon – diable), et l’éloigne du bonheur, l’homme cherche en permanence ce qui relie le visible et l’invisible, l’extérieur et l’intérieur. C’est le recours à la religion, du latin religere. Cette recherche a des moments de haute et de base intensité suivant des époques et du vécu le l’homme.
C’est cette évidence qui avait fait dire à Malraux, en 1955 que « le problème capital de la fin de siècle sera le problème religieux.» Cette prophétie paraissait utopique devant l’effondrement de la foi et de la piété dû au mouvement de la sécularisation et au développement des sciences exactes, avec leur technologie bouleversante. L’actualité lui donne pourtant raison. Plus le technique pénètre les secrets de la vie et de l’univers, plus la religiosité s’accroît, plus aussi les religions se multiplient à travers le monde.
Une étude faite en 2005 dénombre 9900 religions distinctes sur la planète, un nombre qui augmente de deux ou trois nouvelles religions par jour. Dans cette recrudescence, il y a un basculement du centre de gravité du monde chrétien du Nord au Sud où les églises indépendantes, les pentecôtismes et même les grands mouvements charismatiques s’étendent très rapidement. En octobre 1999, Odon Vallet, historien des religions, écrivait : « Dieu a changer d’adresse. » Avec 1,7 milliard de baptisés, le christianisme demeure la première religion mondiale ; le nombre de chrétiens progresse parallèlement à la population de la planète. La bonne implantation du christianisme dans les régions à forte natalité, (Asie, Afrique, Amérique latine) compense son déclin en Europe.
Le redéploiement du christianisme est spectaculaire. En 1939, les premiers pays catholiques du monde étaient la France, l’Italie et l’Allemagne (qui avait annexé l’Autriche). Aujourd’hui, ce sont le Brésil, le Mexique et les Philippines. Le premier pays protestant du monde (les Etats-Unis étant le premier en 1939) est désormais le Nigeria, à égalité avec l’Allemagne. Et la majorité des anglicans sont des Noirs (d’Afrique, d’Amérique ou d’Océanie).
Ce redéploiement du christianisme n’exonère pas les nouveaux croyants des leurs anciennes attitudes et caractéristiques tributaires de l’environnement socioculturel, géographique et historique dans lequel ils se trouvent. Les études faites par les sociologues et historiens des religions, notamment celles de Mircea Eliade, révèlent trois attitudes de foi fondamentales :
La convocation, attitude qui consiste à ‘interpeller’ son dieu par tous les moyens, y compris par la magie, pour résoudre les problèmes des hommes, tout de suite. C’est l’attitude des religions dites animistes en Afrique, en Amérique, en Australie et même en Asie. Les personnages clés sont le guérisseur, le médium, le devin, le chaman, le prêtre, le sorcier ou la sorcière.
L’invocation qui consiste à ‘s’abstraire’ des soucis de ce monde par des exercices de mortification, surtout par l’ascèse, afin d’atteindre au plus tôt le ‘nirvana’ (extinction, destruction du désir et de la souffrance, qui met un terme à la transmigration). C’est l’attitude des religions orientales d’origine indienne : l’hindouisme, le bouddhisme et leurs ramifications.
L’évocation qui consiste à ‘faire mémoire’ d’un Dieu partenaire de l’homme, un Dieu en chemin avec les hommes, un Dieu qui se fait homme. C’est l’attitude des religions d’origine sémitique, judaïsme, christianisme et islam où la figure du prophète charismatique est centrale, non pas comme référence absolue, mais comme instrument par lequel Dieu révèle sa volonté. La révélation se fait dans l’histoire de ce monde et dans
l’acceptation de la matière comme essentiellement bonne. Le monde est bon mais pécheur. Il faut chercher sa rédemption et sa transformation.
L’approfondissement fait par des études complémentaires montre qu’il y a, d’une part, dans les religions d’invocation des attitudes de convocation et d’évocation, et vice versa, et d’autre part, avec la mondialisation, des croyants culturellement liés à une attitudes donnée se convertissent à une religion liée à une autre attitude. Il se produit tout naturellement en eux un effort d’inculturation au travers d’une synchronisation des valeurs spirituelles et des rites cultuels.
Le schéma ci-dessous résume ces trois attitudes fondamentales.
B. Recours aux sciences et aux idéologies philosophiques
Le paradoxe de l’engrainage ascensionnel et conflictuel entre diabolon et religare est que chaque réponse trouvée appelle une nouvelle question. Chaque lien appelle une nouvelle séparation. D’où la nécessité d’un troisième élément : le sumbolon étymologie du mot « symbole » qui renvoie à un objet qu’on à séparé en plusieurs morceaux et dont la réunion des pièces offre un signe de reconnaissance.
C’est au travers des jeux spirituels du diable, de la religion et du symbole que naît l’alchimie, cette science occulte qui a connu un grand développement du 12ème au 18ème siècle et précurseur de la médecine moderne. C’est déjà dans l’intuition du symbole que sont nées les sciences comme la géométrie (v.1050-725 av. J.-C.), l’astrologie comme art divinatoire, qui développera l’astronomie comme science…
Le 19ème et 20ème sont les siècles de l’éclosion progressive des sciences humaines, des sciences de la vie et de la santé… siècle du grand développement de la technique. Ils sont loin les temps de la métaphysique et de la théologie. Auguste Comte avec sa philosophie positive (1830-1857) inaugure l’ère de la sociologie, Karl Marx fustige la religion, opium du peuple, il élabore le matérialisme scientifique c’est-à-dire la théorie scientifique de toutes les sciences sociales…
Friedrich Nietzsche proclame la mort de Dieu, établit sa philosophie de la volonté de puissance…Freud Sigmund, médecin autrichien, fonde la psychanalyse sur la base qu’à l’origine des troubles névrotiques se trouvent dans les désirs oubliés en rapport avec le complexe d’Œdipe, et qu’ils sont inconciliables avec les autres désirs ou avec la morale. Que ces désirs refoulés continuent à exister dans l’inconscient mais ne peuvent faire irruption dans la conscience qu’à condition d’être défigurés….
Jean-Paul Sartre affirme la liberté de l’homme sans Dieu… L’archéologie biblique, de son côté, confirme et/ou infirme certaines vérités bibliques considérées jusque là comme inattaquables…Les soixante-huitards enterrent toute référence à la morale : « il est interdit d’interdire », Armstrong pose les pieds sur la lune, petit pas pour l’homme, grand pas pour l’humanité… Le développement de la technique prend un grand essor…Les progrès dans le domaine des sciences de la vie dote les êtres humains d’un nouveau pouvoir pour améliorer la santé et contrôler les mécanismes de développement de toutes les espèces vivantes : recherche des cellules souches, tests génétiques, clonage…
Le 20ème siècle aura été le siècle de la vitesse, des records et de l’individualisme : téléphone, télévision, avions supersoniques, formule1, autoroutes, Internet, I phone, le TGV est 380km/h, la maturité précoce des nourrissons… Que dire du 21ème siècle vieux de 8 ans ? Faut-il plus de « radars » pour nous obliger à lever le pied ? Je suis jeune chercheur croyant, chrétien et prêtre. En interprétant les paramètres que présente l’évolution du monde dans certains domaines scientifiques et sociologiques, ma thèse va dans la confirmation de la prophétie de André Malraux que j’ai précédemment cité.
C. Besoin de merveilleux
Plus la science progresse, plus l’homme a besoin de rêves et de mythes. Plus le monde devient codé, plus nous cherchons à lui redonner son aura magique. Tel est le grands paradoxe de notre ultra modernité : l’être humain a autant besoin de raison que d’émotion, de science que de mythe, d’arguments que de symboles, tout simplement parce qu’il n’est pas qu’un être de raison, il est aussi spirituel. Voilà ce qui redonne raison à Malraux.
L’homme redevient un être mystérieux. Il se relie au monde par son désir, sa sensibilité, son cœur, son imaginaire aussi bien que par la science. Il se nourrit de rêves autant que d’explications logiques, de poésie et de légendes autant que de connaissance objective. Le psychiatre suisse, Gustav Carl Jung (1875-1961), proche disciple de Freud, avait déjà donné l’explication de ce phénomène il y a un demi-siècle.[Psychologie et religion ; Psychologie et alchimie]
La tentative du ré enchantement du monde auquel nous assistons aujourd’hui s’explique par le fait qu’il à été désenchanté par le scientisme européen hérité du 19ème siècle. On a cru pouvoir éradiquer le part irrationnelle de l’homme et tout pouvoir expliquer selon la logique cartésienne. On a méprisé l’imagination et l’intuition. On a relégué le mythe au rang de fable pour enfant. C’est cela qui explique les succès littéraires et cinématographiques de la dernière décennie : Harry Potter, Da Vinci Code, le Seigneur des Anneaux, l’Alchimiste… Ou le documentaire de Simcha Jacobovici sur le chantier au sud de Jérusalem, à Talpiot où il prétend retrouver le tombeau de Jésus et le reste de son corps dans les ossuaires. Toute cette littérature et documentaires cinématographiques répondent au besoin de merveilleux qui caractérise l’homme de cette fin du 20ème siècle.
Frédéric Lenoir dit justement que les Eglises chrétiennes ont en partie emboîté le pas à la critique rationaliste. Elles ont privilégié un discours dogmatique et normatif – faisant appel à la raison – au détriment de la transmission d’une expérience intérieure – liée au cœur – ou d’une connaissance symbolique qui parle à l’imaginaire.
III. CE QUE DEVIENT L’HOMME : UNE CONSCIENCE
A. Intérêt pour ce qui est mystérieux
Lorsque Malraux, l’ancien ministre de la culture du générale de Gaulle fait allusion au retour du religieux : « le problème capital de la fin du siècle sera le problème religieux », il n’entendait pas un retour massif dans nos églises, temples ou mosquées, il attendait l’avènement d’une religiosité, c’est-à-dire d’une spiritualité aux couleurs de l’homme, une spiritualité qui est peut-être en germe, mais qui est encore bien étouffée en ce début du 21ème siècle par la fureur du choc des identités religieuses traditionnelles.
L’homme est de nature religieux, il aspire à redevenir une conscience. Le philosophe Spinoza disait déjà de lui-même : « je suis une conscience parce que mon esprit et mon corps sont de nature différente. »
Frédéric Lenoir pense qu’il ne faut pas que les Eglises et institutions religieuses aient peur de l’engouement pour les œuvres comme Harry Potter, les œuvres de Dan Brown ou les découvertes des archéologues bibliques. Il n’est que le reflet d’un désir profond refoulé.
Les lecteurs de Dan Brown sont essentiellement des chrétiens qui vont chercher dans ces polars ésotériques la part de mystère, de mystique et de symboles qu’ils ne trouvent plus dans leurs églises. Les fans du Seigneur des Anneaux, comme les lecteurs assidus de Bernard Weber, sont bien souvent de jeunes adultes qui ont une bonne formation scientifique et technique, mais qui sont aussi en quête d’univers féeriques s’inspirant d’autres mythologies que celles de nos religions avec lesquels ils ont pris de sérieuses distances. Les Eglises devront saisir la balle au bond pour se remettre elle-même en question et approfondir leur enseignement moral et théologie.
Les lecteur du Da Vinci code peuvent se laisser émouvoir par la magie romanesque et par celles des grands mythes de l’ésotérisme (le secret des Templiers…), sans prendre pour argent comptant les thèses de l’auteur et réfuter la connaissance historique au nom d’une théorie du complot totalement fictive. Autrement dit, tout est une question de juste équilibre entre désir et réalité, émotion et raison. L’homme a besoin de merveilleux pour être pleinement humain, mais ne doit pas prendre ses rêves pour la réalité. (Le monde des religions, juillet-août 2005 n°12)
C’est dans cette perspective qu’il faudra aussi comprendre la naissance de la bioéthique en tant que recherche de normes morales applicables aux sciences du vivant, y compris la médecine. L’homme devient par ce moyen, la conscience de l’humanité et de l’univers à partir de sa propre science qui peut les détruire comme elle sait les construit.
B. Naissance de la bioéthique
La science en elle-même n’a pas pour tâche de définir les valeurs humaines. Elle doit être confrontée aux autres sciences, notamment aux sciences humaines, et l’homme en tant que conscience (avec la science), doit aborder la question du sens et des conséquences des progrès scientifiques et technologiques. Les années 1980 ont été sur ce point, des années de réveil de cette conscience hibernée pendant les siècles de Lumières.
La bioéthique est une partie de l’éthique. Le terme « éthique » provient du grec êthos qui, comme le latin mores, renvoie au comportement, aux mœurs. Il s’agit donc, au sens strict, des comportements qu’il faut avoir dans le domaine des sciences de la vie et de la santé. De plus, la bioéthique a vocation à être pluridisciplinaire, puisque sa portée s’étend aussi bien à la médecine et à la biologie qu’à la philosophie, au droit, à la théologie, etc.
Depuis 1982, avec la première naissance par Fivete (fécondation in vitro et transfert embryonnaire), la question de l’assistance médicale à la procréation est devenue l’un des premiers objets de réflexion de la bioéthique, à cause de son potentiel eugénique. C’est ainsi qu’est né en France, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) créé en 1983.
En plus de la FIV, il y a la contraception, l’avortement, le don de gamètes ou d’embryons, l’hypothèse d’une gestation de l’embryon humain par des espèces non humaines, les questions de clonage humain, le diagnostic prénatal ou préimplantatoire et thérapies géniques, l’eugénisme (stérilisation d’handicapés mentaux et de personnes à risque génétiques…, statut juridique de l’embryon et du fœtus, lié à la dignité de la vie humaine, qui sont aujourd’hui des questions de fond qui nous préoccupent et reposent la question de la morale dans la science.
C. La morale dans la science
* « Pour éviter la guerre, il faut commencer par définir le sens des mots. » ( Conficius, dictionnaire des citations)
Les moralistes définissent aujourd’hui l’homme comme cet être mystérieux qui connaît la vérité des autres êtres mais qui a du mal à accepter sa propre vérité.
La science n’est pas une œuvre angélique, elle est humaine et pour le bien matériel de l’homme. Or l’homme n’est pas que matière, il est aussi esprit. En lui, il y a ce qui va avec la science : c’est la conscience. Ce qui heurte son esprit lui revient en rebond sur la figure. C’est cela qui a fait dire à Rabelais que «la science sans la conscience n’est que ruine de l’âme » et à Albert Einstein que la science sans la religion est boiteuse, la religion sans la science est aveugle »]
S’il y a une loi innée dans l’homme, c’est le « Tu ne tueras pas », disait Emmanuel Levinas. Cette loi lui rappelle en permanence que « Tout ce qui est matériellement et techniquement possible n’est pas nécessairement bon pour la personne qui le subit ou la société qui l’autorise ». D’où la nécessité impérative de la morale dans la science.
Depuis 1983, biologistes, médecins, philosophes, théologiens et juristes travaillent ensemble sur le projet interdisciplinaire de la bioéthique afin d’approfondir les questions délicates et complexes liées aussi bien au développement du Projet Génome Humain et d’autres recherches fondamentales sur l’identité, la localisation, l’hétérogénéité et la mutabilité des gènes constituant le patrimoine héréditaire de l’homme, qu’aux potentialités diagnostiques, thérapeutique et biotechnologiques des acquisitions scientifiques et des progrès technologiques dans le domaine de la génétique moléculaire.
Ces travaux ont pour but de contribuer à une conscience plus profonde de la valeur de la vie, en particulier à travers le dialogue avec des experts dans les disciplines biomédicales, morales et juridiques. Le génome humain n’a pas seulement une signification biologique, il est porteur d’une dignité anthropologique qui a son fondement dans l’âme spirituelle qui l’imprègne et le vivifie.
C’est pour respecter cette dignité anthropologique que l’Eglise catholique, notamment, s’inscrit pour une société où les connaissances scientifiques offrent les possibilités qu’elles peuvent pour le bien de la personne, dans le cadre de la prévention, du diagnostic et de la thérapie des maladies à base génétique, si elles se révèlent praticables et sans risques démesurés pour les patients eux-mêmes et pour leurs enfants.
Par contre, est inacceptable au plan moral, - parce qu’en opposition avec la dignité et l’égalité inaliénables de tous les êtres humains et avec la justice sociale, - tout emploi de la connaissance issue de recherches sur le génome humain et tendant a stigmatiser ou a discriminer les personnes qui portent des gènes pathogènes ou susceptibles de développer des maladies déterminées. C’est cela qui a provoqué la récente polémique autour du Téléthon.
D. Les catholiques face à leur Conscience : de l’interdit à l’éthique
Je voudrais finir cette conférence par des cas pratiques et précis où en dépit des évolutions de la technique, l’homme se souvient toujours qu’il est une conscience. Cas pour lesquels l’Eglise s’inscrit pour une société qui ne doit pas avoir pour vocation, d’organiser la mort, la mort de personne : celle de l’enfant à naître, celle du grand malade en phase terminale, celle des vieillards en fin de vie, comme l’a souligné fortement André cardinal Vingt-trois dans son discours d’ouverture de la CEEF du 01 avril à Lourdes.
La société n’a pas la vocation de modifier à volonté les génomes humains. J’ai eu l’occasion d’écouter le professeur Marie-Odile Réthoré qui a été la collaboratrice du grand professeur Jérôme Lejeune, sur le thème : « La bioéthique au service de la naissance : un chemin de crête ». Tout en insistant qu’on n’a pas le droit de juger quelqu’un qui est en souffrance, Marie-Odile Réthoré veut qu’on comprenne qu’en science tout comme en justice, l’erreur est possible. Tout n’est pas génétique, tout n’est pas équité.
Dans ce sens, l’Eglise qui est pour la vie, ne pourrait être contre la science et les techniques. En ce qui concerne le diagnostic prénatal, l’Eglise dit qu’ « à cause de la complexité des techniques du diagnostic prénatal, leur évaluation morale doit être faite avec beaucoup de soin et une grande rigueur. Ces techniques sont moralement licites lorsqu’elles ne comportent pas de risques disproportionnées pour l’enfant et pour la mère, et qu’elles sont ordonnées à rendre possible une thérapie précoce ou encore à favoriser une acceptation sereine et confiante de l’enfant à naître » (JPII, L’Evangile de la vie)
Déjà en juillet 68 avec l’Encyclique Humanae vitae qui déclare illicites les moyens artificiels de contraception, les évêques de France par la lettre pastorale du 8 novembre 68, montraient combien l’Eglise reste à l’écoute des chrétiens en réelle difficulté et dans la nécessité de faire usage de ces moyens artificiels : « La contraception ne peut jamais être un bien, disait les évêques de France. Elle est toujours un désordre, mais ce désordre n’est pas toujours coupable. Il arrive en effet que des époux se considèrent en face de véritables conflits de devoirs »
Les évêques renvoyaient discrètement les catholiques à leur conscience. S’interroger sur la contraception est une démarche éthique avant d’être religieuse, affirme le théologien Xavier Lacroix.
L’Eglise n’a jamais été contre la science et les progrès de la technique, l’Eglise est et sera toujours contre la mauvaise volonté et le désir cupide de ceux qu’on appellerait aujourd’hui les IBR : Intelligents, Beaux et Riches. On veut l’amour pas l’enfant ; On veut l’enfant pas la gestation ; On veut la gestation pas la souffrance de l’enfantement ; On veut un garçon et pas une fille… Autant de sélections et de discriminations pour un monde idéal… Le monde idéal n’existe pas et on ne saurait le faire exister à coup de sections surnaturelles.
Certains de ces IBR militent aujourd’hui dans l’association pour le droit de mourir dans la dignité DMD. Sans m’attarder sur le cas de Vincent Humbert et tout récemment celui du jeune Remy Salvat, je ne vous apprends rien en disant que c’est l’ADMD qui s’est emparée de la situation de Chantal Sébire retrouvée morte le 19 mars 2008. Son objectif principal était de relancer le débat sur la légalisation de l’euthanasie, contre la loi Leonitti votée à l’unanimité par le Parlement le 22 avril 2005.
Un cortège de bons et loyaux services s’est empressé autour de la pauvre Chantal Sébire, non pas pour l’aider vraiment, mais pour leur propre cause : Le Dr Bernard Senet qui a accepté de l’aider à mourir si la justice le permettait est membre actif l’ADMD ; Me Gilles Antonowicz qui a accepté d’être son avocat est vice-président de l’ADMD ; Jean-Luc Romero qui s’est fait son porte parole est le président l’ADMD… Les médias s’y sont mêlés à grande pompe… On comprend que la manipulation ne fait plus aucun doute. Est- c’est cela que voulait vraiment Chantal Sébire ? N’a-t-elle pas été instrumentalisée ? Paix à son âme !
Les uns après les autres, les pays européens légalisent l’euthanasie et les médias profitent des affaires pour relancer le débat. Actuellement, en France, une proposition de loi visant à légaliser l’euthanasie circulerait parmi les parlementaires. Députés et sénateurs subissent, depuis plusieurs semaines de lourdes pressions de la part du lobby de l’euthanasie. Mais, la première question est d’abord de développer les soins palliatifs et de continuer à combattre la douleur et la souffrance, et beaucoup reste à faire en ce domaine, malgré l’aspect positif de récentes déclarations gouvernementales. Tout l’enjeu est l’accompagnement de la fin de la vie, quelque chose peut toujours être fait pour quelqu’un qui souffre, pour soulager, accompagner l’angoisse, prendre soin. Mais une société, qui veut éradiquer la souffrance, en vient très vite à éradiquer les souffrants. Le Cardinal autrichien Christoph Schönbon disait récemment à la télévision : « L’Europe a dit trois fois non à son propre futur (non à « Humanae Vitae dans la foulée de mai 68 ; non à la vie en votant les lois sur l’avortement en 1975. Elle s’apprête à dire un troisième non à la vie avec les menaces qui pèsent sur la famille) … Ceci n’est pas d’abord une chose morale ; c’est une question de faits : l’Europe meurt pour avoir dit ‘non à la vie’ »
Mercredi 9 avril 2008, Lydie Debaine qui avait reconnu avoir tué sa fille unique, handicapée motrice cérébrale de 26 ans, a été acquittée par la cour d’assises de Val-d’Oise. Elle était accusée d’avoir donné plusieurs cachets d’anxiolytiques à sa fille avant de la plonger dans une baignoire pour la noyer le 14 mai 2005.
Sans méconnaître la situation dramatique de Mme Debaine, son profond désarroi et sa grande souffrance, il semble que le ministère public avait le devoir, dans le souci de l’intérêt général, de requérir l’application de la loi et la condamnation de l’accusée. Je crois que psychologiquement et moralement, cette condamnation aurait pu aider Lydie à faire son deuil et à soulager sa conscience. Les déclarations de son avocate posent quand même beaucoup de questions sur l’infanticide des handicapés et des nouveau-nés handicapés : mettre à mort un handicapé par amour n’est donc pas un crime !!! « Cet acquittement, disait-elle, ne doit pas être interprété comme un permis de tuer, mais comme la reconnaissance d’un acte juste, d’un acte d’amour ».
Le procureur général de la cour d’appel de Versailles, Jean-Amédée Lathoud qui fait appel à la décision dit : « ce verdict d’acquittement pourrait (…) être compris comme un encouragement à l’atteinte volontaire à la vie des handicapés qui méritent notre protection et notre soutien ».
Le collectif des Parents contre l’Handiphobie a lui aussi exprimé son inquiétude et même son angoisse face aux doutes que les applaudissements à l’annonce de l’acquittement de Mme Debaine distillent dans notre société. Il appelle à un sursaut des consciences : « Sans vouloir peser davantage sur les épaules de cette mère, nous regrettons que cet acquittement lance un message ambivalent dans un contexte où les personnes lourdement handicapées et dépendantes ont besoin d’être rassurées sur les intentions de la société à leur égard ? Cette décision enfonce chacun de nous dans sa part d’ombre. Un sursaut est nécessaire pour ne pas glisser dans la confusion (…) Nous parents d’enfants handicapés, nous avons besoin d’un message fort de la société qui nous rappelle que toute vie, même affaiblie, a du prix à ses yeux »
Il en est de même pour le cas des parents qui attendent un enfant qui s’annonce différent : trisomie 21 ou 18… Michel Aupetit qui est professeur d’éthique médicale à l’université de Créteil dit avoir accompagné une femme, qui après avoir avorté d’un enfant handicapé, a fini par adopter une petite fille trisomique, dont Michel Aupetit est le parrain…
Aujourd’hui dans des crématoriums des hôpitaux de France : 220 000 fœtus sont incinérés chaque année, souvent parce que les parents ont voulu avoir un garçon… l’enfant attendu serait handicapés…la mère mineure à qui ont a conseillé le préservatif est quand même tombée enceinte…Cette pollution, personne n’en fait cas…
Des chiffres sont accablants :
- Dans l’Union Européenne, un avortement toutes les 27 secondes, 133 à l’heure ;
L’avortement est la première cause de mortalité en Europe.
- Dans l’UE, un mariage se rompt toutes les 30 secondes. Entre 1980 et 2006, le nombre de mariages a diminué de plus de 737000, une perte de 23,9%.
- Sur 5 209 942 naissances, 1 766 733 se sont produites en dehors du mariage, soit 50,5% ; 80% de la croissance démographique est due à l’immigration ; en 2006, le taux de fécondité était de 1,56 enfant par femme. En Allemagne, aujourd’hui, 100 parents ont 64 enfants et 44 petits enfants ; en deux générations la population allemande hors immigration diminue de moitié.
- Les foyers européens sont de plus en plus solitaires : dans l’UE, un foyer sur 4 compte seulement une personne.
- Le Parlementaire britannique vient d’autoriser les chercheurs à réaliser des embryons hybrides humains-animaux ; ils pourront ainsi transférer des cellules humaines dans des ovocytes animaux desquels a été retiré leur ADN de façon à disposer de cellules souches pour la recherche, cellules qu’ils seront cependant tenus à détruire avant le 15ème jour de vie. L’union homme-animal, même se elle n’est pas sexuelle, représente une horreur qui a toujours été le plus fermement condamnée. Rompre cette barrière ouvre la porte à des monstruosités qui peuvent se révéler lourdes de conséquences pour l’humanité tout entière.
Depuis l’affaire de l’Arche de Zoé, en Afrique on ne comprend pas le contraste entre 220 000 I.V.G. en France et la présence de près de 10 000 couples Français qui se bousculent aux portes de l’Agence Française pour l’Adoption (A.F.G.)
Cf. : rapport de Jean-Marie Colombani.
Certes que toutes ces situations ‘hors norme’ désemparent les familles : ce n’est pas l’enfant qu’ils attendaient ; ce n’est le visage qu’ils aimeraient avoir ou la condition de vie qu’ils auraient aimé vivre… C’est pourquoi le dialogue avec les premières personnes qu’ils voient a un rôle très important dans la décision à prendre. La vraie question, c’est pourquoi une telle décision peut être prise ; pourquoi une société riche comme la nôtre n’est pas capable d’accueillir la vie, même dans des situations de détresse. On ne résout pas le problème en supprimant le malade. Comme l’interruption est possible, on ne recherche pas d’autres solutions.
De toutes les façons, dans tous ces différents cas, ce que l’on juge, ce ne sont pas les personnes, ni même une situation. On juge un acte : quelles que soient les raisons de l’avortement ou de l’euthanasie, quelle qu’en soit la manière, il n’en reste pas moins qu’une vie est arrêtée. Cependant, même si l’acte est mortifère pour l’enfant, le vieillard ou la personne en fin de vie et pour celui qui l’accomplit, la personne est accueillie par la miséricorde de Dieu. Il n’y a pas d’acte qui coupe de l’Eglise définitivement
L’Eglise s’inscrit pour une société où la liberté de conscience est non seulement affirmée formellement, mais encore qu’elle soit effectivement possible et respectée dans les domaines de la recherche comme dans les services de soins qui visent à soulager la souffrance autant que possible, une société des IBS : Intelligents, Bons et Sages où la science ne devient pas avec l’argent maîtres de la vie, mais serviteurs de la vie.
Depuis vingt siècles, L’Eglise vole au secours des malades et des mourants, des faibles, des pauvres, des handicapés, des exclus de nos sociétés. En face l’ADMD, l’Eglise soutient l’ADV (association pour le droit de vivre).
Pour un chrétien conscient, rien n’est plus décisif pour la vie et pour la vraie dignité de l’homme que les questions d’éthique fondamentale. Toute vie doit être respectée et aimée. Tout homme est une histoire sacrée, l’homme est l’image de Dieu. Comme le soulignait Jean-Paul II à Sienne en 1980, vouloir « tuer l’enfant dans le sein de sa mère, c’est vouloir supprimer directement l’humanité elle-même » Le premier droit de l’homme, c’est le droit d’exister.
J’aurais encore beaucoup de choses à dire, mais nous devons préserver du temps pour que, vous aussi, vous puissiez parler dans cet échange sur l’actualité. Emmanuel Mounier disait que « devenir une personne, c’est être capable de prendre la parole dans l’espace public et de témoigner. » Ce que je voudrais demander aux chrétiens et tous les hommes de bonne volonté ce soir, c’est d’avoir le courage de devenir des « personnes ».
Je voudrais remercier, pour terminer, toutes les familles qui disent oui à la culture de la vie, leur témoignage est sans prix et portera du fruit. Quelle joie de rencontrer de telles familles où les enfants sont autant de dons de Dieu accueillis comme fruits qui unit les parents. Sans la famille, sans le « oui à la vie », il y a de futur ni pour la société, ni pour l’Eglise. Culture, Religion et Science n’ont de raison d’être que pour la vie.
Merci pour votre attention.
mercredi 12 novembre 2008
1
UNIVERSITE LILLE III – CHARLES DE GAULLE
ECOLE DOCTORALE TESOLAC
Temps et Soci.t., Langues et Culture .
Institut F.d.ratif de Recherche en Histoire des Religions
THESE
Pour obtenir le grade de
Docteur en histoire des religions et analyse des ph€nomnes interculturels
Pr€sent€e et soutenue publiquement par
DAVID NOMANYATH MWAN-A-MONGO
Le 18 mai 2005
LES EGLISES DE REVEIL DANS L’HISTOIRE DES RELIGIONS
EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO.
Questions de dialogue oecum.nique et interreligieux.
DIRECTEUR DE THESE :
Monsieur Jean MARTIN
Professeur €m€rite l’Universit€ Lille III - Charles de Gaulle
JURY
Monsieur Jacques PREVOTAT
Professeur l’Universit€ Lille III - Charles de Gaulle
Monsieur Isidore NDAYWEL . NZIEM
Professeur l’Universit€ Paris VIII, consultant international
Monsieur Mike SINGLETON
Professeur l’Universit€ Louvain-La-Neuve (Belgique)
2
Avant-propos et remerciements.
"Les religions et la mondialisation" est un des th€mes parmi les plus actuels dans
les dbats au sein des facults de thologie, de sciences religieuses et d'histoire des religions.
Beaucoup de personnes dans mon entourage n'ont cess, en ce sens, de poser la question de
l'identit de mon sujet de th€se dans son rapport . la thologie, . mon identit propre et au
regard de la la.cit de l'Universit Charles-de-Gaulle-Lille III.
Philippe Borgeaud et Christian Duquoc, respectivement historien des religions et
thologien, dans leurs livres intituls "Aux origines de l'histoire des religions" et "La th€ologie
en exil. Le d€fi de sa survie dans la culture contemporaine"1, donnent beaucoup de lumi€re .
cette question de l'identit des sujets religieux actuels.
D'une part, on dit aujourd'hui, dans ce qu'on appelle la "postmodernit", qu'on a le
choix. On n'est plus fix . une tradition qui monopolise le dbat religieux. "On habiterait
l'espace de la toile et de la consommation plan€taires. A moins d'appartenir un milieu
particuli.rement conservateur ou repli€ sur lui-m.me […] L'histoire des religions, n'est pas
simplement l'expos€ du d€veloppement dans le temps et l'espace de ce que nous reconnaissons
comme des religion […] L'histoire des religions a pour t.che essentielle l'analyse des faits
religieux solidaires de l'histoire. Elle s'y consacre d'autres fins que de les situer sur une
sc.ne plus ou moins g€n€alogique.[…]Dans une perspective anthropologique, j’ai tendance
croire que la science est ins€parable de la description, et que le champ de l'histoire est aussi
bien le domaine du contemporain que celui du pass€"2.
D'autre part, face au dfi indit que pose la culture moderne exacerbe par le grand
brassage des croyances qu'entra.ne la mondialisation, "les th€ologiens sont confront€s un
dilemme : ils ne sont cr€dibles que s'ils osent penser par eux-m.mes, selon la requ.te de Kant
; ils ne sont th€ologiens que par leur all€geance la foi biblique et leur fid€lit€ la tradition.
Comment articuler les €l€ments apparemment contradictoires de ce dilemme? Comment
t€moigner du souci de la v€rit€ qu'ils accueillent et argumenter en toute libert€? Comment
d€mentir l'opinion majoritaire leur €gard sans trahir la valeur ultime de la Parole de Dieu
1 Voir rfrences ci-dessous.
2 Philippe Borgeaud, Aux origines de l'histoire des religions, Paris, Ed. du seuil, 2004, pp. 16-17
3
dont la bible est le t€moin?"3. Pour l'avenir de la pense chrtienne dans la socit actuelle,
l'histoire des religions, sans supplanter la thologie ni la pousser . l'exil, est le lieu indiqu o. se
traitent dans une dmocratie d'opinions, des questions religieuses actuelles. Qui plus est, les
questions de dialogue oecumnique et interreligieux paraissent au coeur m.me des dbats
suscits par le brassage des croyances entra.n par la mondialisation. D'o. l'opportunit d'en
dbattre librement dans un forum ouvert que prsente l'histoire des religions dans un cadre
fdratif de recherche, plut.t que dans celui, inclusif et exclusif, de la thologie.
Pour ce fait, je tiens . remercier en premier lieu, le professeur Michel Hubaut de
la facult de thologie catholique de Lille qui m'a stimul, d€s ma derni€re anne de licence
canonique, . poursuivre mes recherches en histoire des religions et analyse des phnom€nes
interculturels. Ma profonde gratitude va . M. Samir Arbache qui a dirig mon mmoire de
licence canonique et . M. Daniel Dubuisson qui a dirig mon mmoire de DEA. Avec eux j'ai
fait le choix des matriaux et pos des rep€res qui m'ont conduit . la finalisation de cette th€se.
Que le professeur Jean Martin, mon directeur de th€se trouve par ces mots, toute
ma gratitude et ma satisfaction pour la mthode de travail et pour ses grandes qualits
d'homme tout court et de scientifique expriment. Je dis un tr€s grand merci aux professeurs
Jacques Pr€votat, Isidore Ndaywel et Mike Singleton qui, en dpit de leurs grandes
occupations, ont accept d'.tre mes premiers lecteurs et membres du jury.
Je voudrais exprimer ma tr€s grande reconnaissance . toutes les personnes qui
m'ont aid . rendre cette th€se comprhensible et accessible . tous. Que messieurs et
mesdames Th€rse et Pierre Barry, Agns et G€rard Buriez, Fran.oise Pecquet, Eileen et
Jean-Paul Pr€vot, Jos€ Minaku sj trouvent . travers ces mots l'expression de ma cordiale
gratitude. Merci . Marie-Fran.oise Devulder, attache de Presse aux v.chs de Lille-Arras-
Cambrai, pour toute la documentation mise . ma disposition.
Je pense en cet instant crucial . mes amis et . toutes les familles de la paroisse
Saint Jean Cassien du midi de la France. Je n'ose pas citer les noms pour ne pas en oublier un.
H€lne Ginola, je me permets de vous citer comme "coeur" de cette toile d'araigne. Merci
3 Christian Duquoc, la th€ologie en exil. Le d€fi de sa survie dans la culture contemporaine, Paris, Bayard,
2002, p. 12
4
pour toute la chaleur humaine de ces beaux temps d't. Elle restera . jamais grave dans
l'histoire de ma vie.
Je suis redevable . Mgrs G€rard Defois, Jacques Noyer et Jean-Luc Bouilleret
qui, en rponse aux demandes de Mgr Louis Mbwol, m'ont confi un minist€re pastoral . Lille
et . Pronne (Amiens). Que Mgr Faustin Mapwar pour ses visites encourageantes et son
intr.t pour mes recherches trouve ici l'expression de ma profonde gratitude.
Je remercie tr€s sinc€rement tous ceux et toutes celles qui m'ont facilit les
enqu.tes sur le terrain, notamment les anciens condisciples de la SEPRO, notre promotion de
baccalaurat . l'institut Babola de Mapangu.
Merci enfin . Adele-Deti Met et . sa fille, . mon neveu Emmanuel, . Bernadette,
Sigol€ne, Gersende et Matthieu de Jenlis. Merci aux abbs Jean-Paul Gusching, Michel
Goullieux et Nicolas Jouy. Merci . Chantal et Jean Target, . Martine et Michel Thery, .
Chantal et Dominique Fernet, . Marie-Claire et Michel Thiery, . Chantal et Claude Coulon, .
Marie-Do et Etienne Dubruque, . Agn€s et Damien Guise, . Rita et Beno.t Barloy, . Brigitte
et Claude Colombet, . Thr€se et Marcel Caron, . Arlette et Michel Lendroit, . Marie-
Thr€se Deline, . Jeanne, Francine, Rgine, Philippe, Jean-Pierre, Michel Brulin, . Alain,
Nadine, Sylvain, Sophie, Delphine et Amlie Faglain, . Marie et Michel Rombaut, .
Catherine et Jean Dervaux, . Marie-Suzanne et Jean-Fran.ois Ducatteau, . Resanne et
Guylain Maes, . Pascale et Alain Maurice, . Fran.oise et Rgis Nobecourt, . Florence et
Jean-Luc Choquet, . Bndicte et Hubert Mo.se … A toutes les familles chrtiennes et amies
du secteur du Vermandois, Merci . tous.
5
D€dicace
A la m€moire de ma petite soeur Germaine Nomanyath
Rappel€e . Dieu le 08 mars 2005.
PAIX A TON AME, Germaine!
6
. Les hommes font l’histoire, mais ils ne savent pas
l’histoire qu’ils font . (Karl Marx)
. A leur arriv€e chez-nous, les europ€ens avaient
l’€vangile et nous les terres. Aujourd’hui, c’est nous qui
avons l’€vangile et eux les terres .
( Simon Kimbangu )
7
SIGLES
- ABAKO : Alliance des Bakongo
- A.I.M.O. : Affaires Indig€nes et Main-d’oeuvre
- AFIC : Alliance des Forces Islamiques pour le Changement
- AJAK : Association des Jeunes Adeptes Kimbanguistes
- ASBL : Association Sans But Lucratif
- BMS : Baptist Mission Society
- B.O.P.R. : Bureau d’Organisation des Programmes Ruraux
- CBZO : Communaut Baptiste Za.re Ouest
- CEDI : Centre protestant d’Edition et de Diffusion
- CER : Centre d’Etudes et de Rflexion
- CERA : Centre Etudes des Religions Africaines
- CMUSC : Communaut Mthodiste Unie du Sud Congo
- C.O.E. : Conseil Oecumnique des Eglises
- CPC : Conseil Protestant du Congo
- CPZ : Conseil Protestant du Za.re
- CT : Chef des travaux
- CRA : Cahier des Religions Africaines
- DA : Dialogue et Annonce
- DC : Documentation Catholique
- DM : Dialogue et Mission
- DSP : Division Spciale Prsidentielle
- E.A. : Ecclesia in Africa
- ECC : Eglise du Christ au Congo
- ECZ : Eglise du Christ au Za.re
- EIC : Etat Indpendant du Congo
- EJCSK : Eglise de Jsus Christ par le proph€te Simon Kimbangu
- FABC : Fdration de Confrences piscopales d’Asie
- FAP : Force Arme Populaire
- FIDSN : Front Islamique Dmocratique du Salut National
8
- FIUC : Fdration Internationale des Universits Catholiques
- FOI : Fruit Of Islam
- JD : Jacques Dupuis
- JMPR : Jeunesse du Mouvement Populaire de la Rvolution
- GS : Gaudium et Spes
- LIM : Livingstone Irland Mission
- LG : Lumen Gentium
- MNC : Mouvement National Congolais
- MPR : Mouvement Populaire de la Rvolution
- NA : Nostra Aetate
- OIT : Organisation Internationale du Travail
- OMS : Organisation Mondiale de la Sant
- ONU : Organisation des Nations Unies
- PAPRA : Parti de la Protection d’Allah et son Proph€te Mahomed Roi Souverain
- PDI : Parti Dmocratique Islamique
- PDSC : Parti Dmocratique Social Chrtien
- PLC : Parti Libral Chrtien
- PRP : Parti de la Rvolution Populaire
- Rdc : Rpublique Dmocratique du Congo
- RCA : Revue du Clerg Africain
- RH : Redemptor Homini
- RM : Redemptoris Mission
- RPI : Rassemblement Politique Islamique
- SMF : Society Mission Foreign
- SCEAM : Symposium de Confrences Episcopales d’Afrique et Madagascar.
- TFC : Travail de fin de cycle
- UCRJ : Union Chrtienne pour le Renouveau de la Justice
- UNIKIN : Universit Nationale de Kinshasa
- USA : United States of America
9
* Note sur l’orthographe du mot Bantu / Bantou . :
Suivant nos sources d’information, nous crivons ce mot de deux fa.ons :
- Bantu qui est invariable. Ne s’accorde ni en genre ni en nombre.
- Bantou - Bantous - Bantoue - Bantoues : certains auteurs ont prfr franciser le mot.
* Note sur le terme . Eglises du R€veil . / . Eglises de r€veil .
Certaines de nos sources parlent de . Eglises du Rveil ., mais le sminaire scientifique qui
s’est tenu aux Facults Catholiques de Kinshasa a opt pour . Eglises de rveil .. Nous avons
adopt cette derni€re appellation pour l’ensemble de notre travail.
10
INTRODUCTION GENERALE
11
Etat de la question
L’histoire des religions en Rpublique Dmocratique du Congo est parmi les plus riches
en v.nements et les plus mouvementes de l’Afrique subsaharienne. Depuis les premiers
contacts, d’une part, avec le sultan de Mascate et Oman, sur la c.te orientale de l'Afrique au
XIV€me si.cle, et d’autre part, avec les missionnaires portugais sur la c.te occidentale au XV€me
si.cle, les religions n’ont cess de subir des mutations qui posent toujours des questions aux
historiens, aux sociologues et aux thologiens4.
A l'instar de la clbre controverse de Valladolid en Espagne au XVI €me si€cle o. la
question centrale tait de savoir si les Indiens avaient une me5, l'vanglisation en Rdc est
passe de la question du salut des mes (XVIII€me s.) jusqu'. la problmatique de l'inculturation
dclenche en 1960, par un dbat rest historique, entre les tudiants de la facult de thologie
de l'Universit Lovanium de Kinshasa et leurs professeurs, ma.tres de Louvain en Belgique,
autour de la possibilit d'une thologie africaine ou thologie de couleur africaine. Entre les
deux extrmits, l'volution de la pense missionnaire a t marque par les questions de
l'adaptation de la thologie, de l'implantation de l'Eglise et de la thologie des pierres d'attente.
Cette poque est bien rvolue.
Depuis une dcennie, les questions tournent autour du dialogue oecumnique et
interreligieux, non seulement entre les interlocuteurs classiques, mais aussi et surtout avec les
nouveaux mouvements religieux d’obdience pentec.tiste et afro-islamo-chrtienne.
En effet, si les Eglises catholique et protestantes revendiquent encore officiellement
pr€s de 80 %6 des membres de la population congolaise, leur suprmatie para.t dsormais
4 Voir les details au chapitre II : Interlocuteurs actuels du dialogue oecumnique et interreligieux. infra.
5 Voir le tlfilm qui relate la Controverse de valladolid : circonstances historiques du film en Annexe 23.
6 Voir les derni€res statistiques de la Confrence Episcopale des Ev.ques du Za.re, 1995 : 48,4% aux
catholiques, 29% aux protestants, 17,1% aux Eglises indpendantes, 3,4% aux religions traditionnelles et 1,4%
aux musulmans. Aujourd’hui, les estimations des experts locaux attribuent 30% aux Eglises indpendantes,
toutes tendances confondues.(Voir les conclusions du XVII€ sminaire scientifique de la facult d’Economie et
de Dveloppement de l’Universit Catholique de Kinshasa dont le th€me portait sur . L’Economie des Eglises
de R.veil et le d.veloppement durable en R.D.CONGO, organis. du 08 au 11 mai 2002.
Par souci d’honn.tet scientifique, nous voulons rappeler l’tat approximatif de ces statistiques de la
Confrence Episcopale de Ev.ques du Congo. Cette approximation est due, . notre avis, . deux raisons
majeures :
- D’une part, certaines Eglises, notamment les Eglises catholique et orthodoxe, recensent . partir des registres
baptismaux des paroisses. D’autres par contre, notamment les Eglises protestante et kimbanguiste, recensent .
partir de la vie de l’Eglise. Elles comptent les membres communiants assidus ou pratiquants rguliers.
12
menace par les Eglises indpendantes dont principalement celles dites de "rveil spirituel".
Elles pullulent actuellement . Kinshasa la capitale, tout comme . l’intrieur du pays.
Leur apparition en Afrique remonte aux annes 1980 et leur propagation massive au
Congo est presque lie . la dstabilisation socio-conomique et politique du pays . partir de
1990. Entre 1995 et 2000, ces mouvements charismatiques dnomms . Eglises de rveil . ont
attir un grand nombre des fid€les des religions institutionnalises (catholique, protestante,
kimbanguiste et m.me musulmane). Elles reprochent notamment aux anciennes Eglises
chrtiennes leur hermtisme, leur torpeur, voir leur sclrose par rapport aux aspirations de la
population.
Par un syncrtisme dynamique et novateur, ces nouvelles Eglises rinterpr€tent le
"christianisme des missionnaires" en l’adaptant aux valeurs africaines : ambiance festive,
valorisation du minist€re de l’exorcisme, importance capitale accorde aux pri€res de gurison,
rites et pratiques plus proches des traditions africaines. Pour elles, plus la ferveur collective et
l’motion impr€gnent la pri€re, plus les orants tombent en extase, plus l’Esprit Saint est .
m.me de se manifester et plus le travail de gurison peut se raliser. La pri€re donne des effets
quasi immdiats : vacuer les maux physiques et spirituels.
Malgr tout, ces mouvements de rveil ne semblent pas, . notre avis, dstabiliser
totalement les anciennes Eglises, catholique et protestantes, bien que la suprmatie de ces
derni€res s’en trouve un peu branle.
Entre le bapt.me et la vie chrtienne adulte, il y a une certaine inconstance . laquelle s’ajoutent le nomadisme
et le ttonnement de la plupart de croyants congolais qui passent facilement d’une communaut religieuse . une
autre ; et m.me d’une communaut purement religieuse . une communaut philosophico-religieuse.
- D’autre part, ces statistiques ignorent consciemment les communauts dites philosophico-religieuses qui,
d’apr€s les enqu.tes de 1992 reprsentent plus de 5% de la population congolaise . Outre les communauts
hindouistes, bouddhistes et tao.stes, le Congo a suffisamment d’adeptes dans les grandes sectes comme la Rose
croix, le Mahikari, le Brahmanisme, la foi Ba’hai, la Mditation transcendantale, l’Eglise de l’Unification de
Moon, le Mission de la Lumi€re Divine (Le Maharaj ji), l’Association internationale de la conscience de
Krishna, The Way International, l’Eglise de la Scientologie, le Message du Graal etc. Autant de communauts
qu’on ne peut confondre avec celles reconnues sous le label d’Eglises de Rveil. (Voir les conclusions du IV€
Colloque International du Centre d’Etudes des Religions Africaines’C.E.RA.’,Kinshasa 14-21 novembre 1992).
Etant donn que ces diffrentes communauts n’entendent pas dialoguer avec les communauts chrtiennes
institutionnalises, notre tude se limite aux mouvements dits de rveil qui par leur large audience dans le
milieu social congolais et leur forte approche des grandes confessions religieuses . vocation universelle sont
prdisposs au dialogue que n’acceptent pas les autres sectes en gnral.
- L’Eglise orthodoxe qui est prsente au Congo . hauteur de 0,04% n’appara.t pas non plus dans ces
statistiques de la Confrence Episcopale des Ev.ques. Nanmoins, elle est associe . part enti€re . toutes les
consultations concernant le dialogue oecumnique, interreligieux et socio-politique.
13
Notre tude aborde dans ce sens une question dlicate et particuli€re que pose la
prsence active de ces Eglises de rveil dans la situation religieuse de la Rpublique
Dmocratique du Congo. Dlicate parce que, . notre connaissance, elle n’a pas de prcdent
dans les annales de l’Eglise catholique romaine, principal protagoniste du dialogue
oecumnique et interreligieux7. Particuli.re parce qu’elle est fortement lie . l’inculturation de
l’Evangile en pays de mission dont la problmatique peut .tre rsume en une phrase :
comment .tre chrtien sans trahir l’Afrique et rester Africain sans nier le Christ. Particuli.re
aussi et surtout parce que les chrtiens au Congo cultivent de plus en plus un certain
. nicodmisme .8 qui est le fait de pratiquer simultanment plusieurs religions (au moins deux).
Compris comme dsir de simples croyants de rester enracins dans leur propre culture
en s’ouvrant . d’autres formes de religiosit et . l’Autre, nous pensons que les jalons pour
baliser cet lan restent une affaire d’lites, historiens, sociologues, thologiens et pasteurs,
pour que ce qui est dj. vcu de fa.on spontane soit, non pas lud, mais lucid
intellectuellement.
La question qui se pose dans cette situation religieuse est la suivante : comment
procder . l’intgration des Eglises de rveil dans les rangs des interlocuteurs du dialogue
oecumnique et interreligieux, dans le respect et l’adaptation des normes qui conviennent .
toutes les communauts religieuses en dialogue.9
7 Dans son intervention au Colloque International de Kinshasa, le docteur Teresa GONCALVES, charg de la
problmatique des sectes pour le Saint Si€ge/Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, a clairement
fait comprendre qu’. la diffrence de nouveaux mouvements religieux des USA et de l’Amrique latine, issus
du pentec.tisme, le phnom€ne du Congo est beaucoup plus complexe et dlicat. Elle crit : . Bien diff€rents
sont les probl.mes que posent, pour le dialogue et la pastorale, les sectes et les mouvements provenant de
l’€tranger qui disposent d’importants subsides €conomiques, et les milliers de mouvements religieux d’origine
africaine. Le fait que ces mouvements aient int€gr€ d’importants €l€ments de la cultures traditionnelle
africaine constitue […] un €norme d€fi pour une plus profonde inculturation du message chr€tiens en Afrique.
[…] L’histoire de l’origine et du d€veloppement de ces mouvements r€v.le la profonde aspiration de l’homme
africain voir sa propre dignit€ reconnue, et .tre l’artisan de son propre destin et de sa soci€t€ en harmonie
avec son caract.re .. Voir Actes du quatri€me Colloque International du C.E.R.A., p. 11.
8 Nicod€misme : vient de Nicod€me (Jean III, 1ss ; 7, 50 ; XII, 42-43 ; IXX, 39.
9 Du 14 au 21 novembre 1992, il avait t organis aux Facults Catholiques de Kinshasa, un Colloque
International sur le th€me gnral : "Sectes, culture et soci€t€s. Les enjeux spirituels du temps pr€sent". Ce
Colloque avait bnfici du concours du Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux qui consid€re que
toute perspective d’avenir concernant le dialogue interreligieux au Congo-Kinshasa devra tenir compte des
conditions d’mergence des sectes, de leur enracinement dans la culture africaine, de leur impact sur la vie
sociale et des possibilits d’un dialogue entre elles et les grandes Eglises. (Voir Cahiers des religions africaines,
numro spcial, vol. 27-28, n.53-54, 1993-1994 ) . Notre th€se voudrait se situer dans la continuit de ces
recherches pour apporter un plus dans la voie trace pour un oecumnisme interreligieux adapt . la situation
particuli€re de la R.D.Congo.
14
Il s’agit du dialogue oecumnique qui demande . .tre redfini, d’une part, entre les
anciennes Eglises chrtiennes (catholique, protestantes et kimbanguiste), et d’autre part, entre
ces anciennes Eglises et les Eglises de rveil. Il s’agit aussi du dialogue interreligieux qui
demande . .tre prcis entre les Eglises chrtiennes et les communauts non-chrtiennes,
notamment l’islam qui, gr.ce aux circonstances socio-politiques actuelles, voit de plus en plus
s’accro.tre le nombre de ses adeptes dans l’ensemble du pays10 .
10 Pendant toute la priode coloniale et m.me jusque vers les annes 1975, l’islam au Congo est rest cantonn
dans sa partie orientale o. s’tait exerce l’influence des agents commerciaux du sultan de Zanzibar. Et qui pis
est, le gouvernement colonial le rpertoriait parmi les mouvements syncrtiques, au m.me titre que le kitawala,
le ngunzisme, le kimbangusme, etc. Sur cette longue liste, l’islam figure au n.47 des sectes religieuses
signales aux Archives Nationales du Zare dans le fonds . Affaires Indig.nes et Main-d’oeuvre ., (A.I.M.O.)
Cf. annexe 4.
Les statistiques nationales de 1975 lui donnait 1,4% de la population. Aujourd’hui pr.s de 10% de la
population se rclameraient de la religion musulmane. Voir les enqu.tes de Paul de Meester, Lushi, 1997 ; que
nous accueillons avec beaucoup de rserve. ( Annexe 22 ).
15
Fondement de la Probl€matique
Quand le mouvement du dialogue oecumnique et interreligieux a pris corps dans
l’Eglise catholique, suite . l’impulsion donne par le concile Vatican II, le probl.me dans les
Eglises du Congo ne se posait pas avec la m.me acuit qu’aujourd’hui, plus de 40 ans apr.s le
Concile. Compte tenu de l’histoire et de la jeunesse de toutes ces religions locales, la
proccupation ne paraissait ni tellement ncessaire, ni urgente pour le Congo. On pouvait se
contenter de limiter le dialogue oecumnique . l’organisation de quelques rencontres organises
pendant la semaine de pri.re pour l’unit des chrtiens et aux rencontres sporadiques des
reprsentants des communauts religieuses pour rgler des questions socio-politiques d’intr.t
populaire.
Avec la pousse grandissante de nouveaux mouvements religieux, la question devient
urgente et profonde : peut-on parler d’un dialogue oecumnique et interreligieux au Congo, au
sens o. l’entendent les protagonistes internationaux, c’est-.-dire sans y inclure tout ce qui est
nouveaux mouvements religieux ? Le fondement de cette question nous a incits . considrer
la problmatique dans l’optique des "limites" du dialogue qu’il faut redfinir et prciser.
Il est vrai que dans l’esprit des protagonistes internationaux, le dialogue oecumnique et
interreligieux se limite aux grandes religions et communauts institutionnalises et
traditionnelles. Cependant, pour n’importe quelle bonne raison que ce soit, on ne peut pas
ngliger les situations religieuses relles et particuli.res de chaque pays. Tel est le cas qui nous
concerne en R.D. Congo.
Notre problmatique se rsume finalement en une question : comment les Eglises
chrtiennes, principales protagonistes du dialogue et victimes de la rcupration qu’en font les
Eglises de rveil, pourront-elles viter que l’oecumnisme interreligieux se fasse au sein de ces
nouveaux mouvements religieux, dans un . syncrtisme . et/ou dans un . clectisme .
religieux non rflchis?
16
Int€r.t de la recherche
Le choix et l’intr.t de ce sujet rsident dans le souci d’approfondir notre connaissance
des diffrentes religions et nouvelles communauts religieuses qui coexistent en Rpublique
Dmocratique du Congo. Quatre fois plus tendu que la France, ce pays situ au coeur de
l’Afrique est parmi les plus religieux du continent noir. C’est l. qu’est ne la plus rpandue des
Eglises afro-chrtiennes indpendantes : le kimbanguisme11.
A Kinshasa sa capitale, se trouve le centre de l’intelligentsia qui est . l’origine de la
naissance et l’mergence de la thologie dite . africaine . et des tudes scientifiques sur les
religions traditionnelles africaines.
L’atlas des religions dans ce pays correspond, en gros, aux p.les d’activits des
explorateurs occidentaux et des marchands arabes. Le christianisme s’est introduit et
dvelopp . l’ouest du pays et l’islam . l’est. L’influence linguistique suit le m.me plan : au
sud-ouest, le kikongo, langue des autochtones "Kongo" qui emprunte parfois au lexique
portugais et latin les termes techniques de la religion et de la culture agraire. A l’est, le swahili,
dialecte des arabiss qui est un mlange du bantu et de l’arabe12. Entre ces deux extrmits il y
a le lingala, idiome des riverains du long fleuve qui fait la boucle du pays et le tshiluba, langue
de la grande ethnie du centre du pays. Ceci sans compter les 250 autres dialectes en usage dans
le pays. Les nouveaux mouvements religieux semblent .tre aussi tributaires de cette influence
gographique et linguistique.
11 Le kimbanguisme est une Eglise qui compte aujourd’hui plus de cinq millions de membres rpartis dans les
deux Congo, en Angola, en Zambie, au Burundi, en Rpublique Centrafricaine, au Kenya, en Belgique et en
France. (Voir Diangienda, K. L’histoire du kimbanguisme, p. 7, voir aussi Xavier Ternisien dans Lib€ration
du Mercredi 31 janvier 2001).
12 Pour plus de dtails, voir Adnan Haddad, Contact de langues en Afrique. Cas du swahili et de l’arabe,
Lubumbashi, UNAZA, 1978, th€se de doctorat; L’arabe et le swahili dans la R.publique du Za.re, Etudes
islamiques, histoire et linguistique, Paris, SEDES, 1983.
17
M€thodologie de recherche et Plan du travail
* M€thodologie de recherche
Tenant compte de la complexit du th€me de notre travail, nous avons choisi la
mthode historico-analytique. Elle nous permettra d’analyser les documents et les faits
historiques, de les commenter, les interprter et les critiquer. Le manque de documentation
solide sur les nouveaux mouvements religieux, de fa.on particuli€re sur les Eglises de rveil au
Congo, nous oblige . mener quelques enqu.tes sur le terrain.
* Plan du travail
Pour tenter de rpondre . notre problmatique, nous avons divis notre th€se en quatre
chapitres de plus ou moins trois sections chacun.
- Considrant que l’histoire des religions ne pourrait .tre isole de l’environnement qui
lui a servi et lui sert encore de cadre et de support, nous commen.ons notre tude par dfinir le
cadre socio-politique de la Rpublique Dmocratique du Congo. Nous prenons comme anne
de dpart, 1959 qui est celle du rveil politique qui conduit le pays . l’indpendance, en m.me
temps qu’elle est celle de la reconnaissance officielle des Eglises africaines indpendantes.
- Dans le deuxi€me chapitre, nous donnons une description critique de la situation des
religions au Congo. Partant des religions traditionnelles africaines, nous essayons de dcrire de
mani€re systmatique et objective les tapes et les mthodes d’implantation des Eglises
chrtiennes . partir de la seconde vanglisation13, jusqu’. la problmatique actuelle de
l’inculturation. Cette description analytique nous aura donn des lments pour comprendre
les motivations des Eglises afro-chrtiennes, notamment le kimbanguisme, symbole d’un
mtissage . la fois culturel et religieux. Nous terminons ce deuxi.me chapitre avec l’islam qui
n’a pas connu un rayonnement aussi fructueux que celui du christianisme.
13 Le Congo a connu deux vagues d’vanglisation : la premi.re vanglisation est lie . l’histoire de la
dcouverte de l’embouchure du fleuve Congo par le navigateur portugais du nom de Diego Cao au XV. si.cle
(1482). Cette premi.re vanglisation n’a pas pris racine . cause, entre autres, de sa complicit flagrante avec
la traite des esclaves. C’est vers la fin XIX. si.cle (1880), qu’on entre dans la priode de la deuxi.me
vanglisation avec deux nouveaux explorateurs, cossais et anglais : David Livingstone et Henri Morton
Stanley.
18
- Le troisi€me chapitre est consacr . l’analyse de la position officielle de l’Eglise
catholique au sujet du pluralisme religieux. Nous situons dans leur cadre historique, les mobiles
qui l’ont pousse . avoir un nouveau regard sur les religions non-chrtiennes, jusqu’. la
dclaration conciliaire "Nostra Aetate" [L’Eglise et les religions non-chrtiennes, promulgue
le 28 octobre 1965]. Nous prsentons ensuite l’volution de l’Eglise dans le monde apr.s
Vatican II, le travail du magist.re postconciliaire et l’tat actuel des dbats entre thologiens et
spcialistes des religions.
- Cet approfondissement nous conduit au quatri.me chapitre o. nous reconsidrons la
situation religieuse particuli.re du Congo, avec l’impact, l’enracinement et l’affluence des
Eglises de rveil. Nous essayons de poser des jalons qui pourront aider . redfinir et prciser
s’il le faut, les limites et les conditions de leur dialogue avec les communauts traditionnelles
institues.
19
PREMIER CHAPITRE
LA SITUATION SOCIO-POLITIQUE
DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
DE 1959 A NOS JOURS.
20
Introduction.
La Rpublique Dmocratique du Congo (Rdc) couvre environ un treizi€me du
continent noir. Elle s’tend entre le 5.2’ de latitude Nord et le 13. 15’ de latitude Sud. En
longitude Est de Greenwich, elle va de 12.15’ . 31.15’.
Pour estimer sa superficie par rapport . l’Europe, Jacques Weulersse crit : . Si l’on
transposait un tel territoire sur la carte d’Europe . m.me .chelle, sa fronti.re Nord courrait
du Danemark, en Su.de, en Lettonie et jusqu’aux environs de Moscou ; ses limites Sud
passeraient par l’Italie m.ridionale, la Gr.ce et l’Asie mineure ; et le lac Tanganyka
toucherait . la mer Noire, tandis que la C.te occidentale s’avancerait jusqu’en Espagne .14 .
Cette position place ce grand pays au coeur de l’Afrique, . cheval sur l’quateur, avec 9
pays limitrophes dont le Congo/Brazzaville, la Rpublique Centrafricaine, le Soudan . l’ouest
et au nord-est ; L’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie . l’est et le sud-est ; La
Zambie et l’Angola au sud.
Le climat est celui des pays chauds, avec une moyenne annuelle de 25. C. Dans les
zones montagneuses, la temprature est modre . cause de l’altitude : 19.C . Goma . 1550m
d’altitude et 20.C sur les hauts plateaux du Katanga. Le pays est couvert aux deux tiers par le
fleuve Congo, long de 4 274 Km avec un dbit de 21000 . 75 000 m3. Son sol et sous-sol
riches, contiennent une grande varit en flore, faune, minerais et hydrocarbures. Sa population
est estime aujourd’hui . plus ou moins 60 millions d’habitants15.
14 Jacques Weulersse, L’Afrique Noire, Fayard et Cie, Paris, 1934, p. 253. Voir carte annexe 6.
15 D’apr.s les commentaires d’Isidore Ndaywel, dans Histoire g€n€rale du CONGO. De l’h€ritage ancien la
R€publique D€mocratique, Duculot, Bruxelles, 1999, p. 44 , la population congolaise tait estime . 31 726
019 en 1987, avec un taux de croissance moyen de 3%. Ces estimations prsentaient les projections ci-apr€s :
34 668 000 pour 1990, 40 190 000 pour 1995 et 46 591 000 pour 2000.
21
I. 1. De 1959 . 1961 : Le Congo de Lumumba
Lorsque, au matin du 4 janvier 1959, les Congolais de la ville de Kinshasa se rveillent
sous les canons des massacres qui ont eu lieu au cours de la rpression de la rvolte qui
revendiquait le droit . l’indpendance, le Congo n’avait pas d’lite intellectuelle capable de
prendre la rel€ve des institutions dmocratiques de ce sous-continent qui venait d’endurer 80
ans de colonisation.
Le syst€me d’ducation mis en place par les Belges ne se limitait qu’. la formation des
commis et des moniteurs apr€s un cursus de 4 ans post-primaire. On les appelait "les volus".
Ne pouvaient arriver au niveau du baccalaurat que les candidats au sacerdoce. Apr€s des
humanits grco-latines, les candidats poursuivaient les tudes de philosophie classique et de
thologie dans l’un des 4 grands sminaires du pays (Kabwe, Baudouinville /Moba, Mayidi et
Niangara). L’lite politique de ces premi€res annes d’indpendance sortait, pour ainsi dire,
des rangs des transfuges des sminaires. Le premier chef d’Etat du Congo, Joseph Kasa-Vubu
tait l’un d’eux.
L’Eglise catholique divise en 6 provinces ecclsiastiques exer.ait toute son influence
dans les affaires politiques du jeune pays indpendant. Cette tendance catholique de "bon l€ve
poli" en face de l’ancien colonisateur sera tr€s t.t prise de court par la fougue, le franc parler et
le nationalisme d’un ancien commis des postes : Patrice-Emery Lumumba, fondateur du MNC
(Mouvement National Congolais).
Fin octobre, dbut novembre 1959, il organise des rassemblements de masse anti-
coloniaux. C’est le dbut de ce qu’on appellera "le rveil politique", dbouchant sur des
confrontations sanglantes avec les forces armes. Patrice Emery Lumumba est tr€s t.t ma.tris
et emprisonn.
Co.ncidence due au hasard sans doute, c’est aussi en novembre-dcembre 1959 qu’est
introduite une demande de reconnaissance officielle de l’Eglise de Jsus-Christ sur Terre par le
Proph€te Simon Kimbangu, un proph€te local. La demande est solennellement adresse aux
prsidents de la Chambre des Reprsentants et du Snat de Belgique sur la base de la
22
Dclaration des Droits de l’Homme. La reconnaissance officielle de cette Eglise est accorde le
24 dcembre 1959 par arr.t n. 2211/846.16
Lumumba est emprisonn jusqu’. la veille de la table ronde de Bruxelles le 27 janvier
1960. En effet, les membres de son parti, invits . la table ronde, y compris les forces vives du
pays, avaient exig de la Belgique sa libration inconditionnelle et sa participation . ce forum
capital pour l’avenir du pays.
Lors de ce forum, il rencontre . Bruxelles, un jeune stagiaire . "Inforcongo", le service
d’information de la colonie. Il s’agit de Joseph-Dsir Mobutu, ancien sergent major de la
Force Public, la police indig.ne de l’administration coloniale belge. Lumumba le prendra
comme secrtaire particulier. Il le nommera plus tard secrtaire d’Etat et chef d’tat major
avec le grade de colonel.
A l’issue de la table ronde de Bruxelles, la date de l’indpendance tant fixe pour le 30
juin 1960, les lections au Congo sont prvues du 11 au 25 mai. Le rsultat de ces lections
surprend Bruxelles qui ne peut que "subir" le phnom.ne "Lumumba". Le gouvernement belge
ne peut emp.cher sa nomination comme Premier ministre. Joseph Kasa-Vubu reoit "la
fonction protocolaire" de prsident, comme l’crira Ludo De Witte.17
Le scandale qui prcipitera sa chute jusqu’. son assassinat clatera le jour m.me de
l’indpendance quand, contre toute attente, il prononcera son discours protocolaire hors
norme. Ndaywel crit : .Il fit le contre bilan de la colonisation, d€non.a ses revers, savoir
les injustices, les in€galit€s, l’exploitation, le m€pris. .18 Ludo De Witte crit de son c.t :
. Lumumba ram.ne le r.le qu’a jou. Bruxelles dans le processus de la d.colonisation . de
justes proportions : Il s’est exprim. dans un langage que les Congolais tenaient pour
impensable en pr.sence d’un Europ.en. Ces quelques minutes de v.rit. sont une r.compense
pour quatre-vingts ann.es de domination. .19
16 Pour plus d’informations, lire Susan ASCH, L’Eglise du Proph.te Kimbangu. De ses origines . son r.le
actuel au Za.re, Paris, Karthala, 1983, p. 40.
17 Ludo De Witte, L’Assassinat de Lumumba, Paris, Karthala, 2000, p. 37.
18 Isidore Ndaywel, op. cit. , p. 563
19 Ludo De Witte, Ibidem p. 33
23
Lumumba sera assassin le 17 janvier 1961 avec la complicit de Joseph-Dsir
Mobutu et une forte responsabilit morale de la Belgique. La nouvelle de sa mort ne fut rendue
publique par le gouvernement Tshombe que le 13 fvrier, au moment o. l’abb Fulbert
Youlou, alors prsident du Congo/Brazzaville, tait en visite officielle . Lubumbashi.
Pour Lon De Saint Moulin cette co.ncidence aurait contribu . confirmer la
responsabilit de l’Eglise catholique dans le meurtre de Lumumba. Cela donnait . l’Eglise
indpendante qui venait d’.tre reconnue officiellement, l’opportunit de s’affirmer aux dpends
de cette mauvaise image de l’Eglise catholique. L’piscopat ragira par la voix de Mgr Scalais,
alors archev.que de Kinshasa et Mgr Mojaisky Perrelli, dlgu apostolique pour le Congo et
Rwanda-Urundi qui rendront publique la dclaration suivante : . Ces derniers temps, des
bruits calomnieux sont lanc€s avec insistance dans le public, accusant le clerg€ catholique
d’avoir foment€ la mort de l’ex-premier ministre du Congo, M. Emery Patrice Lumumba, et
d’avoir influenc€ certaines autorit€s civiles pour mettre le complot ex€cution. Au nom de
tout l’€piscopat du Congo, nous protestons €nergiquement contre cette accusation et
proclamons que le clerg€ catholique n’a tremp€ ni de pr.s ni de loin dans cet
€v€nement.... .20
La mort de Lumumba tant rendue publique, le terrain tait propice pour les ambitions
de celui qui, apr€s avoir t son secrtaire particulier, devenait par la force des choses son
bourreau : le colonel Mobutu.
20 Voir Lon de Saint Moulin, Eglise et Soci€t€,... op. cit., p. 63.
24
I. 2. De 1961 . 1997 : Le Congo/Za.re de Mobutu
. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, il a .t. et il restera un ph.nom.ne qui aura
marqu. de son empreinte ind.l.bile l’histoire du Congo-Za.re-Congo, de l’Afrique et du
monde. Mobutu Sese Seko... a imprim. plus que quiconque plus de trois d.cennies de
l’histoire ind.pendante de l’ex-Congo belge par sa personnalit.. Nul ne peut effacer
l’histoire. .21 C’est par ces mots que commencent les pages que lui consacrera Honor
Ngbanda, un de ses fid.les lieutenants, au lendemain de sa chute.
En effet, l’histoire du r.gne de Mobutu ne peut .tre brosse en un paragraphe clair. Il
est l’unique homme politique du Congo qui se soit maintenu au pouvoir depuis le lendemain de
l’indpendance jusqu’. la fin de la guerre froide.
Nous allons, en ce qui nous concerne, nous limiter aux circonstances de son accession
au pouvoir, . sa politique intrieure (nationale) et . son implication dans la vie des religions au
Congo.
I. 2. 1. De son accession au pouvoir
D€s le 8 juillet 1960, le jeune sergent Joseph-Dsir Mobutu, devient chef d’tat major
de la nouvelle arme nationale, avec le grade de colonel. Un mois plus tard, un conflit ouvert
oppose le Prsident de la rpublique, Kasa-Vubu, au Premier ministre, Monsieur Lumumba.
Le 14 septembre 1960, le colonel Mobutu proclame la "neutralisation" des institutions
politiques. Il interdit toute initiative et toute activit . Kasa-Vubu, . Lumumba et . tous leurs
partenaires, et m.me au Parlement qui tentait de rconcilier les antagonistes. C’tait le premier
coup de force de Mobutu qui met en place un "Coll€ge des commissaires gnraux" qui assure
l’administration du pays jusqu’au 9 fvrier 1961. Ce coll€ge tait compos des tudiants
universitaires qui s’taient montrs . la hauteur de leur tche. Ndaywel crit . ce propos : . Le
21 Honor Ngbanda, Les Derniers Jours du Mar€chal Mobutu, Mayenne, ditions Gideppes, 1999, p. 9.
Honor Ngbanda est un homme politique. Conseiller diplomatique de Mobutu (1980-1981), responsable des
services de scurit et de renseignements du Za.re (1985-1990), ministre de la Dfense nationale (1990-1997).
Pendant deux dcennies, il est rest le proche collaborateur et lieutenant du Marchal Mobutu.
25
Coll.ge des commissaires venait de r€aliser en six mois un travail remarquable dans le cadre
du r€am€nagement administratif, notamment en instituant un conseil mon€taire et en cr€ant
une banque nationale (30 octobre 60). . 22
Le prsident Kasa-Vubu, bien que neutralis, gardait encore toutes ses prrogatives
constitutionnelles. Cinq ans plus tard, le 24 novembre 1965, Mobutu rit€re son coup de force
et s’installe . la magistrature supr.me qu’il stabilisera pendant pr€s de trois dcennies.
Les religions ont t, pendant ces dcennies, un des points d’achoppement de sa
politique intrieure. En m.me temps qu’elle a rendu difficile le dialogue entre les grandes
communauts religieuses, elle a favoris l’panouissement des religions minoritaires et le
dveloppement des "Eglises de Rveil", pour viter le terme "sectes" qui est pjoratif et
impropre pour designer ces Eglises. C’est de cette politique intrieure, en rapport avec les
religions, que nous allons parler dans les lignes qui suivent.
I. 2. 2. De sa politique int€rieure
Les vnements tragiques23 qui avaient suivi la proclamation de l’indpendance avaient
grandement concouru . l’installation de Mobutu qui tait devenu, aux yeux des occidentaux,
l’homme de l’quilibre, intelligent, prudent et courageux. Autodidacte lui aussi, il avait su
intelligemment tirer les leons des erreurs de son ancien "patron" pour asseoir sa politique tant
extrieure qu’intrieure. Le probl.me majeur tait de reconqurir l’unit du pays. Mobutu
n’avait mnag aucun effort, en tant que chef de l’arme, pour prendre contact avec les
diffrents scessionnistes et chefs des bandes rebelles, et en tant qu’homme politique, pour
22Isidore Ndaywel, op. cit., p. 592
23 Nous faisons allusion au gnocide de Luba au Kasa. ; la scession du Katanga avec Mo.se Tshombe, soutenu
par les Belges ; la mort accidentelle du secrtaire gnral de l’ONU, DAG Hammarskjld, en mission au
Congo, la rbellion au Kwilu et . Stanleyville...
Autant Kasa-Vubu tait sage et prudent, mais pas assez courageux ; autant Lumumba excellait dans
l’inexprience et l’imprudence malgr son grand dynamisme et son courage politique.
Ndaywel crit . ce propos : . Lumumba avait €t€ victime la foi de son id€alisme, de son radicalisme et de sa
formation politique insuffisante, limit€ quelques lectures personnelles et au souci d’imiter Nkrumah et Sekou
Tour€... En deux mois de gouvernement, il avait accumul€ une s€rie quasi exceptionnelle d’erreurs politiques,
depuis le discours inutilement iconoclaste du 30 juin jusqu’ la . fuite . vers Stanleyville, en passant par la
rupture maladroite avec Dag Hammarskj.ld et les attaques du Sud-Kasa. qui furent indirectement l’origine
du g€nocide luba. . Voir Isidore Ndaywel, op. cit., p. 589
26
rallier derri€re lui toutes les forces vives du pays et en particulier les diffrents responsables
religieux.
Fort de cet appui populaire, il instaure d€s son installation un pouvoir fort : il s’octroie,
par la premi€re ordonnance prsidentielle du 30 novembre 1965, des "pouvoirs spciaux" ; puis
les "pleins pouvoirs" le 22 mai 1966. Le pouvoir lgislatif tait ainsi transfr . l’excutif. Il
interdit les activits des partis politiques pour cinq ans d€s dcembre 1965. Il instaure
finalement, le rgime prsidentiel le 26 octobre 1966. En ce qui concerne l’administration
territoriale, il rduit le nombre des provinces d’abord de 21 . 12, le 7 avril 1966, et finalement
. 8. Un statut d’autonomie fut confr . la capitale Kinshasa.
Le nouveau rgime de Mobutu s’appuiera davantage sur les lites universitaires,
notamment ceux qui avaient fait leurs preuves au sein du "coll€ge des commissaires" qu’il
avait institu en septembre 1960.
Le 20 mai 1967, il cre le parti unique : MPR (Mouvement Populaire de la Rvolution)
qui deviendra plus tard "Parti-Etat". Une nouvelle idologie est mise sur pied : "La politique de
l’authenticit", prsente comme une politique de "rveil" de la conscience nationale et une
volont d’viter toute confusion avec des ides toutes faites d’origine externe. En juin 1967, la
nouvelle constitution promulgue instaure un syst€me prsidentiel et proclame la la.cit de
l’Etat.
Susan Asch pense, au sujet de la proclamation de la la.cit de l’Etat, que cette mesure
n’avait servi qu’. renforcer les pouvoirs du rgime en place. C’est aussi elle qui aurait t . la
base de .la prolif€ration des sectes politico-religieuses et de l’importance grandissante des
Eglises, qui sont les seuls organismes l€gaux en dehors du M.P.R., face au r€gime militaire
transform€ en r€gime pr€sidentiel… .24
En y rflchissant un peu, on se rend bien compte que la lacit de l’Etat ne visait, en
fait, que l’affaiblissement de l’Eglise catholique qui passait pour un organisme d’opposition.
Bien plus, nous pensons, pour notre part, . l’instar de S. Asch, que cette mesure et d’autres
24 Susan ASCH, L’Eglise du Proph.te Kimbangu. De ses origines . son r.le actuel au Zare, Karthala, Paris,
1983, p. 65
27
qui ont suivi25 expliquent la forme que prend aujourd’hui le dialogue oecumnique et
interreligieux dans ce pays : un nivellement mettant sur le m.me pied d’galit Eglises
traditionnelles constitues, sectes politico-religieuses et Eglises de "Rveil".
I. 2. 3. Les religions face la politique int€rieure du r€gime de Mobutu
Il y a bien des choses . dire concernant les religions pendant les trois dcennies du
r€gne de Mobutu. Puisque nous reviendrons dans le second chapitre sur chacune d’elles, nous
nous limitons ici aux faits marquants qui ont propuls les communauts religieuses au premier
plan des affaires de l’Etat. Notamment les conflits avec l’Eglise catholique, la rhabilitation des
religions traditionnelles et afro-chrtiennes et l’panouissement de l’islam. C’est en comprenant
les tenants et les aboutissants de ces faits saillants qu’on pourrait arriver . comprendre les
enjeux du dialogue oecumnique et interreligieux au Congo/Za.re.
I. 2. 3. 1. Les conflits avec l’Eglise catholique
Nous retenons un point marquant qui a fait des tincelles entre les deux institutions
fortes du pays : la discorde autour de la forme de justice . appliquer . la nation.
25 Le 27 octobre 1971, le fleuve, le pays, et quelques provinces, changent de nom. Le drapeau et l’hymne
national changent aussi. Le communiqu du porte-parole du Bureau politique fut ainsi stipul : . ... Dans la
recherche de notre Authenticit€, fid.les aux options fondamentales de notre r€volution amorc€e le 24
novembre 1965, dans le but de nous d€barrasser des s€quelles d’un pass€ r€volu et afin d’€viter une fois pour
toutes, toute confusion, les membres du Bureau Politique et du gouvernement ont d€cid€ ce qui suit :
1. Le majestueux fleuve qui traverse notre pays reprend son nom d’origine et s’appelle . Za.re . ;
2. Notre pays s’appelle . la R€publique du Za.re . ;
3. La Province Orientale devient la . Province du Haut-Za.re . ;
4. La Province de Kongo Central devient . la Province du Bas-Za.re . ;
5. Le drapeau national change ;
6. L’hymne national change (....) Voir Ndaywel, Ibidem, p. 677
D’apr€s le professeur Ndaywel, le porte-parole du Bureau politique, Prosp€re Madrandele fut l’un des premiers
universitaires . avoir cru dans le projet du MPR ; il en devint l’un des premiers thoriciens.
Les circonstances de sa mort en fvrier 1974 sont aussi rvlatrices des mthodes extr.mes que le parti utilisait
pour liminer ceux qui pouvaient penser autrement que les cadres du parti.. Ndaywel crit : "On €voque
l’hypoth.se d’un empoisonnement dont il aurait €t€ victime par erreur, ayant consomm€ une nourriture
destin€e au Cardinal Malula - mais cela n’est pas attest€." (Ibid, p. 676)
Le drapeau passa de la couleur bleue, toile or au vert avec le flambeau du parti de Mobutu.
L’hymne . Debout Congolais . de l’indpendance devint . La Za.roise .
Les villes dont les noms avaient une connotation europenne sont rebaptises : Brabanta (Mapangu),
Coquilhatville (Mbandaka), Elisabethville (Lubumbashi), Jadoville (Likasi), Lopoldville (Kinshasa),
Luluabourg (Kananga), Mont Stanley (Mongaliema), Nouvelle-Anvers (Mankanza), Port-Francqui (Ilebo),
Stanleyville (Kisangani), Thysville (Mbanza-Ngungu)...
28
En effet, le r€gne de Mobutu tait sanctionn par des sries de "Te Deum" au cours desquels
l’Eglise catholique reconnaissait le pouvoir du marchal prsident comme venant de Dieu. Elle
promettait . son gouvernement de se conformer fid€lement aux lois du pays.26
En dpit de cette promesse de fidlit, l’Eglise catholique voulait passer aussi pour .tre
la "conscience" de ce gouvernement, en m.me temps qu’elle dsirait se faire le porte-parole
des sans voix. Se faire la conscience du gouvernement pouvait signifier que l’Eglise ne
s’asservissait pas . lui. La lune de miel n’avait donc pas dur longtemps. Elle se terminera trois
ans plus tard lorsque, . l’occasion du 10€me anniversaire des martyrs de l’indpendance, le 4
janvier 1969, l’archev.que demanda aux autorits congolaises de faire de 1969 l’anne du
bien-.tre des ouvriers pour que les fruits du travail de cette anne soient partags dans une
justice distributive. Cela paraissait .tre une attaque ouverte . la politique sociale que pr.nait le
gouvernement . cette poque. D’autant plus aussi que la devise de ce gouvernement tait :
"Paix, Justice, Travail". Quelle Justice ? La rplique du gouvernement ne se fit pas attendre :
. ...La justice sociale[est] exceptionnellement appliqu€e au b€n€fice du peuple (...), cette
"justice distributive" ne serait autre chose que de la "provocation" et de la "d€magogie" (...)
car la justice sociale n’est pas un vain mot au Congo, tout le monde le sait, y compris Mgr
Malula .27.
Malgr cette rplique, l’archev.que de Kinshasa, devenu cardinal le 28 avril 1969
revient . la charge en plaidant, . nouveau, en faveur de la "justice distributive" lors de la visite
du Roi Baudouin, . l’occasion du dixi€me anniversaire de l’indpendance du pays, le 29 juin
1970. La perspicacit du cardinal dplut fortement au gouvernement . telle enseigne que le
conflit devint perceptible. Il clata quand le gouvernement, qui avait dj. proclam la la.cit de
l’Etat congolais, promulgua l’installation de la Jeunesse du Mouvement Populaire de la
Rvolution (JMPR), au Grand Sminaire Jean XXIII qui assure la formation des pr.tres de la
26 Lors du "Te Deum" chant le 19 dcembre 1965, l’archev.que de Kinshasa disait . Mobutu dans la
cathdrale : . ... Monsieur le pr.sident, l’Eglise reconna.t votre autorit., car l’autorit. vient de Dieu. Nous
appliquerons fid.lement les lois que vous voudrez bien .tablir. Vous pouvez compter sur nous dans votre
oeuvre de restauration de la paix . laquelle tous aspirent si ardemment . Voir Lon de Saint Moulin, Oeuvres
compl.tes du Cardinal Malula, Kinshasa, 1997, vol 6, p. 330
Le jour du premier anniversaire du gouvernement, le 23 novembre 1966, le m.me archev.que lui redisait : . ...
C’est mon devoir d’€v.que de faire appel votre conscience chr€tienne : le peuple a droit au bien .tre.
Prenons garde que la voix du pauvre ne disparaisse de notre conscience dans l’euphorie des joies qui vont
marquer ce jour anniversaire . Voir Lon de Saint Moulin, Ibidem , p. 333
27 Ibidem
29
province ecclsiastique de Kinshasa. Le cardinal y opposa un refus catgorique. Le sminaire
sera ferm en fvrier 1972 et le gouvernement saisira l’occasion pour rhabiliter les religions
traditionnelles et afro-chrtiennes battues en br€che par le christianisme pendant la priode
coloniale.
I. 2. 3. 2. La r€habilitation des religions traditionnelles et Afro-Chr€tiennes
Considre comme propagandiste des idaux d’origine trang€re, l’Eglise catholique
tait mise . mal par la nouvelle idologie politique du "recours . l’authenticit" qui n’avait pas
d’autres objectifs que de rhabiliter les valeurs ancestrales "bafoues" par le christianisme. A
travers leurs discours politiques, les acteurs de la proclamation de l’Etat la.c demandaient aux
citoyens de se "rveiller" et de pratiquer librement le culte de leur choix.
La suppression des noms . connotation trang€re avait franchi le cap des villes, rues et
institutions pour s’attaquer aux prnoms chrtiens. Plus personne n’avait le droit de porter un
prnom chrtien. Chacun devait trouver un "post-nom" tir du terroir ancestral. Mobutu lui-
m.me pr.cha par l’exemple en supprimant son prnom de Joseph-Dsir pour le remplacer par
le post-nom de "Sese Seko Kuku Ngbendu Wazabanga". Le recours aux devins avait repris ses
droits jusque dans la haute sph€re gouvernementale. Les ministres de Mobutu courtisaient .
volont les "Marabouts" et les sorciers pour .tre maintenus dans leur poste ou .tre appels .
un poste plus important. Nous retenons, pour illustrer ces propos, deux tmoignages rvls
par deux hauts dignitaires : un ancien gouverneur de la Banque du Za.re et un ancien agent des
services secrets de Mobutu.
M. Bofossa, ancien gouverneur de la Banque du Za.re, reconverti au christianisme . la
fin de la dcennie 80 explique combien il tait devenu prisonnier de la magie et du maraboutage
: . J’ai pratiquement visit. tous les cimeti.res de Kinshasa pour chercher la puissance aupr.s
des Morts (...)Dieu seul sait ce que j’ai endur. au titre de sacrifice... Dieu seul sait combien
de t.tes de ch.vres j’ai enterr.es chez moi . la maison, en brousse, dans certains lieux
strat.giques de la ville de Kinshasa .28.
28 Isidore Ndaywel, op. cit., p. 761.
30
Un ancien agent des services secrets, Emmanuel Dungia a rvl de son c.t comment
le prsident Mobutu lui-m.me a eu recours . des marabouts . la nouvelle de la victoire du
socialiste Fran.ois Mitterrand aux lections prsidentielles de 198129.
Tous ces changements de moeurs, d’attitudes religieuses et d’appellations sont . mettre
dans la mouvance du "rveil" de la conscience nationale pr.ne par les artisans de la politique
du recours . l’authenticit, une politique qui paraissait stabiliser le pouvoir en place, le rendant
plus populaire.
En ce qui concerne les Eglises afro-chrtiennes, Susan Asch crit : . ... Cette stabilit€
politique €tablie par le r€gime militaire instaur€ par le g€n€ral Mobutu s’av€ra favorable
l’€panouissement du Kimbanguisme .30. Mobutu lui-m.me dira lors des funrailles de
Diangienda, fils du proph€te Kimbangu, en 1990, que dj. avant qu’il ne prenne le pouvoir,
Diangienda lui avait prdit prophtiquement qu’il serait un grand homme politique.
En effet, en fvrier 1966, pendant que la dlgation du Conseil OEcumnique des
Eglises tait en mission d’tude pour l’valuation de la candidature de l’Eglise kimbanguiste, le
secrtaire gnral de cette Eglise, M. Luntadila, plaidait leur cause aupr€s du chef de l’Etat. Il
faisait mention de "manoeuvres" catholiques qui visaient . les chasser de la ville de Kinshasa.
Le prsident Mobutu lui rpondra qu’il tait lui-m.me dfenseur des causes kimbanguistes et
qu’il n’entendait pas favoriser la guerre des religions dans son pays.
Pendant que l’Eglise catholique se posait en donneur de le.ons morales, l’Eglise
kimbanguiste, quant . elle, sollicitait le soutien du nouveau gouvernement pour asseoir ses
institutions. Le chef spirituel Diangienda fut assur de la tolrance du rgime . deux conditions
: la premi€re, que le pouvoir spirituel soit distinct du pouvoir temporel ; la seconde, que les
29Le professeur Ndaywel qui reprend le rcit crit : . Il fallait tout prix "travailler" le successeur de Val€ry
Giscard d’Estaing, l’apprivoiser, l’envo.ter afin que la France continue .tre favorable la cause du Za.re.
Cette mission, d’int€r.t national, fut confi€e quatre marabouts (le chiffre avait son importance) parmi
lesquels les S€n€galais Kebe et Ciss€. Les s€quences de l’envo.tement furent structur€es en fonction de la
premi.re rencontre de Mobutu avec Mitterrand, qui devait avoir lieu Paris le 3 novembre 1981, lors du
sommet franco-africain. Deux semaines plus tt commenc.rent les pr€paratifs magiques prescrits par les
marabouts. Le jour de l’audience, tout se passa merveille. Le pr€sident Mitterrand fut enfin apprivois€. Le
co.t de la victoire fut sal€ pour les caisses de la R€publique : 4 millions de dollars, en plus des lingots d’or ..
Ibidem, p. 761.
30Susan ASCH, Op. cit., p. 61.
31
Eglises cessent de troubler l’ordre public par leurs querelles religieuses. En fait, il y avait au
sein du kimbanguisme des conflits d’intr.t et des dissidences internes. Les deux conditions
taient sagement appliques par le chef spirituel Diangienda qui, profitant des conflits ouverts
entre l’Etat et l’Eglise catholique, se fit l’instrument spirituel du pouvoir en place. Les subsides
lui taient allous sous forme de dons prsidentiels pour asseoir ses institutions spirituelles et
sociales. On peut comprendre . travers ce soutien qu’il y avait chez Mobutu, une stratgie
politique pour maintenir la paix civile et pour asseoir son autorit. Cette stratgie l’am.nera .
reconsidrer un autre groupe religieux minoritaire au pays : l’Islam.
I. 2. 3. 3. l’Islam
L’Islam constitue au Congo un ".lot" de croyants dans la masse des populations des
religions traditionnelles et chrtiennes : . peine 1,4 %. Deux vnements pendant le long r.gne
de Mobutu ont contribu . donner une lg.re impulsion . l’panouissement des musulmans au
Congo. Nous nous bornerons . les numrer car nous y reviendrons un peu plus en dtail au
second chapitre.
Le premier vnement est la politique du recours . l’authenticit et la promulgation de
la lacit de l’Etat. La nouvelle idologie du gouvernement de Mobutu tait trop sduisante .
cause de ses innovations qui cassaient les interdits de la civilisation occidentale et plus
particuli.rement ceux de l’Eglise catholique. La lacisation de l’Etat ouvrait les portes . toute
initiative culturelle et religieuse. A l’Universit de Lubumbashi, par exemple, une chaire sans
titulaire, sur les civilisations, tait cre . la Facult des lettres. Un professeur d’origine
libanaise et musulman pratiquant, Adnan Haddad, en avait profit pour rpandre, en milieu
estudiantin, la culture musulmane qui, affirmait-il, est plus proche de la culture africaine que le
christianisme31. Un de ses th€mes majeurs tait : "Islam et Authenticit".
31 Adnan Haddad disait dans plusieurs de ses confrences que l’islam tait la religion culturellement la plus
proche de la culture africaine. Il partait de l’argument principal des protagonistes musulmans selon lequel l’un
des premiers adeptes du Proph.te, Bilal, l’esclave noir, tait un Africain. Haddad citait tr.s souvent aussi Hegel
pour appuyer ses th.ses sur cette proximit. Le christianisme est, pour lui, la religion des occidentaux qui
tentaient d’imposer leur culture sous des prtextes vangliques. Il crit : . ...le christianisme appara.t souvent
aux Africains comme une religion "blanche". Son fondateur est un Dieu blanc. Ses chefs sont blancs et les lois
chr€tiennes sont favorables surtout aux blancs. Cependant, gr.ce la non repr€sentation de Dieu, le
musulman, quelle que soit son origine se sent libre dans la conception de Dieu. Pour cela, il ne s’est jamais
interrog€ sur "la race divine" comme s’interrogeait souvent le chr.tien devant la croix. " Pour les Blancs
seulement ou pour les N.gres aussi ?" . Voir Adnan Haddad, Recueil de r€flexion, Presses Universitaires de
Lubumbashi, 1994, p.78.
32
Beaucoup d’tudiants, dans la mouvance de l’idologie du Parti-Etat, s’taient
convertis . l’islam . cette poque et avaient rpercut les ides de Haddad dans l’arri.re pays.
Lubumbashi situ au sud-est du pays n’est qu’un foyer d’expansion culturelle pris parmi tant
d’autres.
Le second vnement fut la premi.re guerre du Shaba en 1974, dnomme "la guerre
de quatre vingt jours". Tout le monde le sait, Mobutu n’avait pas les moyens de sortir
victorieux de cette guerre n’et t l’alliance conclue avec le roi du Maroc. Honor Ngbanda,
un de ses derniers fid.les l’atteste en crivant : . ...c’est gr.ce aux hommes du colonel
Lubaris de l’Arm.e Royale Marocaine que le Pr.sident Mobutu a r.ussi . repousser
l’agression venue d’Angola... .32.
Les observateurs attentifs auront constat que c’est apr€s ces vnements qu’on verra
s’riger les quelques grandes mosques de la ville de Kinshasa et des autres villes du pays. Cela
paraissait .tre une fa.on pour le marchal Mobutu de remercier son ami, le roi Hassan II du
Maroc33 qui en mai 1997, avec l’arrive de Kabila au pouvoir, lui prouvera encore cette grande
amiti en l’accueillant chez lui jusqu’. sa mort.
Pendant trois dcennies, Mobutu a prsid aux destines du Congo d’une main de fer
tendant, d’une part, . rconcilier le peuple avec ses propres traditions culturelles et religieuses.
Profitant de la stabilit politique que pouvait lui garantir l’apport des autres cultures
religieuses, il a, d’autre part, favoris leur panouissement en leur donnant une place dans un
Etat qu’il voulait "lac" et "pleinement indpendant". Si l’islam, de faon particuli.re, avait
trouv sa place grandissante gr.ce, entre autres, aux vnements ponctuels lis . cette
politique du rgime de Mobutu, le gouvernement qui l’a renvers ne pouvait que conforter
32 Honor Ngbanda , Les Derniers jours du Mar€chal Mobutu, Editions Gideppe, Mayenne, 1999, p. 44.
33 En effet, Paul de Meester crit : . c’.tait le roi du Maroc qui avait exig. cela du Pr.sident Mobutu en
retour des quelques soldats qu’il avait envoy.s au Katanga. Depuis lors le nombre des disciples de Mohammed
s’est enrichi de Congolais, de sorte qu’en 10 ans il y a, gr.ce aux petro-dollards, plus de quatre mosqu.es .
Kinshasa. Le nombre des adh.rents . l’Islam est pass. de 1.200 . 8.000 selon l’estimation de l’Imam Kapuluta
de Kinshasa (Barumbu) et actuellement ils sont 3.790.000 soit 10% de la population . Voir Paul De Meester,
L’Eglise de J.sus Christ au Congo-Kinshasa, ditions Centre Interdiocsain de Lubumbashi, 1997, p. 299 .
Toute proportion garde, nous prenons avec rserve, ces chiffres avancs par De Meester. Cependant, il est vrai
qu’entre 1974 et 2000, la population musulmane s’est fortement accrue au Congo. Mais la proportion chiffre .
10% nous para.t tout de m.me un peu exagre.
33
cette place. Laurent Dsir Kabila lui-m.me avait dj. beaucoup sympathis avec l’islam. La
rvolution qui l’avait hiss au pouvoir venait de l’est du pays qui est le bastion de la minorit
musulmane au Congo/Za.re.
34
I. 3. De 1997 . 2004 : Le Congo de L.D. Kabila
Laurent-Dsir Kabila est un combattant lumumbiste de la premi€re heure. D€s 1964,
apr€s l’assassinat de Lumumba en 1961, il entre dans le maquis, apr€s une formation militaire
acclre en France (Tours), mais surtout . Belgrade. Il combat aux c.ts de Soumialot qui
menait la rbellion . l’Est du pays, en parall€le avec Pierre Mulele qui menait la sienne dans le
Kwilu, au centre du pays.
La pacification opre par Mobutu l’enverra en exil pendant trois dcennies. Ndaywel
crit . son sujet qu’ . en 1967, Kabila concr€tisa son niveau le projet commun, sans doute
inspir€ par Mulele, de cr€ation d’un grand parti r€volutionnaire, sur base de la th€orie du
marxisme-l€ninisme. L’inspiration qui l’habitait, avait quelque chose en commun avec celle
qui animait Mobutu, exactement en cette m.me ann€e 1967, mais avec des sensibilit€s et des
intentions fort diff€rentes. A Nsele, on optera pour l’appellation de "Mouvement Populaire de
la R€volution" (20 mai), alors que, dans l’exil de Nairobi, on retiendra plutt celle de "Parti
de la R€volution Populaire" (24 d€cembre), un parti qui allait se doter d’une branche
militaire, les Forces Arm€es Populaires (FAP)... .34.
La derni€re dcennie du marchal Mobutu avait vu s’accumuler une suite d’vnements
qui avaient fini par l’affaiblir de l’intrieur. Kabila n’attendait que cette occasion pour prendre
sa revanche. Au Za.re des annes 1990, plus aucune "justice" n’existait. Ni la justice sociale ni
la justice distributive. La corruption rgnait . tous les chelons. La rgionalisation de l’arme
tait la derni€re faiblesse de Mobutu. La quasi-totalit des gnraux tait de sa rgion, sinon de
son ethnie. La seule milice qui percevait encore sa solde tait la Division Spciale Prsidentielle
(DSP)... Les autres n’avaient qu’. se dbrouiller avec le peuple. Cette situation avait
occasionn deux pillages en 1991 et 1993 qui avaient consomm la ruine de l’conomie
agonisante du pays. C’est . ce moment (1994) qu’arrive le gnocide au Rwanda.
34Isidore Ndaywel, op. cit., p. 655
35
Les Tutsi prennent le pouvoir au Rwanda quelque temps apr€s le gnocide, mais ils
sont inquiets . cause de l’arme hutu protge par Mobutu au Za.re. C’est la cause officielle de
la guerre qui m€nera Laurent Kabila au pouvoir le matin de la Pentec.te en 1997.
Le Congo de Laurent-Dsir Kabila a visiblement connu deux temps forts:
- Du 29 mai 1997 au 17 ao.t 1998
- Du 24 ao.t 1998 au 17 janvier 2001
I. 3. 1. Du 29 mai 1997 au 17 ao.t 1998
En effet, entre le 29 mai 1997 et 17 ao.t 1998, le vrai pouvoir au Congo tait entre les
mains de Yoweri Museveni, prsident de la rpublique de l’Ouganda et de Paul Kagame, alors
vice-prsident du Rwanda ; allis inconditionnels et commanditaires de la guerre qui a port L-
D. Kabila au pouvoir . Kinshasa.
Les objectifs qui les avaient conduits . dclencher la guerre n’taient pas encore
atteints. A savoir : en finir avec l’arme des Hutu dissmine dans les maquis de la for.t
quatoriale du grand Za.re et procder . la partition du pays ou, mieux encore, occuper tout le
plateau de Masisi le long des grands lacs. Pour preuve, l’ONU enverra deux dlgations au
Congo pour tenter de voir clair dans ces massacres silencieux. Les deux dlgations ne seront
jamais re.ues par L-D. Kabila qui tait sous la haute surveillance des Tutsi qui r.vaient d’un
empire hamite en Afrique Centrale35. Une dcision courageuse, prise en ao.t 1998, a co.t au
Congo la seconde guerre avec le morcellement du pays en trois parties, jusqu’. l’assassinat de
Kabila "p€re", le 16 janvier 2001.
I. 3. 2. Du 24 ao.t 1998 au 16 janvier 2001
Laurent-Dsir Kabila voulait mettre un terme . ce jeu politique criminel quand il
demanda . ses deux allis de se retirer du Congo. C’est alors qu’clatera la seconde guerre du
Congo le 2 ao.t 1998 et qui dure jusqu’apr€s son assassinat le 16 janvier 2001. L-D. Kabila ne
devra son salut qu’au soutien de nouveaux allis : l’Angola, le Zimbabwe, la Namibie et . la
35 Ndaywel crit . ce propos : . On ne cessa de dnoncer le pseudo-projet tutsi de dtachement du Kivu du
Congo, en vue de la cration d’une "rpublique de Virunga" par la fusion avec l’Ouganda et le Rwanda -
Burundi... . Les Tutsi de l’Ouganda, du Rwanda, du Burundi et tous les autres qui vivent au Za.re, au Kenya
et en Tanzanie, projettent, dans un futur proche, la naissance d’un empire hamite... qui s’appellerait la
36
population de la ville de Kinshasa. Depuis lors, le pays est morcel en trois parties : tout l’est
du pays est sous occupation rwandaise, tout le nord-est sous occupation ougandaise, le sud-
ouest sous le pouvoir central de L-D. Kabila.
I. 3. 3. Du 24 janvier nos jours
Depuis le 24 janvier 2001, la destine du pays est entre les mains de son fils, le gnral
major Joseph Kabila qui, malgr son jeune ge, semble bien faire face . ses responsabilits. Il
jouit d’un certain crdit aupr€s des partenaires occidentaux et a russi . intgrer au pouvoir les
anciens belligrants en attendant des lections dmocratiques.
La situation religieuse n’a pas connu de perturbations sensibles par rapport . la priode
du r€gne de Mobutu. La guerre, la mis€re et la pauvret n’ont fait qu’accro.tre la naissance des
groupes politico-religieux sectaires et l’enracinement des Eglises dites de "Rveil".
C’est cet engouement de mouvements religieux parrains pour la plupart par les lites
politiques qui, . notre avis, rend originale la question du dialogue oecumnique et interreligieux
dans ce pays. Les Eglises de rveil sont devenues des lieux de rassemblement o. se joue toute
la vie politique, sociale, conomique, religieuse et culturelle du pays. C’est l. que se dessine la
nouvelle forme du dialogue oecumnique et interreligieux dans la mesure o., chrtiens,
musulmans et adeptes d’autres traditions religieuses se c.toient au quotidien, tous confronts
aux m.mes preuves de la vie difficilement supportables.
rpublique des Volcans ou les Etats-Unis d’Afrique Centrale si leur union fdraliste relie effectivement Dar-
es-Salaam . Matadi". p. 791
37
Conclusion
Nous avons voulu montrer dans ce premier chapitre de notre th€se que la
problmatique actuelle du dialogue oecumnique et interreligieux est, en grande partie,
tributaire de l’environnement socio-conomique, culturel et politique du Congo Indpendant.
Le terme "rveil" qui devient aujourd’hui l’pith€te des nouveaux mouvements
religieux qui posent question dans la problmatique du dialogue oecumnique et interreligieux
prend sans doute son origine et son sens dans cet environnement socio-culturel, politique et
historique du pays.
L’histoire religieuse de la priode coloniale n’est pour autant pas absente dans cette
problmatique. Elle est aborde dans le second chapitre de cette th€se o. nous dcrivons la
naissance et l’implantation des principaux groupes religieux "interlocuteurs" actuels du
dialogue oecumnique et interreligieux en R.D. Congo.
38
. Quand tu ne sais plus o. tu vas, retourne-toi, regarde
d’o. tu viens . (proverbe Ethiopien)
39
DEUXIEME CHAPITRE :
CADRE RELIGIEUX :
LES INTERLOCUTEURS ACTUELS DU DIALOGUE
OECUMENIQUE ET INTERRELIGIEUX EN
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
40
Introduction
Par interlocuteurs actuels du dialogue oecumnique et interreligieux, nous dsignons les
religions et communauts religieuses reconnues par les instances officielles nationales et
internationales. Il s’agit pour la Rpublique Dmocratique du Congo, des religions
traditionnelles africaines, du christianisme (catholique et protestant), du kimbanguisme
(religion afro-chrtienne) et de l’Islam.
Essentiellement descriptive, notre tude n’en sera pas moins critique. La prsentation
des religions se limitera aux points essentiels qui nous permettront de mettre en exergue les
caract.res intrins.ques et extrins.ques qui favorisent ou dfavorisent le dialogue. Les rites et
les crmonies qui les constituent sont parfois tellement complexes et varis qu’il sera quasi
impossible de les traiter tous en detail.
Les Eglises de rveil, t.te d’affiche de notre problmatique de dpart, feront l’objet
d’un chapitre . part dans le cadre des religions afro-chrtiennes qu’il faudra ou non intgrer
dans le dialogue au Congo.
41
II. 1. Les religions traditionnelles.
L’Afrique a autant de religions traditionnelles qu’elle a d’ethnies. Les tudes des
philosophes, thologiens, ethnologues et historiens des religions africaines36 les regroupent par
quelques points communs qui les unissent toutes. Ces points communs se prsentent
schmatiquement, comme une pyramide dont la base est constitue par les forces de la nature
et le sommet par la force divine. D’aucuns parlent . juste titre d’une hirarchie pyramidale des
forces vitales : au sommet de la hirarchie, se situe une force supr.me transcendante . laquelle
croit la quasi totalit des adeptes des religions traditionnelles. En seconde position, se situent
les mnes des anc.tres qui font le lien entre les vivants et les morts. En troisi€me lieu viennent
les vivants qui ont la puissance de la parole et le pouvoir : les chefs des clans et des familles, les
mdiums, les pr.tres, les sorciers et les parents. Ils peuvent entrer en contact direct avec les
anc.tres pour bnir ou maudire. En bas de la pyramide se situent les forces de la nature, avec
toute leur puissance symbolise surtout dans le rythme de la fcondit naturelle. (si ce rythme
cesse, la vie s’arr.te).37
Tous ces points communs sont mieux compris lorsqu’ils sont tudis dans le contexte
d’une ethnie ou d’un groupe linguistique homog.ne. Nous avons choisi, pour notre tude, le
groupe communment appel bantu, majoritaire en R.D.Congo. On estime, aujourd’hui .
soixante millions environ, le nombre de bantu en Afrique dont 60% dans le bassin du Congo.
Ils dsignent l’.tre humain par "Ntu" prcd de "mu-" comme prfixe singulier et de "ba-"
comme prfixe pluriel : muntu (un .tre humain), bantu (des .tres humains).
Selon la description qu’en donne Joseph Huby, . les Bantous forment un groupe
consid€rable qui occupe la plus grande partie de l’Afrique habit€e, en de. et au-del de
l’Equateur, de l’Atlantique l’oc€an indien, du bassin du Tchad et du Victoria au cours de
l’Orange... Ils sont divis€s en de nombreuses tribus, dont chacune a sa langue, son habitat,
ses coutumes, son gouvernement, sa mani.re de vivre, en g€n€ral conditionn€e par le pays
36 Nous faisons allusion aux tudes de Placide Tempels, La Philosophie Bantoue, Prsence Africaine, Paris
1949; de Henri Gravand, . Les religions traditionnelles, sources de civilisation spirituelle . ; d’ Amadou
Hampat BA, . Prsentation des religions africaines traditionnelles . toutes deux dans Les religions africaines
comme source de valeurs de civilisation, colloque de Cotonou, 16/22 Ao.t 1970, Prsence Africaine, Paris,
1972; de Vincent Mulago, La Religion traditionnelle des Bantous et leur vision du monde, ditions Saint
Paul, Kinshasa 1980; de Jean-Marc Ela, Ma foi d’Africain, ditions Karthala, Paris 1985.
42
qu’elle occupe, et comportant la petite culture, l’.levage, la chasse, etc. Ce groupe important
n’a gu.re .t. touch. par l’islam que sur les routes des caravanes qui relient Zanzibar aux
r.gions de l’int.rieur. Le christianisme, de son c.t., qui fit son apparition aux XVI.me et
XVIII.me si.cles sur les c.tes d’Angola et de Mozambique, avait laiss. peu de traces au
moment o. sa pr.dication fut reprise en ces derniers temps. On peut donc consid.rer les
Bantous comme poss.dant un fond religieux original et relativement homog.ne. .38
Cette description de J. Huby situe bien, du point de vue de l’impact religieux, le groupe
qui nous concerne dans cette tude. Dpartageant dj. l’islam du christianisme, il reconna.t .
cette population du coeur de la R.D. Congo un "fond religieux original" qui deviendra, . notre
avis, la plate forme de l’inculturation et le tremplin de toute initiative concernant le dialogue
entre les religions. Nous ne pouvons pas aborder tous les aspects de ce fond religieux original.
Nous avons choisi quatre th.mes majeurs correspondant . leur vision du monde, au travers de
la pyramide hirarchique des forces, . savoir :
- 1. L’Etre Supr.me.
- 2. Les anc.tres (les m.nes)
- 3. Les vivants
- 4. Les esprits de la nature.
Nos donnes pour cette tude, proviennent d’une part de l’enqu.te faite par les
tudiants des Dpartements de la Facult des Lettres de l’Universit de Lubumbashi au
Congo/Zare : celui de Langues et Littratures africaines et celui de Langue et Littrature
franaises. Cette enqu.te faite dans leur milieu d’origine a t dirige et prsente par le
professeur Mufutu Kabemba39 lors du deuxi€me Colloque International de Kinshasa sur les
religions traditionnelles africaines. Nous y ajoutons notre propre exprience et enqu.te aupr€s
de la socit "Leele"40 qui est notre ethnie. Nous nous inspirons d’autre part, des tudes
37 Voir annexe 17
38 Joseph Huby, CHRISTUS . Manuel d’histoire des religions, d. G. Beauchesne et ses fils, Paris , 1934 , p.
81.
39 K. Mufutu . Croyances Traditionnelles et Pratiques spirituelles au Za.re ., dans CERA, l’Afrique et ses
formes de vie spirituelle, n. Spcial, Vol. 24, n.47, Janvier-Juillet 1990, pp. 173 - 193
40Leele, tribu de la R.D.Congo/Za.re, province du Kasa.-Occidental, territoire d’Ilebo. Voir pour plus de dtails
: Alard, M. . Les Bashileele : le village ou le tr.ne ?., dans Etudes scientifiques, juin 1985 ;
43
prsentes par Ren Girault et Jean Vernette41, ainsi que de celles de Henry Van Stralen42, sur
d’autres socits d’Afrique, hors des fronti€res de la R.D. Congo.
II. 1. 1. La conception de l'.tre supr.me
II. 1. 1. 1. La nomenclature
Dans toutes les socits bantu de la Rpublique Dmocratique du Congo, . une
exception pr€s, l’Etre Supr.me porte un ou plusieurs noms : Nzambi-Mpungu, Nzambe,
Mungu, Mvidy Mukulu, Maweja, Mulopo, Ndjamb’a Pongo, Nkyer, Nzem, Efil, Fidi,
Shyakapanga... A travers cette nomenclature, trois grandes qualits sont attribues . cet Etre
Supr.me : Le Tout Puissant (Nzambi-Mpungu, Ndjamb’a Pongo), Mpungu ou Pongo signifie
"aigle" ; L’Anc.tre, P€re Crateur (Mvidye Mukulu, Shyakapanga, Nkier) et Le transcendant
invisible, omniprsent et omniscient (Efil, Fidi...).
On retrouve une conception semblable chez d’autres peuples africains, en l’occurrence
chez les Baouls de la C.te d’Ivoire. Dieu est nomm . Nyamyen, le dieu du firmament,
myst€rieux et lointain .. Chez les Dogons du Mali, "Amma" dieu crateur. Chez les Bambara,
"Faro" dieu de l’eau, dieu de la vie… 43
II. 1. 1. 2. La r.sidence de l’Etre Supr.me
En ce qui concerne la localisation de l’Etre Supr.me, l’enqu.te des tudiants du
professeur Mufutu rv.le deux types de connaissance existant au sein de la tradition bantoue
de la R.D. Congo : le type vulgaire de connaissance qui prsente les choses navement, localise
l’Etre Supr.me au ciel (en haut), sur la terre, dans une grande maison ferme, partout... Ce
type de connaissance conduit parfois . concevoir une multitude de divinits dont les liens avec
l’Etre Supr.me deviennent difficiles . tablir.
41 Ren Girault et Jean Vernette, Croire en dialogue, Droguet-Ardant, Paris 1979, 513 p.
42Voir Henry Van Straelen, L’Eglise et les religions non chrtiennes. Au seuil du XXIe Si€cle, Beauchesne,
Paris, 1994, pp. 247 - 278
43 Voir Van Straenel, Ibidem, pp. 247-278
44
On parle de dieu-des-anc.tres qui est dans l’au-del., dieu-des-vivants qui veille sur
nous, dieu-des-animaux, dieu-des-eaux, dieu-des-rcoltes, dieu-des-for.ts, dieu-de-la-pluie...
Autant de dieux partout o. s’anime le "Cosmos".
Le type profond, qui est, nous semble-t-il, l’apanage d’une minorit, rpond que la
rsidence de l’Etre Supr.me est inconnue et indtermine. Il est Unique. Sa force est en action
partout dans l’univers visible et invisible. . Il est souverain, cr€ateur de tout ce qui existe non
seulement dans le monde mat€riel des hommes, des animaux et des choses, mais aussi dans le
monde immat€riel des esprits et des forces .44
Cette approche para.t, . nos yeux, traduire la profondeur relle de la conception de
Dieu dans les religions traditionnelles. Les manifestations de l’Etre Supr.me ne sont pas l’Etre
Supr.me. Sa force qui anime le cosmos . travers les anc.tres, les vivants et les forces de la
nature, ne fait pas qu’il y ait autant d’Etres Supr.mes. Il est donc clair qu’il n’y a qu’un seul
"Etre Supr.me".
II. 1. 2. Le r.le des anc.tres (les m.nes)
Parler des m.nes ou "esprits des anc.tres" revient . rpondre aux questions sur l’Au-
del.. Que deviennent les hommes apr.s la mort ? Quelle est la conception de la mort ? Qui sont
les m.nes ? Quel r.le jouent-ils ? Qui s’adresse . eux ?
Tout ce qui accro.t la vie est sacr. Tout ce qui la raccourcit ou l’touffe est maudit,
conjur. Cependant, ils ne conoivent pas la mort comme un anantissement de la vie. Celle-ci
continue apr.s la mort, mais d’une autre faon. . Les morts ne sont pas morts .45
II. 1. 2. 1. Qui sont les m.nes ? Quel rle jouent-ils ?
44Nseka Ngimbi, . Structure "onto" thologique de la socit Kongo, dans Actualit et inactualit des "Etudes
Bakongo" du P€re J. Van Wing ., in Actes du Colloque de Mayidi du 10 au 12 avril 1980, Mayidi, 1983, p.
163-164
45 Birago Diop, Les contes d’Amadou Koumba, Prsence Africaine, 1960, p. 180 : (voir texte . la page
suivante)
45
Les enqu.tes diriges par le professeur Mufutu dlimitent en catgories claires et
prcises les morts qui ont bien vcu leur vie sur terre et qui font partie des mnes ; ceux qui en
sont exclus . cause d’un handicap physique ou psychologique dans leur vie antrieure, mais ne
faisant aucun mal aux vivants, et ceux qui en sont exclus . cause de leur mauvaise vie
antrieure, devenus dans l’autre vie, des errants pr.ts . causer du tort aux vivants.
Il faudra prciser que les morts qui font partie des mnes sont les seuls . avoir un r.le
bnfique et honorable aupr€s des vivants. Ils sont l. pour protger les hommes contre les
machinations occultes et nocturnes (magie noire, sorcellerie...) des esprits errants. Ils sont
excutants et ambassadeurs de l’Etre Supr.me aupr€s des vivants.
Voici un texte de Birago DIOP qui illustre ce qui prc€de :
. Ecoute plus souvent
Les choses que les €tres,
La voix du feu s’entend,
Entends la voix de l’eau
Ecoute dans le vent
Le buisson en sanglot :
C’est le souffle des anctres.
Ceux qui sont morts ne sont jamais partis
Ils sont dans l’ombre qui s’.claire
Et dans l’ombre qui s’.paissit,
Les morts ne sont pas sous la terre
Ils sont dans l’arbre qui fr.mit,
Ils sont dans le bois qui g.mit,
Ils sont dans l’eau qui coule,
Ils sont dans l’eau qui dort,
Ils sont dans la case, ils sont dans la foule
Les morts ne sont pas morts. .
46
Les mnes sont ceux qui ont fait du bien, ceux qui ont t sensibles aux probl€mes des
autres et surtout, ceux qui ont procr car ils peuvent rena.tre. Ceux qui, en plus de ces
conditions, sont morts de vieillesse et de mort naturelle, sont les plus levs dans la hirarchie
des forces vitales.
Dans l’ensemble, les personnes exclues de la catgorie des m.nes sont . les faibles, les
fous, les poltrons, les paresseux, les albinos et les pauvres. Les sorciers, les assassins, les
menteurs, les voleurs, les incestueux, les infid.les, les haineux et autres vicieux sont class€s
dans la cat€gorie des mauvais esprits, condamn€s errer et pr.ts causer du tort aux
vivants. .46
En revanche, ceux qui dans leur vie sur terre ont eu de grandes responsabilits : grands
chefs coutumiers, chefs de clans, leurs missaires, leurs notables et leurs guerriers sont
considrs comme ayant une me forte. Apr€s leur mort, ils ne sont pas dans la catgorie des
mnes ordinaires, mais deviennent des "esprits", - "bavidy€"en tshiluba du Katanga -
hirarchiquement plus forts que les mnes.
II. 1. 2. 2. Qui s’adresse . eux ? Quand et Comment ?
Tout Africain (muntu) est convaincu que l’Etre Supr.me a laiss l’univers au pouvoir
des .tres . subalternes, spirituels, subtiles, agiles ., -pour reprendre les expressions de Jean-
Marie Ribaucourt.47 L’univers est, pour ainsi dire, sous les ordres des forces occultes ou
protectrices des m.nes et des esprits : les forces des grands esprits dont on ne conna.t pas
l’origine et qui habitent les montagnes, les rochers, les sources, les lieux occultes, et celles des
m.nes des anc.tres ou des morts avec lesquels ils ont t en relation pendant leur vie, y
compris les chefs coutumiers, chefs des clans et leur suite.
Jean-Marie Ribaucourt dit que . ni les grands esprits ni les m.nes ne sont
interm€diaires entre Dieu et les hommes : ils agissent de leur propre gr€. L’homme les
implore d’une fa.on absolue, et non pas conditionnelle (pour autant que Dieu le permette).
Donc pas de ressemblance entre le culte chr€tien des saints et ce culte des esprits ; on
46 K. Mufutu, op.cit., p. 180
47 J-M Ribaucourt, op. cit., p. 110
47
d€formerait la conscience €tablir une relation sur ce plan. .48 Cette derni€re phrase
conclusive nous permet de comprendre pourquoi le R.P. Jean-Marie Ribaucourt ne peut
accepter que les mnes soient intermdiaires (ou ambassadeurs) entre les hommes et l’Etre
Supr.me. A ce titre, c’est tout le monde qui s’adresse . eux. Mais dans la plupart des cas, c’est
le chef de famille, le chef de clan ou du village, ou encore selon les socits, une personne (de
sexe masculin) investie pour intercder pour tous ceux qui ont besoin d’une protection spciale
des mnes. A une exception pr€s, tr€s rare en Afrique chez les Leele du Kasa., o. une femme
polyandre peut devenir la pr.tresse sacre qui s’adresse aux anc.tres, puisqu’elle peut avoir eu
des relations intimes avec certains d’entre eux pendant leur vie sur terre.49 Elle est, dans
certains cas, habilite . anantir aussi les effets nfastes ou les mauvais sorts provoqus par un
magicien ou un sorcier manipulateur des esprits de la nature.
II. 1. 3. L’Etre suprme et les hommes.
Les religions traditionnelles bantu n’ont pas d’crits sacrs comparables . d’autres
religions prophtiques, mystiques ou rvles. Et cela pour la raison vidente qu’il s’agit de
peuples sans criture. Les relations entre l’Etre Supr.me et l’homme dans ces religions
s’effectuent souvent par des faits visibles, tangibles, audibles autres que les lettres crites.
L’art, les mythes et les rites sont, . notre avis, l’quivalent des critures sacres des autres
religions. L’Afrique noire est le terrain de la tradition orale, du visuel, du sensoriel plut.t que
de l’crit.
48Ibidem
49 Le Leele est une ethnie dont la royaut remonte . la fin du XVIeme si€cle.Situe entre les rivi€res Kasa. et
Katembo (Loange), elle est . cheval entre les provinces du Kasa.-Occidental et Bandundu. Elle avait une
coutume unique sur le mariage, qui tait inconnue dans le reste du pays et qu’on retrouve au Nigeria: La
. Polyandrie ..cf. Jacques MAQUET, Les civilisations noires, histoire, technique,arts ,soci€t€s, Paris,
Marabout Universit, 1966
Le mariage traditionnel et ordinaire tait surtout monogamique avec quelques rares cas de polygamie parmi les
chefs et notables. L’ge du mariage tait lg€rement retard par rapport . d’autres ethnies ( 30 . 35 ans), le
temps que le jeune homme prouve sa maturit par des travaux et des activits d’adulte.( artistiques, rurales,
pigeages etc.). Pour viter que ces jeunes tentent de seduire les femmes maries ou les filles nubiles, on
organisait la socit en classes d’ges: Cinq au total. On attribuait donc . chaque classe d’ge une ou deux
pouses communes appeles en Leele . N'hohombe . . Les hommes d’une m.me gnration, quel que soit leur
village, avaient entre eux, les m.mes droits et devoirs. Ils devaient .tre solidaires, m.me pour partager le lit de
leur pouse polyandre. La pratique de ce mariage a t interdite par le pouvoir colonial en 1947, mais reprise
sous l’gide du grand chef coutumier Pero Mishondo, en 1960 sous le vocable de "table ronde". Aujourd’hui,
avec l’volution des mentalits et l’mancipation de la femme, le mariage polyandrique chez les Leele n’existe
pratiquement plus.
48
Nous allons analyser assez rapidement les r.les que jouent ces trois vecteurs dans ces
religions pour tenter de comprendre le biais par lequel l’homme entre en relation avec l’Etre
Supr.me.
II. 1. 3. 1. Par l’art
A travers l’art, c’est le rapport par la proximit qui est mis en jeu. L’art permet .
l’homme d’entrer en relation avec l’Etre Supr.me . travers sa force, qui anime la nature, et qui
passe aussi par les objets inertes. Le masque dans les religions traditionnelles bantu devient un
mdium qui rend visible et proche ce qui est invisible et lointain. Le cosmos lui-m.me est la
manifestation visible et proche de l’Etre Supr.me invisible. Les couleurs, les mouvements, les
reliefs, les arabesques des chefs-d’oeuvre naturels sont autant de prsences visibles de l’Etre
Supr.me.
Cet Etre Supr.me, nous l’avons dit, porte dans la tradition africaine, un ou plusieurs
noms. Mais, comme l’indique le professeur T. Mudiji, . Il est troublant de constater qu’il n’y
a pas de masque qui figure Dieu, tout comme la statuaire traditionnelle des cultes ne contient
pas de repr.sentation divine. .50 Cette absence de reprsentation de l’Etre Supr.me est un
message tr€s profond qui fait comprendre ce qu’est cet Etre pour les bantu. Pour Le
"convoquer" en situation de catastrophe, on passe imprativement par sa force qui anime la
nature, par le pouvoir qu’Il donne aux vivants et par les mnes des anc.tres qui jouent parfois
le r.le d’intercesseurs. Ne l’invoquent directement, que les personnes qui se sentent lses par
ces forces intermdiaires.
Le professeur Thodore Mudiji prcise, en parlant d’initiation et de dramatisation par
les masques, que . Chez les Phende51, lorsqu’au soir la parole ou rythme du tam-tam, le
battement des mains et le chant du choeur appellent les masques sur la sc.ne sacr.e born.e .
distance en demi-lune par la communaut. spectatrice, les mbuya52 sortent tour tour de leur
sanctuaire plac€ l’€cart du lieu habit€ par les vivants. On les consid.re en effet comme des
anc.tres revenants (mvumbi). Ils viennent chacun interpr€ter un aspect de l’existence totale
qu’ils abordent sous l’angle des gestes mat€riels et €conomiques, sociaux, politiques, €thiques
50 Thodore Mudiji Malamba, "Elvation Spirituelle par l’Esthtique en Afrique noire", dans CERA, L’Afrique
et ses formes de vie Spirituelle, Numro spcial, vol. 24, n.47, Janvier-Juillet 1990, p. 257
51 Ibidem. Phende : une tribu au Congo.
49
ou religieux. Ils recr€ent et tentent de r€soudre les conflits qui se manifestent dans le monde
humain et cosmique : la f€condit€ et la st€rilit€, le moi et autrui, la vie et la mort, la lumi.re
et les t€n.bres, le bien et le mal. .
L’art, dans les religions traditionnelles bantoues, est le vecteur privilgi du rapport
entre l’homme et l’Etre Supr.me. Il faut cependant dire que tout objet d’art utilis dans un rite
traditionnel n’est pas toujours un moyen de communication avec l’Etre Supr.me. Le frottoir
des devins, par exemple chez les Leele du Kasa., qu’on appelle "Itumba la bukang" n’a pas la
m.me fonction qu’un masque. On ne va pas chez le devin (nganga buka ou nganga fio-fio)
pour convoquer Dieu, mais plut.t pour consulter un .tre humain qui a le pouvoir de voyance.
En prsence des interlocuteurs venus le consulter, il tablit un dialogue de recherche commune
dans lequel on voque des personnes, des vnements, des circonstances au sein de la famille
restreinte et largie. Le "nganga" devine, soup.onne, en manipulant le frottoir "itumba" sur
lequel il a mis un peu d’encens. D€s que l’encens se chauffe par suite du frottement, il colle et
d€s qu’il colle, il rv€le le coupable dont le nom venait d’.tre cit…
Le nganga ne peut convoquer ni Dieu, ni les anc.tres pour rsoudre des probl€mes
quotidiens.
II. 1. 3. 2. Par les mythes
La transcendance et la proximit de l’Etre Supr.me sont exprimes tour . tour par les
rcits mythologiques que les vieux racontent aux jeunes, le soir autour du feu ou le jour du
repos prescrit pour des motifs religieux53, sous le Baobab ou sous l’arbre de la palabre…
Les rcits mythologiques sur la cration ou sur les origines sont parfois trangement
proches de ceux de la Bible. Personne n’est encore arriv, . notre connaissance, . expliquer
cette proximit entre les mythes des religions smitiques et ceux des religions traditionnelles
ngro-africaines. Les cas les plus frappants, en dehors des mythes de la cration, sont ceux des
mythes de la Tour de Babel (Gen.se 11) et du rcit sur Cham, fils maudit de No (Gen.se 9).
52 Ibidem. Mbuya : nom donn au porteur d’un masque spcial, dans la tribu Phende.
53Toutes les religions traditionnelles bantu ont un jour de repos par semaine appel "IMBOMBA" chez les
Leele du Kasa. ou "MUKILA" chez d’autres peuples de la province de Bandundu ( Centre-Ouest de la R.D.
Congo)
50
La conviction que tous les peuples bantu croient . l’existence d’un Dieu "crateur"
vient des mythes et proverbes courants. Jean-Marie Ribaucourt note . partir des mythes et
proverbes de la tradition de Bapende que . l’homme ne s’est pas cr.. lui-m.me : Dieu seul l’a
fait. Mais Dieu, s’Il r.gne, ne gouverne pas ; apr.s avoir cr.. tout l’univers, Il s’est retir., et
vit en simple propri.taire, on ne sait pas exactement o.. .54
Au sujet de Cham, le fils maudit de No : des mythes semblables se retrouvent dans
plusieurs ethnies bantu. Cham est le p€re de Canaan le maudit, envoy par No au pays o. le
soleil lui grillerait le visage, esclave des esclaves de ses fr€res (Gen€se 9,20-29). Dans les
idiomes de plusieurs ethnies bantoues, "Kam", "Kan", "Ngan" dsignent "l’autrui",
"l’innocent", "le na.f", "le pauvre" qui subit un sort trop lourd, pour un acte non prmdit ou
non intentionnel. En Leele on dit "M.ot a kana", en kikongo et lingala on dit "Muntu ya ngani"
ou "Moto ya ngani". Ces termes paraissent si remarquables que lors de la premi€re visite du
Pape Jean-Paul II au Za.re en mai 1980, une dlgation des notables vint demander au Pape s’il
ne pouvait pas, en tant que vicaire du Christ, lever la maldiction de Cham/Canaan qui
continue . peser sur les peuples d’Afrique noire. (Sic)55
Le mythe de la Tour de Babel est similaire . celui qui est relat dans plusieurs ethnies
bantoues, notamment chez les Ambun de Bandundu qui parlent d' "Okul alung"et chez les
Bashilele du Kasa. qui parlent d’ "Ishayola"56,; pouvant se traduire littralement par "mythe des
peuplements".
II. 1. 3. 3. Par les rites
Dans les religions traditionnelles bantu, les rites sont extr.mement importants pour
toute communication avec l’Etre Supr.me, avec les anc.tres (mnes) et m.me avec la nature.
54Jean-Marie Ribeaucourt, Ev.que d’une transition, Ren. Toussaint, Baobab, Kinshasa, 1997, p. 109
55Voir les analyses faites . ce sujet par le professeur O. Bimwenyi-Kweshi, Discours Thologique Ngro-
Africain. Probl€me des fondements, Prsence Africaine, Paris, 1981, pp. 117-127. : On peut noter que dj. en
1870, pendant le premier concile de Vatican, Soixante-huit v.ques missionnaires avaient sign une supplique
qui porte le titre de Postulatum pro Negris Africae Centralis Sacro Concilio Oecumenico Vaticano, o. ils
faisaient allusion . cet antique anath€me qui continue d’craser les malheureuses populations issues de Cham.
Les missionnaires catholiques ont m.me soutenu le commerce triangulaire -commerce des esclaves, Europe-
Afrique-Amrique- sous prtexte que la pri€re de No a t parfaitement exauce par Dieu : Japhet (les
Europens) sjourne dans les tentes ou "demeures" de Sem (ici les Indiens d’Amrique sont dclars Smites),
tandis que Cham (les "N€gres Africains") sont bel et bien . son service. Chacun est . sa place.
Nous notons aussi par ailleurs qu’en hbreu, Khum=marron, Khom=chaleur, Khama=la chaude, le soleil ; en
€gyptien ancien, Khem=noir, charbonn, Ham=chaud, noir..(Voir Cheik Anta DIOP, Antriorit des
civilisations n€gres. Mythe ou vrit historique ? d. Prsence Africaine, Paris 1967, p. 242.
51
La base de toute philosophie religieuse est que "l’Etre est force". Tout .tre, Supr.me ou
infrieur, est une force. De Dieu . la nature, tout est "force vitale"57 Les rites ont donc une
chorgraphie qui reprsente toutes ces forces. Celles de la nature sont reprsentes par les
couleurs bigarres, la flore et la faune reprises dans les plumes, feuilles et peaux de b.tes dont
est coiff le "pr.tre"... Le tam-tam, le gong et la clochette sont censs interpeller les forces des
mnes. La danse est rythme selon la circonstance (joie, deuil, calamit, fcondit, naissance,
chasse, p.che ou investiture...) L’expression corporelle et gestuelle varie selon que la pri€re
s’adresse . Dieu directement ou aux mnes. L’intensit et la tonalit de la parole varient, elles
aussi, selon qu’il y a "convocation" de la force Supr.me ; ou "supplication" des mnes pour
une offense commise, une fcondit "qui fait dfaut" dans la famille, ou qu’il y a "conjuration"
de quelques esprits malfiques de la nature. Les rites dans les religions africaines sont tr€s
prcieux pour l’quilibre et la communication des forces vitales.
II. 1. 4. Les esprits de la nature.
Contrairement au culte des anc.tres, prsid souvent par les chefs des familles, les chefs
des clans ou les chefs du village, voire le chef coutumier, le culte aux esprits de la nature n’est
prsid que par le sorcier, le thaumaturge ou le magicien du village. De fa.on gnrale, leur
r.le est vu ngativement bien que leurs exigences soient parfois les m.mes que celles des
mnes.
Les esprits de la nature sont soit malfiques quand ils sont invoqus par un sorcier
56Voir Isidore Ndaywel, Histoire gnrale du Congo., p. 115
57Pour plus de prcisions, on peut lire le petit livre de Placide Tempels, intitul "Philosophie Bantoue", paru en
1948. Rappelons en passant que lors de sa parution, ce livre avait t interdit par le pouvoir colonial. En ces
temps-l., les ides admises sur les Noirs taient celles du sociologue fran.ais Lucien Levy-Bruhl ( 1857-1939).
Largement influenc par Hegel pour qui l’Afrique, dpourvue d’criture, ne peut avoir d’histoire : elle n’est que
nuit et sommeil de l’humanit, Levy-Bruhl avait crit La mentalit€ primitive o. il diffrenciait la nature des
socits occidentales (volues) des socits primitives infrieures (prlogiques). Le petit ouvrage du p€re
TEMPELS, missionnaire franciscain au Congo/Za.re, ragissait, . l’poque contre l’ide que les Noirs n’ont
pas de pense propre, ce qui reviendrait . dire qu’ils ne sont pas des hommes. Bien au contraire, dit-il, les
Noirs ont, comme les Blancs, une philosophie propre; une philosophie qui repose essentiellement sur une
conception dynamique de l’.tre. Les occidentaux affirment que "l’.tre est ce qui est", "la ralit qui est"
(conception statique), les Bantu, pour leur part, affirment que l’.tre est "ce qui poss€de la force", "l’.tre est
force" (conception dynamique). Il y a une identification de l’.tre . la force. Toutes les conceptions de la vie
chez les Bantu sont centres autour de l’ide de "force vitale". Ainsi dans l’univers, chaque .tre est une force
singuli€re ; ces forces sont hirarchises : Dieu, les anc.tres fondateurs de la tribu, les esprits des dfunts, les
hommes vivants qui ont aussi leur hirarchie selon leur ge et leur force vitale, puis les forces animales et
vgtales. Les critiques avaient vite fait de dire que Placide Tempels faisait des Bantous, les "Monsieur
Jourdain" de la philosophie.
52
pour nuire . quelqu’un ; soit bnfiques quand ils sont invoqus par le gurisseur du village
contre une calamit pidmiologique. Dans ce dernier cas, tout le village se prosterne devant le
lieu suppos habit par l’esprit de la nature et le gurisseur attitr appelle l’esprit en agitant
l’offrande. Ce culte a lieu . n’importe quel moment et varie d’un milieu . un autre.
Les sorciers, quant . eux, les manipulent de nuit pour nuire par envotement ou par des
effets de "cauchemar"58.
Tout compte fait, l’animisme peut .tre dfini comme un syst€me de croyance en un
Etre Supr.me unique et invisible dont la force se manifeste . travers ses .tres subalternes :
anc.tres, vivants et nature, m.me inerte. Une croyance en un Dieu qui prot€ge contre les
forces malfiques, un Dieu qui gurit, un Dieu qui sauve… Autant de facteurs et valeurs
intrins€ques que les adeptes de religions traditionnelles retrouvent dans le christianisme. Un
christianisme qui a t implant en Afrique au mpris parfois de toutes ces valeurs intrins€ques
et sans considration de la culture et des traditions des autochtones.
58Pour plus de prcisions et de dtails, on peut lire Meinrad HEBGA, Sorcellerie, chim.re empirique, Prsence
africaine, Paris, 1975
53
II. 2. La Religion chr€tienne ou le christianisme
Le christianisme est, en dehors des religions traditionnelles bantu, la premi€re religion
trang€re qui s’est profondment implante en R.D. Congo.
L’histoire de la dcouverte de l’embouchure du fleuve Congo par le navigateur
portugais du nom de Diego Cao, au XV€me si€cle (1482), a toujours t lie . la premi€re
vanglisation et au bapt.me d’un roi Kongo, Nzinga Nkuvu (1491). Cette premi€re
vanglisation n’a pas pris racine . cause, entre autres, de sa complicit flagrante avec la traite
des esclaves.
C’est vers la fin du XVIII€me si.cle qu’on entre dans la priode de la deuxi.me
vanglisation avec deux nouveaux explorateurs, cossais et anglais : David Livingstone et
Henri Morton Stanley. Le premier est pasteur et mdecin, le second est journaliste de
profession. Cette nouvelle tape marquera le dbut de l’implantation des missions protestantes.
Les catholiques reprendront l’hgmonie apr.s la confrence de Berlin (1884-1885) qui
donnera tout le bassin du Congo au roi des Belges, Lopold II.
C’est en nous appuyant sur les mthodes de cette seconde vanglisation que nous
entendons orienter notre tude.
Nos sources sont principalement les tudes de Lon de Saint Moulin59 , Paul De
Meester60, et Bananga Munongo61.
59 Lon de Saint Moulin, s.j., - EGLISE ET SOCIETE Le discours socio-politique de l’Eglise catholique du
Congo (1956-1998), Tome 1, Facults Catholiques de Kinshasa, 1998. 495 pages.
- Idem, Oeuvres Compl.tes du Cardinal Malula, Centre des Archives Ecclsiastiques Abb Stfano Kaoze,
(C.A.E.K.), Facults Catholiques de Kinshasa, 1997, Sept Volumes, 2208 pages, 769 textes.
60Paul De Meester S.J. L’Eglise de J.sus Christ au Congo-Kinshasa, ditions Centre Interdiocsain de
Lubumbashi, 1997
61 Munongo Bananga, Aspects du protestantisme dans le Congo-Za.re Ind€pendant (1960-1990), Th€se de
Doctorat soutenue . l’universit Charles De Gaulle Lille III, Juin 2000, 420 pages.
54
II. 2. 1. L’Eglise catholique au Congo
Introduction
Trois tapes majeures valent la peine d’.tre suivies pour comprendre les mthodes de
l’implantation de l’Eglise catholique et la cohabitation entre les religions pendant cette priode
de la seconde vanglisation :
Le 9 septembre 1865, le Dcret de la Propagation de la foi confie . la congrgation du
Saint Esprit62 la mission de relancer l’vanglisation au Kongo, apr.s l’chec des missionnaires
Capucins italiens de la premi.re vanglisation (1835)
L’acte de la confrence de Berlin (1885) qui fixe les fronti.res intangibles du bassin
du Congo et qui divise le royaume Kongo en trois territoires : un premier territoire constitu
en Etat indpendant avec le roi des Belges, Lopold II comme chef de l’Etat, un deuxi.me aux
Portugais et un troisi.me aux Franais. Le territoire accord au roi des Belges, qui est l’objet
de notre tude, deviendra "Etat Indpendant du Congo (E.I.C.)"
Trois dcennies plus tard le roi des Belges cdera l’E.I.C. . la Belgique (1908). Ce
territoire prendra le nom de Congo belge jusqu’. son indpendance le 30 juin 1960. Du point
de vue de l’vanglisation, cette priode est celle d’enracinement et de recherche des voies
vers une inculturation de l’Evangile.
C’est dans cet ordre que nous allons articuler cette section.
II. 2. 1. 1. La relance de l’.vang.lisation par les Spiritains (1865 – 1890)
Le premier poste de relance de l’vanglisation en terre Kongo fut choisi . dessein dans
un territoire de l’enclave de Kabinda, hors de l’influence portugaise : la mission spiritaine de
Landana, fonde en 1873. Avant que les missionnaires spiritains n’aient eu le temps de
s’organiser et d’avoir un rayonnement considrable . l’intrieur du royaume, Henry Morton
Stanley dbarquait en 1877 avec des missionnaires protestants de la Livingstone Inland
Mission (L.I.M.) et de la Baptist Missionary Society (B.M.S.) . San Salvador. Ils prirent de
62 Voir Paul De Meester, L’Eglise de J.sus Christ au Congo-Kinshasa, ...., pp. 16-17.
La Congrgation . laquelle la "Propaganda Fide" confiera la responsabilit de relancer l’vanglisation avait
t fonde en 1703 par le P€re Poullart des Places. Elle avait pour charisme particulier de former des pr.tres
pour les "mes abandonnes". Elle fit fusion en 1843 avec une autre Congrgation, celle du Sacr-Coeur de
Marie fonde par Fran.ois Libermann, un juif converti qui fut lu Suprieur gnral de la nouvelle Socit.
55
vitesse les spiritains fran.ais qui ne purent envoyer le gros de leurs missionnaires qu’. partir de
1880, avec l’explorateur italien Brazza et le P. Carrie qui sera consacr v.que six ans plus
tard.
D’apr€s Paul de Meester la rivalit entre les deux explorateurs, l’italien Brazza qui tait
au service de la France et l’cossais Stanley qui tait au service de Lopold II, fit basculer la
prfrence des spiritains fran.ais vers Brazza. Cette rivalit sera . l’origine des conflits entre
catholiques et protestants en terre de mission.63 On ne peut d.s lors s’emp.cher de croire que
la confrence de Berlin qui viendra diviser le royaume en trois parties avait tenu compte de ces
rivalits entre les missionnaires protestants oeuvrant pour le compte du roi des Belges et les
missionnaires catholiques, avec Brazza, oeuvrant pour le compte de la France
II. 2. 1. 2. L’.vang.lisation sous l’Etat Ind.pendant du Congo
N avec la confrence de Berlin (1885), l’Etat Indpendant du Congo s’tendait sur un
tiers de l’ancien royaume Kongo auquel on avait annex la partie orientale du territoire
appartenant . d’autres anciens royaumes.64
Du point de vue de l’vanglisation, l’acte de la Confrence de Berlin qui avait garanti
la libert religieuse . tous les habitants avait du m.me coup donn l’occasion au roi des Belges
de redonner de l’avance aux missionnaires catholiques sur les missionnaires protestants qu’il
soutenait pourtant dans le conflit qui avait oppos Stanley . Brazza.
Les trois dcennies de l’E.I.C. constituent la priode de recherche des mthodes
d’implantation des deux Eglises "soeurs". La garantie de la libert religieuse par l’acte de la
confrence de Berlin et les mthodes d’implantation des Eglises catholique et protestantes en
pays de mission sont les deux points qui retiendront notre attention dans cette section.
63Voir Ibidem
De Meester crit : . La rivalit. entre les explorateurs et leurs commanditaires s’.tait hauss.e au niveau de
revendications territoriales entre la France et l’Etat du Congo en gestation. A cette .poque, le missionnaire
(catholique) devenait lui aussi, bon gr. mal gr., un pion dans ce jeu d’.checs serr.… .
64Notamment les royaumes Kuba, Luba et Lunda.
56
II. 2. 1. 2. 1. L’article VI de l’acte de Berlin garantissant la libert. religieuse.
L’chec qu’avait connu la premi.re vanglisation avec les missionnaires portugais
n’avait pas laiss indiffrents les participants . la confrence de Berlin. Runis du 15 novembre
1884 au 28 fvrier 1885, les reprsentants de 14 nations, sign.rent le 26 fvrier 1885, l’acte
dterminant le statut du bassin conventionnel du Congo. Le but de la runion tait, d.s le
dpart, de . r€gler les conditions les plus favorables au d€veloppement du commerce et la
civilisation dans certaines r€gions d’Afrique et assurer tous les peuples la libre navigation
sur le Niger et le Congo .65
Deux indices majeurs de leur dclaration finale nous donnent la preuve que les
Spiritains avaient suffisamment tenu compte des causes de l’chec des portugais de la premi€re
vanglisation :
Sur le plan social, l’acte final rit€re avec force l’interdiction de l’esclavage dans le
bassin du Congo ainsi que dans toute l’Afrique. Les missionnaires spiritains s’engageaient . y
amliorer les conditions matrielles et morales des indig€nes. Plus que tout, l’article VI de
cette dclaration finale stipule clairement : . Toutes les puissances exer.ant des droits de
souverainet€ dans lesdits territoires prot€geront et favoriseront, sans distinction de
nationalit€ et de culte, toutes les institutions et entreprises religieuses, scientifiques et
charitables. Les missionnaires chr€tiens, les savants, les explorateurs, seront €galement
l’objet d’une protection sp€ciale. La libert€ de conscience et la tol€rance religieuse sont
express€ment garanties aux indig.nes comme aux nationaux et aux €trangers. Le libre et
public exercice de tous les cultes, le droit d’€riger des €difices religieux et d’organiser des
missions appartenant tous les cultes, ne seront soumis aucune restriction ni entrave .66
On comprend, par ailleurs, qu’avec la prsence des missionnaires protestants dans le
bassin du Congo, la Confrence de Berlin ne pouvait s’abstenir de donner de pareilles
garanties. Il fallait bien viter les conflits de nationalits et de confessions religieuses, pareils .
ceux qui avaient oppos Stanley . Brazza et divis les spiritains entre eux, en fonction des
nationalits.
65 De Meester, op. cit., p. 24
57
Il para.t aussi vident que tenant compte de la mthode de la premi€re vanglisation,
cet article VI a t une garantie pour le respect des coutumes, des religions et des diverses
traditions africaines. Il posait ainsi des conditions favorables . la recherche de mthodes
d’vanglisation adaptes aux circonstances favorables . l’implantation de l’Evangile en pays
de mission.
II. 2. 1. 2. 2. Les M.thodes d’implantation de l’Eglise en pays de mission
L’implantation des Eglises catholique et protestantes de la seconde vanglisation
concide, dans sa phase active, avec l’entreprise coloniale du roi des Belges. L’article VI que
nous venons de rappeler avait dj. pos subrepticement les bases des mthodes d’implantation
de l’Eglise. La mthode qui partirait sur une autre base que le respect et l’panouissement de
tout homme et de tout l’homme n’avait pas sa place en pays de mission. Le but de
l’vanglisation tait l’annonce de la Parole de Dieu et la promotion humaine int.grale.
Il faudra cependant, reconna.tre certaines "ambiguts" dues . l’assistance mutuelle
entre l’Etat et les Eglises, m.me en contexte thorique de sparation entre les deux institutions.
La vieille chrtient congolaise est pleine de ces incidents ridicules et coupables de complicit
entre Eglise-Etat-Socit commerciale. Le secret de la confession, pour ne prendre que cet
exemple, fut pendant longtemps contest, vu certains emprisonnements ou licenciements sans
notification prcise, apr.s les aveux des chrtiens aux pr.tres.67
S’agissant des mthodes concr.tes mises sur pied pour atteindre le but de
l’vanglisation, . savoir, l’annonce de la Parole de Dieu et la promotion humaine intgrale,
66 Ibidem, p. 25
67 Citant F. Bontinck, Paul de Meester crit : . Dans le contexte pr€cis de l’histoire de l’E.I.C. le concours
mutuel que se pr.tent l’Etat, l’Eglise et les grandes soci€t€s industrielles et commerciales - l’entente de la
fameuse triade - est un fait que l’on ne doit plus avoir honte de reconna.tre loyalement. Il instaura une sorte
de r€gime de paix qui, tout prendre, joua un rle favorable l’implantation de l’Eglise dans le bassin du
Congo, rle plus ou moins analogue celui que remplit la "pax romana" en son temps, pour l’expansion du
christianisme dans le bassin m€diterran€en. D’aucuns souhaiteraient voir rappeler ici que, s’il y a
"collaboration" et "entente" de la "triade", il serait exag€r€, voire tendancieux de parler de "collusion
inconditionnelle", beaucoup d’historiens estiment qu’il y a l une interpr€tation partielle, qui laisse de ct€ un
bon nombre de faits . Voir Ibidem, pp. 25-26
58
une triade tait mise en place partout o. s’ouvrait un poste de mission, protestant ou
catholique : l’cole, l’h.pital (dispensaire), l’glise.
D’apr.s De Meester, il y avait un lger dsaccord en ce qui concernait la langue .
adopter comme vhicule de l’annonce de la Parole de Dieu et la promotion humaine intgrale,
Il crit : . Alors que l’administration voudra que les .coles n’enseignent que la langue du
pays colonisateur, les missionnaires s’efforceront de s’exprimer dans les langues de ceux
qu’ils .vang.lisent. Ils se font aider par des cat.chistes indig.nes que les administrateurs
verront d’un mauvais oeil, car ils .chappent . leur emprise... .68.
Cette situation tait beaucoup plus dlicate pour le Congo belge dont les colonisateurs
eux-m.mes avaient des rivalits linguistiques flamands-wallons. Si les missionnaires avaient
facilement opt pour les langues locales, c’est parce que l’ordre venait de Rome qui vitait, au
dpart, de retomber dans les dboires de la premi€re vanglisation. Opter pour une des
langues du pays colonisateur paraissait exclure de l’vanglisation, toutes les personnes ges
qui ne pouvaient plus apprendre ni le fran.ais, ni l’anglais, ni . fortiori le nerlandais.
Comme procdure, les missionnaires de Scheut commenc€rent par racheter les enfants
esclaves pour les instruire dans des "colonies scolaires" et ensuite des esclaves adultes pour les
regrouper dans des villages chrtiens. Ces villages chrtiens d’anciens esclaves devaient, dans
l’esprit de leurs fondateurs, permettre d’enraciner et de consolider la foi de ces nouveaux
chrtiens.
La seconde tape consistait . installer des catchistes dans les principaux villages. Ils
devenaient automatiquement chefs des communauts religieuses, s’occupant de l’instruction
des catchum€nes et dirigeant la pri€re pour les chrtiens de la place. Un pr.tre itinrant
supervisait leurs activits.
La troisi€me tape qui interviendra un peu plus tard avait consist . fonder le
catchumnat central tenu par les catchistes eux-m.mes et o. l’v.que pouvait venir
confirmer les chrtiens assidus aux sacrements.
68 Ibidem, p. 26
59
L’vanglisation dans l’E.I.C. a connu son meilleur accomplissement, bien que
rudimentaire, gr.ce . la bonne collaboration entre la "triade" Missionnaires-Religieuses-
Catchistes. De Meester crit : .Ce sont ces trois l qui, op€rant r€ellement de concert, ont
contribu€ au d€veloppement et la promotion humaine de l’homme africain - et qui avaient
jadis fait d€faut durant la premi.re €vang€lisation. Ce sont ces trois op€rateurs de l’Eglise
qui ont, chacun leur niveau pos€ l’infrastructure pour le bien-.tre des corps, de l’esprit et
de l’.me, seconde "triade" qui, jadis comme aujourd’hui, constituent les trois ples de tout
progr.s et de toute promotion humaine dans les centres urbains comme dans les zones et
collectivit€s rurales, savoir l’€glise, l’€cole et l’hpital. Triade qui encore aujourd’hui
synth€tise et symbolise tout ce que repr€sente le terme de "Mission".69
Entre la confrence de Berlin et l’clatement de la premi.re guerre mondiale qui fit
ralentir l’vanglisation par le manque d’hommes et de fonds, l’implantation de l’Eglise s’est
faite suivant cette mthode de base tr.s lmentaire que nous venons de dcrire. La priode de
la croissance, du rayonnement et de l’enracinement de l’Evangile dans l’ensemble du territoire
interviendra quand Lopold II cdera . la Belgique l’E.I.C. devenu Congo belge (1908).
II. 2. 1. 3. L’Evang.lisation du Congo belge (1914-1959)
Bien que la cession du territoire . la Belgique ait eu lieu en 1908, l’vnement qui a
trac la ligne de dmarcation dans l’histoire contemporaine de l’Eglise du Congo est la
premi.re guerre mondiale. Elle a, d’une part, confort la collaboration entre l’Etat et l’Eglise
en pays de mission, jusqu’. crer des quivoques entre la mission de l’un et de l’autre. D’autre
part, elle a sem un certain esprit imprialiste qui a fait na.tre la tendance . limiter la rflexion
thologique . la seule philosophie des dominateurs, tout en cartant le plus possible, les autres
formes de pense religieuse. Ce qui contredisait logiquement l’esprit de l’article VI de la
Confrence de Berlin qui tait pourtant maintenu et complt par de nouvelles dispositions
dans la Charte coloniale, notamment sur la libert de conscience et la tolrance religieuse
69Ibidem p. 136
60
expressment garanties aux indig€nes comme aux nationaux et aux trangers, chrtiens ou
musulmans.
Deux situations parmi tant d’autres, relatives aux conflits et aux contestations actuels
entre les religions au Congo, retiendront notre attention :
1. L’quivoque entre vanglisation et civilisation.
2. Des thologies . la hauteur de l’quivoque.
Nous nous inspirons pour cette section, des tudes du professeur Oscar Bimwenyi-
kweshi publies en 1981 sous le titre de . Discours th€ologique n€gro-africain. Probl.me des
fondements .70
II. 2. 1. 3. 1. L’.quivoque entre .vang.liser et civiliser
Nous avons vu prcdemment, comment la trilogie coloniale (Etat, Eglise et Socit
commerciale) collaborait pour grer l’E.I.C. afin d’atteindre le but que lui avait assign le roi-
souverain. Cette collaboration troite avait son incidence sur les mthodes adoptes .
l’poque, pour vangliser les indig€nes. Elle a provoqu quelque ambigu.t et quivoque
autour de ces deux axes majeurs de la colonisation : vanglisation et civilisation. Ces deux
actions devenaient, pendant la colonisation, les deux faces d’une m.me pi€ce. Il tait question
pour les Belges de civiliser en vanglisant et d’vangliser en civilisant.
Le premier lment . relever est que la Belgique qui avait hrit, . partir du 18 octobre
1908, de la proprit prive du Roi-Souverain n’avait pas jug opportun de modifier la teneur
de l’article VI de l’Acte de Berlin que nous avons rappel prcdemment. Bien au contraire,
elle avait raffirm la place prpondrante des missions chrtiennes et la protection spciale
due aux missionnaires chrtiens.
70 Oscar Bimwenyi-Kweshi, Discours th€ologique n€gro-africain. Probl.me des fondements, Prsence
Africaine, Paris, 1981, 681 pages. Oscar Bimwenyi-Kweshi est un pr.tre du dioc€se de Lwebo, dans la province
ecclsiastique du Kasa., au Congo Dmocratique. Docteur en thologie de l’Universit Catholique de Louvain,
il a t professeur aux Facults Catholiques de Kinshasa apr€s un mandat de 5 ans en qualit de secrtaire
gnral de la Confrence Episcopale du Za.re (1981-1986).
61
Le second lment est qu’une convention tait signe entre la Belgique et le Saint-
Si.ge le 26 mai 1906, confiant tout l’enseignement pour les Africains aux seules missions
catholiques, sous le contr.le et avec l’aide de l’Etat. A travers cette convention, le roi des
Belges visait . limiter la prsence des missions protestantes, de provenance britannique, . la
seule vanglisation.
La convention recommandait une harmonie parfaite, . tous les chelons, entre
missionnaires catholiques et reprsentants du pouvoir colonial.71. Dans cette optique, seuls les
missionnaires catholiques avaient la responsabilit d’entreprendre pour le compte de l’Etat et
moyennant indemnit, . certains travaux sp.cifiques d’ordre scientifique rentrant dans leur
comp.tence, tels que les reconnaissances ou .tudes g.ographiques, ethnologiques,
linguistiques etc. .72
Ces deux lments, montrent bien que l’vanglisation pouvait devenir pour les
"civilisateurs" belges, un instrument, un moyen, un "facteur d’une politique" con.ue par les
puissances coloniales. O. Bimwenyi dit, . ce propos que . trop de solidarit€s jouent pour qu’il
ne soit pas tr.s difficile de "dissocier" mission et colonie dans l’esprit des missionnaires et
dans l’esprit de la population congolaise. (...) Trop de solidarit€s, qui ne seront pas toujours
"objectives". (...) A cause de cette €quivoque fondamentale, aventure coloniale et exploits
missionnaires sont per.us comme des strophes d’une m.me €pop€e dont on se f€licite
€galement .73
Apr€s tout, on ne pourrait pas dire que les choses se soient passes diffremment avec
les premiers moines qui ont vanglis l’Europe. La diffrence rside simplement dans les
mthodes utilises pour arriver au double but : civiliser en vanglisant. Les deux textes qui
suivent, slectionns parmi tant d’autres confirment l’quivoque entretenue volontairement
entre civiliser et vangliser :
. Voil. donc plus de trois mille noirs soumis . l’action et . l’influence constante
des missionnaires, cette influence directe de tous les jours et de tous les instants sur le noir
71Voir Ibidem . p. 13
72F. De Meeus et R. Steenberghen, Les Missions religieuses au Congo belge, p. 38, cit par O.Bimwenyi, (en
note), op.cit. p. 134
62
est le moyen le plus efficace et le plus exp€ditif, notre avis, pour €tablir la religion dans le
pays d’une fa.on solide et durable. Qu’on ne vienne pas nous d€biter les avantages de la
libert€, car les N.gres ne savent qu’en abuser ; ce sont des grands enfants qu’il faut conduire
et qui aiment .tre men€s, parce qu’ils s’en trouvent bien. C’est pourquoi toute la besogne
des missionnaires de ce district consiste €vang€liser et €duquer les Noirs des missions..
. Oui, nous avons €t€, au Congo, des messagers de paix et de progr.s. Oui, nous
avons affranchi les Noirs des entraves de leur antique isolement et nous continuons les
conduire vers la civilisation totale. Oui, nous avons su "dominer pour servir" ; nous avons su
agir en peuple "imp€rial"..
. Nos trois mille missionnaires en sont, eux seuls, un t€moignage vivant. Il n’est
pas une puissance coloniale au monde qui ait, comme nous, d€l€gu€ une telle proportion de
ses enfants au service d€sint€ress€ des indig.nes. Certes, le missionnaire belge partant pour
le Congo, n’est pas un fonctionnaire. En soi, il ne cherche pas directement la grandeur de
son pays, il est avant tout le serviteur de Dieu et des .mes. Mais quoi qu’il fasse, il reste le
don de la Belgique aux Noirs du Congo, il s’encadre dans notre oeuvre coloniale, il est l’un
de ceux qui font des Belges un peuple g€n€reux, et il peut s’en r€jouir. .74.
II. 2. 1. 3. 2. Des th.ologies . la hauteur de l’.quivoque
La collusion flagrante, orchestre par le syst€me colonial, entre vanglisation et
colonisation avait cr, du point de vue thologique, un syst€me de pense qui tait plus
tributaire des idaux civilisateurs qu’vangliques : une esp€ce de "csaropapisme"
thologique.
La pense missionnaire coloniale est passe d’une thologie du "salut des mes" . une
thologie de l’"adaptation" et des "pierres d’attente", en passant par l’tape intermdiaire d’une
thologie de l’implantation de l’Eglise.
Nous allons les dcrire bri€vement pour comprendre pourquoi apr€s l’poque coloniale,
il a t ncessaire et opportun de penser . une thologie de l’inculturation qui tiendrait compte
73 Cit par O.Bimwenyi, Ibidem p. 155
63
de l’vanglis dans son double hritage : "fid.le au Christ sans cesser d’.tre Africain, fid.le
. l’Afrique sans trahir le Christ". C’est dans ce double hritage que se retrouvent toutes les
tendances religieuses en instance de dialogue oecumnique au Congo.
- Une thologie du "salut des .mes" : "sauver les .mes"et " gagner les .mes au Christ"
taient la premi.re proccupation lgitime de toutes les missions de l’poque coloniale depuis
le XV€me jusqu’au dbut du XX€me si€cle. En 1919, le pape Beno.t XV dans son encyclique
Maximum Illud exhortait les missionnaires . . gagner au Christ le plus d’.mes possible .. Il y
rappelait aussi les exploits de ceux de l’poque de la dcouverte de l’Amrique. Il crivait :
. Une arm.e de missionnaires se l.ve pour arracher les pitoyables tribus indig.nes . l’atroce
esclavage des d.mons tout en les prot.geant contre l’exploitation des ma.tres sans
conscience .75
- Une thologie de "l’implantation de l’Eglise" : la priorit tait d’organiser les
structures de l’Eglise pour mieux canaliser les mes vers le Christ. Cette nouvelle donne avait
tourn la pense missionnaire vers une proccupation ecclsiologique. En effet, la plupart des
documents pontificaux depuis les annes 1920 portent un accent particulier sur "l’implantation
de l’Eglise" chez les peuples des pays de mission. Il s’agissait d’difier, d’implanter l’Eglise
solidement, . telle qu’elle est r.alis.e en Occident aussi bien dans son personnel, dans ses
oeuvres que dans ses m.thodes .. Pie XI dans son Encyclique du 28 fvrier 1926, Rerum
Ecclesiae, donne des directives prcises sur le "pourquoi" des missions : . (...) €tablir et
fonder solidement l’Eglise de Dieu (...) par tous les m.mes €l€ments dont elle fut constitu€e
autrefois chez nous, savoir par les fid.les, le clerg€, les religieux et les religieuses de
chaque nation (...)76.
Pie XII insistera aussi sur la formation du clerg local. Pour lui, le "but propre" des
missions catholiques est : . d’tablir solidement l’Eglise en des terres nouvelles de mani.re
qu’elle s’y trouve capable, y ayant de profondes racines, de vivre par elle-m.me, sans le
secours de pr.tres €trangers (...) .77
74 Ibidem p. 136
75 Ibidem
76 Pie XI, Encyclique, Rerum Ecclesiae, du 28 fvrier 1926, cit ici par O.BIMWENYI, Ibidem , p. 164
77 Pie XII : Cette pense se retrouve dans la plupart de ses crits pontificaux, notamment dans les deux
encycliques missionnaires : Evangelii Proecones du 2 juin 1951 et Fidei Donum du 21 avril 1957.
64
La note finale de cette pense ecclsiologique viendra du pape Jean XXIII dans son
Encyclique du 28 novembre 1959, Princeps Pastorum sur les missions catholiques : . le "but
final" du travail missionnaire est d’.tablir de faon stable l’Eglise parmi les autres peuples et
de la confier . une hi.rarchie propre .78
- Une thologie de l’ "adaptation" et des "pierres d’attente" : deux tapes majeures de
la pense missionnaire taient progressivement franchies. Les mes sont sauves, l’Eglise est
implante. Il s’agit maintenant de donner . cette Eglise, un visage africain.
La thologie de l’ "adaptation" et des "pierres d’attente" est celle qui utilise un discours
sur Dieu en tenant compte du destinataire. On cherche dans le terroir des pays de mission, les
valeurs traditionnelles qu’on peut christianiser : ce sont l. les "pierres d’attente". Les valeurs
prcieuses qui n’attendent qu’un coup de brosse pour rayonner dans l’univers de la chrtient.
II. 2. 1. 4. Vers un visage africain du christianisme : effort d’inculturation.
Dans l’avant-propos au dossier "Mission de l’Eglise", "Le Cardinal Malula, mod.le ou
source d’inspiration ?", Maurice Cheza crit : . Kinshasa n’est ni Paris, ni Bruxelles, mais les
oeuvres de l’Esprit y sont pr.sentes et peuvent faire l’objet de l’admiration et de l’action de
gr.ces des chr.tiens de partout .79. M. Cheza reprenait en d’autres mots une formule cl.bre
de ce m.me cardinal Malula qui disait : . Hier les missionnaires ont christianis. l’Afrique,
l’Esprit de Dieu .tait avec eux. Aujourd’hui les N.gro-Africains sont appel.s . africaniser le
christianisme. Le m.me Esprit de Dieu sera avec eux .80
Cette double vocation est pour nous une faon de dire qu’on ne peut pas parler d’un
visage africain du christianisme en contournant ce grand homme et proph.te d’Eglise
catholique au Congo. Les propos qu’il avait tenus le jour de son ordination piscopale, le 20
septembre 1959, auront fait de lui le proph.te de l’africanisation du christianisme : . Une
Eglise congolaise dans un Etat congolais ..
78Jean XXIII, Encycl. Princeps Pastorum du 28 novembre 1959 , cit ici par O. BIMWENYI, op. cit€., p. 165
79 Voir Revue Mission de l’Eglise, Supplment du numro 126, Janvier 2000. p. 2
80 Voir Oeuvres Compl€tes du Cardinal Malula, t.3, p. 4
65
Nous allons voquer dans cette section quelques-unes de ses grandes actions qui ont
donn un nouveau souffle . l’Eglise catholique du Congo et d’Afrique. Nous nous inspirons
des "Oeuvres Compl.tes du Cardinal Malula" en 7 volumes, rassembles et prsentes par
Lon de Saint Moulin. Nous nous bornerons . dfinir les contours de l’inculturation . travers
ses paradigmes les plus marquants au Congo.
Cette tude nous aidera . comprendre, un tant soit peu, le rapprochement thologique
qui existe entre l’Eglise catholique et les Eglises dites afro-chrtiennes. Ce qui est, . nos yeux,
un facteur important pour l’analyse des points d’ancrage pour un dialogue oecumnique
quilibr.
1. Thologie africaine ou "africanisation" de la thologie ?
2. L’ inculturation de la liturgie : le rite "za.rois" de la messe.
II. 2. 1. 4. 1.Th€ologie "africaine" ou "africanisation" de la th€ologie ?
Le mouvement de l’inculturation au Congo est l’pigone de la thologie du "salut des
.mes", de l’"adaptation" et des "pierres d’attente". Il est n en m.me temps que les
mouvements politiques nationalistes qui accusaient le christianisme de perptuer en Afrique,
sous le couvert de la foi, l’imprialisme occidental et l’alination. Ces accusations ont
contribu . dclencher le rveil des Eglises chrtiennes (catholique et protestante), . se rendre
compte de la t.che qui leur incombait pour la survie du christianisme en Afrique : . En
Afrique, le christianisme sera africain ou ne sera pas .. Cette conviction sera confirme par le
pape Paul VI dans son allocution en terre d’Afrique pour la cration du S.C.E.A.M.
(Symposium des Confrences Episcopales d’Afrique et de Madagascar).
En 1969 . Kampala, Paul VI dira : . Africains, vous pouvez et devez avoir un
christianisme africain (...). C’est maintenant vous d’.tre vos propres missionnaires .. Ces
mots du pape cl.turaient dfinitivement l’€re missionnaire en Afrique. En effet, avant m.me
que le pape ne prononce officiellement ce mot de "christianisme africain", la premi€re
gnration des thologiens africains dont faisait partie le futur cardinal Malula rflchissait
autour de la question suivante : . Peut-on .tre vraiment authentiquement chr€tien en
continuant d’€voluer dans le cadre institutionnel, €pist€mologique et esth€tique de
66
l’Occident? N’existe-t-il qu’une faon uniformis.e de faire la science, de croire, de c.l.brer,
de vivre… .81
En 1956, la question s’exprimait clairement pour la premi.re fois dans l’ouvrage intitul
"Des pr.tres noirs s’interrogent"82. Au cours de cette m.me anne, il y eut la fondation de la
Facult de Thologie . l’Universit Lovanium de Kinshasa. C’tait dsormais le cadre idal
d’o. partiraient les germes d’une thologie "africaine" . venir83
En 1960, un "dbat", rest historique autour de la possibilit d’une "thologie africaine"
ou d’une "thologie de couleur africaine", sera dclench . Kinshasa. Deux positions nettement
tranches vont s’y exprimer. L’une reprsente par un pr.tre-tudiant et l’autre par le doyen de
la nouvelle facult de thologie.84. Ce dbat de Kinshasa veillera de plus en plus la conscience
des thologiens africains . travers tout le continent. Parmi eux, un pr.tre jsuite camerounais,
81Metena M’Nteba, "L’inculturation dans la tierce-Eglise. Pentec.te de Dieu ou revanche des cultures ?",
CONCILIUM, Cahier Spcial 1992-239 (Vers le synode africain), p. 182
82Voir DES PRETRES NOIRS S’INTERROGENT, (document - Coll. Rencontres, 47), 2e d., Cerf, Paris (1957).
"Enqu.te et controverse en Asie :"Naturaliser" le Christianisme ? " in I.C.I., n.193 ( 1-6-1963) pp. 17-28
83 O.Bimwenyi crit : . A. Vanneste, Doyen de la nouvelle facult€, exprimait l’espoir, pour ses €tudiants, d’une
€ventuelle . th€ologie africaine . dans cette perspective des" pierres d’attente". "On peut esp€rer, pensait-il,
que, gr.ce ce travail pers€v€rant, la pens€e personnelle, qui s’€veillera ainsi chez les €tudiants, conduira un
jour vers une vraie "th€ologie africaine", capable d’int€grer dans la conception chr€tienne du monde toutes
les valeurs africaines authentiques, d€pos€es dans l’.me de ces peuples comme autant de "pierres d’attente"
de la r€v€lation .
84* Celle reprsente par Tharcice Tshibangu pr.tre diocsain, tudiant inscrit en licence en thologie :
favorable . l’av€nement d’une "thologie de couleur africaine" dont la possibilit semblait lie . la
reconnaissance, dans la culture africaine, d’un "syst€me et un cadre de pense propre", "original par certaines
accentuations du moins". Tout en admettant l’identit de la rvlation de dpart et l’universalit des principes
de la raison humaine, m.me au niveau de travail scientifique, on pouvait esprer .tre fond . parler un jour de
"thologie africaine" dans le sens o. J. Danilou a parl d’une "thologie judo-chrtienne", ou celui o. l’on
parle d’une "thologie occidentale" par rapport . la "thologie orientale".
* L’autre, reprsente par Alfred Vanneste, doyen et fondateur de la facult de thologie : protagoniste d’une
"thologie universelle ou mondiale" pour qui l’ "africanisation" ne peut toucher de la thologie que les tapes
infrieures, les niveaux secondaires (catchistique, pastorale, morale, homiltique, etc.). Rien ne peut venir
perturber la srnit des secteurs proprement thologiques ou "scientifiques", qui sont "universels". A ces
niveaux, les thologiens africains n’avaient qu’. prendre part au travail dj. en cours tel que leurs coll.gues
europens et amricains le conduisent depuis des si.cles. Il crira plus tard : . Pour ce qui concerne
"l’africanisation" ou "l’asianisation" de la th€ologie, j’ai toujours l’impression que, de fait, c’est finalement
sur le plan doctrinal que l’on cherche situer le probl.me. Tout le monde reconna.t qu’il est important
d’€laborer une th€ologie pratique et une casuistique adapt€e aux circonstances locales, mais ceux qui pensent
une vraie th€ologie africaine me semblent nourrir des r.ves plus ambitieux ils esp.rent que de la
confrontation du christianisme avec la sagesse des peuples africains na.tra "nouvelle" th€ologie chr€tienne,
profond€ment originale par rapport la pens€e chr€tienne traditionnelle ..
Ce dbat de Kinshasa rappelle comme l’observait le Pasteur Thomas Ekollo, les querelles thologiques du XVI€
si€cle que l’Occident a transport en Afrique. (V.Marteil : L’Islam Noir).
67
M. Hebga, crira dans son ouvrage intitul Emancipation d’Eglises sous tutelle : Nous
voulons J.sus Christ comme r.f.rence supr.me unique .85.
M. Hebga part de la th€se selon laquelle le christianisme n’est pas une religion
occidentale, mais orientale. Seulement, l’Occident s’en est accapar au cours de l’histoire, lui
a imprim le sceau indlbile de sa philosophie, de son droit, de sa culture. C’est son droit le
plus lgitime. Pourquoi cet Occident doit-il prtendre aujourd’hui imposer aux autres peuples
du monde tard venus . la foi en Jsus Christ cet emballage culturel et historique du
christianisme occidental comme constitutif du noyau ? N’est-ce pas l. une entreprise indue ?
Hebga pense, somme toute, que l’av€nement d’un christianisme africain suppose que
les Africains s’mancipent de la "tutelle" et de l’appropriation culturelle du christianisme par
l’Occident. Qu’ils retournent au noyau oriental originel et lui impriment . leur tour le sceau
indlbile de leur "africanit" profonde. Il faudra pour cela relativiser l’appareil aristotlico-
thomiste par l’puration de la foi en Jsus-Christ des us et coutumes gaulois, grco-romains,
lusitaniens, espagnols, allemands, christianiss et quasi diviniss par l’Europe.86
85 M. Hebga, Emancipation d’Eglise sous tutelle, Paris, 1976, p. 160
86En 1980, un des protagonistes du dbat de 1960, Tharcice Tshibangu, devenu depuis lors recteur de
l’universit nationale du Za.re et v.que auxiliaire de l’archidioc€se de Kinshasa, dclarera le dbat clos avec la
soutenance d’une importante th€se de Doctorat en Thologie, sous le titre : Discours Th€ologique n€gro-
africain. Probl.me des fondements. Il crit dans la prface de la publication de cette th€se : . Nous
consid€rons pour notre part que ce travail, qui synth€tise les €l€ments de la probl€matique d’une th€ologie
africaine, clture le d€bat de principe sur la possibilit€ et la l€gitimit€ d’une €laboration th€ologique africaine
sp€cifiquement marqu€e. Le moment est venu pour les chercheurs et penseurs africains de passer la finalit€
essentielle : celle de "faire la th€ologie africaine" par des actes d’engagement intellectuel et vital face
chacun des myst.res constituant l’ensemble du donn€ r€v€l€ du christianisme . Voir prface p. 10.
En effet, d’apr€s les analyses de Mgr Tshibangu lui-m.me, la th€se qui cl.ture le dbat de principe autour de la
possibilit d’une . thologie africaine . a le mrite de prsenter deux vises principales de la question :
- Une vise de dsalination o. l’auteur dnonce l’alination culturelle africaine, due principalement .
l’intrusion de l’Europe en Afrique et . la domination de la culture occidentale impose sans mnagement aux
Africains. Il affirme la validit des principes culturels africains, et dclare que, sur le plan religieux, la culture
occidentale ne peut .tre l’ . unique vhicule valable du christianisme ..
- L’autre vise fondamentale est celle de la prise de conscience scientifique du fait que les valeurs de
l’africanit peuvent valablement, et adquatement . leur point de vue spcifique, soutenir l’laboration, puis la
formulation d’une authentique thologie chrtienne.
L’autre mrite est que l’auteur de la th€se prcise les conditions et tapes successives devant conduire .
l’av€nement d’un vritable Discours Thologique Africain : lever l’quivoque chrtienne en situation coloniale
; reprendre l’initiative en s’attachant . assumer les valeurs critiques reconnues de la "Ngritude " en vue de la
ralisation de la thologie africaine ; promouvoir un discours thologique africain sur les lois du langage
humain et du langage religieux, - la thologie tant une discipline scientifique essentiellement hermneutique
et donc une "science de l’interprtation"- ; conditionner le langage thologique africain par l’enracinement
anthropologique existentiel distinct d’autres enracinements.
68
Ainsi pos ce probl.me des fondements, les pasteurs n’avaient qu’. s’occuper de
l’africanisation de ce que A.Vanneste appelait "tapes infrieures" de la thologie, telle que la
liturgie, les sacrements, la spiritualit...
Entre autres initiatives, le cardinal Malula, archev.que de Kinshasa et acteur
incontournable de l’inculturation et de l’africanisation, lancera le rite za.rois de la messe.
N’ayant pas l’opportunit d’en parler longuement dans un travail qui ne consiste qu’. faire
l’tat de la situation des religions au Congo, nous n’en donnerons qu’un tr.s bref rsum.
II. 2. 1. 4. 2. L’inculturation de la liturgie : cas du rite za.rois de la messe
Au sujet du rite za.rois de la messe, son promoteur le cardinal Malula disait que c’tait
pour lui une question de droit. Ce rite tait, . ses yeux, une composante naturelle de la
clbration eucharistique au Za.re. . On ne peut plus penser Eglise au Za.re sans rite za.rois
de la messe, €crivait-il, c’est la volont€ de la majorit€ de notre peuple chr€tien ; c’est son
droit le plus strict d’avoir un rite correspondant sa sensibilit€ religieuse. .87 C’est par ce
rite qu’un Africain arrive . prier avec son .me et son corps.
En effet, le rite de la messe que l’on appelle en Afrique "messe zaroise" a t approuv
par Rome sous le titre de "Missel romain pour les dioc.ses du Za.re" le 30 avril 1988. Par
rapport . la liturgie romaine habituelle88, les principales modifications sont les suivantes :
- Le dbut de la clbration inclut l’invocation des saints et des anc.tres au coeur droit.
Cela rpond . une certaine philosophie bantu qui accorde aux anc.tres qui ont bien vcu, une
place de choix dans la hirarchie pyramidale des forces vitales.
87 Cardinal Malula, Oeuvres Compl.tes, tome II, p. 109
88 Schma classique de la messe : prparation pnitentielle, aspersion, gloria, liturgie de la parole, homlie,
profession de foi, liturgie eucharistique, geste de paix, communion…
- Schma de la messe "za.roise" : invocation des saints et des anc.tres, liturgie de la parole, homlie, profession
de foi, prparation pnitentielle, aspersion, geste de paix, gloria, liturgie eucharistique, communion.
Ce schma suit une certaine logique de la palabre africaine. Le chef de clan qui convoque les membres
commence toujours par invoquer les anc.tres, hros du clan. Il redit les paroles de sagesse attribues . ces
derniers qu’il actualise en tenant compte du mobile de l’assemble du jour. Les membres du clan se
reconnaissent dans cette sagesse et chacun avoue ses fautes en demandant pardon aux anc.tres et . ses fr€res et
soeurs de sang.
Le patriarche ordonne ensuite que chacun se lave les mains, signe de la rconciliation, suivi d’un geste de paix.
C’est seulement apr€s que peut intervenir la danse . la gloire des anc.tres et pour clbrer la paix retrouve.
69
- La dmarche pnitentielle se situe apr€s l’homlie et la profession de foi. Cet
emplacement suit le schma de la palabre traditionnelle. Avant de demander pardon, on coute
les instructions du sage qui rappelle le bon ordre de la socit, on professe son dsir et son
attachement irrvocable . ladite socit et on demande pardon pour ses garements.
- Vient ensuite l’aspersion comme rappel du bapt.me, symbole de la purification et du
pardon accord avant de procder . l’change avec joie, du geste de la paix. C’est apr€s le
geste de paix qu’on prpare les offrandes pour le repas communautaire.
- Les v.tements liturgiques du clbrant rpondent . des motifs du sacr : chasuble et
tole bigarres, avec beaucoup d’arabesques comme symbole de l’invisible dans le visible. Le
pr.tre est parfois coiff d’un chapeau, et tient en main un sceptre ou un chasse-mouche, signe
du pouvoir et de l’autorit qu’il exerce au nom du Christ.
- Une messe za.roise dure au minimum deux heures. Elle peut durer jusqu’. quatre
heures quand l’assemble est importante, la manifestation grandiose et le clbrant prolixe.
Telle est la derni€re tape de l'volution de la pense thologique en Rpublique Dmocratique
du Congo. Evolution qui a commenc en 1914 avec la thologie du salut des mes jusqu'au 30
avril 1988 date de l'approbation par Rome d'un rite de la messe qui correspond aux attentes des
chrtiens d'une Eglise particuli€re. Cette approbation marque aussi la fin des polmiques autour
de la thologie de l'inculturation. Il reste . poser des jalons clairs, en diverses orientations pour
que cette thologie fasse du chemin sans trop d'embuches.
Un repas familial vient clore cette runion de famille avant que chacun ne retourne chez soi.
70
Conclusion
Il ne nous a pas t facile de rsumer en quelques pages l'histoire d’une Eglise qui
cl.bre cette anne ses 514 ans d’existence, depuis le bapt.me d'un roi Kongo, Nzinga Nkuvu
en 1491. Cependant, nous avons tenu . faire ce parcours dense en nous efforant de discerner
les traits caractristiques qui marquent cette vanglisation aux multiples facettes. Tout en
restant sur la ligne de notre problmatique de base, nous avons essay d’analyser certains
comportements qui ont d favoriser la naissance des communauts sectaires dont les
fondateurs sont pour la plupart, les anciens collaborateurs des missionnaires. Nous ne sommes
pas rests indiffrents devant certaines autres attitudes lies . la politique coloniale. Attitudes
qui ont compromis la collaboration troite entre l’Eglise catholique et l’Eglise protestante, et
qui continue . lui faire obstacle.
Il nous reste . porter ce m.me regard rtrospectif, sur les Eglises protestantes, avant de
prsenter les Eglises afro-chrtiennes et l’islam. Ce tableau nous aidera . comprendre les
enjeux du dialogue oecumnique et interreligieux qui est une piste . baliser pour l'volution de
la thologie de l'inculturation.
71
II. 2. 2. Les Eglises protestantes au Congo
Les premi.res missions protestantes au Congo furent l’oeuvre de la Livingstone Inland
Mission (L.I.M.), cre . Londres en 1877. "Livingstone" est le nom que Stanley avait donn
au fleuve que les autochtones appelaient "Nzadi" (Za.re), redevenu aujourd’hui "le fleuve
Congo". La L.I.M. sera rejointe plus tard par la Baptist Missionary Society (B.M.S.) dj.
implante au Cameroun depuis 1844.
Coince par les possibilits financi€res, la L.I.M. cda ses postes de mission au Congo .
une entreprise amricaine, l’American Baptist Foreign Mission Society, qui lui succda . partir
de 1912. L’ide de continuer l’oeuvre de la L.I.M. dans la partie ouest du Congo donna
naissance . une nouvelle communaut qui prendra le nom de Communaut€ Baptiste du Congo-
Ouest (CBCO). Au sud-est du Congo, notamment au Katanga, c’est une autre communaut
qui s’occupa de l’vanglisation: la Communaut€ M€thodiste Unie au Sud-Congo (CMUSC).
D’autres communauts na.tront apr€s, mais celles-ci sont reconnues comme pionni€res de
l’vanglisation au Congo.
A l’instar de l’Eglise catholique, aucune de ces Eglises protestantes n’chappera au
virus de "l’africanisation" qui naissait en m.me temps que le mouvement de l’indpendance.
L’volution politique du Congo-Kinshasa avait russi . jeter un conflit entre les pasteurs
europens et congolais. La solution du conflit passait par une nouvelle structure de toutes ces
Eglises. Ce sera la cration de l’Eglise du Christ au Congo (ECC), toutes en une. Trois aspects
de ce protestantisme au Congo ont particuli€rement retenu notre attention :
1. L’implantation difficile des missions protestantes sous Lopold II (Etat
Indpendant du Congo).
2. La stratgie de maintien des missions protestantes au Congo belge.
3. L’africanisation des structures d’Eglise au Congo Indpendant.
Nos sources sont les tudes de E. M. Braekman89, celles de Ph. Kabongo-Mbaya90 et
celles de Munongo Bananga91.
89 E.M. Braekman, Histoire du protestantisme au Congo, Bruxelles, 1961, 2 vol.
90 P. Kabongo Mbaya, L’Eglise du Christ au Zare. Formation et adaptation d’un protestantisme en situation de
dictature, Paris, Karthala, 1992.
72
II. 2. 2. 1. L’implantation "difficile" des missions protestantes sous L.opold II
Le professeur Ndaywel crit : . l’implantation du protestantisme au XIXe si.cle, plus
ancienne que celle du catholicisme, a connu un tout autre rythme. Non seulement elle n’a pas
b.n.fici. de l’appui politique du Souverain de l’E.I.C., mais elle a m.me .t. combattue, tout
en n’.tant pas . l’abri de dissensions internes. (...), la diversit. de charisme religieux venait
s’ajouter . la diversit. des nationalit.s des missionnaires en pr.sence .92.
Nous essayerons de comprendre, en deux points, les raisons profondes de cette
politique anti-protestante du souverain-roi des Belges:
1. La gen€se de la politique anti-protestante de Lopold II.
2. L’astuce "lopoldienne" pour exclure les protestants.
II. 2. 2. 1. 1. La gen.se de la politique anti-protestante de L€opold II
De 1885 . 1890, soit les cinq premi.res annes de L’Etat Indpendant du Congo, la
politique gnrale du roi Lopold II tait sans quivoque pour les deux types de mission,
protestante et catholique. Elle consistait . accorder de vastes concessions aux entreprises
commerciales pour l’exploitation des richesses naturelles et aux missions pour l’vanglisation
et l’ducation de la population congolaise.
La "trilogie coloniale" : Etat-Eglises-Entreprises ne souffrait aucune discrimination en
mati.re de politique fonci.re. L’exploitation abusive des richesses par les entreprises ne tenait
plus compte des r.gles morales qu’enseignaient les glises. Cela ne pouvait que dstabiliser
l’harmonie au sein de la "trilogie coloniale". Alors que les missionnaires catholiques, en
majorit belges, ne pouvaient dire mot, les missionnaires protestants, se mirent, quant . eux .
dnoncer dans les revues missionnaires qu’ils publiaient, tous ces abus de l’exploitation des
richesses du Congo. Une campagne "anti-congolaise" ou "anti-lopoldienne" fut inaugure .
Londres, patrie de la plupart des missionnaires protestants qui oeuvraient au Congo. C’est dans
ce contexte que naquit la politique anti-protestante de Lopold II. Celui-ci commena par une
contre-offensive qui consistait . encourager des congrgations catholiques anglophones .
91Munongo Bananga, Aspects du protestantisme dans le Congo-Za.re ind€pendant, Th€se de doctorat en
Histoire, soutenue en juin 2000 devant le jury de l’Universit Charles De Gaule, Lille III.
92 Isidore Ndaywel, Histoire g€n€rale du Congo, p. 348
73
s’installer au Congo. Ensuite, pour ne pas donner l’impression d’.tre contre l’Angleterre et les
protestants de faon gnrale, Lopold II sanctionna tout le monde en supprimant le droit du
propritaire de terres. Les missions, catholiques et protestantes, n’taient plus que locataires
des terres. Toute nouvelle expansion missionnaire dpendait dsormais du bon vouloir de la
souverainet royale.
Cette mesure visait, on peut s’en douter, . emp.cher l’expansion des missions
protestantes. Les protestants avaient eux-m.mes compris qu’il s’agissait d’une nouvelle
offensive destine . les dstabiliser.
Les missionnaires catholiques avaient fini par faire bloc avec leur roi, non seulement
parce qu’ils taient "sujets du souverain des belges", mais surtout parce que la dnonciation
par les protestants dans leurs revues de Londres visait aussi les mthodes utilises dans les
"fermes-chapelles" des jsuites. Ils critiquaient la faon dont on traitait les personnes recueillies
dans des missions catholiques93
II. 2. 2. 1. 2. L’astuce "l.opoldienne" pour exclure les protestants
La franc-ma.onnerie belge, qui devenait tr€s influente aupr€s du monarque avait aussi
sa part dans cette politique de dstabilisation des missions au Congo. C’est en tablissant le
lien entre les diffrentes dcisions du roi que les congrgations missionnaires s’en taient rendu
compte.
Embarrass par la vigoureuse raction et l’organisation des missionnaires catholiques
belges autour de Mgr Camille Van Ronsl, vicaire apostolique de l’E.I.C., Lopold II et ses
collaborateurs furent obligs de trouver une astuce pour ne dcourager que l’expansion des
missions protestantes au Congo.
La logique de dpart, d’apr€s les analyses du professeur Ndaywel, est la suivante :
. Conc€der des terres aux catholiques signifiait en conc€der aux "€trangers" protestants qui,
d’apr.s eux, risquaient d’envahir l’Etat. Il fallait trouver une astuce pour privil€gier les
compatriotes tout en €chappant aux protestations €ventuelles de l’Angleterre et des autres
93 Pour plus de prcisions, lire Philippe Kabongo-Mbaya, op.cit. et Isidore Ndaywel, Ibidem ,
pp. 348-351
74
Etats signataires de l’Acte g.n.ral de Berlin. La seule solution fut de mettre au point un
programme que les Anglais protestants n’accepteraient pas et ne pourraient .tre en mesure
d’accepter et de faire de cette acceptation la condition n.cessaire pour avoir droit . des
concessions de terres. .94.
L’astuce n’tait pas difficile . trouver. La langue fran.aise pouvait et devait dj.
constituer une barri€re pour les anglophones. Il suffisait de l’instituer exclusivement et
imprativement pour que les anglophones reculent. Dans cet ordre d’ide, Lopold II fit de
l’cole, la condition pour avoir acc€s au privil€ge de l’Etat. Il fallait donc que les missionnaires
s’occupent de l’ducation et de l’instruction des indig€nes exclusivement en langue fran.aise.
Malgr leur bonne volont, les Anglais taient incapables d’apprendre le fran.ais aux
indig€nes. Ils furent ainsi effectivement exclus. Cela pourrait .tre, . notre avis, la raison pour
laquelle le nerlandais n’a pas pu .tre appris aux indig€nes du Congo. Les protestants auraient
trouv une raison pour exiger du roi et de ses collaborateurs, l’acceptation de l’anglais comme
troisi€me langue.
Afin de trouver une couverture . son astuce, Lopold II avait russi . convaincre le
Saint-Si€ge de signer avec le gouvernement de l’E.I.C. une convention qui assurerait aux
missions catholiques la possession des terres en change de l’instruction donne en langue
fran.aise aux indig€nes95. Cette convention signe effectivement le 26 mai 1906 tait devenue
la base de l’histoire scolaire du pays. C’est elle qui a donn aux missionnaires catholiques, plus
qu’aux protestants, beaucoup de facilit pour s’panouir au Congo. Ils avaient en plus la
possibilit d’amorcer des travaux linguistiques et ethnologiques, moyennant les subsides
octroys par l’Etat colonial. Ce . quoi ne pouvaient prtendre les missionnaires protestants
devenus orphelins. Cette convention fut m.me annexe . la charte coloniale de 1908 et a
continu . rgler les rapports entre les missions et le gouvernement colonial en mati€re scolaire
jusqu’au moment o. Lopold II lguera le Congo . la Belgique.
94 Ibidem., p. 351
95 Voir ce que le professeur Ndaywel crit . ce sujet : . (...) en revanche, les missionnaires €taient tenus
d’assurer l’instruction et l’apprentissage des langues "nationales belges" (le fran.ais) par la cr€ation d’€coles
; ils s’engageaient aussi pr.ter leur concours l’Etat, par l’ex€cution de travaux d’ordre scientifique,
g€ographique et linguistique.
75
Les missions protestantes ont donc d. mener leur action missionnaire, dans ce climat
d’hostilit royale. Cependant, beaucoup d’historiens pensent apr€s coup que cette situation
prsentait aussi des avantages : . L’€vang€lisation, d€nu€e de toute prise en charge politique,
serait moins ambigu, tout comme l’abn€gation et la g€n€rosit€ des missionnaires .96. Ce qui
est aussi notre avis, compte tenu de l’indpendance, de la libert d’action et de l’efficacit
qu’ont les Eglises aujourd’hui par rapport . la politique, que ce soit en France ou au Congo.
Si pendant les premi€res heures de l’vanglisation, une certaine prise en charge
politique tait ncessaire pour des raisons logistiques, l’action missionnaire elle-m.me n’en est
pas sortie grandie, car les chrtiens catholiques, ne serait-ce que dans le cas du Congo, sont
rests longtemps de grands enfants, attendant tout de l’apport financier de l’Etat et des Eglises
d’Europe. Pendant le m.me temps, les chrtiens protestants et ceux des autres Eglises afro-
chrtiennes issues du protestantisme ont pu tr€s vite se prendre en charge, m.me si, sous le
rgime de M. Mobutu, ils se sont finalement laisss normment aider par le gouvernement qui
voulait les utiliser pour mieux combattre la suprmatie et l’hgmonie de l’Eglise catholique.
II. 2. 2. 2. La strat€gie de maintien des missions protestantes au Congo belge.
La diversit des charismes religieux et celle des nationalits des missionnaires97, au sein
des missions protestantes ne faisaient que favoriser l’miettement des Eglises existantes. Plus
elles s’miettaient, plus elles s’affaiblissaient et tendaient . dispara.tre dfinitivement. Il fallait
donc trouver . temps une stratgie forte pour juguler la disparition qui les mena.ait.
Nous allons, en deux points, essayer de comprendre comment les missions protestantes
ont russi contre vents et mares . se maintenir au Congo :
1. L’organisation d’une "Confrence des Missionnaires".
2. L’adoption de la langue fran.aise et la traduction de la Bible en langue Kongo.
96 Ibidem ., p. 348
97 Au sujet de la diversit des charisme religieux et de la diversit des nationalits, nous notons qu’en 1940, le
Congo abritait une quarantaine de socits missionnaires protestantes, notamment l’American Baptist Foreign
Mission Society (ABFMS), la Garenganze Evangelical Mission (GEM), la Baptist Missionary Society (BMS),
la Svenska Missions Frbundet (SMF), l’American Presbyterian Congo Mission, l’Africa Inland Mission
(AIM), la Congo Balolo Mission (CEM), la Heart of Africa Mission (HAM), la Mission Libre Sudoise (MLS),
La Congo Evangelistic Mission (CEM), l’Assemblies of God (AG)... (Voir Ndaywel Isidore, p. 348 ).
76
II. 2. 2. 2. 1. L’organisation d’une "Conf.rence des Missionnaires".
D€s 1900, une dcision tait prise par les reprsentants lgaux de plusieurs missions
d’organiser une "Confrence des Missionnaires" afin de juguler le danger de disparition qui
mena.ait l’Eglise. Ils se runirent pour la premi€re fois . Lopoldville (Kinshasa) en janvier
1902.
Le professeur Ndaywel pense . ce sujet que le succ€s de cette rencontre de janvier
1902 a fortement encourag l’organisation d’autres rencontres pour travailler en commun .
l’installation au Congo d’une Eglise locale en dehors de tout clivage provenant des Eglises
m€res98.
En l’espace de 32 ans, ils russirent . se rencontrer 7 fois pour arriver . mettre au point
une unit organique capable de faire face aux probl€mes lis aux impratifs du terrain, hostiles
. la survie des communauts protestantes. La derni€re rencontre qui verra na.tre l’ "Eglise du
Christ au Congo", apr€s l’laboration des statuts d’un "Conseil Protestant du Congo" a eu lieu
. Luebo, dans le Kasa., en 193499.
II.2.2.2.2. L’adoption de la langue franaise et la traduction de la Bible en kikongo
Deux p.les marqueront dsormais l’action missionnaire protestante au Congo belge :
* Ils adopteront la langue franaise devenue le vhicule officiel, de par l’enseignement
tenu par les missionnaires catholiques suivant la convention lopoldienne de 1906.
* La proccupation de mettre la Bible . la disposition des peuples congolais. De ce fait,
il fallait qu’elle soit traduite, non pas en franais, mais plut.t en kikongo.
Les prcurseurs en ce domaine furent le Rvrend Nils Westhings de la Svenska
Missions F.rbundet (S.M.F.) qui avait dj. en 1891, traduit le Nouveau Testament en kikongo
; et le Rvrend Bentley qui, aid par son compagnon congolais, M.D. Nlemvo Don Zoao,
avait dj. aussi compos un Dictionary and Grammar of the Congo Language. Ils finirent par
publier . Londres en 1893, leur traduction du Nouveau Testament en kikongo. Bentley mourut
Quant aux diverses nationalits des missionnaires en prsences, nous citerons de mmoire, les Anglais, les
Amricains, les Ecossais, les Irlandais...
98Ibidem, p. 350
99 Pour plus des dtails, lire R.Beekmans, "Le Centenaire protestant au Za.re (1878-1978)", dans Za.re-Afrique,
1978, 130, pp. 589-600.
77
avant d’achever sa traduction de l’Ancien Testament. Son oeuvre sera continue par d’autres
missionnaires, toujours avec l’aide de Nlemvo. Finalement, la premi.re grande dition
compl.te de la Bible kikongo fut publie . Londres en 1926. Cette nouvelle orientation aura
permis aux missions protestantes de survivre jusqu’. la fin de la colonisation belge.
Eveille par le travail admirable de ses a.ns dans la traduction de la Bible en langues
locales, la nouvelle gnration de pasteurs et thologiens m.nera la mission . l’tape de
l’africanisation du message vanglique.
II. 2. 2. 3. L’africanisation des structures d’Eglise au Congo ind.pendant.
L’instabilit politique et les rebellions qui ont suivi l’indpendance du Congo ont
beaucoup jou en faveur des changements de structures au sein des communauts protestantes
du Congo. Les dparts inattendus et prcipits des missionnaires europens, d’importants
dommages matriels causs par les diffrents mouvements rebelles, le courage des catchistes
congolais et le vent de l’africanisation qui a secou le pays . la veille et au lendemain de
l’indpendance sont autant de facteurs qui faonneront les structures actuelles de l’Eglise du
Christ au Congo.
Nous allons, en trois points essayer de dfinir les contours de ces vnements qui ont
abouti . une africanisation des structures de base de l’Eglise :
1. Les retours massifs des missionnaires dans leurs pays respectifs.
2. Les conflits entre missionnaires revenus au Congo et chrtiens congolais.
3. La fusion des "Missions" et "Eglises" en activit au Congo.
II. 2. 2. 3. 1. Les retours massifs des missionnaires dans leurs pays respectifs
La nouvelle idologie politique, au lendemain de l’indpendance, accusait les missions
religieuses d’.tre les propagatrices et continuatrices des idaux colonisateurs. D€s l’assassinat
du "premier" Premier ministre congolais, Patrice-Emery Lumumba, en 1961, ses partisans, qui
ont pris le maquis deux ans apr€s, dont feu le prsident Kabila, accusaient les missionnaires
d’.tre les commanditaires de ce crime. D€s le 13 fvrier, date de l’annonce officielle de sa
mort, . les r.actions, .taient d’une extr.me violence en de nombreux pays. (...) A Stanleyville,
78
(...) et en de nombreux endroits des manifestations d’hostilit. eurent lieu . l’.gard des
missionnaires. Des blancs et des missionnaires (...) furent frapp.s et arr.t.s. (...) Des
missions durent .tre .vacu.es provisoirement .100.
En effet, s’il tait possible d’vacuer "provisoirement" les missionnaires catholiques -
clibataires sans enfants - pour les mettre quelque part . l’abri en attendant des jours meilleurs,
il n’tait par contre pas facile de faire de m.me pour les missionnaires protestants maris avec
des enfants et d’autres charges familiales. La solution pour eux n’tait que le rapatriement
immdiat et massif. Cette situation n’a pas laiss indiffrents les chrtiens protestants qui, du
jour au lendemain, se retrouvaient sans pasteurs. L’vangliste Makanzu Mavumilusa, dcrit la
dsolation des chrtiens en ces termes: . Depuis toujours, les missionnaires nous pr.chent
qu’il ne faut pas fuir devant un danger ou une menace, mais pers€v€rer dans la foi au p€ril
de notre vie. Nos cat€chistes et nos pasteurs furent envoy€s dans des endroits dangereux pour
t€moigner de leur foi et aujourd’hui que l’heure est difficile, les missionnaires nous
quittent. . 101. Comme pour dire : o. est passe leur foi ? Faut-il encore croire . leurs
prdications ? Ces lignes tmoignent de leur tonnement devant la distance sparant parole et
actes.
Avec courage, les chrtiens et les catchistes congolais se runirent pour envisager la
possibilit de sauvegarder l’oeuvre missionnaire de l’Eglise. Certains d’entre eux furent
nomms aux postes des missionnaires partis et occup€rent aussi les maisons laisses vacantes.
Mis au courant des dclarations des missionnaires rapatris selon lesquelles, "m.me si
la situation politique s’arrangeait, ils n’y retourneraient plus", les pauvres catchistes qui
taient devenus pasteurs de fortune perdirent tout espoir de les voir revenir un jour. Ils
organis€rent l’Eglise . leur mani€re et avec les moyens du bord, africanit oblige !
100Lon de Saint Moulin, Eglise et Soci€t€, p. 63
101M. Makanza, cit par Munongo Bananga, Aspects du Protestantisme, p. 105
79
II. 2. 2. 3. 2. Les conflits entre missionnaires revenus au Congo et chr€tiens congolais
Les missionnaires europens qui avaient tout investi au Congo oubli€rent leurs
dclarations de la priode des troubles. Prfrant retrouver leurs ouailles, beaucoup prirent la
dcision de revenir au Congo apr€s la pacification faite par le Gnral Mobutu qui avait pris le
pouvoir le 24 novembre 1965. A leur arrive, ils ne pouvaient s’imaginer voir tr.ner . leurs
postes les petits catchistes qu’ils avaient eux-m.mes forms. Ils revendiqu€rent aussit.t leurs
droits en demandant aux Congolais de dguerpir pour retrouver leurs postes de subalternes.
Du m.me coup, ils refusaient de reconna.tre les Congolais ordonns pasteurs en leur absence.
Ils niaient publiquement la validit de leur sacerdoce. Toutes les conditions taient runies pour
un dclenchement de conflits interminables.
Munongo Bananga rapporte que les pasteurs congolais . rappelaient constamment aux
missionnaires qu’une assembl€e d’Eglise €tait aussi importante que leurs conf€rences et avait
autant d’autorit€ en mati.re de doctrine et de foi. Personne ne pouvait donc venir annuler ce
qui avait €t€ d€cid€ et vot€ par une assembl€e (...). De m.me, toutes les ordinations de
pasteurs consacr€s par les Za.rois en l’absence de missionnaires restaient valables [valides et
licites], et les cat€chistes choisis apr.s leur d€part devaient eux aussi continuer faire le tour
des villages .102.
Ces conflits plongeaient l’Eglise protestante dans une crise sans prcdent. Deux blocs
opposs s’taient constitus et empoisonnaient l’atmosph€re missionnaire . travers le pays.
Le dossier fut soumis pour tude au Conseil Protestant du Za.re prsid par un Za.rois,
le Rvrend Shaumba. Celui-ci prconisa la rconciliation entre les deux blocs. La proposition
se heurta au refus catgorique du bloc des missionnaires Blancs. L’affaire fut porte finalement
devant les instances de l’Etat za.rois car elle mena.ait dsormais la scurit de la nation. Le
gouvernement du Za.re qui avait entrin la solution prconise par le Conseil Protestant du
Za.re (C.P.Z.) lui retournait le dossier pour un compromis interne. Le C.P.Z. opta pour la
cration d’un comit excutif national qui serait charg de rsoudre les conflits d’Eglises. Ils
taient arrivs . cette proposition parce que le C.P.Z. en tant que tel n’avait t investi d’aucun
102 Ibidem, p. 107
80
pouvoir juridique lui permettant d’arr.ter une dcision imposable . toutes les communauts
protestantes du Congo.
La cration du comit excutif au sein du C.P.Z. fut adopte et le comit fut reconnu
publiquement et investi du pouvoir juridique national en 1968. Un autre pasteur congolais, le
Rvrend Bokeleal, fut lu prsident secrtaire gnral du C.P.Z. C’est . lui que reviendra la
lourde charge de trouver une solution durable au probl.me qui divisait les Eglises protestantes
au Congo.103
II. 2. 2. 3. 3. La fusion des " Missions" et "Eglises" fonctionnant au Congo
Depuis le dbut des conflits entre missionnaires et pasteurs congolais, les Eglises
protestantes fonctionnaient dans une bipolarit "missions"-"Eglises".Toutes les communauts
dont les responsables taient europens ou partisans des europens se dnommaient "missions
protestantes", par contre celles diriges par les pasteurs congolais et partisans se dnommaient
"Eglises protestantes".
Le premier objectif du nouvel Ev.que Bokeleal fut donc d’obtenir par tous les moyens
la fusion de toutes les Missions et Eglises. C’est en 1969 que fut vot, par l’assemble gnrale
du C.P.Z., l’article qui dcida la fusion des deux entits rivales. L’article 6 relatif aux
rsolutions de conflits stipulait : . Pour faire cesser les conflits honteux divisant nos Eglises et
nos Missions, il importe que celles-ci fusionnent et qu’elles n’aient qu’une seule et m.me
personnalit€ civile, la Mission l€guant la sienne l’Eglise .104.
L’acte final de cette assemble de rconciliation fut une dclaration de foi unitaire
proclame par les chrtiens protestants za.rois : . Il n’existe qu’une seule Eglise, celle de
J.sus-Christ en laquelle le monde entier est uni par la foi .105.
103En dpit des solutions intermdiaires qui ont t apportes par les hautes autorits de l’Eglise et du pays,
cette crise avait occasionn beaucoup de dfections qui sont . l’origine de la prolifration des sectes et . la
naissance de beaucoup d’Eglises de Rveil qui sont en majorit de tendance protestante. Il y a au Congo tr€s
peu d’Eglises indpendantes dont les fondateurs sont d’anciens collaborateurs des catholiques. Ces derniers,
particuli€rement les rescaps des sminaires, se sont plut.t lancs dans la politique active plut.t que dans la
cration d’Eglises. Les analyses approndies que nous faisons plus loin ( point IV.1.4.) donnent beaucoup de
lumi€re sur cette situation particuli€re du Congo.
104 Voir MUNONGO BANANGA, Ibidem, p. 109
105 Ibidem
81
Il nous faut cependant prciser que la fusion de ces deux blocs n’avait pas entra.n la
suppression des diffrentes dnominations existant dans l’Eglise. Elle impliquait juste une
volont d’unit dans une confiance rciproque visant tous les domaines de la vie de l’Eglise,
une volont de parler le m.me langage dans la perspective de l’oecumnisme dj. engag.
Certains pasteurs nationaux qui n’avaient pas accept la fusion s’taient retirs pour
constituer des communauts indpendantes, plus proches des chrtiens et plus adaptes aux
soucis quotidiens de la vie : exorcismes et gurisons. On peut de ce fait, dj. voir venir ce qui
deviendra, avec le vent du pentec.tisme amricain, les Eglises indpendantes dites de rveil.
La conclusion de ce rapide parcours des Eglises protestantes au Congo peut se rsumer
en trois mots : l’histoire se rp€te. De l’astuce du roi Lopold II dsireux d’en dcoudre avec
les missionnaires "trangers" jusqu’aux tentatives des pasteurs congolais d’en finir avec les
missionnaires "trangers", la survie des Eglises protestantes au Congo passe toujours par le
m.me tunnel, celui de la fusion des communauts miettes ou rivales en une Eglise
protestante harmonise : l’oecumnisme interprofessionnel.
Ce qui para.t intressant pour notre problmatique de dpart est l’attitude des pasteurs
mcontents de la derni€re fusion entre les missions et les Eglises. Leurs dfections les am€nent
. changer de mthodes d’vanglisation. Une vanglisation qui ne se limite plus . annoncer la
parole du Christ, mais qui incite . passer comme lui, aux gurisons et aux exorcismes.
L’exorcisme ayant beaucoup de succ€s dans une chrtient africaine o. la sorcellerie demeure
la ralit quotidienne de leurs souffrances.
Avant eux, Simon Kimbangu, lui aussi ancien catchiste des missionnaires protestants,
avait compris que le salut de ses fr€res passait par l’alliance entre les deux croyances :
africaines et chrtiennes. C’est lui le fondateur de la premi€re Eglise afro-chrtienne que nous
allons analyser dans la section suivante.
82
II. 3. Les Eglises afro-chr€tiennes au Congo.
Sont regroupes sous ce vocable, toutes les communauts religieuses chrtiennes
crant des cultes syncrtiques ou messianiques, fondes par des proph€tes africains . charisme
souvent politico-religieux. De fa.on gnrale, elles reconnaissent Jsus-Christ comme
Seigneur, affirment leur "africanit" et rejettent la domination religieuse et politique des Eglises
missionnaires (catholique et protestantes).
La plupart d’entre elles se sont regroupes au sein de l’Alliance Rforme
Mondiale (A.R.M.) ou de l’Organization of African Institued Churches (O.A.I.C.). Certaines
autres sont membres du Conseil OEcumnique des Eglises (C.O.E.). Leur importance est
tellement grandissante qu’on ne peut s’emp.cher de dire, toute proportion garde, que 50 %
des chrtiens africains appartiennent aujourd’hui . ces Eglises.
A partir de 1990, on a vu na.tre une nouvelle tendance, moins politique, plut.t
socio-conomique, issue des Eglises fondamentalistes et pentec.tistes d’origine amricaine.
Bien qu’indpendante et afro-chrtienne, elles se dnomment quant . elles "Eglises de rveil"106
Dans ce chapitre, nous nous limitons . une de ces Eglises afro-chrtienne, la plus
rpandue en Afrique, bien reprsente en Europe et membre du Conseil OEcumnique des
Eglises depuis 1969 : le kimbanguisme.
Nos sources sont les tudes faites par Susan Asch107, Jules Chom108, Martial
Sinda109, et Diangienda Kuntima110.
106 Voir La Croix, mardi 2 mai 2000, p. 13 et Actualit des Religions n.41 – Septembre 2002 : Etant le fil
rouge de notre th€se, nous leur consacrons le dernier chapitre.
107 Susan Asch, L’Eglise du Proph.te Kimbangu, Op. cit.
108 Jules Chom, La passion de Simon Kimbangu (1921 - 1951), Prsence africaine, Bruxelles, 1959
109 Martial Sinda, Le messianisme congolais et ses incidences politiques. Payot, Paris, 1972
110 Diangienda Kuntima, L’histoire du Kimbanguisme, ditions Kimbanguistes, Kinshasa, 1984
83
II. 3. 1. L’Eglise Kimbanguiste au Congo.
II. 3. 1. 1. L’histoire du proph.te Simon KIMBANGU (1885-1921)
L’anne 1885 est celle o. le bassin du Congo tournait une page de son histoire antique
pour s’ouvrir . une nouvelle .re historique. Nous l’avons dit plus haut, l’homme qui avait
permis . Lopold II de devenir propritaire du bassin du Congo, Henry Morton Stanley fut un
citoyen britannique de confession protestante. Avec des missionnaires qui l’accompagnaient,
Stanley avait russi . implanter dans la rgion des Cataractes, entre Lopoldville et Boma six
missions protestantes dont celle de la British Missionary Society (B.M.S.) . Ngombe-Lutete.
Cette mission protestante tait situe . 12 km d’un village de cultivateurs bakongo appel
Nkamba.
C’est . Nkamba que naquit, le mercredi 12 septembre 1887, Simon Kimbangu dont le
nom signifie "celui qui rv€le le sens des choses caches"111.
Intelligent, et dou d’un remarquable talent oratoire112, il n’eut aucune peine .
collaborer avec les missionnaires, d’abord comme valet de chambre, puis comme catchiste
dans son village natal. Ses propres parents, Luezi sa m.re et Kuyela son p.re, n’taient pas
chrtiens. Son p.re tait par contre un "nganga nkisi"113 c’est-.-dire un gurisseur qui, d’apr.s
111 Diangienda Kuntima, ibidem p. 17
Bien que ces informations soient de son propre fils et hritier spirituel, on peut mettre quelques rserves quant
au jour, . la date et . l’anne prcise de la naissance de Simon Kimbangu. D’autres sources . notre disposition
donnent d’autres dates et d’autres annes, avec un cart de 2 . 6 ans :
*Martial Sinda crit : "Il nous a .t. difficile d’.tablir de faon pr.cise la date de naissance de Kimbangu.
Certains auteurs avancent la date de 1881, mais nous lui pr.f.rons cependant celle de 1889" Op.cit.p. 61.
*De son c.t Susan Asch crit : " Lorsque la soeur de Kinzembo, Luezi, donna naissance un fils, le 24
septembre 1889, il fut nomm€ Kimbangu : " celui qui r€v.le la v€rit€ cach€e" Op.cit.p. 16.
* Ndaywel crit : " Le kimbanguisme a .t. le fait d’un homme, d’un proph.te : Simon Kimbangu. N. .
Nkamba, . quelques kilom.tres de la mission de Ngombe-Lutete de la B.M.S., vraissemblablement en
septembre 1889 (...) Op.cit.p. 416 ).
112Tmoignage fait par un missionnaire catholique rput antikimbanguiste, le p€re Van Wing S.J. : . Le
Kimbanguisme vu par un tmoin ., dans Revue Congolaise, vol. XII, 6. 1958, p. 566, cit par Diagienda
Kutima, op.cit.., p. 18
113 "Nganga nkisi" : ce terme dsigne celui qui sait comment faire intervenir les gnies de la terre, de l’eau et
du ciel . l’aide des ftiches (nkisi), dous de pouvoirs surnaturels pour combattre les forces
malfiques(Kindoki) dcha.nes par le sorcier (ndoki) ou celui qui provoque le malheur. Ce qui fait qu’en
langage courant, le terme "nganga nkisi" se traduit souvent par fticheur, devin, magicien ou gurisseur, tandis
que le terme "ndoki" se traduit par la notion de sorcier. Il est curieux de voir que le pr.tre catholique soit aussi
appel Nganga Nzambi ou nganga Nzamb… De quoi attendre de lui autre des choses plus mysterieuses… .
suivre .
84
S. Asch, . savait neutraliser les "ndoki" (sorciers) et gu€rir leurs victimes par une m€thode
f€tichiste comprenant des tremblements .114.
Apparemment, la situation concr€te dans laquelle se trouvait le jeune Simon Kimbangu
pouvait .tre la suivante : la journe, il tait assistant et servant des missionnaires . l’glise et .
domicile, le soir, il tait le fils et assistant de son p€re dans les pratiques de la religion
traditionnelle qu’il ne pouvait pas abandonner. Cette derni€re assistance ne durera pas
longtemps car apr€s la mort de sa m€re, le jeune Simon Kimbangu sera adopt par sa tante
Kinzembo qui se trouvait parmi les premiers convertis au christianisme. Elle pratiquait, quant .
elle, la mdecine traditionnelle base sur l’utilisation des plantes mdicales.
Chez sa tante chrtienne et gurisseuse, Kimbangu apprendra aussi les amers souvenirs
des souffrances qu’avaient endures ses grands parents . l’poque du glorieux royaume Kongo
que les Portugais avaient vanglis au XV€me si€cle. On lui avait racont les preuves des
razzias de la traite. Il vivait lui-m.me les mfaits des travaux forcs, la virulence des pidmies,
le portage et la construction du chemin de fer. Associer toutes ces preuves . la connaissance
de la Bible qu’il approfondissait en autodidacte, tait pour lui l’occasion de faire le
rapprochement avec les Hbreux . l’poque de l’esclavage en Egypte.
Kimbangu se mariera, suivant la loi coutumi€re, avec une veuve, Mwilu, qui lui donnera
trois fils : Damien-Charles Kisolekele (n le 16-2-1914), Salomon Dialunguna (n le 25-5-
1916) et Joseph Diangienda (n le 22-3-1918), celui qui deviendra pendant de tr€s longues
annes son hritier spirituel.
Le couple Kimbangu-Mwilu s’tait fait baptiser et s’tait mari religieusement dix sept
mois apr€s la naissance de leur premier fils. Ces crmonies avaient lieu dans leur paroisse
d’origine "Ngombe-Lutete", le 4 juillet 1915. Kimbangu y devint catchiste de la B.M.S. et y
pr.cha l’vangile selon les principes fondamentalistes des protestants baptistes. Susan Asch
cite le p€re Van Wing qui crit : . La Bible est (pour ces Eglises) la seule autorit€ que chaque
croyant interpr.te selon l’inspiration qu’il re.oit directement du Saint-Esprit .115.
114 Susan Asch, op.cit., p. 16
115 Van Wing, Cit par Susan Asch, Ibidem, p. 19
85
Pendant ce temps, l’Europe est paralyse par la premi.re guerre mondiale.
L’administration coloniale belge est affaiblie. Sur place, au Congo, la maladie du sommeil, la
grippe, la fi.vre typhode et la variole font de nombreuses victimes. La mdecine europenne
est impuissante devant ces pidmies virulentes et meurtri.res. Les corves ne cessaient pas
pour autant de meurtrir ces pauvres malades. Et cela dura tout le temps qu’a dur la premi.re
guerre mondiale. C’est donc dans ce contexte que commence l’histoire extraordinaire du
proph.te Simon Kimbangu.116 Un parcours hro.que maill de perscutions et
d’emprisonnements.
II. 3. 1. 2. Des pers€cutions aux reconnaissances officielles (1921-1969).
Le mouvement spirituel que venait de dclencher Simon Kimbangu tait d’une tr.s
grande porte. Toute la rgion y tait sensible . tel point que le petit village de Nkamba tait
devenu en peu de temps, le lieu de convergence des grandes foules117.
Si le mouvement spirituel avait fait l’affaire de la compagnie du chemin de fer, on peut
imaginer les rpercussions civiques et conomiques que cela pouvait engendrer . d’autres
niveaux. Parmi les personnes qui allaient . Nkamba il devait y avoir des employs d’autres
compagnies belges. Avaient-ils besoin d’attendre la permission de leurs chefs Blancs pour
dserter le travail ? Combien de temps passaient-ils . Nkamba pour attendre la gurison ou
l’exorcisme d’un membre de la famille ? Comment ragissait l’administration coloniale? Quelle
fut la raction de ses anciens ma.tres, missionnaires protestants et catholiques ? Quelle valeur
avait cette oeuvre prophtique du catchiste Simon Kimbangu ?
116 *Le professeur Ndaywel crit : . (...) le 18 mars 1921, d’apr.s le t.moignage qu’il fit lui-m.me . un ami(...)
Kimbangu vit en songe un .tranger qui lui apportait la Bible, lui recommandant de la lire et de pr.cher ; il lui
demanda de se rendre dans le village voisin o. se trouvait un enfant malade afin de prier pour lui et de le
gu.rir. Il s’ex.cuta le lendemain, trouva effectivement un enfant malade et il pria pour lui. L’enfant fut gu.ri.
Ce fut le d.but de tout (...) . Voir op.cit., p. 416
*Martial Sinda de son c.t crit : . Rapidement, Kimbangu obtient l’adh.sion de ses fr.res de race (...) La
religion traditionnelle ne peut emplir un vide affectif dont aucune formulation politique n’est encore
concevable. Kimbangu catalyse autour de son exp.rience mystique toutes les .nergies vacantes (...) D.j., ses
fid.les le nomment N’Gounza, proph.te, h.raut, il unit, il est le Messie (...) Il abandonne son emploi et gagne
le village de N’Kamba qu’il baptise : "Nouvelle J.rusalem". . Voir Martial Sinda. Le messianisme congolais
et ses incidents politiques, p. 63
117Jules Chom crit : . D€s mars 1921, d’interminables caravanes sillonnent les routes qui conduisent au
village de Nkamba. De toutes les directions les foules accourent vers le gurisseur.(...) Les gens bien portants
viennent aussi pour voir ou pour intercder en faveur de leurs parents malades et intransportables. Entre Matadi
et Lopoldville - Kinshasa, les trains sont bonds. La compagnie du chemin de fer doit mettre en service des
voitures supplmentaires(...) . Voir La passion de Simon Kimbangu (1921-1972), p. 11
86
A toutes ces questions de fond, les analyses des historiens montrent qu’il y a eu un
premier moment o. l’action de Kimbangu avait m.me re.u les encouragements des
missionnaires protestants et catholiques qui taient au dbut, fascins par la vigueur de son
enseignement, car il russissait facilement l. o. l’vanglisation "classique" ne rcoltait que de
maigres fruits.
Ce premier moment d’admiration et de fascination ne pouvait pas durer longtemps,
parce que son succ€s embarrassait les missionnaires et les administratifs. Nkamba arrivait .
recevoir, par jour, environ quatre mille p€lerins qui venaient chercher la gurison et couter la
parole de Dieu aupr€s de Kimbangu. Les catchumnats et les h.pitaux protestants et
catholiques taient progressivement dserts.
D’autre part, la rupture avec la religion traditionnelle que pratiquait son p€re tait
totale elle aussi. La polygamie tait condamne et les ftiches taient br.ls. Les premiers
indices qui obligeront le pouvoir colonial . trouver un prtexte pour lancer un mandat d’arr.t
contre Simon Kimbangu taient ceux de la dsobissance civile. Les populations qui
dsertaient les entreprises d’Etat pour Nkamba ne payaient plus l’imp.t. Il n’tait pas facile
non plus de mettre la main sur Kimbangu, tant les gens devenaient agressifs en face de
quiconque disait du mal du proph€te. Trois mois apr€s le mandat d’arr.t, il continuait . pr.cher
et . gurir les malades, mais dans la clandestinit.
Pour inciter la population . crer une forte ceinture de scurit autour lui, sa
prdication se teinta de xnophobie et d’hostilit . l’gard des colonisateurs. Il commen.ait .
pr.cher ouvertement la dsobissance civique car, disait-il "Le Christ ne tarderait plus venir
renverser le pouvoir des Blancs" ; il ne fallait donc plus payer l’imp.t aux Blancs, ni se
soumettre aux cultures obligatoires118. La drive tait dsormais compl.te. Il l’avait sans doute
senti en se livrant lui-m.me pour .tre jug et condamn.
Apr.s sa condamnation . mort, il fut transfr . Stanleyville (Kisangani), puis .
Elisabethville (Lubumbashi) o. il passa une trentaine d’annes avant de mourir en 1951. Son
118Voir Susan Asch, op.cit., pp. 27ss ; Ndaywel, op. cit., pp. 416ss ; Jules Chom, op.cit. , pp. 10ss
87
arrestation et sa condamnation avaient dclench une nouvelle €re de perscutions sans
merci119.
En 1921 toute la rgion des Cataractes sud tait sous occupation militaire. 126
kimbanguistes furent perscuts et dports loin de leurs familles et isols dans des centres de
relgation. L’pouse du proph€te et l’un de ses fils, Salomon Dialungana, furent mis en
rsidence surveille . Nkamba. Les autres enfants furent interns dans une cole catholique .
Boma.
On estime . 37.000, les perscutions et dportations qui ont suivi l’arrestation et la
condamnation du proph€te entre 1921 et 1958. A la veille de l’indpendance, il n’y eut que
2.685 survivants librs. Pour immortaliser ce chiffre, les chrtiens kimbanguistes ont construit
. Nkamba un Temple comptant 37.000 places assises, inaugur le 6 avril 1981.
L’pouse du Proph€te mourut le 27 avril 1959, huit mois avant la reconnaissance
officielle du kimbanguisme par la chambre des Reprsentants et du Snat de Belgique. En effet,
tous les Belges en mission au Congo n’taient pas contre le kimbanguisme. Pour preuve, lors
de son proc€s et de sa condamnation en 1921, il n’y avait pas d’unanimit dans les rangs des
colons belges. C’est la raison pour laquelle il y eut un recours en grce introduit par
l’administration civile et les missionnaires baptistes. Le ministre de la colonie, Franck, n’hsita
pas . le transmettre au roi Albert qui commua la sentence de mort prononce . l’encontre du
proph€te en peine d’emprisonnement . vie. Simon Kimbangu meurt prisonnier [h.pital Prince
Lopold de Lubumbashi] le 12 octobre 1951.
A partir de 1958, une certaine tolrance tait acquise. Les dirigeants kimbanguistes
en profit€rent pour adresser une lettre au gouverneur gnral Ptillon, lui demandant le libre
exercice du culte sur la base de la Dclaration des Droits de l’Homme (art. 18, 19), de la charte
coloniale (art. 2) et de la constitution belge (art. 5, 14, 15). La lettre fut crite le 24 janvier
1958. Un mois apr€s, l’autorisation provisoire d’exercer fut tacitement accorde, . condition
119Susan Asch crit : . pour ceux qui suivirent le Proph.te Kimbangu, l’€poque coloniale €voque le
douloureux souvenir des pers€cutions : arrestations, rel€gations, occupations militaires, d€portations et camps
de travail. En vertu des lois r€gissant la colonie, les administrateurs appliqu.rent ces mesures contre tout
individu troublant la tranquillit€ publique par d€lit judiciaire ou politique : "non-paiement d’impt",
88
que les runions ne troublent pas l’ordre public et qu’elles ne dpassent pas une limite de 1.000
personnes.
C’est finalement le 24 dcembre 1959 que la reconnaissance officielle de l’Eglise
kimbanguiste fut accorde, apr.s une demande solennelle adresse aux prsidents de la
chambre des Reprsentants et du Snat de Belgique120. Cette reconnaissance officielle sera
suivie du rapatriement de la dpouille du proph€te . Kinshasa, le 2 avril 1960. L’inhumation de
ses restes aura lieu dans le mausole de Nkamba.
La derni€re tape dans la srie des reconnaissances de l’Eglise fut celle de son
entre au Conseil Oecumnique des Eglises (C.O.E.).
En effet pendant toute une dcennie, le chef spirituel et le secrtaire gnral de
l’Eglise kimbanguiste, Diangienda et Luntadila, se battront durement aupr€s des responsables
de l’organe de rassemblement des Eglises protestantes (C.O.E.) pour obtenir leur adhsion. La
tche n’tait pas facile pour eux car au Congo, le kimbanguisme venait de rompre
dfinitivement avec l’Eglise protestante121.
La rupture sera suivie de l’organisation des structures de la nouvelle Eglise
indpendante qui publiera aussit.t sa "Dclaration des principes" qui la distancie des affaires
politiques et du pouvoir temporel. Tout en laissant les adeptes libres d’adhrer aux partis
politiques de leur choix, l’Eglise prconisait aux responsables hirarchiques de rester . l’cart
de la vie politique. Cela n’emp.chera pas, malgr tout, que l’un des fils du proph€te, Damien-
Charles Kisolokele, devienne ministre de l’intrieur du gouvernement de Lumumba et de celui
d’Ilo.
L’opportunit de la demande d’adhsion au C.O.E. se prsentera lorsque
Diangienda sera invit par M. Moshe Isshem, charg d’affaires de l’ambassade d’Isra.l, .
"insoumission . l’autorit. administrative", ou "pour cause de kimbanguisme". Ce dernier fait constitua un
motif politique suffisant pour justifier l’application de ces mesures de 1921 . 1958 . Voir op. cit. p. 27
120 Voir Susan Asch, Ibidem , p. 40
121 Susan Asch note que . la rupture effective entre kimbanguistes et protestants sera consomm€e avec la
modification de l’article 2 des "Statuts" : "le kimbanguisme est un d€riv€ direct du christianisme", rempla.ant
le mot "protestantisme" . Voir Ibidem p. 54/55
89
visiter Jrusalem. Le r.ve se ralisera entre le 30 octobre et le 25 dcembre 1961. C’est le
premier voyage officiel de la dlgation kimbanguiste . l’tranger. Apr.s Isra.l, elle passera en
Belgique, en France, en Hollande et en Allemagne. C’est au cours de cette visite que
Diangienda rvlera son souhait de rencontrer M. Visser’t Hoof, secrtaire gnral du Conseil
oecumnique des Eglises . Gen.ve, pour discuter avec lui de la possibilit de l’admission de
l’Eglise kimbanguiste au sein du C.O.E. Les contacts se multiplieront entre 1966 et 1969 .
cette fin. En mars 1969, le pasteur William Crane sera charg par le C.O.E. d’une mission au
Congo, afin de tenter de rconcilier l’Eglise kimbanguiste avec le Conseil Protestant du Congo.
Le pasteur souhaitait toujours la rintgration des kimbanguistes dans le Conseil Protestant du
Congo (C.P.C.). La conclusion du pasteur William Crane tait catgorique : . (...) L’Eglise
kimbanguiste doit d’abord collaborer avec le Conseil Protestant du Congo et les autres
Eglises, avant d’.tre admise comme membre du Conseil oecum.nique .122.
La raction de Luntadila, le secrtaire gnral de l’Eglise, sera aussi catgorique,
montrant que si telle tait la condition, les kimbanguistes prfraient retirer leur candidature et
faire leur chemin comme toutes les autres glises indpendantes123. Cette fermet du secrtaire
gnral de l’Eglise kimbanguiste fera comprendre aux autorits du C.O.E. que cette Eglise
n’entendait plus se rapprocher du C.P.C.
Le 16 ao.t 1969, la dlgation de l’Eglise kimbanguiste sera enfin invite aux
assises du C.O.E. . Canterbury pour le vote final. Elle tait compose du chef spirituel
Diangienda, du secrtaire gnral Luntadila, du directeur du Cabinet du chef spirituel Bena-
Saphary et de l’Amricain Mark Schomer qui fut professeur au coll€ge kimbanguiste de
Nkamba, et dont le p€re fut, par chance, prsident du comit central des dlibrations du
C.O.E. Ce fut un atout important pour cette candidature qui avait dur toute une dcennie. Le
vote leur fut favorable. Il y eut 260 voix pour, 1 seule voix contre et 9 abstentions.
122 William Crane, cit par Asch, Susan, Ibidem , p. 65
123Luntandila, secrtaire gnral de l’Eglise kimbanguiste dira: . Nous avons pu constater avec regret et
indignation que l’admission d€pendait surtout de l’avis et de l’attitude de Conseil Protestant du Congo, ce qui
est une d€cision inadmissible pour nous, €tant donn€e que la coop€ration E.J.C.S.K.-C.P.C. (Eglise de Jsus
Christ par le proph€te Simon Kimbangu) n’est encore qu’. ses d.buts... Face . cette situation, l’E.J.C.S.K.
vous demande de prendre une d.cision d.finitive sur sa candidature... L’E.J.C.S.K. ne verrait aucun
inconv.nient, le cas .ch.ant, . ce qu’elle retire sa candidature du C.O.E.... .
cit par Susan Asch, ibidem, p. 66
90
Apr.s le 24 dcembre 1959, date de la reconnaissance officielle de l’Eglise, le 16
aot 1969 sera dsormais inscrit dans les annales de l’Eglise kimbanguiste comme date
historique de son adhsion au conseil oecumnique international.
Qu’. cela ne tienne, les exigences du C.O.E. pour que cette Eglise soit admise ont
cr une sorte de bipolarit en son sein : un kimbanguisme originel tel qu’il est vcu et pratiqu
. la base par les adeptes et un kimbanguisme adapt aux normes oecumniques du Conseil des
Eglises. Ces exigences du C.O.E. et les consquences qui s’en sont suivies prsentent, . notre
avis, le risque de voir t.t ou tard les adeptes revenir . leur foi fondamentale en ce qui concerne
le r.le du fondateur par rapport au myst.re de la trinit. L. se posera . nouveau la question de
leur lgitimit dans le C.O.E.
II. 3. 1. 3. Les deux visages de la religion kimbanguiste au Congo
Les formalits administratives et officielles qui avaient conditionn l’entre de
l’Eglise de Jsus Christ sur terre par le proph.te Simon Kimbangu dans le C.O.E. avaient en
m.me temps oblig ses responsables . laborer un double discours sur le contenu de la
doctrine de l’Eglise124. Depuis ce temps, deux visages se dessinent clairement au sein de
l’E.J.C.S.K. (Eglise de Jsus Christ sur terre par le proph€te Simon Kimbangu) :
* Un visage du kimbanguisme officiel "christo-centrique", celui des responsables
obligs de rformer l’Eglise pour la faire accder . des instances officielles et internationales.
* Un visage du kimbanguisme traditionnel, celui du commun des croyants : le
kimbanguisme des kimbanguistes "Kimbango-centrique", pour qui Simon Kimbangu est le
proph€te des Noirs comme Mo.se l’est pour les Juifs et Mohammed pour les Arabes. Il est le
consolateur que Jsus-Christ avait annonc. Le paraclet qui devait venir accomplir toutes les
paroles que Jsus avait dites.
124 D’apr.s Susan Asch, l’opposition s’articule autour du r.le spirituel attribu au Proph.te Simon Kimbangu :
appui des Africains aupr.s du Christ ou incarnation du Saint-Esprit. Simple en apparence, ce concept cl est
fondamental, puisqu’il est rvlateur du vritable foss qui spare les orientations christo-centristes du cercle
dirigeant rformiste, d’une part, et des traditions kimbango-centristes de la majorit crasante des adeptes
kimbanguistes, d’autre part. En m.me temps, ce concept cl est au coeur du dbat entre l’E.J.C.S.K. et le
C.O.E.; il est rvlateur des concessions faites au cours des ngociations sur l’admission de l’E.J.C.S.K. au sein
de la communaut protestante internationale. Il refl.te, en outre, les concessions faites . l’administration
coloniale et . l’Etat mobutiste sur le plan politique. Ibidem pp. 95 et 100
91
II. 3. 1. 3. 1. Le kimbanguisme officiel
Deux points particuliers nous aideront . mieux comprendre le caract€re officiel de
ce kimbanguisme :
L’ossature des documents rdigs en fonction des exigences administratives.
Le contenu de la rforme du kimbanguisme.
II. 3. 1. 3. 1. 1. L’ossature des documents administratifs
Lorsque le proph€te Simon Kimbangu meurt en prison, le 12 octobre 1951, apr€s
trente ans de dtention, son fils Joseph Diangenda est fonctionnaire (commis) dans
l’administration coloniale belge. Cinq ans apr€s la mort du Proph€te, un cercle de jeunes
intellectuels cre l’association des jeunes adeptes kimbanguistes (A.J.A.K.) Elle est anime
principalement par Lucien Luntadila, le futur secrtaire gnral de l’Eglise kimbanguiste,
moteur de toute la rforme et de l’avenir du kimbanguisme officiel.
Pour asseoir et lgitimer ses revendications, l’association fera appel . l’un des fils
du proph€te, Joseph Diangenda. Il est investi comme hritier spirituel par l’association qui
l’aidera . avoir le titre juridique de "reprsentant lgal" du mouvement. C’est alors qu’elle
entamera avec son appui toutes les dmarches qui aboutiront aux trois piliers du
Kimbanguisme officiel :
1. Le 24 dcembre 1959 : rassemblant la plupart des mouvements kimbanguistes
clandestins de l’poque coloniale, le mouvement obtient la reconnaissance officielle dcrte
par l’administration belge. Il se nommera dsormais : . Eglise de J€sus Christ sur terre par le
proph.te Simon Kimbangu, en sigle E.J.C.S.K. ..
2. le 16 ao.t 1969 : l’E.J.C.S.K. est admise au sein du Conseil OEcumnique des
Eglises (C.O.E.) . Gen.ve.
3. Le 31 dcembre 1971 : l’E.J.C.S.K. est reconnue de facto comme troisi€me
force religieuse au Za.re, grce au dcret du prsident Mobutu interdisant les sectes
indpendantes en dehors de l’Eglise catholique, de l’Eglise du Christ au Za.re (E.C.Z.) et de
l’E.J.C.S.K.
92
Parmi les documents officiels rdigs par ce noyau constitu de jeunes intellectuels
de l’A.J.A.K. autour du reprsentant lgal et chef spirituel de la future E.J.C.S.K., on pourra
citer :
- La "Mise au point sur le kimbanguisme" en 1957
- La "Charte constitutive de l’Eglise" en 1958
- La " Constitution de l’E.J.C.S.K. base sur les Principes et les mthodes" en 1958125
- La "dclaration de Principes" en 1959. Ce dernier document donne presque l’ossature
de tous les documents qui prc€dent, car il est un condens des exigences imposes par le
gouverneur gnral Ptillon, pour la leve de l’interdiction du kimbanguisme126.
II. 3. 1. 3. 1. 2. Le contenu de la r€forme kimbanguiste
Depuis le 24 novembre 1959, le kimbanguisme devenu religion officielle prend le
statut d’Association Sans But Lucratif (A.S.B.L.). Toute rforme . venir devait tenir compte
de ce statut sous lequel l’Eglise tait officiellement reconnue.
125 Le premier document pr€sente le contenu du kimbanguisme en fonction des conditions €tablies par
l’administration belge et ses alli€s missionnaires, afin de mettre un terme la pers€cution des adeptes pour
cause de kimbanguisme et pour obtenir la libert€ du culte. Le second document pose le base du kimbanguisme
partir de la D€claration des Droits de l’Homme (art.18, 19), la Charte coloniale ( art. 2) et la Constitution
belge (art. 5,14, 15) en vue d’obtenir la reconnaissance officielle de l’Eglise kimbanguiste : . Art. 18. –
Toute personne a droit la libert€ de pens€e, de conscience et de religion ; ce droit implique la libert€ de
changer de religion ou de conviction ainsi que la libert€ de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en
commun tant en public qu’en priv€, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.
. Art. 19. – Tout individu a droit . la libert d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas .tre
inquit pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de rpandre sans considration de fronti€re, les
informations et les ides par quel que moyen que ce soit . D.claration des Droits de l’Homme
Art. 5. – Le gouverneur g.n.ral veille . la conservation des populations indig.nes et . l’am.lioration de
leurs conditions morales et mat.rielles d’existence. Il favorise l’expansion de la libert. individuelle, l’abandon
progressif de la polygamie et le d.veloppement de la propri.t.. Il prot.ge et favorise sans distinction de
nationalit. ni de cultes, toutes les institutions et entreprises religieuses, scientifiques ou charitables cr..es et
organis.es . ces fins ou tendant . instruire les indig.nes et . leur faire comprendre et appr.cier les avantages
de la civilisation. Art. 14. – La libert. des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la libert. de
manifester ses opinions en toute mati.re sont garanties, sauf la r.pression des d.lits commis . l’occasion de
l’usage de ces libert.s. Art. 15. – Nul ne peut .tre contraint de concourir d’une mani.re quelconque aux
actes et aux c.r.monies d’un culte, ni d’en observer les jour de repos. . Constitution belge
126 Voir Susanne Asch, op. cit., p. 104. Elle les rsume en huit points : l’engagement politique de l’E.J.C.S.K.
; l’anti-ftichisme de l’E.J.C.S.K. ; l’attitude xnophobe des kimbanguistes ; l’obissance aux lois civiles de
l’Etat et aux lois morales et familiales des religions chrtiennes ; les objectifs de l’E.J.C.S.K. dont la recherche
de la richesse matrielle doit .tre exclue ; la hirarchisation de l’E.J.C.S.K. ; la non-violence ; la base
chrtienne de l’E.J.C.S.K. dont les croyances, les pratiques et les doctrines sont assimiles par les Eglises
missionnaires . l’hrsie depuis les dbuts du kimbanguisme
93
La premi€re clause de rforme concerne son engagement dans la voie "apolitique"
et "non violente". Cette nouvelle voie de la rforme ne pouvait pas convenir . tous les vieux
pivots du mouvement qui luttaient dans les partis politiques . un niveau lev ; notamment,
dans l’ABAKO (Alliance des Bakongo), parti du premier prsident de la Rpublique du
Congo. La plupart des cadres de ce parti taient en m.me temps responsables du mouvement
spirituel de Simon Kimbangu.
En se dissociant des mouvements politico-religieux, la rforme marginalisait tous
ceux qui avaient encore des ambitions politiques. N’taient dsormais reconnus comme "vrais
kimbanguistes" que ceux qui acceptaient d’abandonner leurs ambitions politiques et ceux qui
continuaient . entourer l’pouse du Proph€te ainsi que ceux qui, depuis les centres de
relgation de l’intrieur du pays, restaient en contact avec elle.
L’option "apolitique" et "non-violente" engageait aussi l’Eglise sur la voie de
l’obissance aux autorits civiles. Elle tra.ait une ligne de dmarcation entre le pouvoir
temporel et le pouvoir spirituel, tout en se rservant le droit moral de s’occuper des oeuvres
sociales, telles que l’enseignement ou la mdecine.
.
Quant . l’adoption de la hirarchie, la rforme, dans son document intitul
"l’Etablissement et l’Organisation de l’Eglise", inscrit cet ordre dcroissant des responsabilits
: les sages ou princes des pr.tres, pasteurs ou chefs de Rgion, catchistes et croyants. Dans le
document intitul "Constitution de l’E.J.C.S.K. base sur les Principes et les Mthodes", la
rforme adopte la hirarchie suivante : Chef spirituel, Conseil des douze (les fr€res et les
sacrificateurs), l’assemble gnrale du Conseil mondial (forme des Conseils nationaux), le
Secrtaire international, le Coll€ge des Conseillers rgionaux, les Conseils des sections ou
territoriaux, les Conseils de sous-section ou paroissiaux, les catchistes, les sympathisants...
En ce qui concerne le contenu thologique du kimbanguisme il y a d’une part la
morale et de l’autre la doctrine kimbanguiste.
Sans trop entrer dans les dtails nous retenons essentiellement que pour la morale,
la rforme engageait l’Eglise dans l’obissance . la morale chrtienne et au respect de l’ordre
94
familial, la tolrance envers les autres religions chrtiennes, ainsi que l’observance de toutes les
lois de l’Ancien et du Nouveau Testament.127
Quant . la doctrine, la rforme kimbanguiste se proclamait, dans un premier temps,
"d€riv€e direct du protestantisme", ses mthodes d’vanglisation et sa doctrine taient
conformes au protestantisme. C’est par la suite que les kimbanguistes supprimeront "drive
direct du protestantisme" pour le remplacer par "d€riv€e direct du Christianisme" : de
l’Eccl€sio-centrisme au Christocentrisme.
Dans tous les cas, le probl€me de fond de la doctrine kimbanguiste est celui de la
place et du r.le de l’Esprit Saint : Il y a, jusqu’ . aujourd’hui, une forte ambigu.t entre le r.le
du Saint-Esprit et celui du proph€te Simon Kimbangu. Susan Asch crit . ce propos :
. L’ambigu.t. du r.le du Saint-Esprit et de celui du Proph.te Simon Kimbangu sera au coeur
des d.bats entre l’E.J.C.S.K. et le Conseil oecum.nique des Eglises, puisqu’il semblait que
Simon Kimbangu .tait assimil. au Saint-Esprit, et qu’il supplantait J.sus-Christ en tant que
personnage central de la Sainte Trinit.. Cette question sera .galement une des principales
raisons des conflits au sein de l’E.J.C.S.K.; elle occasionnera la cr.ation de sectes
dissidentes d’une part, et le d.veloppement d’un double discours, r.formiste et traditionaliste,
d’autre part .128.
Cette ambigu.t sur le "Saint-Esprit", terme traduit en kikongo par les catholiques
par "Mpeve Santu", tandis que les protestants l’ont traduit par "Mpeve ya Nlongo",
respectivement "Esprit-Saint" et "Esprit du Sacr", est l’un des points majeurs de la doctrine
qui renforce le foss entre le kimbanguisme officiel et le kimbanguisme traditionnel. Pour ce
dernier, le Saint-Esprit est le proph€te Simon Kimbangu. Jsus a promis qu’il nous enverrait un
consolateur : pour nous les Noirs, notre consolateur c’est Simon Kimbangu. C’est la preuve
que par sa mort et par sa rsurrection, Jsus a sauv toute l’humanit sans distinction de races.
Nous avons un appui aupr€s du Christ, c’est Simon Kimbangu.
127 Pour plus des prcisions, lire Susan Asch, Ibidem , pp. 109 -135
128Ibidem , p. 113
95
II. 3. 1. 3. 2. Le kimbanguisme traditionnel
Les simples croyants kimbanguistes dans les villages n’ont su que faire de la
rforme qui tient davantage compte de l’administration officielle, plus tourne vers l’extrieur
que vers l’intrieur. Le kimbanguisme des kimbanguistes est le "noyau" pur et non corrompu.
Ils le vivent scrupuleusement au quotidien, dans le spirituel et dans le social. Susan Asch nous
aide . saisir ce qu’il en est, par le biais de trois lments cls : "Les principes et les m€thodes ;
la foi ; la vie collective".
Nous nous limitons quant . nous aux deux premiers lments, sans pour autant
amoindrir la valeur "la vie collective" qui est l’aspect fondamental du social, par la solidarit, le
partage et l’assistance au quotidien.
II. 3. 1. 3. 2. 1. Les principes et les m€thodes
C’est l’ensemble des r.gles de conduite et de bien .tre dans la socit : un vritable
code de comportement pour chaque fid.le kimbanguiste. Ne pas fumer de tabac ou de chanvre,
ne pas boire d’alcool, ne pas danser dans les bo.tes de nuit. M.me . l’poque du rgime fort de
Mobutu o. l’animation politique consistait . s’exhiber impudiquement en public, les fid.les
kimbanguistes savaient encore tenir compte de leur code de comportement. Les pratiques
animistes sont strictement interdites. Les femmes portent des signes distinctifs, tel le foulard
sur la t.te etc. Les hommes ne portent pas de longs cheveux...Le "vrai" kimbanguiste est celui
qui respecte scrupuleusement ces prceptes dcrits dans "Les principes et les mthodes".
II. 3. 1. 3. 2. 2. La foi
. Si le comportement quotidien de l’adepte est r€gi par les principes et les
m€thodes, crit Asch, la base de la foi s’articule autour d’un concept cl., . savoir le r.le de
Simon Kimbangu. D’apr.s de nombreux t.moignages recueillis (...), il s’av.re que la majorit.
des "vrais" kimbanguistes, et un bon nombre de "faux" kimbanguistes, persistent . croire que
96
Simon Kimbangu fut l’incarnation du Saint-Esprit, troisi.me composante de la Sainte Trinit.,
Consolateur promis par la Bible. .129.
Diangienda qui a hrit du pouvoir spirituel de son p€re est aussi considr par les
croyants comme l’incarnation de l’Esprit Saint. C’est ce qui lui donne autorit sur les forces du
mal qu’il exorcise sans qu’elles lui rsistent. Le culte (pri€re et aum.ne "nsisana"), la retraite,
et le p.lerinage . Nkamba-Jrusalem sont les trois principaux piliers de la foi du commun des
kimbanguistes.
Depuis que la Sainte-C€ne a t introduite le 6 avril 1971, la communion est prise
trois fois par an : le 6 avril en commmoration de la premi€re manifestation du Saint-Esprit
descendu en Simon Kimbangu, le 12 octobre en souvenir de l’arrestation et du martyre du
Proph.te et le 25 d€cembre en l’honneur de la naissance du Christ (No.l), ou, pour le noyau le
plus dur, le 25 mai, date probable de la naissance de Dialungana Salomon, le dernier fils du
Proph€te.130
En dfinitive, le fil rouge qui para.t asseoir le kimbanguisme au Congo part de la
logique selon laquelle Kimbangu est pour les Noirs ce que Mo.se est pour les juifs et Mahomet
pour les musulmans. Si le christianisme s’est impos en tout point de vue, avec l’aide de la
civilisation judo-chrtienne, l’islam par sa position minoritaire, son adaptation culturelle au
Congo et son autonomie par rapport au christianisme, est un contre poids qui a beaucoup
inspir les Eglises afro-chrtiennes.
Nous allons voir dans la section qui suit comment l’islam s’est implante et
panouie au Congo.
129 Ibidem , p. 140
130 Depuis juillet 2004, les nouvelles qui nous parviennent de la R.D. Congo font tat de la rupture des relations
entre les catholiques et les kimbanguistes et de l’exclusion de l’Eglise kimbanguiste de la communion
OEcumnique d’avec les Eglises chrtiennes. Pour les v.ques catholiques du Congo, l’volution rcente de
l’Eglise kimbanguiste fait tat d’un drapage par rapport . la doctrine chrtienne d€s lors qu’il y a une nette
identification des 3 fils du proph€te Simon Kimbangu, aux trois personnes de la Sainte Trinit. De ce fait, le
kimbanguisme qui ne se reconna.t plus au travers du grand myst€re chrtien de la tr€s sainte Trinit, en
manifestant l’idoltrie et la divination, prouve . suffisance qu’il n’est plus une religion chrtienne.
97
II. 4: La religion musulmane au Congo
Introduction.
La rpublique dmocratique du Congo est l’un des rares pays du continent africain
o. l’islam est rest longtemps tr.s minoritaire131. L’influence des musulmans, depuis le XIV€me
si.cle, s’est cantonne sur la c.te est o. ils s’adonnaient plus au commerce d’esclaves et de
pointes d’ivoires ; l’implantation de la religion n’tant pas, . cette poque, leur objectif
principal. C’est seulement vers le milieu du XIX€me si.cle, apr.s l’abolition de l’esclavage, qu’a
commenc l’implantation de l’islam comme religion au Congo, dans sa partie orientale.
Nous divisons cette section en trois points qui pourront, un tant soit peu, nous
aider . situer la prsence et l’action de l’islam en R.D. Congo :
1. L’introduction . la connaissance de l’islam au Congo Oriental.
2. L’panouissement de l’islam au Congo . partir des annes 1980.
3. La place de l’islam dans le concert des religions au Congo.
Nos sources sont principalement les tudes de Armand Abel132 , Adnan Haddad133,
Bulaimu Abemba134, et Lon Anciaux135.
II. 4. 1. L’introduction . la connaissance de l’islam au Congo oriental.
Le sultan de Mascate et Oman avait tabli sa domination commerciale dans les .les
de Zanzibar et Pemba sur la c.te est de l’Afrique depuis le XIV€me si€cle. Les descendants
metisss de ces Arabes et les autochtones acculturs connus sous le nom de swahilis (gens de
la c.te) continueront, pendant longtemps encore, l’entreprise des ma.tres de ces .les de la c.te
orientale. C’est de ces derniers que viendra l’initiative, apr€s l’abolition de l’esclavage,
131 Nous faisons allusions . d’autres pays au sud de l’quateur o. les musulmans sont tr€s peu nombreux :
Angola, Zimbabwe, Zambie, Namibie etc.
132Armand Abel, Les Musulmans noirs du Maniema, publications du Centre pour l’Etude des Probl.mes du
Monde Musulman Contemporain, Bruxelles, 1960.
133Adnan Haddad, Recueil de Rflexions sur Lopold II et les Arabes, Linguistique et religions, Islam et
Authenticit..., Presse Universitaire Lubumbashi, 1994.
134Abamba Bulaimu, Pouvoir politique traditionnel et Islam au Congo Oriental, Cahier du CEDAF, 1971, 2,
srie 1.
135 Lon Anciaux, Le probl.me musulman dans l’Afrique belge, Bruxelles, ARSOM, 1949
98
d’introduire l’islam comme religion populaire, . l’intrieur du continent Oriental. C’est donc
vers 1820 que commence l’introduction de la connaissance de l’islam dans l’arri.re pays.
Ndaywel crit: . (...) Ils parlaient un dialecte bantu m€lang€ l’arabe. On les appellera plus
tard des "Arabis€s" ou plus correctement des "swahili" parlant une langue qui finira par .tre
qualifi€e de Kiswahili .136.
Pendant toute la priode de l’E.I.C. ils eurent beaucoup de difficults . s’implanter,
en raison de l’influence des rsolutions de la Confrence de Berlin qui venait de confier le
territoire . Lopold II. Il en fut de m.me pendant la colonisation.
La priode qui nous intresse le plus est celle qui co.ncide avec l’implantation de
l’islam par les "arabiss" en qualit de citoyens protgs par l’article 6 de l’acte de Berlin.
Cette priode ne commence que vers la fin de la colonisation belge : 1956 - 1957.
A partir des tudes menes par Armand Abel, nous allons en quatre points essayer
de dfinir les contours de l’islam dans ses dbuts . l’est du Congo :
1. La rpartition des groupements musulmans et leur importance relative
2. La religion des arabiss
3. Le droit coutumier et le droit musulman
4. Les croyances relatives . la magie et . la sorcellerie.
II. 4. 1. 1. La r€partition des groupements musulmans et leur importance relative
Armand Abel crit dans l’introduction de son rapport de mission ces mots qui nous
donnent une ide sur l’appartenance exacte de la souche d’Arabes qui est . l’origine de
l’islamisation du Congo Oriental : . Les Zanzibarites, quelquefois Arabes de souche
omanienne ou y€m€nite, mais le plus souvent m€tiss€s, du fait que leurs p.res, prenaient pour
€pouses des femmes indig.nes, €taient, au sens propre du mot, des arabis€s. Des Arabes, en
effet, ils avaient re.u la religion musulmane, avec la langue arabe pour idiome liturgique et
pour source de culture. C’est d’eux qu’ils tiraient les 72 % des mots de leur langue, le
136 Isidore NDAYWEL, Histoire g€n€rale du Congo, p. 235
99
Swahili, langue des hommes de la cte, de structure bantoue par sa grammaire, intens€ment
arabis€e par ses mots de culture .137.
De leurs a.eux, infatigables voyageurs, nous pouvons dire que ces arabiss avaient
hrit l’habitude de se sentir partout chez eux. En pntrant . l’intrieur du pays, ils n’avaient
aucun mal . btir de grandes cits telles que Kasongo, Kabambare, Kirundu, Nyangwe, etc.
Leur mtissage favorisait leur intgration facile avec les populations indig€nes. Le mariage
avec les femmes locales ajoutait un plus . leur installation.
Le 18 janvier 1957, suivant le rapport de A. Abel, le gouvernement gnral de la
colonie avait amorc un recensement gnral des musulmans dans les territoires o. leur
prsence tait connue. Ces territoires sont :
* Ruanda-Urundi : Kisengi, Usumbura, Kitega, Astrida, Bururi, Kigali ;
* Province de Lopoldville (Kinshasa) : ville de Lopoldville, o. figurent de
nombreux immigrants des territoires fran.ais ;
* Province de l’Equateur : Banzyville (Lisala), Bolobolo, Libenge ;
* Province Orientale : Stanleyville (Kisangani), Ponthierville, Bunia ;
* Kivu : Massissi, Goma; Walikale, Bukavu, Uvira, Fizi, tous les territoires du
Maniema ;
* Katanga : Albertville (Likasi), Kongolo, Kabalo, Elisabethville (Lubumbashi) ;
* Kasa. : Katako-Kombe.
Le commentaire d’Abel est le suivant : . Un coup d’oeil sur une carte montre tout
de suite que, mise . part la r.gion de L.opoldville, les groupements musulmans se sont
constitu.s essentiellement dans les r.gions atteintes au XIX.me si.cle par les Zanzibarites, et
dans lesquelles, soit au cours de leur p€n€tration, soit apr.s leur dispersion, ils se sont
r€pandus. Tous les endroits o. ils se sont install€s €taient ceux qui jalonnaient les routes
cr€€es par leurs caravanes, ou se situaient dans leurs environs imm€diats .138.
Dans l’ordre de l’importance historique et numrique, la rgion de Kasongo, venait
en t.te :
137 Armand ABEL, op.cit., p. 9
138 Ibidem , pp. 10/11
100
- Historiquement, c’est . Kasongo que les troupes de l’E.I.C. s’taient violemment
affrontes avec les Zanzibarites, successeurs du grand marchand d’esclaves afro-arabe : Tippo-
Tip139, surnom cl€bre donn . Ahmed ben Muhamed El-Murjebi.
- Numriquement, le recensement de 1955 avait dj. donn, pour le territoire de
Kasongo, une proportion de 48 % de musulmans.
En 1957, 43 % d’habitants reconnaissaient appartenir . la foi islamique.
- Quand Lopold II cdait le Congo . la Belgique, les groupements musulmans
reconnus comme chefferies se rpartissaient autour de Kasongo de la mani€re suivante :
Kasongo : Lusangi, Kalibwe, Kanyoe ; Vieux Kasongo : Tongoni (chef Farhani), Mwezi (chef
Makonga), Biliki (chef Kapaya) ; Le groupe dit des "arabiss" avait . sa t.te le chef
Moyenga ; Lufubu : Biali (chef Mongobo), Tulungu (chef Yamba Yamba), Nyangwe (chef
Pene Muzu), Milongo (chef Milongo), Nyangwe (chef Pene Sanga).
En 1954, pour le seul territoire de Kasongo, on comptait
- 40 . Arabes . gnralement en provenance de Mascate et de l’Oman,
- 7.000 mtis ou "arabiss"
- 40.000 . 45.000 musulmans indig€nes.
Par rapport . la population totale de la rgion de Kasongo, le recensement de 1957
donnait 77.600 musulmans sur 120.325 habitants140.
Ce qui est intressant pour nous dans cette tude chiffre d’Armand Abel c’est le
fait de comprendre pourquoi, malgr l’accroissement apparent du nombre des musulmans, leur
proportion dans l’ensemble du pays est reste la m.me. Deux raisons, en fait, semblent en .tre
. l’origine : d’abord, les populations non-musulmanes taient pauvres et tr€s fcondes ;
ensuite, la raison d’impratifs politiques nationaux o. la colonie belge confiait tout
139 Au sujet de Tippo-Tip, le professeur Ndaywel pense que l’influence arabe au Kasa. fut son oeuvre . . Ce
personnage dont le souvenir reste fort heureusement encore vivace, est le seul traitant swahili qui soit parvenu .
donner . son action commerciale une expression politique . Originaire du Zamb€ze, d’une m€re arabe et d’un
p€re mtis, Tippo-Tip fut form sur le tas, il n’avait pas dpass, sur le plan de l’instruction, le niveau de
l’cole coranique . ( op.cit., p. 237).
140A. ABEL, op.cit., p. 11.
101
l’enseignement aux missionnaires catholiques (p.res blancs), supprimant du m.me coup les
enseignements officiels et musulmans.
D’autre part A.Abel nous prsente les initiateurs de l’islam au Congo non pas
comme des professionnels mais des simples apprentis. D’o. notre intr.t de voir ce qu’est cet
islam des apprentis par rapport aux fondements de l’islam dans le reste du monde.
II. 4. 1. 2. La religion des arabis.s ou "l’islam noir"
Le terme "d’islam noir" nous am.ne certainement . nous souvenir de ce qui s’est
pass aux Etats-Unis d’Amrique vers les annes 1920. Sans reprsenter exactement la m.me
ralit, on peut en passant, relever quelques traits communs entre "l’islam noir" au Congo
Oriental, implant, non pas par les musulmans de souche, mais par les mtis biculturels; et
"l’islam noir" des USA, qui est une revendication des Noirs devant la violence des Blancs
chrtiens (catholiques et protestants).
En effet, les arabiss qui n’avaient pas d’autres patries que le Congo, et dont la
plupart comme le grand Tippo-Tip, n’avaient pour niveau d’instruction que le minimum de
l’cole coranique, devaient malgr eux, persvrer dans la religion de leurs aeux qui leur
donnait un statut de noblesse au pays. Mais qu’en savaient-ils du point de vue de la doctrine,
eux qui taient plus marchands d’or, d’ivoire et d’esclaves qu’imams forms? Ils n’ont pu
implanter que ce qu’ils savaient : un islam mtiss qui n’avait du vrai islam des musulmans que
la langue arabe comme idiome liturgique et les pratiques rituelles comme nous les dcrirons
dans les lignes qui suivent.
Au cours de la m.me poque naquit aux Etats-unis d’Amrique un mouvement de
combat et de rsistance aux violences infliges par les Blancs, le F.O.I. (Fruit Of Islam). Des
jeunes noirs dus du christianisme s’initiaient aux arts martiaux (karat et judo tr.s violents)
pour se dfendre contre les traitements inhumains qu’ils subissaient de la part des Blancs
"chrtiens", ou rputs tels (employeurs et policiers).
102
Le journal "Univers Match" de 1963, rapporte le tmoignage de Gordon Parks,
romancier, journaliste, photographe, au sujet de "l’islam noir" aux USA141.
Pour revenir . la religion des "arabiss" au Congo Oriental, les analyses d’Armand
Abel nous rv€lent que les Zanzibarites qui avaient pntr l’Afrique Orientale relevaient de la
tradition que l’on qualifie parfois de "mystique" (Souffie), se rattachant au syst€me des
confrries religieuses, "Tariqa" (plur. "Turuq"), notamment celles de "Qadiriyya". Il crit :
. Les Tar.qua furent, de la mani.re la plus g€n€rale, l’orientation et la forme populaires que
rev.tit, d.s le XIII.me si.cle, l’islam des masses, entr. en d.cadence. En Afrique, comme aussi
dans les territoires soumis aux Ottomans, cette orientation fut domin.e avant tout par la
r.gle, reue sous sa forme originale, ou enrichie d’apports successifs, formul.e par le
mystique de Bagd.d, le Cheikh Abd al Q.dir al Gil.n.. Le mouvement qui remonte . lui se
caract.rise avant tout par l’adoption d’une liturgie fort complexe, profond.ment marqu.e
d’habitudes analogues . celles de la liturgie chr.tienne .142.
Quant . la confrrie qadrites ou qadirites (QADIRIYA), c’est . la fin du XIX€me
si.cle qu’elle se constitue au sein de l’islam comme une sorte d’Etat religieux dans l’Etat. Elles
consistaient . vnrer la personne du Cheikh Abd al Q.dir Gil.n. dont la lecture de la
biographie faisait le pendant de celle du Proph.te ("sirat an-Nabi") ; toutes deux taient
introduites dans l’enseignement qadirite. M.me alors, ceux qui avaient propag la doctrine de
ces confrries religieuses au Congo Oriental n’taient, semble-t-il que des "mulidi' ou "muridi"
(mourides), qui dsigne en swahili . la fois l'association et le membre de celle-ci. L’tymologie
de ce mot vient de l’arabe "mur.d" qui dsigne, d€s la priode classique et en arabe, l’aspirant,
celui "qui dsire" pratiquer la vie mystique.
141 . La seule chose que les N€gres ont toujours eue en abondance, ce sont les glises - les grandes, les petites,
celles en bois, en brique, en pierre : des grises, des rouges, des vertes, des roses et des bleues. Dieu a toujours
t la seule puissance vers laquelle nous pouvions nous tourner. Celui qui pouvait nous apporter des jours sans
haine.
Mais maintenant, il existe des gens parmi nous qui pr.chent qu’Il nous a abandonns. Les jeunes perdent la foi,
pensant que le christianisme a failli . ses enseignements. Ils sont unis ; ils sont de plus en plus nombreux ; ils
s’appellent les "Musulmans noirs" ; leur Dieu c’est Mahomet ; leur idal : la sgrgation absolue. Et bien que
leur audace nous choque, nous autres, des anciennes gnrations, nous admirons leur confiance dans la force
qu’ils ont en eux. Dans les tn.bres de notre chec, nous admettons en nous-m.mes que maintenant ce sont
eux qui nous dirigent. Nos espoirs reposent en eux, ceux de promesses meilleures et de r.ves impossibles, d’un
courage nouveau et d’un manque de respect impressionnant vis-.-vis de la peur. Ils dclarent carrment : "Nous
ne continueront pas . souffrir tandis que les Blancs essaieront de faire des transactions, en comptant sur le
temps et sur les lois".Nous, les plus .gs, nous leur parlons des Blancs qui sont bien intentionns . notre gard
et ils nous rpondent : "S’ils sont sinc.res, ils l.veront leurs voix au-dessus de celles des racismes." Nous leur
disons que les temps sont en train de changer, et ils nous rpondent : "C’est nous qui changeons les temps." ..
103
D’apr.s A. Abel, l’islam au Congo tait propag par les membres de la collectivit,
qui taient des "aspirants", des apprentis . la vie religieuse. Ils n’avaient bnfici que d’une
initiation de base, parfois tr.s sommaire. Ce qui lui fait dire que . Si l’on songe au r.le que les
traditions d’initiation jouent dans la vie du Noir bantou, au niveau du chasseur, de
l’agriculteur, ou dans les .ges successifs de l’homme, on voit tout de suite combien la
tradition mystique de la secte qadirite s’est heureusement rencontr.e avec les besoins affectifs
et les orientations religieuses des populations indig.nes .143.
En ce qui concerne les pratiques rituelles de la religion des arabiss, M.
Vandevelde144, administrateur territorial auxiliaire du Congo belge, tout en reconnaissant qu’il
lui tait difficile de contr.ler l’exactitude de chaque renseignement, note ces quelques points
remarquables en prliminaires de sa contribution : . (...) Ce qui suit ne concerne nullement des
renseignements sur un islam th€orique et orthodoxe. (...), au cours des temps, des adjonctions
para-orthodoxes se sont ajout€es et ont m.me supplant€ l’islam orthodoxe. Les populations
musulmanes, et qui le sont leur intime conviction, ne sont souvent que superficiellement
islamis€es quant leurs croyances r€elles et quant au rituel qu’ils observent. A beaucoup de
points de vue, elles diff.rent peu de leurs anc.tres pa.ens et chez les arabis€s de la Province
Orientale, la religion de l’islam est venue se superposer aux croyances et aux superstitions
africaines. Il faut donc bien distinguer entre la th€orie : l’islam orthodoxe et la pratique ;
l’islam des musulmans et en particulier des arabis€s. (...) .145.
II. 4. 1. 2. 1. Le fondement de la religion islamique des arabis€s :
* Le Coran, en swahili Korani : aux dires de Vandevelde, . les arabis€s le comparent
l’€vangile et c’est m.me plus, puisque c’est €galement une source de droit, de philosophie, de
morale (...), il est souvent nomm€ Kitabu (de l’arabe Kitab = livre) .
* La Sunna : c’est la somme des actes du Proph€te recueillis et nots dans les deux
si€cles qui ont suivi sa mort. C’est cette tradition qui sert d’exemple aux fid€les, qui ont
142 Armand ABEL, op.cit., pp. 17/18
143 Ibidem. , p. 20
144VANDEVELDE, M., "La religion des arabiss de la Province Orientale" , dans Correspondance d’Orient ,
n. 2, Bruxelles, 1960, pp. 127-149.
145 Ibidem, p. 127.
104
l’obligation de l’imiter... Les musulmans qui suivent la Sunna sont des Sunnites, en swahili
(Suni). Ils se rpartissent en quatre groupes suivant les rites ou plut.t les coles juridiques :
rite Hanefite, (Hanafi) ; rite Mal€kite (Maliki) ; rite Shaf€ite (Shafi), et le rite Hanbalite
(Hanbali).
En dehors de ces quatre rites "orthodoxes", il y a ceux qui sont considrs comme
hrtiques, par exemple les Shi’ites et d’autres considrs comme dissidents, par exemple les
Ibadites, en swahili (Ibazi). Les Ibadites sont des kharidjites. Ils sont la seule branche du
kharidjume actuellement survivante.
Les arabiss du Congo Oriental sont des Sunnites appartenant au rite Shafeite. En
revanche les originaires de l’Afrique Occidentale francophone, (Sngalais, Maliens et autres)
nombreux dans les milieux commer.ants de la capitale et des grandes villes, sont galement
sunnites, mais rel€vent de l’cole malkite. Ils sont souvent affilis . la confrrie Tidjaniya ou,
pour les Sngalais, . la confrrie des Mourides (Murid.ya).
II. 4. 1. 2. 2. Le contenu de la foi musulmane des arabis€s :
Comme chez tous les musulmans, la pratique repose sur les cinq piliers
traditionnels : la profession de foi (Shahada), la pri€re, l’aum.ne, le je.ne et le p€lerinage.
Les six principes fondamentaux sur lesquels s’articule l’expos de la foi, en swahili
"Nguzo sita ya imani" sont : la foi en Dieu, en ses anges, aux proph€tes, au jugement dernier,
aux livres sacrs et . la prdestination. En gnral, les six principes sont bien connus et bien
appliqus par les arabiss, du moins dans leurs grandes lignes. La vie du Proph€te est connue
dans le dtail, m.me celle de ses pouses.
II. 4. 1. 2. 3 .Le contenu de la loi musulmane ("Sheria" ):
Elle comprend les r€gles relatives au culte (Ibada / Ibadat) et celles relatives au
droit et . la morale (hukumu)
105
II. 4. 1. 3. Le droit coutumier et le droit musulman
Dans les normes gnrales musulmanes, les actes humains sont classs
- du point de vue religieux, suivant qu’ils sont n€cessaires (Wajib), par exemple prier ;
recommand€s (Suna), par exemple faire aum.ne ; indiff€rents (Halali), par exemple bien
s’habiller ; peu recommand€s (Makuruhu), par exemple fumer ; ou d€fendus (Haramu), par
exemple boire du vin.
- du point de vue juridique, suivant qu’ils sont corrects (Sahilu) ; nuls (Batilti) ; permis
(Djaisi) ou obligatoires (Lazimi)
Il est ainsi intressant de constater que pour les arabiss du Congo Oriental, l’acte
"matrimonial" est d’une tr.s grande porte. Issus eux-m.mes de mariages mixtes, ils ont
tellement intgr les deux coutumes et les deux religions qu’il est difficile d’tablir la ligne de
dmarcation.
Armand Abel rapporte qu’en 1956, le 23 aot, le gouverneur Gnral Ptillon avait
adress aux agents des Territoires de la Province Orientale l’instruction suivante : . S’il ne
peut .tre question de tol.rer que les tribunaux indig.nes r.guliers fassent application de
certaines r.gles coraniques en se r.f.rant express.ment au droit coranique, nous pouvons
cependant admettre qu’il soit fait application de certaines r.gles de droit coutumier
unanimement admises, dans un milieu d.termin., alors m.me qu’elles sont inspir.es d’un
droit coranique adopt. et consacr. par la coutume r.v.l.e. (...) On admettra cependant, avec
prudence, des juges et assesseurs musulmans, pourvu qu’ils soient d’une loyaut€ assur€e..146.
Cette instruction du gouverneur gnral voudrait concr€tement dire que la colonie
belge qui ne pouvait pas tolrer l’panouissement de "l’islam pur" au Congo, acceptait
cependant les coutumes des groupements reconnus comme appartenant aux mtis arabiss,
descendants des musulmans venus du sultanat de Zanzibar et des rgions littorales du
Tanganyika.
Il faudra noter en passant, que vers 1956, d’autres musulmans immigrs de
l’Afrique Occidentale francophone tentaient de relayer l’islam des Zanzibarites du Congo
146 Armand ABEL, op. cit., p. 44
106
Oriental. C’est cette seconde vague d’islamisation que l’autorit coloniale belge redoutait. A
Stanleyville (Kisangani), les musulmans zanzibarites possdaient des traits de droit chafite,
tardifs. Armand Abel dit qu’il avait pu se procurer une brochure en swahili sur l’hritage tr.s
caractristique, par sa forme et son inspiration, de la tradition chafite et marchande propre
aux populations zanzibarites. Il crit : . De toute mani.re, on peut dire : les musulmans
appartenant la classe marchande semblent suivre pour les r.gles de la vente, l’achat, de
l’h€ritage, et sans doute du mariage, les usages traditionnels de l’islam .147 .
Ce droit "islamo-coutumier" des groupements d’arabiss s’est rpandu, sans doute,
dans d’autres rgions dont on ne peut dire, absolument, qu’elles sont islamises. Armand Abel
rel€ve le cas du Manima et, en gnral de tout le reste de la Province Orientale du Congo au
sein de laquelle se trouvent les groupements des arabiss. Il proc€de . une tude comparative,
partant du recueil de J. Sohier148 sur la jurisprudence et la doctrine coutumi€re du Congo et du
Rwanda-Urundi pour voir quelle place occupent certains aspects du droit musulman dans la
jurisprudence des rgions limitrophes des groupements des arabiss.
Tout en reconnaissant la grande difficult d’arriver . une conclusion vidente .
partir de l’analyse du seul recueil de Sohier, A. Abel s’arr.te au cas le plus probant : celui des
liens matrimoniaux.
Partant du terme "muhari", d’origine arabe qui dsigne le don nuptial qui ouvre
solennellement la srie des matrimoniaux, Armand Abel crit qu’. on ne peut s’emp.cher de
croire qu’il doit y avoir eu, sur ce point, une indiscutable influence islamique dans les
repr.sentations locales, avec le l.ger d.calage de sens qu’impliquent normalement ces formes
d’assimilation .149. Ce terme est employ m.me en dehors des communauts musulmanes,
dans les langues bantu autres que le swahili pour dsigner le plus solennel des engagements
matrimoniaux. En swahili, il a le sens fort de pacte scell, d’engagement.
A travers une tude comparative sur les actes matrimoniaux tels que les conditions
de l’engagement au mariage, les fian.ailles, la dot, la sparation de lit en cas de maladie
147 Ibidem , p. 45
148 SOHIER, J., Rpertoire Gnral de la Jurisprudence et de la Doctrine coutumi€re du Congo et du Rwanda-
Urundi, Bruxelles, 1954.
149Ibidem, p. 46
107
contagieuse comme la l.pre, l’adult.re, le divorce, la polygamie, le statut des enfants, etc.
Armand arrive . la conclusion que . dans la vaste r.gion o. l’islam s’est .tendu, non
seulement les musulmans ont g.n.ralis. chez eux le recours . la tradition de la "Sharia",
mais encore que, par l’effet du voisinage, la coutume islamique a d.bord. dans les
groupements voisins et a plus ou moins profond.ment p.n.tr. leur coutume .150.
Concr€tement, c’est cet aspect sociologique qui a maintenu solidement l’islam au
Congo Oriental, malgr la ferme volont de la colonisation belge, inspire de l’aversion
traditionnelle pour la "religion des infid€les", de le rayer de la carte. Au-del. de l’aspect
matrimonial, les croyances relatives . la magie et . la sorcellerie sont un autre aspect devant
lequel la colonisation belge a but dans sa volont de combattre l’islam au Congo.
II. 4. 1. 4. Les croyances relatives la magie et la sorcellerie
Nous disions prcdemment que quand un muntu tombe malade ou se trouve
devant une situation qui dpasse ses forces physiques, il fait recours immdiatement au devin
par une magie "blanche" ou "noire". La magie blanche est dfensive et licite, tandis que la
magie noire est offensive et illicite, c’est cette derni€re qu’on appelle communment
"sorcellerie".
M. Vandevelde151 rapporte qu’au Congo Oriental, principalement dans les
communauts arabises, c’est le "Mufumu" (devin) qui indique l’origine de la maladie et qui
dirige le malade chez le mdecin "Nganga"qui donne les mdicaments (dawa) appropris. Ces
dawa consistent en des "charmes" qui sont gnralement des versets du Coran (en arabe,
HIRZ, pluriel AHRAZ ; et en swahili, Hilizi ya Kartasi). Il crit : . Des arabis€s se prom.nent
l’int€rieur de village en village, en possession d’un cahier afin d’y noter des signes
magiques qu’ils vendent aux indig.nes. Ils sont g€n€ralement en possession de quelques
coupons d’€toffe destin€s la vente, mais cette activit€ ne constitue qu’un paravent pour leur
v€ritable activit€ : la vente de talismans. La grande majorit€ de ces arabis€s ne comprend
nullement la signification des mots €crits. Ces gens ont suivi pendant quelques temps
l’enseignement d’une €cole coranique, y ont appris lire et €crire l’alphabet arabe, et l
150 Ibidem ,p. 55
151 VANDEVELDE, M., "La religion des arabis€s de la Province Orientale", op.cit., p. 149
108
s’arr.tent leurs connaissances de la langue arabe. Souvent ils ont avec eux une page
arrach.e . l’un ou l’autre livre arabe et en copient tout . fait au hasard quelques signes sur
une feuille de papier.152.
Tout porte . croire qu’tant de m€res indig€nes, ces arabiss qui voyaient leurs
p€res pratiquer la religion musulmane, l’assimilaient . "la sorcellerie" qui leur donnait du
succ€s et les rendait invulnrables. Il suffisait donc pour les arabiss, de rpter ce rite et
d’avoir ces quelques versets du Coran imprims sur une feuille de papier pour devenir . leur
tour invulnrables et rendre les autres aussi invulnrables, . coup d’argent. Des talismans
imprims en Inde (Bombay), au Kenya (Mombasa) et dans les colonies fran.aises taient
vendus chez les arabiss. Ces imprims reprenaient, pour .tre plus en vogue chez eux, des
personnages de l’islam (Ali ; les deux fils d’Ali, Hasan et Husani ; Abd el Kader, etc.) ou des
lieux saints (tombeau d’Abd el Kader ; mosque de la Mecque, etc.) Dans certains cas, les
amulettes s’accompagnent de tabous alimentaires. Ce qui n’est pas loin des pratiques typiques
et totmiques des religions traditionnelles africaines.
Cependant, il faudra bien noter, comme l’crit M. Vandevelde dans sa conclusion
que : . Toute cette magie est proscrite par l’islam, mais comme dans tous les pays du
monde, elle fleurit au moins aussi vivace que les religions r€v€l€es. Elle est plus ancienne et
r€pond bien mieux la structure mentale des indig.nes .153.
L’islam des arabiss, la sorcellerie, la magie et certaines autres coutumes africaines
faisaient dj. bon mnage, mais ils taient touffs par la pression coloniale. Le vent de la
politique de l’authenticit pr.ne par le rgime de Mobutu viendra donner un coup de pouce .
son panouissement dans les annes 1980.
Cette histoire de l’introduction . la connaissance de l’islam au Congo Oriental telle
que nous la tenons des missionnaires et administrateurs belges n’est pas exempte de critiques.
Dj. dans les annes 1980, un citoyen libanais install au Congo, le professeur Haddad
Adnan154 prtendait que l’histoire de la pntration arabe dans l’est du Zare tait . rcrire
152 Idem
153Ibidem p. 150
154 Voir Adnan HADDAD, Recueil de R€flexions, p. 7
109
pour plus d’objectivit. Nous allons, dans la section qui suit, essayer de suivre son
raisonnement pour comprendre ce qui est rectifiable ou non, dans cette histoire.
II. 4. 2. L’.panouissement de l’islam au Congo . partir des ann.es 1980.
Le paragraphe sur la rpartition des groupements musulmans et leur importance
relative nous a rvl qu’en dehors de la province orientale du Congo, l’islam n’tait
perceptible qu’. Lopoldville (Kinshasa), o. figuraient de nombreux immigrants des territoires
fran.ais.
Dans les lignes qui suivent, nous voulons au travers de deux vnements capitaux,
voir comment l’islam est arriv . percer le rideau qui emp.chait son plein panouissement en
R.D. du Congo. Ces deux vnements sont notamment :
1. La vague de la politique de l’authenticit pr.ne par le rgime de Mobutu.
2. L’amiti Mobutu - Hassan II, roi du Maroc.
Nos sources pour cette analyse sont, une fois encore, les tudes des professeurs
Isidore Ndaywel, Paul de Meester et Adnan Haddad.
II. 4. 2. 1. La vague de la politique de l’authenticit..
Paul de Meester155 nous dit qu’au dbut de la colonisation du Maniema, comme
partout en Afrique sub-saharienne o. l’islam tait en train de pntrer, l’administration avait
tendance . s’appuyer sur les musulmans, qu’elle trouvait apparemment plus ouverts, car plus
habitus . traiter avec les trangers. Elle leur confiait des responsabilits de chefs coutumiers,
de chefs de cits, etc. D.s qu’ils se mirent . remplacer progressivement les droits classiques et
coutumiers par des droits de prrogative religieuse, les colons ont vu en cette pratique une
duplicit d’allgeance envers le pouvoir colonial. Ce dernier devint alors beaucoup trop dur .
leur gard en ordonnant de supprimer toutes les coutumes musulmanes et m.me les coles
musulmanes. Cette situation avait fait qu’au lendemain de l’indpendance du pays en 1960,
tous les postes administratifs taient occups par des chrtiens.
155 Paul de MEESTER, L’Eglise de Jsus Christ au Congo-Kinshasa, p. 300
110
La premi€re revanche des musulmans de Maniema viendra au moment de
l’clatement des remous au sujet de la mort de Lumumba dont les chrtiens taient accuss
d’avoir commandit l’assassinat, et lors de la rbellion Muleliste de 1964 qui a suivi cet
assassinat. Les musulmans de Kasongo, Kindu et Kisangani multipli€rent les dnonciations de
notables chrtiens et de missionnaires qui prirent en grand nombre.
La seconde revanche prendra racine dans la m.me rgion quand la politique du
retour . l’authenticit fut pr.ne. Cette politique constituait une raction contre l’imprialisme
des Europens et accusait la religion catholique de vouloir perptuer cet imprialisme. La
revanche des musulmans est bien prsente dans le recueil de rflexion que publie le professeur
Adnan Haddad notamment sur le th€me "Islam et Authenticit".
En gros, Haddad prsente l’islam comme une religion qui s’adapte aux traditions
de tous les peuples. Elle conserve, . l’tat primordial, la rvlation antrieure . toutes les
religions tablies, la tradition commune . toute l’humanit. Quant . l’Eglise catholique, il la
prsente sv€rement, comme condamne . plonger l’Afrique dans la pauvret, . cause de sa
sujtion . l’v.que de Rome et son existence subordonne . la tutelle europenne. Elle n’est
d’apr€s lui qu’un v.tement d’emprunt port par les Noirs. Il fallait donc que les Za.rois
retrouvent leur authenticit culturelle et religieuse en se dbarrassant d’une religion qui est
loigne de leur culture pour adopter l’islam qui, . tout point de vue, est adapt aux moeurs et
coutumes ngro-africaines.
Haddad met . contribution le grand philosophe Hegel. Il crit : . Oui, "l’islam est
plus adapt. . la vie africaine" et . la mentalit. africaine aussi. Hegel le pr.cise clairement
en affirmant que : "l’unique voie qui approche dans une certaine mesure le N.gre de sa
culture semble .tre l’islam" .156.
Du c.t des moeurs, la polygamie, admise par l’islam, refuse par le christianisme,
a t un des points de l’offensive qui a fait changer de camp beaucoup de Za.rois-chrtiens,
dboussols par la nouvelle idologie politique de l’authenticit. Malgr tout, ils n’ont plus pu,
compte tenu des exigences du genre de vie moderne qui s’imposait inexorablement, entretenir
156 Adnan HADDAD, op.cit., p. 83
111
toutes ces femmes sous le m.me toit. C’est alors qu’est n le syst.me famili.rement dsign
sous nom de "bureaux" : premier bureau, deuxi.me bureau, troisi.me bureau, etc. pour
signifier la nouvelle forme de polygamie.
Un chant populaire, compos par un musicien zarois bien connu, Kiamwangana
Mateta (Verkys) et intitul "Na komitunaka - Je me demande souvent", venait . ce m.me
moment condamner le christianisme en tant que religion des Blancs. Il traduisait l’tat d’me
du Za.rois en cette priode o. il cherchait . dcouvrir son authenticit. Nous donnons en note
la traduction qu’en fait le professeur Ndaywel157 .
L’islam avait profit de cette fragilit pour percer le rideau de fer qui bloquait son
panouissement dans l’ensemble du pays. Il faut ajouter . cette fragilit idologique, des
perturbations internationales et nationales, notamment la guerre de "Kippour" au Moyen Orient
et celle du Shaba, qui avaient forc le gouvernement de Mobutu . choisir de fa.on nette, la
fraternit avec le monde musulman plut.t que l’amiti lgendaire avec l’Occident judo-
chrtien.
157 Voir Isidore NDAYWEL, op.cit., p. 708 : Les couplets
Je me demande souvent Je me demande souvent
Oh Dieu ! je me demande si souvent Oh Dieu! Je me demande souvent
La peau noire d’o. est-elle venue ? La peau noire d’ou vient-elle ?
Notre premier anc.tre qui est-il ? Les . oncles . (les colonisateurs) nous ont donc tromps.
Puisque Jsus le fils de Dieu est Blanc. Les statuettes de nos anc.tres, ils les rejettent
Adam et Eve sont aussi des Blancs. Mais que voyons-nous . l’glise ?
Tous les saints sont aussi des Blancs. Nous prions le chapelet . la main.
Pourquoi, Seigneur, tu as fait ainsi ? Les statuettes ornent l’ensemble de l’glise.
Je me demande souvent Mais ces statuettes reprsentent des Blancs.
Oh Dieu! Je me demande si souvent. Pourquoi Seigneur ? Je me demande souvent
Dans les livres sacrs, nous constatons Oh Dieu ! Je me demande si souvent.
Que les images des saints sont celles des Blancs… Les proph€tes . eux les Blancs nous les acceptons,
Lorsqu’il s’agit du diable lorsqu’il s’agit d’un N€gre, ils n’y croient pas
On lui donne une t.te de N€gre, une t.te toute noire. Pourquoi Seigneur nous as-tu crs ainsi ?
D’o. vient cette injustice ? Notre anc.tre . nous les N€gres o. serait-il ?
L'Afrique a maintenant les yeux veills
L'Afrique ne fera pas marche arri€re.
112
II. 4. 2. 2. L’amiti. Mobutu - Hassan II du Maroc
Tout est parti de la prise de position que le prsident Mobutu devait adopter dans
son intervention aux Nations Unies le 04 octobre 1974, apr€s la prise du Sina. par Isra.l.
Mobutu avait annonc la rupture des relations diplomatiques avec Isra.l "pays ami", par
solidarit avec l’Egypte "pays fr€re". Sa formule est reste cl€bre au Congo : . Entre un
fr.re et un ami, le choix est clair .
L’islam qui tait au Congo dans une situation moins florissante mergeait d€s ce
moment dj. parmi les populations za.roises de la partie ouest du pays. Lorsqu’en 1976 le pays
fut attaqu . l’est par les gendarmes "ex Katangais", les hommes de l’arme royale marocaine
taient venus au secours de l’arme dfaillante de Mobutu. C’est grce . eux que ce dernier
s’tait tir d’affaire. En retour, l’islam tait promu au rang de quatri€me grande confession
reconnue officiellement au Congo apr€s les Eglises catholique, protestante, kimbanguiste.
Paul de Meester crit : . (...) Certains se demandaient pourquoi cette faveur une
religion dont on ne connaissait la pr€sence que de quelques adeptes, surtout des €trangers
ouest-africains commer.ants en mati.res mini.res. C’€tait le roi du Maroc qui avait exig€
cela du Pr€sident Mobutu en €change des quelques soldats qu’il avait envoy€ au Katanga.
Depuis lors le nombre des disciples de Mohammed s’est enrichi de Congolais, de sorte qu’en
10 ans il y a, gr.ce aux p€tro-dollars, plus de quatre mosqu€es Kinshasa. Le nombre des
adh€rents l’islam est pass€ de 1.200 8.000 selon l’estimation de l’Imam Kapuluta de
Kinshasa (Barumbu) et actuellement ils sont 3.790.000 soit 10 % de la population .158. Cela
contrairement aux prcdentes estimations qui ne lui donnaient que 1,4% de la population.
158 Paul DE MEESTER, op.cit., p. 299
113
II. 4. 3. La place de l’islam dans le concert des religions au Congo
Avec son prorata de 10 %159 de la population, chiffre bien s.r, contest par
beaucoup d'islamologues congolais, l’islam marginalis hier, est actuellement une religion
incontournable dans la vie politique et sociale du pays.
Du point de vue politique, on a vu avec le multipartisme, aux c.ts du Parti
Dmocratique et Social Chrtien (PDSC), du Parti Libral Chrtien (PLC) et de l’Union
Chrtienne pour le Renouveau de la Justice (UCRJ), les Partis musulmans regroups sous la
plate forme AFIC (Alliance des Forces Islamiques pour le Changement) : Parti Dmocrate
Islamique (PDI), Parti de la Protection d’Allah et Son Proph€te Mohammed Roi Souverain
(PAPRA-HODORE), Rassemblement Politique Islamique (RPI), Front Islamique
Dmocratique du Salut National (FIDSN). De concert avec toutes les autres confessions
religieuses, l’islam s’est impliqu dans la voie de la recherche de la paix et la promotion
humaine . travers les appels lancs aux gouvernements et aux chefs de l’Etat. Nous donnons
en annexe quelques photocopies des lettres et dclarations signes par les chefs spirituels du
Congo dont le reprsentant des musulmans du Congo.
Au niveau de l’enseignement, il fut un moment, . l’poque du rgime fort de
Mobutu, o. toutes les coles taient nationalises, jusqu’aux Universits. A partir de 1978, des
conventions furent signes entre l’Etat et les Eglises pour la gestion de certaines coles.
L’islam est parmi les gestionnaires des coles conventionnes au Congo. Il g€re aussi un
certain nombre d’oeuvres sociales pour le bien .tre de sa population croyante.
En dpit de toute cette collaboration apparente autour d’une cause commune
qu’est la paix nationale et le bien-.tre des individus, il existe quelques tensions entre
musulmans et chrtiens. L’image de la guerre civile qui divise le Congo en Est / Ouest, est l’un
des lments qui sont parfois lus comme une ni€me revanche de l’islam sur le christianisme.
Longtemps marginalis et minoritaire, l’islam a trouv toute sa place dans le concert des
religions au Congo. On ne peut plus parler du dialogue interreligieux aujourd’hui dans ce pays
sans compter avec l’islam. D’o. l’opportunit de relire l’histoire de son implantation et de son
159 Voir quelques extraits chiffrs du livre de Paul de Meester, s.j., annexe 22.
114
volution pour mieux comprendre les enjeux de sa cohabitation avec les autres religions et
communauts religieuses du Congo.
En rsum, l’islam introduit au Congo par les fils des Zanzibarites depuis plus d’un
si€cle a connu un dveloppement tr€s lent. Il s’est focalis pendant toute la priode coloniale .
l’est du pays, de fa.on tr€s fragmentaire dans les groupements des arabiss de la rgion de
Maniema et de Kasongo. Les raisons de ce lent dveloppement sont de deux ordres :
- Les mtis arabiss qui l’ont introduit n’taient pas en mesure de la propager
correctement car ils n’en savaient que peu de choses eux-m.mes et en comprenaient encore
moins. Ils ne connaissaient m.me pas l’arabe, la langue de leurs p€res zanzibarites et leur
instruction n’allait pas au-del. de la formation de l’cole coranique, c’est-.-dire de l’acquisition
de quelques formules coraniques mmorises, mais dont le sens leur chappait. L’islam des
arabiss tait donc, au dpart, un syncrtisme islamo-traditionnel.
- Les colons belges, inspirs par l’ancienne aversion de la religion des infid€les ne
pouvaient permettre l’expansion de l’islam . l’intrieur du Congo. Ils l’ont bloque en
supprimant ses coles et ses coutumes en dehors des groupements arabiss reconnus.
Il a fallu donc attendre l’apr€s colonisation, avec la vague de la nouvelle politique du
retour/recours . l’authenticit et les amitis du prsident Mobutu avec le Roi Hassan II du
Maroc pour voir l’islam participer . la vie nationale du Congo. En l’espace de deux dcennies,
sa population croyante est passe de 1,4 % . 10 %. Ce qui le met en position de revendiquer
un dialogue quilibr avec les autres confessions religieuses qui l’ont devanc au Congo.
115
Conclusion et Bilan du deuxime chapitre
Implantes dans "l’espace Congo" depuis le dbut de notre .re, les religions
traditionnelles africaines font aujourd’hui bon mnage avec, d’une part, les religions
chrtiennes, notamment avec l’Eglise catholique et les Eglises protestantes; et d’autre part avec
la religion musulmane qui franchit son premier si.cle d’implantation au Congo.
De ces rencontres interculturelles et religieuses sont nes des religions mi-chrtiennes,
mi-africaines. Elles sont appeles religions afro-chrtiennes. Elles pullulent de plus en plus .
travers toute l’Afrique. Elles reconnaissent Jsus-Christ comme Seigneur, affirment leur
africanit et rejettent la domination religieuse et politique des Eglises missionnaires (catholique
et protestantes) De nos jours, 50 % des chrtiens africains appartiennent . ces Eglises. C’est
dire leur importance et cela mrite qu’on leur accorde une attention toute particuli€re.
Cependant, nous ne nous sommes arr.t dans ce second chapitre de notre th€se que sur l’une
d’elles : le Kimbanguisme, membre du Conseil OEcumnique des Eglises ; en attendant d’en
savoir plus,- dans le quatri€me chapitre -, sur ce que sont les Eglises de rveil qui posent
question dans la problmatique actuelle du dialogue oecumnique et interreligieux au Congo.
En rsum, l’vanglisation catholique a connu, au Congo deux moments : le premier
est situ entre 1482 et 1835, le second a dmarr vers 1880.
- La premi€re vanglisation limite . la zone c.ti€re occidentale a connu un
cuisant chec pour deux raisons majeures :
1. Le manque de mthode dans l’vanglisation qui a fait que le christianisme
n’a pas pu prendre racine en terre Kongo. Le roi Nzinga Nkuvu baptis dans la
prcipitation a apostasi quatre ans apr€s, le temps qu’aurait dur une bonne catch€se
pr-baptismale.
2. Le manque de financement des missionnaires par la couronne portugaise qui
tait bnficiaire du "Padroado" de Rome. Cette situation avait conduit les missionnaires
Capucins . vendre des esclaves d’Eglise qui taient mis . leur disposition pour des
services locaux.
116
- La seconde vanglisation commen.a avec les missionnaires fran.ais du Saint-
Esprit qui se virent confier cette mission par un dcret de la Sacre Congrgation de la
Propagation de la foi, dat du 9 septembre 1865. Ils n’entr€rent effectivement au Congo qu’en
1880, cinq ans avant que Lopold II, le Souverain Roi des Belges ne se voit octroyer tout le
bassin du Congo comme proprit prive par la confrence de Berlin. L’article 6 du trait de
Berlin, protgeait tous les citoyens et garantissait la libert de culte. Cette seconde tape a vu
dfiler des mthodes d’vanglisation partant du salut des mes jusqu’. l’inculturation de
l’vangile en terre africaine par les africains eux-m.mes. Elle fut une priode de croissance, de
rayonnement et d’enracinement de l’vangile dans l’ensemble du territoire congolais.
Les missions protestantes menaient une action semblable, crant des postes de mission,
se dpensant pour assurer l’instruction et l’vanglisation des populations. Leur implantation
au Congo, plus ancienne que celle des catholiques de la seconde vanglisation, a connu un
tout autre rythme. Prives de l’appui politique du souverain de l’Etat Indpendant du Congo,
combattues par les socits commerciales belges, tout en n’tant pas . l’abri des dissensions
internes, elles eurent une implantation plus difficile que celle des catholiques. La raison
principale de ces hostilits tant la dnonciation par leur journal . Londres, des pratiques
commerciales abusives et inhumaines. Elles ne doivent leur maintien au Congo qu’. un
regroupement autour de la Confrence des Missionnaires qui cra l’Eglise du Christ au Congo
(ECC) C’est en partie . cause de leur manque de cohsion interne que commenceront . na.tre
les Eglises africaines dites indpendantes ou Eglises afro-chrtiennes.
Le kimbanguisme, l’une de ces Eglises afro-africaines, est ne d’un proph€te congolais:
Simon Kimbangu, ancien catchiste des missionnaires protestants de la BMS. Il aurait re.u de
Dieu les dons de gurison et de prdication qui firent de lui un grand proph€te. Accus
d’inciter les foules . la dsobissance civique et de propager des ides blasphmatoires, il fut
condamn . mort le 3 octobre 1921, peine commue en rclusion perptuelle par la grce du
roi de Belges, Albert I. Le kimbanguisme s’est panoui rapidement apr€s la mort du Proph€te
dans une prison d’Elisabethville (Lubumbashi), apr€s 30 ans de rclusion. En 1959, il fut
reconnu officiellement comme religion par la Belgique et en 1969 il fut admis au Conseil
Oecumnique des Eglises (C.O.E.). Il prsente actuellement deux visages : le kimbanguisme
officiel et le kimbanguisme des kimbanguistes. Tout se joue sur le r.le du proph€te par rapport
117
. l’Esprit-Saint. Comme proph€te, Simon Kimbangu est align derri€re Mo.se et Mohamed. Il
est pour les noirs, ce que Mo.se est pour les juifs et Mohamed pour les arabes.
Quant . la religion musulmane, elle est un mtissage entre l’islam et les religions
traditionnelles africaines. Son introduction comme religion fut l’oeuvre des fils mtis des arabes
de Zanzibar, venus du sultanat arabe de Mascate.
Pendant toute l’poque coloniale, elle est reste cantonne dans quelques groupements
bien connus de la rgion de Maniema. Elle a trouv son plein panouissement pendant les trois
dcennies du pouvoir de Mobutu. Aujourd’hui elle passe, selon toute probabilit, de 1,4 % de
la population . 10 %, et joue bien son r.le dans le concert des religions congolaises.
118
TROISIEME CHAPITRE :
L’EGLISE CATHOLIQUE ET
LE DIALOGUE OECUMENIQUE ET
INTERRELIGIEUX :
ETAT GENERAL DE LA QUESTION
119
Introduction.
Apr€s la prsentation de la situation actuelle des religions en Rpublique Dmocratique
du Congo, nous voulons analyser dans ce troisi€me chapitre de notre th€se, la position
officielle rcente de l’Eglise catholique sur les religions non chrtiennes et son volution dans
le monde depuis Vatican II. Nous analysons aussi les rflexions et actions concr€tes des
confrences piscopales particuli€res et les dbats des thologiens sur le pluralisme religieux.
Trois tapes de ce qu’on appellerait "un nouveau regard sur les religions non
chrtiennes" vont retenir notre attention :
1. Avant le concile Vatican II : Le Parlement des religions de Chicago (du 11 au 23
Sept.1893)
2. Vatican II : la doctrine conciliaire sur les religions non chrtiennes.
3. L’volution de l’Eglise dans le monde depuis Vatican II et le Magist€re
postconciliaire.
Nos sources pour cette analyse sont les tudes effectues . ce sujet par Julien Ries160,
Th.Rey-Mermet161, Jacques Dupuis162, Louis Derousseaux163et Rana Sabra Ben-Omar164.
160Julien RIES, Les Chr€tiens parmi les religions. Des Actes des Aptres Vatican II, Descle, Paris 1987
161Th.,REY-MERMET, Croire. Vivre la foi avec le Concile Vatican II, Tome 3, Droguet&Ardant, Limoges
1979
162Jacques DUPUIS, Vers une th€ologie chr€tienne du pluralisme religieux, Cogitatio Fidei, Cerf, Paris 1997.
163 Louis DEROUSSEAUX, Thologie des Religions, Cours de Thologie fondamentale(module 211), Facult
de Thologie de Lille, 1994,112p.
164 Rana Sabra Ben-Omar, L’.volution de la pens.e r.cente de l’Eglise catholique . la rencontre des religions
depuis le Concile VaticanII, Th€se de doctorat en histoire des religions, Lille 3, Octobre 1999.
120
III. 1. Le dialogue Interreligieux avant Vatican II.
Introduction
Avant le concile Vatican II, aucune instance officielle de l’Eglise catholique n’avait
trait, de fa.on judicieuse, des religions non chrtiennes. Toutes les mentions occasionnelles
qu’on en faisait ne consistaient qu’. les condamner sans proc€s, se basant sur la maxime de
saint Cyprien, v.que de Carthage au III€me si.cle, selon laquelle "hors de l’Eglise, pas de salut"
(Extra ecclesiam nulla salus). Replace dans son contexte historique, cette maxime qui puise
certes ses origines dans le Nouveau Testament (Mt.XXVIII, 19ss), a t prononce dans le
cadre d’un conflit avec les hrtiques. Sortie de ce contexte prcis, cette affirmation qui s’est
installe dans l’histoire a accentu le rigorisme de l’Eglise et sa surestimation par rapport aux
religions non chrtiennes165.
Vatican II est le premier et seul concile de l’histoire o. il n’y a eu aucun "anath€me"
jet . l’gard de telle ou telle autre religion, ni une condamnation prononce . l’intrieur m.me
de l’Eglise.
III. 1. 1. Initiatives positives des mystiques catholiques
Quelques facteurs non ngligeables qui ont amen l’Eglise . finalement poser un regard
nouveau sur les religions, mritent d’.tre rappels pour la bonne comprhension des enjeux. Ils
s’talent entre le XII€me et le XX€me si€cle. Il y a en premier, les rencontres et les
rapprochements avec l’islam, qui sont l’oeuvre de quelques grands mystiques catholiques,
notamment Pierre le Vnrable, abb de Cluny (+ 1156), qui fit traduire le Coran en latin ;
Fran.ois d’Assise qui envoya des fr€res en Palestine et Raymond Lulle (1235-1315) un la.c
catalan qui, . trente ans, quittait sa famille pour organiser des coll€ges de langues et
vangliser les musulmans. Ces premi€res initiatives courageuses venaient dfier une
conception qui s’tait solidement enracine dans l’Eglise depuis pr€s de dix si€cles.
165 Pour plus de dtails, voir la rcente publication de Bernard SESBO.E, Hors de l’Eglise pas de salut.
Histoire d’une formule et probl.me d’interpr.tation, Descl.ee de Brouer, 2004. Apr.s avoir replac. cette
121
III. 1. 2. Eclosion des sciences des religions
Apr€s les initiatives des mystiques catholiques, il y eut diffrents v€nements : au
XVI€me si€cle la Renaissance, puis au XVII€me et surtout au XVIII€me si€cles les philosophes dits
"des Lumi€res" qui ont amen une certaine scularisation et ont incit les Eglises . s’intresser
aux religions non chrtiennes. Les milieux intellectuels proches des philosophes des Lumi€res
ont alors cr une nouvelle discipline qui jetait de fa.on dcisive, un nouveau regard sur les
religions : l’histoire ou les sciences des religions qui paraissent devoir remplacer la thologie166.
En Italie, Giovanni Batista Vico (+ 1744), historien et philosophe. Dans Principes de la
philosophie de l’histoire (1725), il distingue trois ges dans l’histoire de chaque peuple : l’ge
divin, l’ge hro.que et l’ge humain. Il essaie de comprendre les civilisations par leurs mythes
religieux167. En Allemagne, Friedrich Von Schelling (+1854), philosophe, auteur d’un syst.me
d’idalisme subjectif dans la ligne des romantiques, fait une hermneutique positive du mythe
qui est pour lui un message de vrit.
En France, Quinet, Michelet et Renan crent maintes thories . partir des prjugs
positivistes, "lacistes", volutionnistes. Les premiers historiens des origines, Taylor, Frazer,
Tiele, Chantepie de la Saussaye, Rville, excellent dans les sciences des religions pour
comprendre autrement les phnom.nes religieux168.
III. 1. 4. Wold’s Parliament of Religions
L’Eglise ne pouvait pas rester trop longtemps . l’cart de ces enjeux, ni trop impassible
devant cette monte des sciences profanes des religions. Cette ascension des sciences des
religions a peu . peu orient l’Eglise vers une nouvelle approche. Le dbut de cette nouvelle
approche est . situer . Chicago en 1893. Sa primeur est du c.t de l’Eglise presbytrienne o.
Nathan Soderblom (+ 1931), v.que d’Upal voit l’histoire comme une exprience de Dieu par
l’humanit. De son c.t, Rudolf Otto (+ 1937) fait des tudes sur le sacr qu’il consid.re
formule dans son contexte historique, l’auteur propose une autre formule qui va dans la ligne des d.bats
actuels autour du pluralisme religieux : Le salut par l’Eglise ..
166Voir Louis DEROUSSEAUX, op.cit., module 211/1994.
167 Voir Dictionnaire encyclop€die 2, Larousse, slection du reader’s, Brepols, 1994, p. 1744.
168 Louis Derousseaux, Ibidem
122
comme . lieu d’une exp.rience irr.ductible du divin : sous sa forme de "lumineux" . la fois
tremendum et fascinosum .. Cette entre en jeu des hommes d’Eglise dans le carr des
sciences des religions a fait que l’histoire des religions renonce . expliquer et rduire. Elle
adopte une attitude "plus phnomnologique". C’est cette attitude qui caractrisera dsormais
les tudes de G. Van der Leeuw (1950) et surtout de Mircea Eliade (+ 1986)169.
L’engagement courageux de Nathan Soderblom et Rudolf Otto dans les sciences des
religions s’est vu couronn au World’s Parliament of Religions tenu du 11 au 23 septembre
1893 . Chicago. Convoqu par l’Eglise presbytrienne et la hirarchie catholique des USA, le
Parlement des religions de Chicago fut une rencontre pacifique de savants et de chefs religieux
o. l’on souhaitait donner une le.on de tolrance religieuse. Seize religions taient
repr€sent€es, plus particuli.rement les religions indiennes. Bien que les temps ne fussent pas
encore m.rs, cette rencontre ajoutait son poids d’or . l’histoire de l’Eglise, car elle est la
premi€re o. l’Eglise hirarchique a trait d’gal . gal avec les reprsentants d’autres religions
et . un haut niveau scientifique.
Conclusion
Ce petit survol rapide et synthtique nous permet de comprendre ce qui avait le plus
motiv les instigateurs du concile Vatican II . porter un nouveau regard sur les autres religions
et . tourner dfinitivement l’Eglise catholique vers un dialogue interreligieux dans le respect, la
dignit et la tolrance. C’est ce nouveau regard de l’Eglise, exprim officiellement dans les
constitutions et les dcrets du second concile de Vatican, que nous analysons dans la section
qui suit.
169 Voir Ibidem mod. 211
123
III.2. Vatican II et la doctrine conciliaire sur les religions non chr€tiennes.
Trois points du document de l’Eglise sur les religions non chrtiennes retiendront notre
attention :
1. Les circonstances de la naissance difficile de "Nostra Aetate".
2. La doctrine conciliaire sur les religions non chrtiennes.
3. L’enseignement de "Nostra Aetate".
III. 2. 1. Les circonstances de la naissance difficile de NOSTRA AETATE
Outre l’vnement du Parlement de Chicago o. la hirarchie officielle de l’Eglise
catholique des USA a donn le ton . une rencontre positive avec les religions non chrtiennes,
les grandes dcouvertes technologiques du XXme si€cle et les grandes organisations
internationales de l’apr€s guerre (1940-1945) ont beaucoup fait en sorte que l’Eglise
catholique porte un nouveau regard sur les autres religions.
La premi€re phrase de la dclaration "Nostra aetate" (N.A.) semble traduire cette ralit
flagrante : . A notre €poque, le genre humain devient de jour en jour plus €troitement uni et
les relations entre les divers peuples se multiplient... .170.
Il faut quand m.me attribuer cette intuition . la volont courageuse d’un pontife qui
voulait en dpit de tout, ramer . contre courant de la pense traditionnelle de l’Eglise. Angelo
Roncalli, le futur pape Jean XXIII, avait t diplomate du Saint-Si€ge en Bulgarie puis en
Turquie pendant la seconde guerre mondiale. Dlgu apostolique . Sofia de 1925 . 1934,
puis . Istanbul de 1935 . 1944. Pendant ces deux dcennies il avait appris . conna.tre les
autres religions "de l’int.rieur", notamment la religion orthodoxe et l’islam. Pendant la guerre
qui l’avait surpris . Istanbul, il avait touch du doigt la dtresse de beaucoup de Juifs qui
170 N.A. n.1. Nous voudrions aussi noter que dj. dans la bulle d’indication du Concile Vatican II, . Humanae
Salutis . publie le 25 dcembre 1961, le pape Jean XXIII dclarait : . L’Eglise, aujourd’hui, assiste . une
grave crise de la soci.t. humaine qui va vers d’importants changements. Tandis que l’humanit. est au
tournant d’une .re nouvelle, de vastes t.ches attendant l’Eglise, comme ce fut le cas . chaque .poque difficile.
Ce qui lui est demand. maintenant, c’est d’infuser les .nergies .ternelles, vivifiantes et divines de l’Evangile
dans les veines du monde moderne ; ce monde qui est fier de ses derni.res conqu.tes techniques et
scientifiques, mais qui subit les cons.quences d’un ordre temporel que certains ont voulu r.organiser en
faisant abstraction de Dieu ..
124
fuyaient devant leurs bourreaux. Th. Rey-Mermet confirme . qu’. nombre d’entre eux, il
sauva la vie .171.
Fallait-il qu’apr€s toutes les atrocits et les injustices de la guerre, l’Eglise continue .
faire peser sur ce peuple le fardeau de la culpabilit morale ? Les pri€res de l’Eglise catholique
pour le peuple juif, jusqu’. la formule du sacrement de bapt.me pour les juifs qui devenaient
chrtiens, fr.laient le sadisme. Jean XXIII commencera par dbarrasser l’Eglise de toutes ces
petites pines qui faisaient le plus mal, avant m.me de penser au concile qui apportera une
grande rvolution dans l’Eglise. Il ordonnera d€s son lection . la papaut, qu’on change
l’oraison du Vendredi Saint172 et qu’on recouvre les tableaux et inscriptions antismites de
l’glise de Deggendorf, en Bavi.re. Il ordonnera aussi qu’on supprime de la crmonie du
bapt.me des juifs la formule d’abjuration.
C’est dans cette volont de Jean XXIII de remettre les choses dans l’ordre qu’il faut
chercher . comprendre l’esprit de la dclaration "Nostra Aetate".
De ce qui prc€de, on peut comprendre qu’au fond, Jean XXIII, tmoin compatissant
de la dtresse des Juifs et rsolu . amliorer leur sort, souhaitait une parole officielle de
l’Eglise, runie en concile oecumnique. Comme le note L. Derousseaux, . on ne parle pas
encore de la Shoah .173, mais le pape souhaitait en outre que cette parole officielle de l’Eglise
enterre dfinitivement la hache des guerres politico-religieuses qui dtruisent l’Eglise depuis
presque deux mille ans. Le mandat de rdiger un projet de "Decretum de Judaeis" fut donn au
cardinal Bea qui le prsentera pour la premi€re fois en juin 1962. Malheureusement ce projet
ne put pas passer . sa premi€re prsentation, en raison de l’opposition farouche des v.ques
des pays arabes qui voulaient conna.tre le "pourquoi" de ce statut spcial officiel pour les juifs
171 REY-MERMEY Th, op. cit. , p. 390
172 Dans la liturgie du Vendredi Saint, la pri€re, avant le pontificat de Jean XXIII disait ceci : . Prions pour les
juifs perfides : que le Seigneur notre Dieu .te le voile de leurs coeurs afin qu’ils reconnaissent avec nous Jsus
Christ notre Seigneur : " Dieu ternel et tout puissant, tu n’exclus pas de ta misricorde la tra.tresse des juifs ;
coute nos pri€res en faveur de ce peuple aveugl, afin qu’il reconnaisse la lumi€re de ta Vrit, le Christ, et
qu’il soit libr de ses tn€bres. Amen" . Depuis Jean XXIII, elle dit ceci : . Prions pour les juifs . qui Dieu a
parl en premier : qu’ils progressent dans l’amour de son Nom et la fidlit . son alliance : " Dieu ternel et
tout puissant, toi qui as choisi Abraham et sa descendance pour en faire les fils de ta promesse, conduis . la
plnitude de la Rdemption le premier Peuple de l’alliance, comme ton Eglise t’en supplie. Amen". Parmi les
raisons qui ont les plus motiv Jean XXII . faire rdiger un projet de "Decretum de Judaeis", il faudra noter le
r.le jou par l'historien fran.ais Jules Isaac (un Juif) qui avait eu plusieurs entretiens avec le pape dont il s'tait
fait un ami.
173 L. Derousseaux, op.cit., p. 12
125
seuls. Etait-ce une fa.on pour l’Eglise de reconna.tre officiellement l’Etat d’Isra.l ? Comment
seraient traits les chrtiens minoritaires des pays arabes ? L’Eglise accepterait-elle de
cautionner les reprsailles qui s’en suivraient ? Autant de questions de fond qui ont bloqu le
projet dans l’tat o. l’a prsent le cardinal Bea en premi€re session.
Le pape meurt avant l’aboutissement du projet qui lui tenait tant . coeur. Th. Rey-
Mermet crit : . Contre les opposants, le cardinal Bea d€fend en personne son projet en
appelant la rescousse la m€moire du bon pape Jean. La commission centrale d€cide, pour
faire passer ce texte sur les juifs, d’en att€nuer les ar.tes vives et de l’enrober en faisant
place aux autres religions .174.
L’Equation paraissait complique car les autres religions n’entendaient pas devenir des
marionnettes soumises au bon plaisir de l’Eglise catholique. Le successeur du "bon pape Jean",
le pape Paul VI, se devait de prendre le dossier en main. Il devait pour cela tablir, au
pralable, les contacts ncessaires avec les autres religions et inventer de nouvelles structures
au sein m.me de l’Eglise. Cette mission le conduira respectivement en Terre Sainte en janvier
1964 o. il fut re.u par les autorits politiques et religieuses d’Isra.l et par le Roi Hussein de
Jordanie. Il cra . la Pentec.te 1964, le "Secrtariat pour les religions non chrtiennes". En
ao.t, il publie la premi€re Encyclique sur le th€me du dialogue, y compris avec les religions
non chrtiennes. "Ecclesiam Suam". En dcembre 1964, il va, en personne, au congr€s
eucharistique de Bombay et prend contact avec les reprsentants religieux de l’Inde. Malgr
tous ces contacts pour tenter "d’enrober" la cause juive, en faisant place aux autres religions,
les oppositions tenaces venant surtout du monde arabe, ne furent compenses que par la
. chaleur des paroles de Paul VI, lors de la promulgation du 28 octobre 1965 .175.
Il a donc fallu trois ans de tractations difficiles pour qu’enfin soit accepte et approuve
la dclaration de l’Eglise sur les relations avec les religions non chrtiennes dont l’objectif
central tait la question juive.
Dans l’intervalle des annes 1964 et 1970, le Pape Paul VI aura effectu neuf voyages .
travers les cinq continents, dans un but spcifiquement religieux, caractris par le seul dsir de
rencontrer les diffrentes familles religieuses non chrtiennes. Pendant le concile, il fera trois
174 Th. Rey-Mermet, op.cit, p. 376
126
voyages : le p€lerinage en Terre Sainte du 4 au 6 janvier 1964 ; Le p€lerinage – voyage .
Bombay, du 2 au 5 dcembre 1964 ; Puis sa visite . l’ONU, le 4 octobre 1965, et la messe au
"Yankee Stadium" au cours de laquelle il a salu . tous ceux qui appartiennent . d’autres
religions ..
Il accompagne ces voyages de gestes humains tr€s significatifs pour marquer . la fois sa
solidarit avec les peuples souffrants de ces nations visites : le 18 novembre 1964 dans l’aula
conciliaire au cours d’une messe clbre par le patriarche Maximos IV et autres
archimandrites grecs melchites, il fait don de sa tiare papale pour les pauvres. Lors de son
dpart pour l’Inde, il fait embarquer sa limousine blanche "Lincoln" qui lui avait t offerte
auparavant par les fid€les du dioc€se de New-York et ce, dans l’intention de la vendre et
d’utiliser l’argent pour acheter des mdicaments pour les Indiens. Cette voiture aura t
finalement remise . M€re Trsa pour ses oeuvres en faveur des pauvres de l’Inde.
Apr€s le concile, il ira en Turquie du 25 au 26 juillet 1967, o. il fera deux tapes :
Istanbul et Eph€se. Il fera son premier voyage en Afrique, . Kampala, en Ouganda du 31 juillet
au 2 ao.t 1969, et le dernier voyage du pape, le neuvi€me, le conduira en Asie et en Australie,
du 26 novembre au 4 dcembre 1970. C’est un premier record dans l’histoire de la papaut et
le symbole d’une Eglise qui s’ouvre enfin au monde, dans sa diversit sociale, conomique et
religieuse.
III. 2. 2. La doctrine conciliaire sur les religions non chr€tiennes
La Dclaration "Nostra Aetate" n’est pas le seul endroit o. le Concile traite des
religions non chrtiennes. Il nous para.t donc ncessaire de prsenter sommairement la
structure des textes conciliaires avant d’essayer de rsumer la doctrine sur les religions non
chrtiennes.
En bref les documents du concile Vatican II sont regroups en trois rubriques qui ont
chacune une valeur juridique approprie : Les Constitutions dogmatiques, les D€crets et les
175 L. Derousseaux, op.cit., p. 13
127
D€clarations. Sur les seize documents qui constituent les actes du concile Vatican II, il y a
quatre (4) constitutions dogmatiques, neuf (9) dcrets et trois (3) dclarations.176
En parall€le avec le texte de la Dclaration Nostra Aetate, d’autres passages dans les
constitutions, dogmatiques ou pastorales, parlent des religions non chrtiennes. Nous en
relevons trois qui font autorit.177
176 * les Constitutions sont les condenss de la doctrine officielle de l’Eglise.
1. La doctrine de l’Eglise . Sur l’Eglise . : "Lumen Gentium"
2. La doctrine de l’Eglise . Sur la Liturgie . : " Sacro Sanctum Concilium"
3. La doctrine de l’Eglise . Sur la Rvlation . : " Dei Verbum"
4. La doctrine de l’Eglise . Sur l’Eglise dans le monde de ce temps .: "Gaudium et Spes "
* les D€crets sont des lois, des obligations, que l’Eglise impose pour sa bonne marche dans la discipline,
l’ordre et la paix.
5. . Sur la charge pastorale des Ev.ques . : "Christus dominus"
6. . Sur le minist€re et la vie des pr.tres . : " Presbyterorum Ordinis"
7. . Sur la formation des pr.tres . : " Optatam Totius"
8. . Sur la rnovation et adaptation de la vie religieuse . : "Perfecte caritatis"
9. . Sur l’apostolat des la.cs . : " Apostolica Actriositatem"
10. . Sur l’activit missionnaire de l’Eglise .: "Ad Gentes"
11. . Sur l’oecumnisme . : "Unitatis redintegratio"
12. . Sur les Eglises Orientales . : "Orientalum Ecclesiarum"
13. . Sur les moyens de communication sociale . : "Inter Mirifica"
* les D€clarations sont des actes de reconnaissance faits par l’Eglise pour les domaines o. elle s’engage au
respect dans la collaboration entre partenaires.
14. . Sur la libert religieuse . : "Dignitatis humanae"
15. . Sur l’Eglise avec les religions non-chrtiennes . : "Nostra Aetate"
16. . Sur l’Education Chrtienne . : "Gavisimum Educationis momentum’
177 1. L’galit de tous les hommes (Gaudium et Spes 29) . Tous les hommes, dou€s d’une .me raisonnable
et cr€€s l’image de Dieu, ont m.me origine; tous, rachet€s par le Christ, jouissant d’une m.me vocation et
d’une m.me destin€e divine ; on doit donc, et toujours davantage, reconna.tre leur €galit€ fondamentale ..
2. Le respect et l’amour dus . tous, le dialogue (Gaudium et Spes 28) . Le respect et l’amour doivent aussi
s’.tendre . ceux qui pensent ou agissent autrement que nous en mati.re sociale, politique ou religieuse.
D’ailleurs plus nous nous efforons de p.n.trer de l’int.rieur, avec bienveillance et amour, leurs mani.res de
voir, plus le dialogue avec eux deviendra ais. ..
3. Le Salut universel, en corps, par l’Alliance et par "ordination" au peuple de Dieu. (Lumen Gentium 8
et 16) ; (Gaudium et Spes 92)
* Salut universel, en Corps (Lumen Gentium 8) : . En tout temps et toute nation, est agr€able Dieu celui qui
le craint et pratique la justice. Cependant il a plu Dieu de sanctifier et de sauver les hommes, non pas
individuellement et l’exclusion de tous liens mutuels, il a voulu faire un Peuple qui le conn.t dans la v€rit€
et le serv.t saintement. Il a donc choisi le Peuple d’Isral pour en faire son peuple, il a €tabli une Alliance
avec lui... .
* "Ordination" . l’Eglise de tous (Lumen Gentium 16) : . Enfin ceux qui n’ont pas reu l’Evangile sont
ordonn.s de diverses mani.res au Peuple de Dieu.Et en premier lieu, ce peuple auquel ont .t. donn.es les
alliances et les promesses, et d’o. est issu le Christ selon la chair, peuple ch.ri selon l’.lection et . cause des
P.res car les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance. .
* L’islam et tous les autres (Lumen Gentium 16 et Gaudium et Spes 92):
. Mais le propos du salut embrasse aussi ceux qui reconnaissent le Cr€ateur, et en premier lieu les
musulmans, qui professant avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, mis€ricordieux, qui
jugera les hommes au dernier jour. Et Dieu lui-m.me n’est pas loin de ceux qui cherchent travers les ombres
et les images un Dieu inconnu, puisqu’il donne tous vie et souffle et toutes choses, et que, Sauveur, il veut
que les hommes soient sauv€s. Car ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l’Evangile du Christ et son
Eglise, et cependant cherchent Dieu d’un coeur sinc.re, et s’efforcent sous l’influence de la gr.ce,
128
L’importance de cette note rcapitulative est de montrer la place qu’ont occupe les
religions non chrtiennes dans l’ensemble des travaux du concile. L’intr.t qu’on y porte
aujourd’hui est de loin beaucoup plus grand que la place minime qu’elles occupent dans
l’ensemble des actes. Ces quelques citations de "Lumen Gentium" et "Gaudium et Spes" qui
sont des Constitutions dogmatique et pastorale, ne sont pas des doublets de la Dclaration
N.A. Elles montrent, en dpit de la contestation dont a fait l’objet N.A., la nouveaut du concile
Vatican II par rapport . l’attitude traditionnelle de l’Eglise.
Aucun autre concile auparavant n’a t aussi ouvert en accordant une place positive
aux autres religions. Vatican II a ralis sur ce point une grande rvolution. Le fait de
consigner les passages concernant ces religions, dans les "Constitutions", qui sont les
condenss de la "doctrine" de l’Eglise, donne un cachet plus officiel . ce nouveau regard de
l’Eglise sur les religions non chrtiennes, longtemps relgues aux "oubliettes".
Pour la premi€re fois, on voit qu’il n’y a aucune hsitation sur le salut universel.
L’Eglise, par la voix du concile prconise une attitude nouvelle : dialogue, respect et estime
des autres religions, particuli€rement du juda.sme et de l’islam qui croient au Dieu crateur.
L’Eglise reconna.t qu’il y a des valeurs dans d’autres religions, mais qu’elles ne sont qu’une
"prparation . l’Evangile". Elle reconna.t que Dieu agit dans la conscience de chaque homme,
quelles que soient son origine, sa race, sa culture et sa croyance. Cependant, le concile dans
cette phase n’est pas assez clair sur une question tr€s fondamentale : celle de savoir si les
religions sont une voie de salut. Cette question primordiale est presque laisse en jach€re,
donnant ainsi libre cours aux spculations et dbats entre thologiens et spcialistes des
religions.
III. 2. 3. L’enseignement de Nostra Aetate
d’accomplir dans leurs oeuvres la volont. de Dieu telle qu’ils la connaissent par la dict.e de leur conscience,
ceux-l. peuvent obtenir le salut .ternel.
La divine Providence ne refuse pas les secours n.cessaires pour leur salut . ceux qui sans faute de leur part ne
sont pas encore parvenus . une connaissance explicite de Dieu, et s’efforcent, non sans le secours de la gr.ce,
de mener une vie droite.
Tout ce qui se trouve chez eux de bon et de vrai, l’Eglise l’estime comme une pr.paration . l’Evangile et un
don de Celui qui illumine tout homme pour qu’il ait enfin la vie. .(LG 16)
. Nous tournons aussi notre pens€e vers tous ceux qui reconnaissent Dieu et dont les traditions rec.lent de
pr€cieux €l€ments religieux et humains, en souhaitant qu’un dialogue confiant puisse nous conduire tous
ensemble accepter franchement les appels de l’Esprit et les suivre avec ardeur. . (GS 92).
129
La Dclaration N.A. comporte 5 paragraphes : Prambule ; Les diverses religions non-
chrtiennes ; La religion musulmane ; La religion juive ; La fraternit universelle, excluant
toute discrimination.
De son titre exact "De Ecclesiae habitudine..." : L’attitude de l’Eglise face aux
religions non chrtiennes, le concile n’entend pas dfinir une position dogmatique sur les
relations de l’Eglise avec ces religions. Mise devant l’vidence des choses, notamment le
rapprochement extraordinaire des hommes par la technique (transport et multimdias) et par
les organismes internationaux ns apr.s la seconde guerre (O.N.U, O.I.T., O.M.S.,
UNESCO...), l’Eglise ne peut continuer . ignorer les autres religions, ni . les combattre, ni
moins encore . les adopter, ni . se taire trop longtemps.
Par la voix du concile, l’Eglise manifeste sa volont de promouvoir le dialogue avec le
monde actuel. N.A. commence par souligner ce que les hommes (les chrtiens et les autres) ont
en commun, sans chercher . nier les divergences et les oppositions qui distinguent et sparent
les cultures, les idologies, les croyances. On sent dans la premi€re partie du texte conciliaire,
tout le poids des sciences des religions . travers les thories de Soderblom sur l’exprience du
Sacr, celles de Mircea Eliade sur l’exprience de l’homo religiosus ou encore celles de W.
Schmidt, qui fut conseiller de Pie XII, sur la reconnaissance d’un Monothisme primitif avant
les juifs : . Les hommes attendent des diverses religions la r€ponse aux €nigmes cach€es de la
condition humaine, qui, hier comme aujourd’hui, troublent profond€ment le coeur
humain… .178
Ceci sous-entend que l’Eglise reconna.t que tous les peuples forment une seule
communaut ; tous les peuples ont une seule origine ; tous les peuples ont aussi une seule fin
derni€re. Bref tous les peuples cherchent dans leurs religions la rponse . la m.me srie de
questions.
Le concile se demande en second point si les rponses qui sont donnes . cette unique
et m.me question de fond sont toutes aussi vraies et acceptables. En d’autres termes : est-ce
178 N.A., n.1
130
que, en dehors de la Rvlation chrtienne, les rponses des religions aux questions de
l’homme ne sont que tn€bres et mensonges ? La rponse du concile, apr€s un bref expos du
syst€me de base de chacune des religions, notamment l’animisme africain, l’hindouisme, le
bouddhisme et les autres religions, se rsume dans ce message pascal de Paul VI : . Toute
religion poss.de un rayon de lumi.re que nous ne devons ni m€priser ni €teindre, m.me s’il
ne suffit pas donner l’homme la clart€ dont il a besoin. Toute v€rit€ religieuse
authentique est une aube de foi, et nous nous attendons ce qu’elle s’€panouisse en aurore et
dans la radieuse splendeur de la sagesse chr€tienne .179.
Le point central de la dclaration N.A. est dans le jugement de valeur que fait le concile
sur toutes ces religions voques. En effet, contrairement au jugement habituel de l’Eglise sur
les religions qui n’taient mentionnes que comme lments culturels, plut.t que comme
religion en tant que telle, Nostra Aetate est le premier document dans lequel l’Eglise parle des
religions non chrtiennes en tant que voies vers Dieu, vers le salut, tout en maintenant
fermement l’annonce du Christ qui est la Voie, la Vrit et la Vie. (Jn 14, 6). Les religions non
chrtiennes ne sont pas les autres voies directes du Salut, mais des voies plus au moins directes
vers la Voie du Salut. Elles devront toutes trouver leur accomplissement dans le Christ.
L’Eglise s’engage donc sur le plan du respect, du dialogue et de la collaboration.- Tout
ce qui va vers le sens de relativisme religieux pouvant prtendre que "toutes les religions se
valent" reste absolument condamn, sans que l’Eglise ne prononce d’anath.me comme avant.
En ce qui concerne l’islam, le concile n’en parle que comme religion monothiste et
rvle. Louis Derousseaux fait remarquer que le concile supprime expr.s la mention"par les
proph.tes" (qui a parl€ aux hommes par les proph.tes), mention que les musulmans auraient
entendue selon leur habitude comme une reconnaissance de Muhammad, sceau de la
proph€tie .180. Le concile exhorte les chrtiens . oublier le pass belliqueux, . avoir une
attitude de comprhension et de collaboration dans les probl€mes de socit.
179 Message pascal 1964 du Pape PAUL VI, cit par Th. REY-MERMET, op. cit., p. 383
180 Louis DEROUSSEAUX, op. cit., , p. 63
131
Quant . la religion juive, faut-il rappeler que c’est elle qui fut . l’origine m.me de cette
Dclaration ? Elle occupe la place d’honneur en cl.turant la dclaration. Le concile insiste sur
la prsence de ce peuple dans le myst€re m.me de l’Eglise. La dclaration N.A. commence par
cette phrase qui dit tout : . Scrutant le myst.re de l’Eglise, le concile rappelle le lien qui relie
spirituellement le peuple du Nouveau Testament avec la lign.e d’Abraham ..
Le mot qui cl.ture la Dclaration ne pouvait .tre autre qu’un vibrant rappel de la
fraternit universelle excluant toute discrimination. L’antismitisme, le racisme, l’esclavage
sous toutes ses formes sont des comportements contraires . la foi au Dieu Unique qui a cr
tous les hommes . son image.
A notre avis, la faiblesse de cette Dclaration, qui est pourtant une base de discussion
solide pour les thologiens, rside dans le fait qu’il n’a t question des religions non
chrtiennes que par opportunisme. En effet, rien dans le projet du concile, que ce soit dans le
questionnaire initial ou dans les suggestions envoyes par les v.ques, dans les commissions
mises en place, ou dans les soixante-dix schmas prparatoires du concile, rien n’tait prvu ni
sur les Juifs, ni sur les autres croyances. C’est uniquement suite . l’opposition farouche faite au
projet prsent par le cardinal Bea sur le judasme que les autres religions trouvent leur place
dans les documents du concile. Etait-ce une stratgie bien approprie ?
Enfin, quelles que soient les circonstances dans lesquelles est ne l’ide de la
dclaration Nostra Aetate, quelles qu’en soient ses faiblesses sur l’approfondissement des
valeurs des religions non chrtiennes, il nous faut reconna.tre que les bases poses sont solides.
Le concile, de faon gnrale, a provoqu l’volution de l’Eglise dans le monde ; et le
magist.re postconcilaire a ouvert, . travers des documents "guide" du dialogue interreligieux,
une possibilit pour les thologiens d’largir et d’approfondir les orientations . donner au
dialogue vritable entre toutes les religions. Nous allons, dans la section qui suit, analyser les
rflexions et les orientations du magist.re postconciliaire et les dbats qui s’en suivent.
132
III. 3. L’€volution de l’Eglise dans le monde et le magistre postconciliaire
III. 3. 1. L’.volution de l’Eglise dans le monde apr.s Vatican II
Nous venons de montrer que le concile Vatican II a rsolument tourn l’Eglise vers le
monde moderne. Ce nouveau regard a boulevers du m.me coup la gopolitique du monde en
trois domaines :
Primo : Le d€placement du centre de gravit€ du monde.
Depuis l’poque des grandes conqu.tes, le nombril du monde politique, social,
conomique et religieux s’est toujours situ en Occident. Dans les dcennies qui suivent
Vatican II, le centre de gravit du monde se dplace de l’Atlantique vers le Pacifique et la
Mditerrane. L’Asie, l’Afrique et l’Amrique latine, considres comme sous-dveloppes,
s’affirment et retrouvent la place de leurs cultures dans l’volution religieuse du monde.
L’intuition de ce dplacement du centre de gravit du monde est dj. perceptible au
travers de la bulle d’indiction du concile : "Humanae Salutis" et du "Message tous les
hommes", publis respectivement le 25 dcembre 1961 et le 20 octobre 1962181.
En octobre 1999, soit vingt cinq ans apr€s Vatican II et treize ans apr€s la rencontre
d’Assise, Odon Vallet crivait : . Dieu a chang. d’adresse ! .182 Nous entrons dans les dtails
de ce dplacement du centre de gravit du monde dans les pages qui suivent.
181 Dans la bulle d’indiction . Humanae Salutis . du Concile Vatican II, du 25 dcembre 1961, le pape Jean
XXIII dclarait : . L’Eglise, aujourd’hui, assiste . une grave crise de la soci.t. humaine qui va vers
d’importants changements. Tandis que l’humanit. est au tournant d’une .re nouvelle, de vastes t.ches
attendent l’Eglise, comme ce fut le cas . chaque .poque difficile. Ce qui lui est demand. maintenant, c’est
d’infuser les .nergies .ternelles, vivifiantes et divines de l’Evangile dans les veines du monde moderne… .
D’un autre c.t, l’assemble conciliaire avait publi, le 20 octobre 1962, un . Message . tous les hommes .
dans lequel les P.res conciliaires faisaient savoir qu’ils compatissaient avec . toutes les d€tresses mat€rielles et
spirituelles de la terre, ainsi qu’avec les souffrances et les aspirations des peuples qui nous sont confi€s (…).
Aussi, dans nos travaux donnerons nous une part importante tous ces probl.mes terrestres qui touchent la
dignit€ de l’homme et une authentique communaut€ des peuples. . Gaudium et spes est la concrtisation de
ce projet.
182 Odon Vallet enseigne aux universits Paris-I et Paris-VII ; Voir son article dans Le Monde du 26 octobre
1999. Il crit : . Treize ans apr.s la rencontre d’Assise, l’assembl.e interreligieuse de Rome (25-28 octobre)
montre combien l’apparente stabilit. des religions mill.naires masque leurs .volutions g.ographiques,
d.mographiques et th.ologiques. Avec 1,7 milliard de baptis.s, le christianisme demeure la premi.re religion
mondiale ; le nombre de chr.tiens progresse parall.lement . la population de la plan.te. La bonne
implantation du christianisme dans les r.gions . forte natalit., ( Asie, Afrique, Am.rique latine) compense son
d.clin en Europe. La seule confession chr.tienne ayant relativement r.gress. au XXe si.cle, l’orthodoxie, est
d’ailleurs la plus centr.e sur le Vieux Continent, ses pays d’origine (Gr.ce et Russie) n’ayant jamais .t. de
grandes puissances coloniales. Le red.ploiement du christianisme est spectaculaire. En 1939, les premiers
pays catholiques du monde .taient la France, l’Italie et l’Allemagne (qui avait annex. l’Autriche).
Aujourd’hui, ce sont le Br.sil, le Mexique et les Philippines. Le premier pays protestant du monde (les Etats-
Unis .tant le premier) est d.sormais le Nigeria, . .galit. avec l’Allemagne et l’Angleterre. Et la majorit. des
133
Secundo : La division du monde et l’engagement social de l’Eglise.
Le dplacement du centre de gravit a chang, mutatis mutandi, la division du monde
qui ne se fait plus selon une ligne Est – Ouest, mais selon une ligne Nord – Sud, c’est-.-dire
entre pays riches et pays pauvres. Cette ralit dfinira aussi l’orientation des grands axes de
l’enseignement social de l’Eglise.
Dans l’encyclique du 26 mars 1967 : "Populorum progressio", Paul VI, . la suite de
Gaudium et spes, voit dans le dveloppement intgral un devoir issu du droit fondamental
qu’est le droit . la vie. . Le d€veloppement, dit-il, est le nouveau nom de l’.vang.lisation qui
vise tout homme et tout l’homme .. Jean-Paul II synthtise l’enseignement social du concile
(GS) en un corps doctrinal plus labor dans l’encyclique de 1981 : "Laborem Exercens" o. le
pape montre que la personne humaine constitue le centre de la doctrine sociale de l’Eglise. La
pauvret et la mauvaise distribution des richesses tant l’une des sources de conflits dans le
monde.
Tertio : La situation conflictuelle de la soci€t€ internationale.
Les diffrents conflits . travers le monde n’ont pas laiss l’Eglise indiffrente : guerres
du Vietnam, Isralo-Arabe, du Biafra, du Pakistan, etc. Au travers des messages de justice et
de paix aux organisations internationales et aux belligrants, le magist.re postconciliaire a
assur une meilleure prsence de l’Eglise au monde. Les confrences piscopales locales ont
tent . leurs mani.res, de prendre position sur ces diffrents probl.mes du monde moderne.
Plusieurs de ces conflits ayant . la base, entre autres causes, l’intolrance religieuse, la
question du dialogue interreligieux est revenue au premier plan des dossiers brlants pour
l’Eglise dans sa mission . la lumi.re de l’Evangile. Les voyages apostoliques entrepris . travers
le monde par les papes Paul VI et Jean-Paul II ont finalement ouvert des perspectives nouvelles
pour le dialogue interreligieux et oecumnique. Les premi.res structures continentales pour la
promotion du dialogue furent cres dans l’Eglise catholique.
C’est aussi dans le cadre de cette grande mutation qu’. vcu l’Eglise de l’apr.s concile
que le probl.me de l’inculturation de la foi s’est pos avec une acuit particuli€re, obligeant le
anglicans sont des Noirs (d’Afrique, d’Am.rique ou d’Oc.anie) : une confession n.e d’un conflit purement
europ.en (le remariage du roi Henri VIII refus. par le pape Cl.ment VII) est pr.sente sur le 5
continents.[…] .
134
magist.re . se prononcer sur l’usage de ce terme dans le langage officiel de l’Eglise
catholique183. Paul VI, . travers ses voyages et dans son enseignement postconciliaire, a cr
une ouverture sur le chemin de l’inculturation :
- En 1969, lors de son voyage en Afrique, il cre . Kampala (Ouganda), le Symposium
de Confrences Episcopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM) en disant : . Africains,
vous pouvez et devez avoir un christianisme africain (…). C’est maintenant vous d’.tre vos
propres missionnaires ..
- En 1972, en vue de coordonner leurs activits au niveau continental, il autorise les
confrences piscopales d’Asie . former une Fdration des Confrences Episcopales
d’Asie (FABC), avec un Bureau pour les Affaires OEcumniques et Interreligieux
(OEIA). [sigles en version anglaise]
III. 3. 2. PAUL VI, De Ecclesiam Suam . Evangelii Nuntiandi : Une ouverture sur
le chemin de l’inculturation.
III.3.2.1. Ecclesiam suam : base historique et idale de rflexion sur le dialogue
Publie le 6 ao.t 1964, entre la seconde et la troisi€me session du concile Vatican II,
cette premi€re encyclique de Paul VI est considre comme "base historique" du dialogue
interreligieux. . C’est avec ce texte, comme le dira Jozef Cardinal Tomko184, que dans le
183 Au probl.me de la culture et de l’inculturation, le Concile Vatican II a, certes, donn une impulsion et une
attention toute spciale. Le terme d’inculturation dsigne les contacts de la foi chrtienne avec une ou plusieurs
cultures. Mais l’usage officiel de la notion d’inculturation est tr.s rcent dans les documents du magist.re
officiel. C’est dans les textes du pape Jean-Paul II, . partir de 1979 que le terme .inculturation . est
officiellement employ au sens o. l’entendent la FABC et le SCEAM. - Dans l’allocution . la Commission
biblique pontificale, prononce le 26 avril 1979, le pape Jean-Paul II dsigne ce concept thologique comme
tant "l’une des composantes du grand myst.re de l’Incarnation" : . Nous le savons, le Verbe s’est fait chair et
il a demeur. parmi nous (Jean 1, 14) ; ainsi, en voyant J.sus-Christ, ’le fils du charpentier’ (Mt 13, 55), on
peut contempler la gloire m.me de Dieu (Jean 1, 14). . - Dans l’exhortation apostolique Catechesi tradendae
du 16 octobre 1979, le pape Jean-Paul II dfinit l’inculturation comme tant : . une mani.re de proposer la
connaissance du myst.re cach€. . - C’est dans l’encyclique Slavorum Apostoli publi en 1985 que Jean-Paul II
voque le mod€le de ce que la FABC et le SCEAM entendent par inculturation : . l’incarnation de l’Evangile
dans les cultures autochtones, en m.me temps l’introduction de ces cultures dans la vie de l’Eglise. . - Dans
l’encyclique Redemptoris missio du 7 dcembre 1990, Jean-Paul II prcise la notion d’inculturation : . une
intime transformation des authentiques valeurs culturelles par leur int€gration dans le christianisme et
l’enracinement du christianisme dans les diverses cultures humaines. .
184 Jozef Cardinal TOMKO, Le dialogue chemin de la mission, allocution . l’occasion du 30€me anniversaire de
la publication de l’Encyclique Ecclesiam suam. Version site Internet : http://istr-
marseille.cef.fr/Pages/CdD/CdDs/CdD04/tomkotxt.htm, p. 1
135
vocabulaire et dans la mission de l’Eglise, entre explicitement le terme "dialogue" (en latin,
colloquium) ..
Le but principal de cette Encyclique publie avant Nostra Aetate est de montrer la
co.ncidence entre mission et dialogue. Articule en trois parties : La conscience de l’Eglise ;
Le renouveau dans l’Eglise ; Le dialogue avec l’Eglise, Ecclesiam suam fait preuve d’un
cheminement d’ides longuement mries pour aboutir . la conclusion que l’histoire du salut
prend sa source dans l’auto-communication divine. Elle est un dialogue continu entre Dieu et
le genre humain. Le r.le de l’Eglise, pour rester fid.le . sa mission, est de prolonger ce
dialogue suivant une mthode "centrip.te".
L’encyclique dcrit cette mthode en tra.ant quatre cercles autour de l’Eglise, comme
interlocuteurs du dialogue. Premier cercle : l’humanit. comme telle ; deuxi€me cercle : les
croyants en Dieu ; troisi€me cercle : les fr.res chr€tiens s€par€s ; quatri€me cercle : le
dialogue au sein de l’Eglise catholique.
Comme le note Jacques Dupuis, les quatre cercles concentriques du dialogue seront
repris – en ordre inverse – par le concile, dans la conclusion de la constitution pastorale
Gaudium et spes (92), texte qui peut .tre considr comme le Magna Charta du concile au
sujet du dialogue185.
C’est surtout en ce qui concerne le second cercle, les croyants en Dieu, que
l’encyclique Ecclesiam suam nonce clairement une volont de dialogue, en maintenant
cependant, le caract€re exclusif du christianisme comme la seule vraie religion : . […]Nous
faisons allusion aux fils, dignes de Notre affectueux respect, du peuple h€breu, fid.les la
religion que Nous nommons de l’Ancien Testament ; puis aux adorateurs de Dieu selon la
conception de la religion monoth€iste – musulmane en particulier – qui m€ritent admiration
pour ce qu’il y a de vrai et de bon dans leur culte de Dieu ; et puis encore aux fid.les des
grandes religions afro-asiatiques. Nous ne pouvons €videmment partager ces diff€rentes
expressions religieuses, ni ne pouvons demeurer indiff€rents, comme si elles s’€quivalaient
toutes, chacune sa mani.re, et comme si elles dispensaient leurs fid.les de chercher si Dieu
lui-m.me n’a pas r€v€l€ la forme exempte d’erreur, parfaite et d€finitive, sous laquelle il veut
185 Jacques DUPUIS, op. cit., p. 258, note 1.
136
.tre connu, aim€ et servi ; au contraire, par devoir de loyaut€, nous devons manifester notre
conviction que la vraie religion est unique et que c’est la religion chr€tienne, et nourrir
l’espoir de la voir reconnue comme telle par ceux qui cherchent et adorent Dieu. . (E.S. 111)
Dans la mesure o. elle a ouvert de faon claire le chemin de l’inculturation,
l’encyclique Ecclesiam suam a des raisons d’.tre considre comme la base historique et idale
de toute rflexion sur le dialogue dans le cadre de la mission. Elle constitue, comme le dit Jozef
Cardinal TOMKO, . une pierre angulaire sur laquelle doit se fonder le dialogue, bien que
demeurant encore prudente et impr€cise sur certains aspects, que seule une pratique
authentique du dialogue permettra de saisir ou d’approfondir .186.
III. 3. 2. 2. Evangelii nuntiandi : stagnation ou recul ?
L’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, publie le 8 dcembre 1975, dix ans
apr€s Ecclesiam suam, fait suite au Synode des Ev.ques de 1974 sur "L’Evanglisation dans le
monde moderne".
En effet, la profondeur des rflexions et la clairvoyance des opinions mises au cours
du dbat synodal, - notamment par la FABC au sujet du dialogue interreligieux et de la
question de l’inculturation, rflexions qui semblaient aller au-del. de la position officielle du
concile, - a fait que le Synode se soit trouv dans l’impossibilit de publier un document en son
nom187.
Evangelii nuntiandi revient donc sur l’essentiel du synode, en dcrivant la gen.se de
l’vanglisation, de Jsus Christ jusqu’. l’Eglise. L’exhortation affirme que le centre de
l’vanglisation demeure toujours l’annonce du salut en Jsus Christ offert . tous les hommes.
Elle authentifie en suite, le sens global de l’vanglisation qui comprend toute la mission.
Quant . la question des religions non-chrtiennes et du dialogue interreligieux qui avait
mis le Synode devant l’impossibilit de produire un document substantiel en son propre nom, le
pape lui-m.me a fait le choix de prendre du recul par rapport aux opinions exprimes dans
186 Ibidem, p. 2
187 Pour plus de dtails, voir Jacques DUPUIS, Op. cit. , p. 259
137
l’assemble synodale. Il est cependant rest sur la ligne de Ecclesiam suam et des documents
du concile, rappelant l’estime de l’Eglise pour les religions non chrtiennes.
Pour Jacques Dupuis : . le pape le fit d’une mani.re nettement n€gative .. Jozef
Tomko dit que . certains et m.me plusieurs y voient un "punctum dolens" (un manque
douloureux) ignorer ou d€plorer. Le terme "dialogue" n’appara.t pas dans Evangelii
nuntiandi et les religions non-chr€tiennes entrent dans la section consacr€e aux destinataires
de l’Evang€lisation. […] Au regard de cette position, on voudrait voir de la part de quelques-
uns une phase de stagnation dans le chemin du dialogue, un pas en arri.re, justement au
moment o. certains P.res du Synode de 1974 avaient demand€ de promouvoir le dialogue
interreligieux et de le d€clarer r€solument comme faisant partie de la mission de l’Eglise.
Toutefois, Paul VI est perplexe. Il craint qu’une interpr€tation facile et superficielle des
. semences du Verbe . diss€min€es dans le monde et dans l’histoire, et de la libert€
religieuse, finisse par d€former la v€rit€ et cr€er un alibi pour ne pas €vang€liser (E.N.80).
Motivations fond€es ou pr€occupations exag€r€es ? .188
C’est pour ragir . cette stagnation et . ce recul de Paul VI que Jean-Paul II relance
d.s mars 1979, l’enseignement et l’initiative de dialogue qu’il consid.re comme ayant un r.le
primordial . l’intrieur de la mission de l’Eglise dont le devoir fondamental est . d’orienter la
conscience et l’exp.rience de toute l’humanit. vers le myst.re du Christ . [Redemptor
hominis 10].
III. 3. 3. JEAN-PAUL II, De Redemptor hominis . Redemptoris missio : documents
"guide" pour le dialogue entre les religions.
III. 3. 3. 1. Redemptor hominis : L’Esprit de v€rit€ dans la croyance des non-
chr€tiens.
Si dans Evangelii nuntiandi la question du dialogue interreligieux appara.t de fa.on
ngative, la rfrence . l’Esprit Saint qui est prsent de fa.on spectaculaire dans la constitution
pastorale Gaudium et spes, est absente . propos de la vie religieuse des non-chrtiens.
188 Jacques DUPUIS, Ib., p. 260 ; Jozef TOMKO, op. cit., p. 4
138
Evangelii nuntiandi n’a mentionn l’Esprit qu’en tant qu’agent principal de l’vanglisation
qui pousse l’Eglise . accomplir sa mission et l’habilit . la remplir.
La nouveaut de l’Encyclique Redemptor hominis, publie le 4 mars 1979 rside dans
la place donne . l’action de l’Esprit qui parfois m.me, op€re au-del. des fronti€res visibles du
Corps mystique, dans . la fermet€ de la croyance des membres des religions non-
chr€tiennes .. Cette action de l’Esprit qui op.re aussi hors de l’Eglise visible et dans les
religions-cultures non-chrtiennes est tr.s souligne, surtout par rapport . la pri.re. Cette
action devrait faire honte aux chrtiens, si souvent ports . douter des vrits rvles par
Dieu. (RH6).
Deux rfrences bibliques reviennent plusieurs fois dans Redemtor hominis : Jean 3, 8
[L’Esprit souffle o. il veut] et Rm 8, 26. [L’Esprit Saint nous vient en aide, parce que nous
sommes faibles. En effet, nous ne savons pas prier comme il faut ; l’Esprit lui-m.me prie Dieu
en notre faveur avec des supplications qu’aucune parole ne peut exprimer. Et Dieu qui voit
dans les coeurs comprend ce que l’Esprit Saint demande, car l’Esprit prie en faveur des
croyants, comme Dieu le dsire.]
Cette forte confiance en l’action de l’Esprit qui . devrait faire honte aux chrtiens… .,
a fait qu’apr€s Redemptor hominis, Jean-Paul II a repris contact avec la FABC . travers le
message adress de Manille le 21 fvrier 1981. Il parle de l’Absolu . qui s’adressent les
grandes spiritualits orientales. Le pape met l’accent . travers ce message, plus sur l’homme
priant que sur les religions. Il crit : . M.me quand [l’Absolu], pour quelqu’un, est le Grand
Inconnu, lui cependant demeure toujours en r.alit. le m.me Dieu vivant. J’ai donc confiance
que l’esprit humain qui s’ouvre . la pri.re . ce Dieu Inconnu aura peru un .cho de ce m.me
Esprit qui, connaissant les limites et la faiblesse de la personne humaine, priera Lui-m.me en
nous et en notre nom […] L’intercession de l’Esprit qui prie en nous est fruit pour nous du
myst.re de la r.demption op.r.e par le Christ et dans laquelle l’amour universel du P.re a
.t. manifest. au monde .189.
189 Message de Jean-Paul II aux peuples d’Asie (Manille, 21 fvrier 1981), dans DC 78 (1981), p. 281
139
Cette perspective rejoint, dans une certaine mesure, les opinions de dbat du synode
des Ev.ques de 1974190 et am€ne le pape . orienter son enseignement vers la pratique du
dialogue pour vivre l’exprience de l’intrieur.
III. 3. 3. 2. Dominum et vivificantem, Redemptoris missio et Tertio millennio
adveniete : de la thorie . la pratique du dialogue.
La nouveaut de l’enseignement de Jean-Paul II au sujet du dialogue interreligieux
rside aussi dans le fait qu’il passe de la thorie . la pratique du dialogue : d€s le premier
p€lerinage . Jasna Gora et . la rencontre avec les jeunes musulmans . Casablanca (19 ao.t
1085), au voyage en Inde (fvrier 1986), . la visite . la synagogue de Rome (13 avril 1986) et
spcialement . la journe d’Assise (27 octobre 1986), Jean-Paul II indique l’idal et la
mentalit du dialogue par la pratique.
Dans la thorie ou la pratique du dialogue, Jean-Paul II s’exprime de fa.on claire sur la
prsence active de l’Esprit Saint dans la vie religieuse des membres d’autres traditions
religieuses. Cette prsence de l’Esprit Saint dans son action universelle demeure le fil rouge de
tout son enseignement. On le retrouve plus explicitement dans l’encyclique Dominum et
vivificatem du 18 mai 1986 et dans l’encyclique Redemptoris missio du 7 dcembre 1990 o. le
pape prcise que l’action de l’esprit affecte non seulement les personnes individuelles, mais les
traditions religieuses elles-m.mes (RM 28). Cependant le doute au sujet de la valeur salvatrice
de ces traditions demeure toujours.
Ce doute sur la valeur salvatrice des autres traditions religieuses a conduit Jean-Paul II
dans certaines dclarations, notamment dans la lettre apostolique Tertio millennio adveniente
du 10 novembre 1994, . revenir sur la "thorie de l’accomplissement" : . Le verbe incarn€ est
190 Jacques DUPUIS rapporte une intervention de l’archev.que Angelo Fernandes de Delhi (Inde) : . Une
thologie des religions mondiales exige que nous […] reconnaissions pleinement le fait que Dieu a par le pass
oeuvr de mani.res diverses avec les diffrents peuples, et qu’il continue . faire de m.me aujourd’hui. C’est
pour nous une t.che urgente de construire une thologie des traditions religieuses vivantes du monde et de leur
signification aujourd’hui dans le plan divin universel du salut. Cette thologie aura pour t.che de montrer que
le Seigneur Ressuscit, qui est le seul mdiateur entre Dieu et les hommes, et au nom duquel seul ils peuvent
trouver le salut, est par son Esprit, prsent et actif, non seulement dans les esprits et les coeurs de ceux qui
peuvent n’avoir jamais entendu son nom, mais aussi dans les manifestations concr.tes par lesquelles, dans le
cadre de leur tradition religieuse, et au sein de leur communaut religieuse, leur vie religieuse trouve son
expression. Affirmer que les pratiques religieuses des autres, leurs livres sacrs et leurs pratiques
sacramentelles fournissent un canal par lequel le Christ Ressuscit les atteint, ne menacent d’aucune faon
l’unicit du Christ et de son message […] .
140
l’accomplissement de l’aspiration pr.sente dans toutes les religions de l’humanit. : cet
accomplissement est l’oeuvre de Dieu et il d.passe toute attente humaine. C’est un myst.re de
gr.ce. Dans le Christ la religion n’est plus une "recherche de Dieu comme . t.tons", mais
une r.ponse de la foi . Dieu qui se r.v.le. […] De cette faon, le Christ est la r.alisation de
l’aspiration de toutes les religions du monde et par cela m.me, il en est l’aboutissement
unique et dfinitif . [TMA 6]
En dpit de ce retour sur la thorie de l’accomplissement et dans le but de donner les
orientations claires pour la pratique du dialogue entre les religions, Jean-Paul II et le
Secrtariat pour les non chrtiens, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et la
Congrgation pour l’vanglisation des peuples ont publi trois documents "guide" que nous
analysons dans les lignes qui suivent.
III. 3. 3. 3. Redemptoris missio, Dialogue et mission, Dialogue et Annonce.
L’encyclique Redemptoris missio publie entre deux autres documents "guide", .
l’occasion du 25€me anniversaire du dcret conciliaire Ad Gentes, apporte, au sujet du dialogue
interreligieux, de srieuses avances thologiques.
Tout en traitant principalement de l’activit missionnaire, Redemptoris missio consid€re
explicitement parmi les voies de la mission, le dialogue avec les fr€res d’autres religions : . Le
dialogue interreligieux fait partie de la mission €vang€lisatrice de l’Eglise. Entendu comme
m€thode et comme moyen en vue d’une connaissance et d’un enrichissement r€ciproques, il
ne s’oppose pas la mission Ad gentes ; au contraire il lui est sp€cialement li€ et il en est une
expression . [RM 55]
Le premier document "guide" auquel se rf€re Redemptoris missio est l’oeuvre du
Secrtariat pour les non chrtiens. Il est publi . la Pentec.te 1984, intitul "Attitudes de
l’Eglise catholique devant les croyants des autres religions. Rflexions et orientations
concernant le dialogue et la mission". Le second document "guide" publi apr.s Redemptoris
missio (19 mai 1991) est l’oeuvre commune du Conseil Pontifical pour le Dialogue
Interreligieux et de la Congrgation pour l’Evanglisation des Peuples. Il est intitul "Dialogue
141
et Annonce. Rflexions et orientations concernant le dialogue interreligieux et l’annonce de
l’Evangile"
Le premier document "guide" rpond aux questions que posent les v.ques, les
missionnaires et les fid.les au sujet du lien . faire entre la mission, l’vanglisation et le
dialogue dans un contexte diffrent de celui du dbut du si.cle. Beaucoup se demandaient si la
mission conue comme vanglisation et fondation d’Eglise avait encore un sens ! Quelles sont
la nature et la finalit du dialogue ? Comment le situer par rapport . la mission ? Est-il une
ngation, une modification ou un prolongement de la mission ?
Ce premier document comprend trois parties : Mission ; Le dialogue ; Dialogue et
Mission. Il conoit la mission vanglisatrice de l’Eglise dans un sens global et dynamique. Le
dialogue en constitue un aspect et une activit avec des configurations et des caract€res
propres. Il n’y a ni sparation ni opposition entre dialogue et mission, mais une distinction qui
se situe . l’intrieur de la mission m.me pour qu’elle s’accomplisse en des voies et des formes
multiples. Ce ne sont pas deux ralits indpendantes, alternatives ou simplement juxtaposes,
mais profondment enlaces. Elles ont un fondement commun dans le myst€re trinitaire et dans
leur finalit gnrale qui est l’dification du Royaume [Dialogue et mission 11]
Se fondant sur une exprience de vingt ans, depuis l’Encyclique Ecclesiam suam, le
secrtariat a tent, pour guider les pasteurs, de mettre en vidence les . formes-mod€les . de
l’exercice du dialogue vcu soit sparment, soit ensemble. Elles sont au nombre de quatre : le
dialogue de vie, le dialogue des oeuvres, le dialogue des changes thologiques, le dialogue de
l’exprience religieuses. [N.28-35] Cette classification sera reprise par le pape Jean-Paul II
dans l’encyclique Redemptoris missio du 07 /12/1990 au n.57 et par le second document
. guide . publi le 19 mai 1991.
Le deuxi€me document, Dialogue et annonce, sign conjointement par deux dicast€res
dont les attitudes et les stratgies semblent parfois opposes, est publi 25 ans apr€s la
dclaration Nostra Aetate.
En effet, malgr tout l’effort de traiter les questions du dialogue et de la mission apr€s
une exprience de vingt ans [Ecclesiam suam], Dialogue et mission a laiss certains points non
142
clarifis, notamment l’identit et les rapports entre les divers lments de la mission ; quelques
gros probl.mes, comme la thologie du salut et des religions… Cette situation a ncessit
d’autres instances de rflexion dont les deux dicast.res qui ont sign Dialogue et annonce.
Le document contient, comme son titre l’indique, . des rflexions et des orientations
sur le dialogue interreligieux et l’annonce de l’Evangile de Jsus-Christ .. C’est son double but
qui est clairement nonc : Stimuler le dialogue interreligieux tout en raffirmant le devoir de
l’Eglise d’annoncer Jsus-Christ au monde.
La problmatique de ce document est la suivante : Vingt cinq ans apr.s Nostra aetate,
le chemin de la Mission de l’Eglise dans le contexte actuel du dialogue, de l’inculturation, d’un
monde pluraliste est encore parsem d’emb.ches et d’obstacles internes et externes. Quels sont
l’identit et les rapports entre dialogue et annonce ? Sont-ils, l’un et l’autre, les lments de la
mission salvatrice de l’Eglise ?
. Dialogue et Annonce . raffirme que
Primo, dans la mission de l’Eglise, le dialogue est un "lment intgrant" [DA38], qui
a une motivation non seulement anthropologique mais surtout thologique, demande par la
fidlit de l’Eglise . l’initiative divine du salut. "Dialogue et Annonce" met l’accent sur
l’apport de l’un et l’autre dans l’ordre du salut : . c’est dans la pratique sinc.re de ce qui est
bon dans leurs traditions religieuses et en suivant les directives de leur conscience, que les
membres des autres religions r.pondent positivement . l’appel de Dieu et reoivent le salut
en J.sus Christ, m.me s’ils ne le reconnaissent pas comme leur Sauveur . [DA29]
Secundo, dans la mission de l’Eglise, l’annonce est proclame ncessaire,
irrempla.able, urgente [DA66] ; . Un devoir important et sacr. que l’Eglise ne peut
n.gliger . parce que . sans cet €l€ment central, les autres, tout en €tant par eux-m.mes des
formes authentiques de la mission, perdraient leur coh€sion et leur vitalit€ . [DA76]. Cela
implique sa priorit par rapport aux autres lments de la mission, sur un plan objectif et de
principe, et m.me, sinon toujours, au plan subjectif et dans les situations concr€tes : . Le
dialogue interreligieux et l’annonce, sans .tre sur le m.me plan, sont tous deux des €l€ments
authentiques de la mission €vang€lisatrice de l’Eglise. Tous les deux sont l€gitimes et
n€cessaires. Ils sont intimement li€s mais non interchangeables. Le vrai dialogue
143
interreligieux suppose de la part des chr.tiens le d.sir de faire dans l’esprit .vang.lique du
dialogue . [DA77]
144
En conclusion, nous dirons que l’volution du monde apr€s le concile Vatican II et
l’oeuvre du magist€re postconciliaire constitue un tremplin et un appui pour les rflexions
thologiques plus approfondies et nourries au sujet de l’inculturation du message vanglique
dans un monde de plus en plus pluraliste et qui dans la situation actuelle devient, comme on dit
aujourd’hui "un grand village".
Cependant, l’analyse des documents du magist€re postconciliaire montre, que le chemin
du dialogue interreligieux dans le cadre de la mission, bien que dfini par des textes de
l’autorit de l'Eglise, a toujours encore des difficults . prendre son envol, tant au niveau
thorique que pratique. Des srieuses questions subsistent qui peuvent, si elles ne sont pas
soumises . des dbats thologiques ouverts, obscurcir le sens et la porte du dialogue quand
elles ne viennent pas les miner . la base.
Dans ce sens, Dominus Iesus aurait bien trouv sa place dans ce paragraphe. Nous
avons prfr en parler apr€s l’analyse des dbats thologiques dont nous allons faire une
synth€se dans les lignes qui suivent. Nous pensons que Dominus Iesus n’est mieux compris que
situ dans l’ventail d’opinions plus large que prsentent les rflexions thologiques actuelles.
III. 3. 4. L’.tat actuel des d.bats th.ologiques sur le pluralisme religieux
Depuis le concile Vatican II, les dbats sur la thologie des religions occupent l’avant-
sc.ne de la rflexion thologique. . La probl€matique du lendemain du concile, comme le dit
Claude Geffr, a elle-m.me €volu€. Elle d€bouche aujourd’hui sur la recherche du sens, sur
le plan divin, de la pluralit€ religieuse qui caract€rise le monde actuel et ne cessera de
marquer celui de demain…Des positions contrast€es, voire contradictoires, s’affrontent. La
th€ologie des religions devient une th€ologie du pluralisme religieux, voire une th€ologie
interreligieuse .191 et m.me "intrareligieuse" pour certains thologiens.
Nous avons choisi, pour prsenter l’tat actuel de ces dbats, de faire le parcours avec
un certain nombre de thologiens, spcialistes des religions non-chrtiennes.
191 Claude GEFFRE, voir couverture de Jacques DUPUIS, Vers une th€ologie chr€tienne du pluralisme
religieux, ditions du Cerf, Paris, 1997
145
Il sera question notamment de Hans Kung192, Paul Knitter193, Raymond Panikkar194, A.Piers195,
Jacques Dupuis196, Monique Aebischer-Crettol197 et Joseph Ratzinger198.
Le choix de ces six thologiens est command d’une part, par leur libert de penser par
rapport aux limites classiques du magist€re de l’Eglise, et d’autre part pour leur exprience de
l’inculturation du christianisme dans un monde culturellement non-chrtien. Cette exprience
nous intresse pour la lumi€re qu’elle peut apporter . la situation qui est la n.tre o. nous
avons . rflchir sur les possibilits d’un dialogue oecumnique et interreligieux quilibr et
profondment enracin dans la culture afro-chrtienne du Congo d’aujourd’hui.
III. 3. 4. 1. Hans K.NG199
Parler du dbat autour de la question du dialogue entre les religions suppose qu’on ait
lev au pralable, toute quivoque sur le concept m.me de "religion". C’est ce que nous allons
pouvoir faire avec Hans K.ng avant de prsenter les positions des diffrents thologiens et
spcialistes des religions
192 Voir notamment sa position dans Concilium 203 (fvrier 1986) . Le Christianisme parmi les religions du
monde . . Voir aussi dans J. NEUNER (d.), “Christian Revelation and wold Religions” :. The wold
Religions in God’s Plan of Salvaion ., pp. 25-37 ; et dans L.SWIDELER(d.), “Toward a Universal Theology
of Religions” : “What is True Religion?, Towards an Ecumenical Criteriology” pp. 230-250
193 Voir sa position dans Concilium 203 (fvrier 1986) . Le Christianisme parmi les religions du
monde .,article pp. 129-138 : . La th€ologie catholique des religions la crois€e des chemins .
194 Voir sa position dans . Le Dialogue intrareligieux, Paris, Aubier,1985 et dans . The Dialogical
Dialogue ., dans : WHALING(F), d. , . The world’s Religious Traditions ., Edimbourg, T. & T. Clark,
1984, pp. 201-221.
195 Voir sa position dans Concilium 173 (1982/3) pp. 107-115 : . Parler du fils de Dieu dans les cultures non
chr€tiennes ., dans SCHILLEBEECKX (E) et METZ (J.-B.), d. , . J€sus est-il le Fils de Dieu ? ., ; dans
. The Buddha and the Christ : Mediators of Liberation ., dans HICK (J ;) et KNITTER (P.F.), d., . The Myth
of Christian Uniqueness : Toward a Pluralistic Theology of Religions ., Maryknoll, New York, Orbis Books,
1987, p. 162-177 , et dans . Probl.me de l’universalit€ et de l’inculturation au regard des sch.mes
th€ologiques ., dans : GEFFRE (Cl) et JEANROND (W), d., . Pourquoi la Th€ologie ? ., Concilium, n. 256
(1994/6), p. 95-106.
196 Voir sa position notamment dans Vers une th€ologie chr€tienne du pluralisme religieux, Cogitatio Fidei, les
ditions du Cerf, Paris, 1997.
197 Voir son ouvrage intitul Vers un oecumnisme interreligieux, Jalons pour une thologie chrtienne du
pluralisme religieux, Paris, Editions du Cerf, . Cogitatio fidei, 221 ., 2001
198 Voir Dominus Iesus. Sur l’unicit. et l’universalit. salvifique de J.sus-Christ et de l’Eglise, Dclaration de
la congrgation pour la Doctrine de la Foi, 5 septembre 2000. Texte fran.ais dans . La documentation
catholique ., n.2233, pp. 812-821.
199 Hans K.ng est n en 1928 . Sursee en Suisse. Depuis 1960 professeur de thologie fondamentale . la facult
de thologie catholique de l’universit de T.bingen ; depuis 1963, professeur de thologie dogmatique et
oecumnique et directeur de l’institut pour la recherche oecumnique ; depuis 1980, professeur de thologie
oecumnique , indpendant de la facult, et directeur de l’Institut pour la recherche oecumnique . l’universit
de T.bingen. Ses publications les plus importantes sont : La justification, Paris, 1965 ; Concile et Retour
l’unit€, Paris, 1961 ; Structures de l’Eglise, Paris, 1963 ; L’Eglise, Paris, 1968 ; Incarnation de Dieu, Paris,
146
Dans son introduction au cahier Concilium 203 consacr . l’Oecumnisme200, H. K.ng
pose une question fondamentale : "Qu’est-ce que la religion ?". En liminant quelques
arguments classiques et mdivaux, objectifs mais insuffisants, contre le mot "religio", H. K.ng
s’accorde avec Wilfred Cantwell Smith201, un des plus minents spcialistes actuels de la
science des religions, que . la religion est toujours l’affaire d’hommes vivants concrets qui –
bien qu’ils n’en soient souvent que peu conscients – sont concern.s au centre de leur
existence (et pas seulement avec leur intellect). Les hommes, ajoute-t-il, n’ont pas la religion,
ils sont religieux, et sous des formes tr.s diff.rentes .202.
Ceci voudrait dire que la religion pour H. K.ng, est d’abord une question du vcu
inscrit dans le coeur des hommes. Un vcu qui ne peut .tre clairement dfini comme on
dfinirait l’art. Elle est une question qui est toujours actuelle, et qui dtermine absolument la
vie quotidienne. Elle peut .tre vcue de fa.on plus traditionnelle, superficielle, passive, ou au
contraire d’une mani€re plus profondment ressentie, engage, dynamique. 203.
Cette difficult . dfinir clairement la religion est partage par certains sociologues qui
d’apr€s Bruno Duriez, disent qu’ils ne peuvent autrement dfinir la religion sinon d’appeler
"religion" ce que les gens disent .tre leur religion : . Je prends comme d€finition de la
religion, ce que les gens que je rencontre appellent religion .204 .
A ce propos, M. Daniel Dubuisson se demande, si l’ide m.me de "religion" est une
fille du christianisme, car son hgmonie est tellement grande pour l’Occident que la religion
est devenue une notion "constitutive" de la culture occidentale et du monde occidentalis.
Devons-nous dire au contraire que le christianisme est la forme occidentale de "la religion" ?
En parlant de la "religion" comme notion non universelle, la question serait de savoir d’o.
1973 ; Infaillibilit€ ? Une interpellation, Paris, 1971 ; Etre Chr€tien, Paris, 1978 ; Dieu existe-t-il ?, Paris,
1981 ; Vie ternelle, Paris, 1985…
200 . Le Christianisme parmi les religions du monde ., pp. 9-14
201 Voir son livre The Meaning and End of Religion (1962 ; nouvelle dition 1978)
202 Concilium 203, p. 10
203 . La religion est une vision croyante de la vie, consciente et inconsciente, une attitude de vie, une mani.re
de vivre. On peut l’appeler un mod.le fondamental individuel et social englobant les hommes et le monde, par
lequel l’homme (qui n’en a qu’une conscience partielle) voit et ressent tout, pense et sent, agit et souffre : un
syst.me de coordonn€es de fondement transcendant et effet immanent qui permet l’homme de s’orienter
intellectuellement, affectivement, existentiellement .p. 12
204 Voir Bruno Duriez, Notes de cours in€dits et d€bats sociologiques, DEA Sciences des religions et analyse
de phnom€nes interculturels, anne acadmique 1999/2000.l
147
viendrait-elle ? Serait-elle une ide inne dans l’homme ? Si elle est inne, c'est qu’il y aurait
quelque chose au-dessus qui mettrait cette ide dans l’homme. C’est dire alors que l’ide de la
religion surplomberait l’histoire ! On pourrait se demander aussi si l’occident aurait invent
l’ide de religion avec le christianisme, comme elle a invent les sciences humaines ! La preuve
en est qu’avant le deuxi€me si€cle, le mot "religion" n’existait pas avec l’acception qu’il a
aujourd’hui205
Partant de cette considration dfinitionnelle du Concept de "religion", H. K.ng clarifie
la problmatique de la thologie oecumnique des religions en quatre th€ses ou positions
fondamentales qu’il qualifie "d’insuffisantes". Il part d’une question principale : . existe-t-il
une voie th€ologiquement acceptable qui permette aux chr€tiens d’admettre la v€rit€ des
autres religions sans abandonner la v€rit€ de leur religion et par l leur identit€
propre ? .206
1. Aucune religion n’est vraie : position athe
2. Une seule religion est vraie : position absolutiste
3. Chaque religion est vraie : position relativiste
4. Une religion est la vraie et toutes les religions participent de sa vrit. : position
inclusive.
Nous allons essayer de le voir dans les dtails avec diffrents thologiens et spcialistes
des religions, dfenseurs de l’une ou l’autre de ces positions.
Pour Hans K.ng lui-m.me, le dbat et le dialogue qui s’en suit sont une occasion pour
les uns et les autres d’largir les horizons d’information et de comprhension. Ce qui permet
d’viter la mfiance et l’ignorance qui sont souvent sources des tensions religieuses qui
menacent la paix, la libert et la justice dans le monde.
205 D. DUBUISSON, ses hypoth€ses dans . L’Occident et la religion (Mythes science, idologie), Complexes,
Bruxelles, 1998.
206 Concilium 203, 1986, 151-159 ; , . Waht Is True Religion ? Towards an Ecumenical Criteriology ., dans :
L. SWIDLER (d.), Toward a Universal Theology of Religion, p. 231-250
148
III. 3. 4. 2. Paul KNITTER207
Dans No Other Name ?208, P.F. Knitter prsente une division des opinions en 4 mod.les
:
1. Le mod€le vanglique conservateur (une vraie religion)
2. Le mod€le protestant le plus rpandu aujourd’hui (tout salut vient du Christ)
3. Le mod€le ouvert catholique (diffrentes voies, le Christ seule norme)
4. Le mod€le thocentrique (diffrentes voies, avec Dieu comme centre).
Sa position dans le dbat est mieux explique et clarifie dans son article intitul "La
th€ologie Catholique des religions la Crois€e des chemins", o. il dveloppe de fa.on
synthtique, l’volution du dbat depuis le cinqui€me si€cle, "hors de l’Eglise point de salut",
jusqu’. nos jours.
La problmatique de cet article est de savoir o. m€nent tous ces chemins divergents et
polmiques. M€nent-ils . un renouveau de la vie et de la pratique chrtienne ou . une impasse
de l’volution ? Sans chercher . dpartager les diffrents mod€les, P.F. Knitter prconise une
thologie de la libration des religions.
Adoptant en partie les mod€les proposs par H.R. NIEBUHR (Christ and Culture)
pour la relation entre le Christ et la culture, l’auteur distingue quatre pistes de dbat : Le Christ
contre les religions ; Le Christ dans les religions ; Le Christ au-dessus des religions ; Le
Christ avec les religions.
La premi€re piste de rflexion regroupe les thologiens "intgristes": . Hors de l’Eglise
point de salut .. Ce mod€le, bien qu’ayant volu depuis le concile de Trente a cependant
laiss l’ide, chez certains thologiens, que la grce salvatrice reconnue en dehors des limites
de l’Eglise ne peut .tre oprationnelle sans susciter le dsir implicite, subconscient d’appartenir
207 Paul F. Knitter, missionnaire du Verbe divin, a fait ses tudes . l’universit Grgorienne . Rome et .
l’universit de Marbourg (R.F.A.) o. il a obtenu le doctorat en thologie. Il est actuellement professeur de
thologie . la Xavier University, . Cincinnati (Ohio). Il a publi Towards a Protestant Theology of Religions,
1974 ; No Other Name? A Critical Survey of Christian Attitudes Toward the Word Religions, Orbis Books,
1985 et divers articles sur le pluralisme religieux et le dialogue interreligieux.
208 , . No, Other Name ? A Critical survey of Christian Attitudes Toward the World Religions ., Maryknoll,
1985
149
. l’Eglise. Les membres des autres religions sont donc implicitement membres rels de l’Eglise
bien que membres invisibles.
La deuxi.me piste de rflexion regroupe les thologiens du second concile de Vatican,
notamment Karl Rahner pour qui . les autres chemins religieux sont ou peuvent .tre des voies
de salut... positivement inscrites dans le plan de Dieu .. Il faudra, cependant que ces chrtiens
implicites et anonymes qui sont encore sur d’autres chemins religieux, deviennent des chrtiens
explicites, pleinement ecclsiaux. Ceci veut dire que les autres religions n’ont aucune valeur en
elles-m.mes. Leur accomplissement est dans le Christianisme et l’Evangile, autrement dit, elles
ne sont qu’une prparation . l’vangile. Cette rflexion de Rahner est partage et avalise par
des thologiens comme E. Schillebeeckx, P. Rossano, A. Dulles, R. McBrien. Mais ils
n’emploient pas expressment sa thorie des chrtiens anonymes.
La troisi€me piste de rflexion regroupe un certain nombre de thologiens qui depuis
quelques dcennies pensent que le mod€le "Christ dans les religions" ne correspond pas .
l’exprience qu’ils ont eux-m.mes des autres croyants. Chaque religion est authentique . sa
mani€re. On ne devrait pas chercher . insrer, . tout prix, le Christ l. o. il n’est pas concevable
et compatible. Cela para.t .tre une offense que de "prdfinir" un bouddhiste comme chrtien
malgr lui. De m.me, chercher . dfinir comme chrtien ce qui n’est prsent que de mani€re
anonyme para.t .tre une grave violation. Les autres traditions religieuses peuvent et devront
.tre des voies de salut indpendantes. Si Dieu est Dieu, . Il peut avoir plus dire et plus
faire que ce qui a €t€ dit et fait par le Christ .. Cette fa.on de comprendre les choses devra
motiver les chrtiens . un peu d’humilit et d’gard pour les autres
Cependant, Jsus Christ, m.me n’ayant pas besoin d’.tre dans les religions pour les
rendre valides, . est tout de m.me encore au-dessus d’elles, comme la norme selon laquelle
est jug€e leur validit€ et en quoi elles trouvent leur accomplissement ..
Bien qu’ayant une validit indpendante, elle n’est que dficiente et inaccomplie. La
majorit des thologiens catholiques sont actuellement partisans de cette piste qui maintient le
Christ comme tant normativement au-dessus des religions, et non contre ou dans les religions.
Sous diffrentes formes on citera H. K.ng, H.R. Sclette, M. Hellwig, W. B.hlmann, A.
Camps, P. Schoonenberg.
150
La quatri€me piste est plut.t un "rond point", "un carrefour" ou "une croise des
chemins". Quelques thologiens prconisent avec succ€s un mod€le thologique qui ne voit le
Christ ni "contre", ni "dans", ni "au-dessus", mais la "main-dans-la-main" avec les autres
religions et en compagnie des autres figures religieuses. . Qu’avec le Christ et le
Christianisme, les autres religions aient leur validit€ propre, leur ind€pendance et leur place
au soleil .. Sous diffrentes formes et divers cadres thologiques, on citera Paul Knitter lui-
m.me, Maurier, Puthiadam, Thompson, Ruether, Pawlinkowski, Panikkar.
Pour ces thologiens, . Dieu a rellement parl€ en J€sus et ce message doit .tre
entendu par tous. Mais "r€ellement" ne veut pas dire "seulement"... Les chr€tiens peuvent
donc .tre attach€s totalement au Christ J€sus et en m.me temps pleinement ouverts au
message possible de Dieu dans les autres religions ..
Cette considration a conduit P.F. Knitter . prconiser, en fin de compte une th€ologie
de la lib€ration des religions.
III. 3. 4. 3. Raymond PANIKKAR
Faisant partie de la quatri€me piste, R. Panikkar prconise une interfertilisation entre
croyances en vue d’un profond enrichissement rciproque. C’est cela qu’il nomme
"syncrtisme". Au del. de cette problmatique de la "fertilisation mutuelle", Panikkar voque
une autre tape dans laquelle, transcendant l’identit doctrinale statique de leurs traditions
respectives, les partenaires du dialogue seront . m.me de contribuer mutuellement . une
autocomprhension plus profonde. Pour lui, chaque croyant, tout en gardant intgralement sa
propre croyance, devra nanmoins faire un effort pour entrer dans l’exprience de l’autre sans
s’y perdre. Faire un effort pour comprendre l’exprience de l’autre de l’intrieur. Effort
d’atteindre au-del. des concepts, l’exprience elle-m.me. C’est cet effort
d’intercomprhension que Panikkar appelle "dialogue intrareligieux", absolument ncessaire
au dialogue interreligieux. C’est dire qu’il ne suffit pas d’avoir une simple connaissance de la
religion de l’autre, comme le prconise H. K.ng, mais qu’en plus de conna.tre, faire l’effort
d’entrer dans la peau de l’autre, de marcher dans ses souliers, de voir le monde, comme l’autre
le voit, poser les questions de l’autre, pntrer dans le sens que l’autre a, d’.tre un hindou, un
musulman, un juif, un bouddhiste, ou quoi que ce soit.
151
III. 3. 4. 4. A. PIERS
Les analyses de A. PIERS, un des promoteurs du dialogue interreligieux aboutissent .
la conclusion que les traditions chrtiennes et bouddhistes sont deux mod€les religieux non pas
contradictoires mais incomplets chacun en soi. Ils sont complmentaires et mutuellement
correctifs ; l’Agape du christianisme a besoin de la Gnose du bouddhisme pour .tre complet.
A. Piers pense, . l’instar de J.A. Robinson, que les diffrentes traditions religieuses
doivent .tre considres, les unes par rapport aux autres comme les "deux yeux" de la vrit et
de la ralit.
III. 3. 4. 5. Jacques DUPUIS 209
Le livre de Jacques Dupuis sur le pluralisme religieux, intitul . Vers une th€ologie
chr€tienne du pluralisme religieux . a t, . sa parution, contest par le Saint-Si€ge qui
trouvait ses positions dangereuses pour la foi chrtienne. Notamment du fait qu’il affirme de
mani€re tr€s positive que les autres religions peuvent .tre porteuses de salut. Pour la
Congrgation de la doctrine de la foi, cette affirmation para.t .tre contradictoire avec le sens
d’une vanglisation qui a pour objectif de faire de tous les hommes des "disciples du Christ",
selon le commandement explicite que Jsus a donn aux ap.tres et . leurs successeurs (Mt
XXVIII, 18-20). Si les autres traditions religieuses font dj. partie du R€gne de Dieu,
pourquoi devraient-elles .tre appeles . devenir disciples du Christ ?
209 Jacques Dupuis est missionnaire de la Compagnie de Jsus. Il y est entr en 1941 et a vcu en Inde de 1948
. 1984 ou il a enseign la Thologie pendant vingt-cinq ans. D’origine belge, il a beaucoup collabor, - dans la
tradition des jsuites de sa province-, aux travaux pour la rencontre du Christianisme avec l’hindouisme dans
l’Inde du Nord. Depuis 1984, il rsidait . l’Universit grgorienne de Rome o. il tait professeur de la facult
de thologie. Terrass par une hmorragie crbrale, il est dcd le 28 dcembre 2004.
152
III. 3. 4. 5. 1. Aper.u global du livre de Jacques Dupuis
Ce livre sur le pluralisme religieux est divis en deux grandes parties de sept chapitres
chacune. La premi€re partie est "historique ou positive", la deuxi€me est "synthtique et
thmatique" comme il le dit lui-m.me210.
Il ne nous est pas si facile de rsumer en quelques lignes l’essentiel de la mati€re traite
dans cet ouvrage tr€s document. L. n’est pas notre objectif. Notre but est de souligner
quelques th€mes et ides marquants qui faciliteront la comprhension des chapitres qui nous
intressent.
La premi€re partie du livre (pp.45-306) intitule "un aper.u des approches chr€tiennes
des religions" dcrit d’abord l’orientation que les chrtiens donnent gnralement . leur lecture
de la Bible jusqu’. nos jours. Ensuite, dans un parcours historique slectif, l’auteur montre
comment on peut entrevoir positivement l’influence des religions paennes qui y figurent.
En effet, partant de la conception des religions paennes dans la Bible jusqu’au dbat
actuel sur la thologie des religions, Jacques Dupuis. brosse l’histoire qui passe par les P.res
de l’Eglise, le concile de Trente, les papes du XIX€me si.cle, jusqu’aux grands thologiens de
Vatican I et Vatican II. Il prsente . travers cette histoire, une volution ascendante dans la
faon de comprendre les religions non-chrtiennes. Il fait comprendre qu’effectivement Vatican
II a chang le regard catholique sur les religions non-chrtiennes, mais sans qu’il (Vatican II)
prcise les raisons de ce changement et qu’il en mentionne les orientations. Il crit : . Les
anciens pr€jug€s et les jugements n€gatifs devaient .tre €limin€s [...] Le concile ne pouvait se
contenter - (et ne l’a pas fait) - de mentionner l’orientation des non-chr€tiens individuels vers
l’Eglise ; il lui fallait parler - (et il l’a fait de fa.on positive pour la premi.re fois dans
l’histoire conciliaire) - d’un rapport de l’Eglise avec les religions non chr€tiennes en tant que
telles .211.
210 Voir page 38
211 Ibidem, p. 243
153
Dans le chapitre sur "le d€bat actuel sur la th€ologie des religions", Jacques Dupuis
analyse les tudes des thologiens, surtout ceux du monde anglo-saxon insistant sur . Un
changement de paradigme . : de l’eccl.siocentrisme au christocentrisme.
D’autres qui dcouvrent l’importance historique des religions non-chrtiennes, sont
amens . relativiser le r.le du Christ dans le salut : Ils exigent d’abandonner non seulement une
thologie centre sur l’Eglise, mais aussi celle centre sur le Christ, pour passer . une thologie
centr€e sur Dieu : Le th€ocentrisme.
La seconde partie du livre (310-583) est intitule . Un Dieu, un Christ, des voies
convergentes .. L’auteur dmontre dans cette partie que l’Eglise Catholique peut bien .tre
ouverte . d’autres religions tout en restant fid.le . sa propre tradition. Il veut concilier
ensemble la th.se que "Dieu veut sauver tous les hommes" et "le Christ est le seul M€diateur
de ce salut universel".
Nous ne nous attarderons pas sur certaines autres ides ma.tresses de cette partie.
Cependant, nous voulons relever quelques th€mes des chapitres 4 et 6 pour une meilleure
comprhension du chapitre 7 qui nous intresse particuli€rement.
En effet, le quatri€me chapitre intitul "J€sus-Christ, un et universel" semble .tre au
centre du dbat. J.D. revient sur l’attitude des tenants du paradigme th€ocentrique pluraliste.
Le probl€me est que ces derniers mettent en question le r.le de Jsus, m.me pour les chrtiens
: Jsus serait pour eux . une figure salvatrice parmi d’autres .. J.D. quant . lui maintient le
r.le unique et universel de Jsus tout en acceptant une pluralit de "voies de salut" dans
l’unique plan de Dieu.
Dans le sixi€me chapitre intitul "Le R.gne de Dieu, les religions et l’Eglise", Jacques
.Dupuis. montre son ouverture au salut des autres qui ne passe pas forcment par l’institution
Eglise, bien qu’elle soit . le sacrement du Royaume .. Il crit :. Sa n.cessit. n’est pas telle
que l’acc.s au R.gne de Dieu ne soit possible qu’. travers elle ; les autres . peuvent faire
partie du Royaume de Dieu et du Christ sans .tre membres de l’Eglise et sans passer par sa
m.diation .212.
212 Ibidem, p. 537
154
En d’autres termes, Jacques Dupuis. dit que le Royaume de Dieu est plus grand que
l’Eglise. Il y a place pour tous, quel que soit le chemin qu’on a emprunt pour y arriver. Les
religions sont autant de chemins qui m.nent au m.me et unique Royaume de Dieu. Les Eglises-
Institutions sont certes ncessaires pour l’accomplissement du signe (sacrement), mais c’est le
Royaume de Dieu que Jsus annonce. Les exg.tes ne nous dirons pas le contraire, le terme
"Royaume de Dieu" est cit 74 fois dans les vangiles alors que "Eglise" n’est cite que 3 fois.
Si nous pouvions rsumer en trois points la problmatique de l’ouvrage de Jacques
Dupuis., nous dirions que pour l’auteur :
a. Dieu veut sauver tous les hommes. Le pluralisme religieux est voulu par ce Dieu
d’amour qui ne peut vouloir perdre un seul de ceux qu’Il a crs . son image. Le pluralisme
religieux est dans le plan de salut de Dieu.
b. Jsus-Christ, mise . part sa particularit historique, est Unique et Universel . la fois.
Il est "Constitutif" et "relationnel". Son r.le de mdiateur, m.me s’il y a pluralit de "voies de
salut" (autres religions), est . maintenir. Cette position permet de dpasser toutes les solutions,
inclusives (univers christocentrique) et exclusives (univers ecclsiocentrique), en m.me temps
que tout pluralisme qui nierait l’importance de J.sus (univers thocentrique).
c. Il y a une complmentarit des valeurs entre toutes les religions.
Ces prsupposs nous aident . mieux comprendre les enjeux du dbat actuel sur la
thologie des religions et sur le dialogue interreligieux, praxis et thologie.
III. 3. 4. 5. 2. "Le d€bat actuel sur la th€ologie des religions" pp. 227-306
Jacques Dupuis commence ce chapitre par prciser la terminologique usuelle dans les
dbats.
a. Le terme "paradigme" qui est la cl de comprhension est employ
"intentionnellement" en opposition . "mod.le". Les "mod€les" sont descriptifs. Ils ne
s’excluent pas rciproquement mais se compl€tent. Par contre, les "paradigmes" sont des
155
principes ou des cls de comprhension et d’interprtation de la ralit. Ils s’opposent entre
eux et s’excluent mutuellement.
b. Il y a des termes frquemment utiliss pour distinguer Jsus-Christ des autres figures
salvatrices, ou le christianisme des autres traditions religieuses. Il s’agit de "Singularit" et
"Unicit". Ils ont toujours eu deux sens distincts :
- chaque ralit religieuse peut .tre vue en elle-m.me comme unique et singuli€re
dans sa diffrence avec les autres. L’unicit exprime est donc relative.
- Dans le cas du christianisme ou de Jsus-Christ, ces termes prennent
habituellement une signification plus restreinte et se rf€rent . une "unicit exclusive" ou une
"unicit singuli€re".
Dans les dbats actuels, il y a des thologiens qui n’entendent plus faire ces
considrations. Ils donnent . "l’unicit-exclusive"de Jsus-Christ, un sens tout aussi relatif que
celui que prend chaque ralit religieuse.
c. Il en est de m.me pour les termes de "normativit" et "universalit". Jsus-Christ
pour certains thologiens aujourd’hui est seulement un mod€le idal normatif et non le point de
passage oblig pour tous. Universel peut se comprendre aussi de fa.on relative, comme ce qui
veille un intr.t partout ou bien comme ce qui revendique un monopole. Les termes
"centralit" et "finalit", comme tous les autres termes qui impliquent la primaut traditionnelle
du christianisme, donnent lieu au m.me relativisme dans les dbats actuels sur la thologie des
religions.
Apr€s toutes ces prcisions terminologiques, Jacques Dupuis. synthtise l’tat actuel du
dbat sur le pluralisme religieux en reprenant les classifications de Schineller, Knitter et Hans
K.ng.
Il y a en premier lieu, la classification de J.P. Schineller213 qui distingue 4 paradigmes :
1. Univers ecclsiocentrique : christologie exclusive
2. Univers christocentrique : christologie inclusive
3. Univers thocentrique : christologie normative
4. Univers thocentrique : christologie non normative
213 Voir J.P. SCHINELLER, . Christ and Church : A Spectrum of Views ., p. 545-566, JD, op.cit., p. 275
156
Il appara.t . travers cette synth€se que pour Jacques Dupuis, la mdiation universelle de
Jsus-Christ peut .tre relativise.
III. 3. 4. 5. 3. "Le dialogue interreligieux, praxis et th€ologie". pp. 543-582
Ce septi€me chapitre de la seconde partie du livre est divis en deux volets.
Dans le premier, l’auteur traite du dialogue comme vanglisation. Il passe d’abord en
revue les positions rcentes du magist€re de l’Eglise Catholique et laisse parler Redemptoris
missio et Dialogue et annonce214 pour eux-m.mes, tels qu’ils sont, sans une tude critique.
Ensuite, il traite de l’identit entre Mission et Dialogue. Il montre comment le dialogue fait
partie intgrante de la mission. Il termine ce volet en traitant du dialogue interreligieux et de la
praxis de libration.
Dans le second volet, il traite de la th€ologie du dialogue o. il montre que . les fruits
et les d€fis dans le dialogue interreligieux vont de pair ..
Jacques Dupuis part du prsuppos que les chrtiens et les membres des autres
traditions religieuses participent ensemble . la ralit du R€gne de Dieu. C’est l. qu’on trouve,
dans une perspective thologique chrtienne, le fondement le plus profond du dialogue
interreligieux. La perspective rgnocentrique favorise donc le dialogue interreligieux. L’Eglise
est elle-m.me tout enti€re au service de ce R€gne de Dieu, c’est-.-dire qu’il y a plus de place
dans le Royaume de Dieu qu’il n’y en a dans l’Eglise.
Toute la problmatique dans ce chapitre est de montrer, . l’instar des documents
"guide" du magist€re postconciliaire, que le dialogue interreligieux fait partie de la mission
vanglisatrice de l’Eglise.
III. 3. 4. 5. 4. Le dialogue interreligieux et la praxis de lib€ration
Jacques Dupuis confirme ici la ncessit d’unir dialogue interreligieux et praxis de la
libration humaine, comme l’avait soulign A. Piers dans le contexte du tiers monde, et
214 Voir pages prcdentes.
157
spcialement de l’Asie. Il approuve ensuite l’ide forte de Hans K.ng sur l’engagement
interreligieux pour la justice et la paix ; ide selon laquelle . la paix entre les religions ferait la
paix entre les nations. Le dialogue entre les religions est forc€ment tributaire des recherches
des fondements th€ologiques .215. Le crit.re pour tablir de telles valeurs est l’"humanum".
Avec P.F. Knitter, Jacques Dupuis est partisan du mod€le "sot€riologique", centr sur
une thologie de la libration des religions, en continuit et en remplacement partiel du
paradigme "th€ocentrique".
III. 3. 4. 5. 5. D€fis du dialogue interreligieux
Au sujet de dfis du dialogue interreligieux , J.D. s’appuie encore sur la position de
P.F. Knitter qui pense qu’une christologie "constitutive" et "inclusive" ne laisse pas place . un
authentique dialogue. Le dialogue exige qu’il y ait €galit€ entre les partenaires pour qu’il soit
sinc.re. Deux aspects sont ici . prendre en compte : Engagement et ouverture ; croyance
personnelle et exprience de l’autre.
- Engagement et ouverture : l’honn.tet et la sincrit du dialogue interreligieux
exigent qu’on ne mette pas entre parenth.ses sa propre croyance, et qu’on ne gomme pas les
diffrences. Chaque partenaire s’engage dans la puret de sa croyance et s’ouvre . la
diffrence de l’autre sans en exiger des concessions et surtout sans fondre dans le
"syncrtisme"ou l’"clectisme". Il ne faut pas non plus absolutiser ce qui est relatif. La
"plnitude" de la rvlation en Jsus-Christ, par exemple, n’est qualitativement absolue que
pour un chrtien. C’est-.-dire qu’elle n’a pas une extension ni une comprhension universelle,
mais elle a une forte intensit dans une culture particuli€re, relative : la culture occidentale. Elle
n’puise pas tout le myst€re du Divin. Elle ne nie pas non plus l’authentique rvlation divine
faite par l’intermdiaire des proph€tes des autres traditions religieuses.
- Croyance personnelle et exp.rience de l’autre : tout en gardant la puret de sa
croyance et son exprience personnelle, l’attitude digne et respectueuse pour des partenaires
du dialogue interreligieux serait que . chaque partenaire entre aussi dans l’exp.rience de
215 JD, p. 567
158
l’autre, en un effort pour comprendre cette exp.rience de l’int.rieur .. Chercher . atteindre,
au-del. des concepts, l’exprience elle-m.me. Ce que R. Panikkar216 appelle dialogue
intrareligieux, absolument ncessaire . l’interreligieux.
III. 3 .4 .5 .6 Les fruits du dialogue interreligieux
Quant . savoir quelles bases communes admettre, J.D. pense qu’il est difficile et m.me
impossible de le dire, car crit-il . chaque tradition religieuse, constitue un tout dont les
divers €l€ments ne peuvent .tre facilement isol€s .217.
Ce qui est certain et qui doit .tre pleinement reconnu c’est que la question de l’histoire
est pose par les chrtiens ; celle de l’intriorit est pose par d’autres, mais . l’origine, c’est le
m.me Dieu. Il est prfrable de souligner les diffrences et les contradictions que de prtendre
. une "thologie universelle" qui n’harmonisera jamais les communauts religieuses diverses.
Jacques Dupuis. pense en conclusion que les fruits du dialogue sont suspendus . deux branches
- L’agent principal du dialogue interreligieux tant l’Esprit de Dieu qui anime les
partenaires, c’est vers lui que chacun d’eux devra se tourner, pr.t . donner et . recevoir de
l’autre les rayons de la m.me Vrit que l’Esprit, qui est . l’oeuvre, diffuse en chacun.
- Les chrtiens, protagonistes principaux du dialogue, peuvent en tirer un double
avantage s’ils comprennent qu’il s’agit bien d’un dialogue et non d’un monologue et que la
"plnitude" de la rvlation en Jsus-Christ ne les dispense pas d’couter. Ils gagneront ainsi,
d’un c.t un enrichissement de leur foi grce . l’exprience et au tmoignage de l’autre et, de
l’autre c.t, une purification de leur foi.
III. 3. 4. 5. 7. Appr€ciation critique
Jacques Dupuis a le mrite indiscutable d’.tre un thologien . la pointe de l’actualit
sur le pluralisme religieux. Son option historique et sa prsentation font de son livre un manuel
indispensable . tout chercheur intress aux probl€mes du pluralisme religieux et du dialogue
216 Voir JD, p. 578
159
interreligieux. Cependant, il a des limites dues . sa dpendance . l’orthodoxie du magist€re218.
Ainsi les opinions pluralistes qui ne sont pas motives thologiquement sont parfois laisses de
c.t. Tout particuli€rement, le fait qu’il maintienne son postulat de la . m€diation universelle
du Christ qui est constitutive ., bloque quelques perces de rflexion non moins ngligeables
et le dialogue risque de buter toujours sur ce point crucial.
Cette "limite" de l’auteur nous laisse en suspens sur trois points :
Le premier concerne justement la mdiation . la fois constitutive et relationnelle du
Christ. Si nous l’avons bien compris, J.D. veut dire que toute l’humanit, qu’elle soit croyante
en Christ ou pas, est implique dans le salut que Dieu lui accorde . travers l’av€nement-
vnement historique de son Fils qui s’est fait Chair (mdiation constitutive), et que les
"rvlations" connues ailleurs ne sont pas sans relation avec le Christ (mdiation relationnelle).
En d’autres termes, il y a une certaine relation entre les religions non chrtiennes et
l’vnement historique du Christ.
De quelle nature est cette relation entre les religions non chrtiennes et le Christ ? Que
les autres "rvlations" (juda.sme ou Islam) aient quelques relations avec le Christianisme ou
avec la personne du Jsus de Nazareth, tout le monde l’admet.
Quant . la mdiation "constitutive" : Comment faire comprendre . un bouddhiste, . un
hindou ou . un vaudou-animiste qu’ils sont sauvs par le Christ, dans et par leur religion ? De
quelle nature est cette relation implicite entre le Christ-Jsus et un bouddhiste, un hindou ou un
animiste?
Le second point concerne la perspective r.gnocentrique. Si le Christ est celui . qui doit
r€gner (d’abord), jusqu’ ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds, afin que Dieu soit
tout en tous . 1 Co. 15, 25.28 :
217 Ibidem, p. 581
218 On s’en rend davantage compte en lisant en parall.le, Monique Aebischer-Crettol qui suit, . peu pr.s, le
m.me parcours, mais avec plus de recul et d’indpendance par rapport aux orientations classiques du Magist.re
postconciliaire. Voir son ouvrage intitul . Vers un oecumnisme interreligieux. Jalons pour une thologie
chrtienne du pluralisme religieux ., Paris, Cerf (Cogito fidei 221), 2001, 777p. ; Synth€se dans les pages qui
suivent.
160
- Faut-il comprendre que le dialogue interreligieux inaugure l’€re du passage du R€gne
du Christ au R€gne de Dieu ?
- Sinon, comment le chrtien pourra-t-il tablir un dialogue sinc€re et . galit avec les
autres partenaires du dialogue, tout en tant convaincu de cette vrit biblique que "Christ doit
rgner d’abord ?"
Le troisi€me point concerne l’ide de Hans K.ng que partage Jacques Dupuis au sujet
de l’engagement interreligieux pour la justice et la paix, ide selon laquelle la paix entre les
religions ferait la paix entre les nations. Sur quelles bases devra-t-on envisager le dialogue
interreligieux, qui est d’abord un probl€me de "croyance" pour qu’il ait des effets non
seulement socio-religieux, mais aussi et surtout gopolitiques ?
Nous pensons . notre sens, qu’il y a la part de choses qu’il faut nettement faire.
L’intolrance religieuse est certes pour beaucoup dans les conflits internationaux actuels. Mais
la guerre en Palestine, par exemple, n’est pas . l’origine une question du juda.sme contre
l’islam, mais une question de juifs (Isra.l) contre les arabes (Palestine). Question de territoire
et non de religion, d’abord. L’intolrance religieuse n’en est qu’une consquence ! Par contre
la situation est diffrente en Irland du nord, entre catholiques et protestants ou au Pakistan,
entre hindous et musulmans. C’est dire qu’il y a beaucoup d’autres param€tres . prendre en
compte. La paix entre les religions est l’un de ces param€tres, bien qu’elle puisse figurer parmi
les plus importants219.
Vu ces points d’ombre qui nous sont rests dans la t.te, nous pensons qu’un thologien
indpendant pourra nous donner une autre lumi€re sur un parcours parall€le . celui de Jacques
Dupuis.
219 Voir dans cette optique l’opinion de M.Aebischer-Crettol que nous partageons, op.cit. p. 154-164. . Les
religions, "boucs missaires" dans les conflits ? .
161
III. 3. 4. 6. Monique AEBISCHER-CRETTOL
Monique Aebischer-Cretol, suisse catholique marie avec un pasteur luthrien, a crit
Vers un oecumnisme interreligieux. Jalons pour une thologie chrtienne du pluralisme
religieux220. Elle revient sur les principales thories des thologiens engags dans les dbats
autour du pluralisme religieux, comme l’a fait J. Dupuis, mais avec une particularit que lui
inspire ce qu’elle vit elle-m.me au quotidien221.
Publi dans la collection Cogitatio Fidei comme celui de J.D., le livre de Monique
Aebischer-Crettol est prfac par Claude Geffr qui souligne la difficult du sujet qu’elle traite,
apr€s les rcentes polmiques en raction . la publication de la dclaration Dominus Iesus. Il
crit : . Il est en tout cas certainement injuste de soup.onner le relativisme des th€ologiens
qui tout en reconnaissant le caract.re complet et d€finitif de la r€v€lation dont J€sus est le
t€moin, soulignent en m.me temps qu’elle est limit€e dans la mesure o. elle n’€puise pas la
pl€nitude de la v€rit€ qui est Dieu. Refuser une telle limite serait ne plus prendre au s€rieux
la pleine humanit€ de J€sus et tomber dans une forme de doc€tisme […]. Qu’il s’agisse de
dialogue interconfessionnel ou dialogue interreligieux, la premi.re condition de tout dialogue
est de d€passer ses peurs et son autosuffisance pour .tre capable de reconna.tre la pluralit€
des dons de Dieu au-del des fonctions de la religion et de l’Eglise dont nous sommes, par
pure gr.ce, de modestes t€moins .222
Divis en quatre parties qui obissent . la mthodologie universitaire, le livre de M.
Aebischer-Crettol commence par l’tude des sources bibliques et de la tradition chrtienne
(R.v.lation et Tradition support d’un oecum.nisme interreligieux), et finit par des perspectives
de recherche o. elle vite des conclusions dogmatiques pour se placer dans une logique qui en
vient . prconiser une unit dans la diversit qui reste continuellement ouverte (Jalons pour
une th€ologie chr€tienne du pluralisme religieux).
220 M. Aebischer-Crettol, Vers un oecumnisme interreligieux, Jalons pour une thologie chrtiennes du
pluralisme religieux, Paris, Editions du Cerf, . Cogitation fidei, 221 ., 2001,
221 M.Aebischer- Crettol est tr€s active dans les groupes oecumniques, elle accompagne des personnes en
situation de dtresse, en Afrique, en Asie et m.me en Europe. Elle a tudi la thologie en Suisse tant . Berne
(Facult vanglique) qu’. Fribourg (Facult catholique).
222 Voir prface p. V et VI.
162
Entre les deux parties, M. Aebischer fait une tude des auteurs dont la contribution a
t parmi les plus importantes aujourd’hui. Il s’agit de : Ernest Troeltsch, Paul Tillich, W.
Cantwell Smith, auteurs anglophones et germanophones dont les ouvrages ne sont pas tous
traduits en fran.ais (Des explorateurs de nouveaux horizons). Elle prsente ensuite, dans la
troisi€me partie, les quatre grands mod€les de pense, comme nous avons essay de le
synthtiser dans les lignes qui prc€dent, avec J.D223. Mod€les qui prsident au travail de
dialogue interreligieux en rfrence aux rflexions thologiques confrontes . la situation cre
par la mondialisation o. les religions se rencontrent (Des mod.les dans le d€bat actuel).
Tout en restant plus pragmatique que thoricienne, M. Aebischer-Crettol franchit, dans
ses positions, les limites classiques du Magist€re postconciliaire, avec beaucoup plus
d’indpendance et de recul que ne l’a fait J. Dupuis. Elle appelle . s’ouvrir rsolument aux
grandes traditions religieuses du monde en se ressour.ant simultanment : aux textes
fondateurs (fondement biblique), . la tradition chrtienne, et . l’volution de la pense actuelle
(pluralisme de facto) [voir p. 113-206].
M. Aebischer-Crettol plaide pour une thologie chrtienne du pluralisme religieux
d’une christologie qui articule une comprhension adquate et actuelle de Jsus-Christ, une
christologie qui cherche . dnouer le dilemme entre absolutisme et relativisme religieux. Elle
cherche . rendre plausible, au sein d’un pluralisme de thologie correspondant au pluralisme
interconfessionnel, une thologie chrtienne qui accueille les religions comme autant de signes
de la prsence universelle de l’Esprit de Dieu. Elle tente dans son ouvrage, de mettre en
lumi€re les jalons pour l’laboration d’une telle thologie. Ces jalons sont donc ces rep€res
pratiques qui facilitent l’avance sur le chemin de l’oecumnisme interreligieux qui, d’apr€s elle,
est un parcours . vivre et non . lucider intellectuellement.
A dfaut d’un consensus sur la voie . suivre, M. Aebischer-Crettol fait ressortir un
horizon qui implique un dialogue o. les interlocuteurs demeurent vrais et ouverts sans
prjugs, pour une unit dans la diversit qui s’inspire de l’alliance cosmique comme valeur
permanente et du dialogue judo-chrtien comme valeur pragmatique. Elle crit : . En prenant
comme soubassement, d’une part, les propres ressources du christianisme, savoir son
fondement biblique, et d’autre part, la situation de pluralisme du monde actuel, j’ai en r€alit€
223 Voir notre point II.3.4.5.2.
163
compris ma t.che comme €tant de mettre en pr€sence l’€ventail des esquisses et des
perspectives christologiques en d€bat, et de souligner leurs vari€t€s et leurs points communs.
J’ai essay€ de d€couvrir et de faire ressortir, d€faut d’un consensus sur la voie suivre, qui
semble tr.s lointaine, un horizon que l’on pourrait apercevoir au loin, o. les deux grands
principes chr€tiens – la foi en Dieu sauveur universel et la foi en Christ sacrement du salut –
non seulement n’invalident ni ne contredisent, mais pourraient rencontrer les autres fois
religieuses de l’humanit€ .224
Termin avant la publication de Dominus Iesus, ce livre fait preuve de la dtermination
des thologiens, engags dans les dbats sur l’oecumnisme interreligieux, de poursuivre leur
chemin . la recherche des nouvelles voies du dialogue entre les religions225.
III. 3. 4. 7. Joseph RATZINGER, "Dominus Iesus".
Nous ne pourrons terminer cette section sur l’tat actuel du dbat sans faire allusion .
la dclaration de la Congrgation pour la doctrine de la Foi : "Dominus Iesus"226 .
Prsente le mardi 5 septembre 2000, cette dclaration a frustr au plus haut point les
partenaires du dialogue oecumnique et interreligieux. Elle a suscit beaucoup de ractions
chez les rforms ainsi que chez les catholiques eux-m.mes.
La dclaration du cardinal Joseph Ratzinger n’a que la valeur habituelle des documents
manant d’une congrgation, de facto approuvs par le Pape in forma communi. Tout en
rappelant les principes et les ouvertures de Vatican II, elle semble balayer les avances faites
par les commissions paritaires pour les dialogues, en maintenant fortement le principe de
l’unicit et l’universalit du myst€re salvifique de Jsus et l’unicit et l’unit de l’Eglise.
224 Ibidem, p. 740
225 L’ouvrage de M.Aebischer-Crettol bien que publi apr.s Dominus Iesus, ne prend pas en compte ce
document du magist€re romain. Claude Geffr en donne les raisons dans sa prface. Voir p. III-IV.
226 Joseph RATZINGER, . Dominus Iesus ., sur l’unicit et l’universalit salvifique de Jsus-Christ et de
l’Eglise, dans Documentation Catholique, n.2233, pp. 812-821. Texte original latin. Texte italien dans
l’Osservatore Romano du 6 septembre 2000.
(16) Ibidem, p. 818
164
Au sujet de l’unicit et unit de l’Eglise, il dit : . ... Tout comme il existe un seul
Christ, il n’y a qu’un seul Corps, une seule Epouse : une "seule et unique Eglise catholique et
apostolique" (...). Les promesses du Seigneur de ne jamais abandonner son Eglise et de la
guider par son Esprit impliquent, selon la foi catholique, que l’unicit€ et l’unit€, comme tout
ce qui appartient l’int€grit€ de l’Eglise, ne feront jamais d€faut .227.
Au sujet de l’Eglise et des religions face au salut, tout en encourageant les recherches
de la thologie pour approfondir les ides de Vatican II, J. Ratzingzer ne partage pas l’ide de
tous ceux qui consid.rent l’Eglise comme "un chemin de Salut parmi d’autres". Pour lui, les
autres religions ne peuvent .tre que "complmentaires", m.me s’il faut accepter qu’elles
convergent avec l’Eglise vers le Royaume eschatologique de Dieu. . S’il est vrai, €crit-il, que
les adeptes d’autres religions peuvent recevoir la gr.ce divine, il n’est pas moins certain
qu’objectivement ils se trouvent dans une situation de grave indigence par rapport ceux qui,
dans l’Eglise, ont la pl€nitude des moyens de salut .228.
En effet, pour mieux comprendre le sens et les objectifs de cette dclaration, il faut se
rfrer . toutes les positions des thologiens qui animent les dbats actuels sur le dialogue
interreligieux. Par rapport . la position de Paul Knitter, Raymond Panikkar, A. Piers, Hans
Kung ou Jacques Dupuis, Ratzinger vient, en quelque sorte, raffirmer la position classique de
l’Eglise catholique. Sa dclaration vise le relativisme et le mod€le pluraliste prconiss par
ces thologiens du dialogue interreligieux : Dieu sauverait tous les hommes dans et par les
diverses religions, ce qui rendrait inutile la mission de l’Eglise.
Cette perspective avait dj. fait l’objet d’une mise en garde envers ces thologiens du
dialogue interreligieux, notamment les thologiens indiens. Jacques Dupuis lui-m.me avait t
mis . la retraite pour avoir tent de donner une rponse . des questions nouvelles poses par le
dialogue interreligieux229. Les esprits avertis s’attendaient dj. . cette mise au point autorise
227 Idem
228 Idem
229 Jacques Dupuis sj, Vers une th€ologie chr€tienne du pluralisme religieux, Traduit de l’anglais par Olindo
Parachini, Paris, cerf, coll. . Cogitatio Fidei . 200, 1997 ;655p. D.s que ce livre est sorti, il tait violenmment
contest par le Saint-Si.ge. Le cours de christologie que ce thologien jsuite belge donne . l’universit
pontificale grgorienne de Rome tait suspendu et ses th.ses sur le pluralisme religieux mises en examen.(Voir
La Croix du 13 novembre 1998)
165
du magist€re catholique. Joseph Ratzinger rappelle donc avec force les vrits traditionnelles
qui sont les suivantes230 :
- La rvlation de Jsus-Christ est compl€te et dfinitive. Jsus, bien que n’ayant pu ni
voulu livrer un enseignement "dogmatique" complet, est dans notre histoire l’engagement
absolu et la vrit vivante de Dieu. L’intelligence humaine chouera toujours . cerner et .
penser le myst€re du Christ, mais il n’y a pas de complments objectifs . chercher ailleurs.
- L’unicit et l’universalit du myst€re du salut rsident dans le Christ.
- L’Eglise est le sacrement du salut de l’humanit. Dieu a voulu se lier . notre monde et
. notre histoire : il a voulu dpendre de l’homme Jsus et se soumettre . une action de proche
en proche, qui continue par la prdication et les sacrements.
La conclusion logique de la dclaration est qu’on ne peut pas mettre sur le m.me plan
la rvlation particuli€re judo-chrtienne et une rvlation gnrale prsente dans toutes les
religions. On ne peut pas, de ce fait, sparer l’action salvifique du Logos ternel et celle du
Verbe incarn. Cette conclusion vient fustiger la position des thologiens indiens, notamment
celle de Raymond Pannikkar que nous avons essay de synthtiser dans les pages prcdentes.
Dans le cadre des perspectives d’avenir qui nous concernent pour un dialogue
oecumnique et interreligieux quilibr au Congo, nous ne pouvons que recevoir avec
reconnaissance ces rappels et cette nouvelle mise au point du Cardinal Joseph Ratzinger. Bien
qu’inapproprie et malheureuse . plusieurs gards, elle nous oblige . rflchir un peu plus sur
ce . quoi nous nous engageons dans les mouvements de rveil oecumniques et interreligieux
qui pullulent actuellement au Congo.
Loin des intentions que certains lui pr.tent d’.tre oppos au dialogue, le cardinal
Joseph Ratzinger crit dans un de ses ouvrages231 ce qui suit : . Dans le dialogue
interreligieux, ce qu’il faut exiger c’est le respect de la loi de l’autre et la disponibilit€
230 Voir pour plus de dtails l’introduction du cardinal Eyt . l’dition franaise, Centurion-Cerf, pp. III-VIII ; et
les . Quelques €l€ments de r€flexion sur la D€claration Dominus Iesus . de Louis Derousseaux. (Inedit).
231 Joseph Ratzinger, L’Unique Alliance de Dieu et le pluralisme des religions, Paris, Editions du Cerf, 1999,
p. 93. [ Ce qui est en gras est soulign par nous].
166
rechercher, dans les €l€ments €trangers que je rencontre, une v€rit€ qui me concerne et qui
peut me corriger, me mener plus loin. Ce qu’il faut exiger, c’est d’tre prt . rechercher
dans les manifestations peut-tre d.concertantes, la r.alit. plus profonde qui se cache
derri.re elles. Ce qu’il faut exiger, c’est en outre d’.tre pr.t . faire .clater les .troitesses de
ma compr.hension de la v.rit., . mieux me mettre . l’.coute de ce qui est mon bien propre,
en comprenant l’autre et en me laissant mettre sur la voie du Dieu plus grand, dans la
certitude que je n’ai jamais en main la v.rit. sur Dieu et que, devant elle, je suis toujours un
apprenti, que marchant vers elle, je suis toujours un p.lerin dont le chemin ne prendra jamais
fin ..
La dclaration Dominus Iesus vient, dans ce sens, nous rappeler que l’enthousiasme des
ouvertures de Vatican II et l’engouement que provoquent les rencontres entre partenaires de
diffrentes religions ne doivent pas faire courir aux Eglises chrtiennes, le risque d’un
"syncrtisme", d’un "clectisme" et d’un "relativisme" trop spontans et non rflchis qui,
comme nous le verrons dans le chapitre qui suit, sont des drives du dialogue oecumnique et
interreligieux.
167
QUATRIEME CHAPITRE:
LES EGLISES DE REVEIL EN REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO, UNE QUESTION
OUVERTE DANS LA PROBLEMATIQUE DU
DIALOGUE OECUMENIQUE ET INTERRELIGIEUX.
168
€ Pour viter la guerre, il faut commencer par dfinir le sens des
mots . (Confucius, dans Dictionnaire des citations.)
169
Introduction
Parler du dialogue oecumnique et interreligieux aujourd’hui au Congo, au travers de la
situation des religions qui y coexistent, telles qu’elles sont dcrites dans la seconde partie de
notre travail, nous am.ne . limiter les aspects et les domaines de son application en rapport
avec son contour gnral dfini dans les documents officiels de l’Eglise Catholique.
Les religions au Congo ont une histoire qui les ram.ne toutes sur une plate forme
commune qu’est la culture africaine, elle-m.me insparable de ses religions traditionnelles.
L’inculturation qui est la plaque tournante du christianisme au Congo puise normment dans
le terroir des religions traditionnelles. L’islam a t introduit au Congo dans un mtissage
pareil . celui des Eglises afro-chrtiennes. Pendant toute la priode coloniale, il a figur parmi
les 47 sectes rpertories par le gouvernement colonial, au m.me titre que le kintwadisme, le
kimbanguisme, le ngunzisme, etc.
Une rcente tude mene par des spcialistes: sociologues, anthropologues, historiens
et thologiens, montre ce qu’on pourrait appeler le "nicodmisme" des croyants au Congo. Ils
passent indiffremment et facilement d’un culte . un autre, apr.s avoir accompli des rituels
traditionnels le matin de bonne heure chez le fticheur ou le marabout du coin. Allah ou Yahv
ne sont que les noms propres de Dieu, synonyme de Nzambi Mpungu (Dieu tout puissant).
Mundaya Baheta dans son intervention intitule "Des religions traditionnelles aux
sectes : une mutation" crit ceci : . De notre observation des sectes dans notre milieu de vie,
il nous semble que ces mouvements religieux se situent dans la dynamique des religions
traditionnelles qui ne sont pas encore totalement effac€es dans la conscience de l’africain
actuel qui continue, malgr€ sa christianisation, consulter un f€ticheur, un devin ou un
marabout pour obtenir un avantage quelconque dans sa vie. Les sectes semblent r€cup€rer et
restaurer la fonction de r€gulation et la force de vitalisation jadis assur€es par les religions
traditionnelles. En m.me temps elles d€passent et d€naturent ces religions quand elles
empruntent au christianisme des armes spirituelles dont elles usent dans la vie concr.te. .232
232 Mundaya Baheta, dans Sectes, cultures et soci€t€s, Actes du quatri€me Colloque International du C.E.R.A., numro
spcial, Vol. 27-28, n.53-56, Kinshasa 1994, p. 162-163 .
170
Cette fa.on de voir les choses est bien prsente dans la psychologie de beaucoup de
croyants africains. Les gagnants dans cette situation semblent .tre les Eglises de rveil dont
principalement : l’Eglise de la victoire de Fernando Kutino233, l’Eglise de l’arme de l’Eternel
de Sony Kafuti234, la Communaut de l’Eglise Spiritualiste du Congo, l’Eglise des Noirs en
Afrique (ENAF), l’Eglise Mai Mobikisi (Eglise l’eau salvatrice), l’Eglise de Jsus-Bima,
l’Eglise du Christ (Disciples de Jsus) et l’Eglise Spirituelle de Jsus par le proph.te Mose et
autres, Maman Olangi.
Une autre preuve de ce "nicodmisme" des croyants africains est ce qui se passe
aujourd’hui en plein coeur de l’Europe o. se prolonge cet engouement dans ce qu’on peut
appeler "Eglises de rveil de la diaspora". Depuis quelques dcennies, il y a de plus en plus de
jeunes Africains, notamment des Congolais de l’ex-Zare, qui dbarquent en France, . Paris.
Qu’ils soient chrtiens ou musulmans, ce n’est pas dans les glises, temples et
mosques de Paris qu’on les rencontre souvent, mais plut.t au 144 de l’avenue du Prsident
Wilson, entre le Stade de France et la porte de la Chapelle235. C’est l. que, confronts . la dure
233 Fernando KUTINO est le fondateur de l’une des Eglises de rveil de Kinshasa les plus cl€bres et les plus
riches,"Eglise de la Victoire" qui a pour si.ge, un grand hangar ferm par une porte noire o. l’on peut lire en
grand caract.re : . Miracle Center .. D’une quarantaine d’annes, il se fait appeler . Archibishop ., a des
allures top mod.le. Habill avec lgance, il porte des bagouzes, une gourmette en or, des chaussures en
crocodile, poss.de un tlphone portable chrom, dirige des studios de tlvision et de radio gr.ce auxquels il
fait des miracles en direct pour les tlspectateurs et auditeurs. Son bureau est celui d’un pdg, Apr.s avoir
purg une peine de six mois de prison pour avoir brl une page du Coran en public, l’Archibishop est
aujourd’hui en fuite ou en exil quelque part en Europe pour des actions politiques qui ne sont pas du got du
gouvernement en place . Kinshasa.
234 D’une quarantaine d’annes lui aussi, Sony KAFUTI est le grand rival de Kutino. Il dirige l’Eglise de
l’Arm.e de l’Eternel. Comme son rival, il exorcise et fait des miracles, sance tenante ou par la voie des ondes.
Il suffit . ses fervents adeptes, de toucher la tlvision pendant que Sony exorcise en direct pour .tre guris. (
Sic )
Plus proche du gouvernement en place . Kinshasa, il s’est vu nomm . Aumnier G€n€ral des Arm€es ..
235 Deux quotidiens franais s’en sont fait l’cho il y a 4 ans: - Le Monde du mercredi 3 janvier 2001 et
Lib€ration du mercredi 31 Janvier 2001.
*Dans Le Monde, l’article de Xavier Ternisien est intitul . Les Eglises afro-chrtiennes font de la France une
terre d’vanglisation .. L’diteur qui prsente cet article crit : . A la Plaine-Saint-Denis, entre la porte de la
Chapelle et le Stade de France, des anciens locaux industriels accueillent, chaque dimanche, une quinzaine de
cultes afro-chr€tiens. "JESUS SAUVEUR du monde", "Christ l’oeuvre ’ ’, "Nouvelle naissance". Ces Eglises
€vang€liques rencontrent un succ.s grandissant dans les communaut€s africaines et antillaises. Quelques
fid.les blancs commencent .tre s€duits. Si les Eglises d’institution africaine, n€es sur le continent noir, sont
des prolongements en France des cultes locaux, les Eglises d’ "expression" africaine, fond€es en France, ont
fait de l’Europe une terre d’€vang€lisation. Pour Ren€ Luneau, dominicain sp€cialiste de l’Afrique, " ces
Eglises sont un peu comme le miroir dans lequel l’Eglise Catholique prend conscience de ses insuffisances " .
*Xavier Ternisien dnombre cinq groupes importants qui rassemblent la plupart des croyants africains de la
rgion parisienne. Parmi eux, la CEAF (Communaut des Eglises africaines en France) qui compte 25 glises
reprsentant environ 3200 fid€les, des ex Za.rois, mais aussi des Ivoiriens et des Togolais’ et l’EJCSK, (l’Eglise
171
ralit, face . "l’eldorado" dont ils ont r.v, ils retrouvent les rep€res et la force de vivre,
comme rem€de . l’individualisme et . la raideur de la culture occidentale.
A Kinshasa, . Paris, . Londres ou . Bruxelles, le dialogue entre les religions
"congolaises" semble se faire, . sa mani€re, au sein des Eglises de rveil, pour la plupart afro-
chrtiennes !
Notre objectif n’est pas de faire une tude sur ce que sont les Eglises de rveil. Des
enqu.tes srieuses sur ce th€me ont dj. t faites et publies236. Suite . ces enqu.tes,
l’approche de ces Eglises a beaucoup volu dans le sens d’une bauche de dialogue entre les
communauts ecclsiales. Pour que cette bauche de dialogue prenne racine, nous pensons
qu’il est ncessaire de pousser la rflexion autour des facteurs susceptibles de fragiliser ou de
renforcer le dialogue entre les Eglises institues et les nouvelles communauts religieuses.
La problmatique de ce dernier chapitre est la suivante : quels sont les dsirs profonds,
dans la qu.te spirituelle de l’me africaine que les religions institues, c’est-.-dire d’origine
trang€re, n’arrivent pas . satisfaire ? Jusqu’o. peuvent aller les uns et les autres dans la
redfinition des termes clefs qui posent probl€me? Prenant en compte des connotations
pjoratives et les a priori qui am€nent parfois . biaiser les dmarches du dialogue, doit-on
continuer . mettre l’accent sur certains paradigmes absolutistes et inclusifs de l’Eglise
catholique ou opter plut.t pour un certain relativisme au travers des mod€les thocentriques et
sotriologique, dans la complmentarit des valeurs religieuses et culturelles ?
En cherchant . prenniser la conception du catholicisme comme "la" seule religion
.universelle., ne le place-t-on pas, face . la mondialisation, dans un dilemme existentiel ?237
de Jsus-Christ sur la terre par le proph€te Simon Kimbangu ) qui compte 12000 fid€les en France repartis dans
une dizaine de paroisses.
L’article paru dans Lib€ration, sign par Christophe AYAD montre bien l’inquitude de l’Eglise catholique qui
dcouvre ses insuffisances et se retrouve . la remorque de ces Eglises de rveil qui prosp.rent en R D Congo
sur la mis.re et la guerre.
236Voir la bibliographie en annexe 2 et 3.
237 Dans son article intitul . Questions notre Eglise ., Jean Vernette annexe une rflexion suivante de J.P. :
. Le christianisme, une Secte ? Il e.t €t€ inconcevable, nagu.re, qu’une telle question p.t .tre pos€e. La
baisse relativement importante de la pratique religieuse, la rar€faction des pr.tres, le d€sint€r.t des jeunes
g€n€rations l’€gard des enseignements de l’Eglise, conduisent certains esprits se demander si le
christianisme ne sera pas r€duit, demain, la dimension d’une secte ? Qui peut r€pondre une telle
question ? Elle offre du moins l’avantage de souligner la responsabilit€ des chr€tiens dans l’avenir de leur
172
Dans ce cas, quelle valeur et quel sens donner au terme syncrtisme?
Un dialogue quilibr et ouvert ne peut se faire que dans le respect des valeurs propres
et de la diffrence de chaque communaut. Or, ce qui caractrise les Eglises de rveil au
Congo est justement l’absence de la diffrence et des valeurs propres, c’est-.-dire le
"syncrtisme". Doit-on dsormais considrer le "syncrtisme" comme leur diffrence et donc
comme leur valeur propre ?
Dans l’actuelle situation des religions au Congo, et m.me dans la perspective de la
mondialisation, le "syncrtisme", ne s’impose-t-il pas comme la nouvelle voie du dialogue ?
Qu’est-ce, en fait, que "l’inculturation" qui est la plaque tournante de toutes les religions
aujourd’hui au Congo ?238
Nous faisons ce parcours en trois sections :
Dans la premi€re, nous cherchons . comprendre, grce aux tudes de Mirca Eliade, ce
qui pourrait .tre . la base de la qu.te spirituelle de l’me africaine, aux travers des attitudes
fondamentales et des caractristiques gnrales des principales religions du monde et en
particulier dans les mouvements de rveil qui, depuis la nuit des temps, ont toujours exist.239
Eglise. Qu’ils renoncent aux €l€ments essentiels de la foi – leur sp€cificit€ – au profit par exemple de
l’engagement politique, et le christianisme est menac€ de se pervertir en forces politiques rivales et de se
perdre parmi d’autres. Qu’ils y renoncent au profit d’un vaste oecum€nisme avec les grandes religions
porteuses de messages spirituels, et le christianisme est menac€ de syncr€tisme. Qu’ils se durcissent sur des
formulations de foi li€es une culture d€pass€e, sur des positions morales qui ne tiennent pas compte des
conditions r€elles des hommes, et le christianisme est condamn€ en effet devenir sinon une secte du moins un
ghetto. Il faut aujourd’hui beaucoup de lucidit€ pour .tre artisan de l’Eglise de demain . Voir dans 2000 ans
de christianisme, tome V, AUFADI- Paris 1976, p. 193
238 *S’il est vrai que la foi doit avoir le premier et dernier mot dans le dbat autour du dialogue oecumnique et
interreligieux, beaucoup de chercheurs pensent aujourd’hui que les serviteurs de ce dialogue se doivent de
prendre conscience, plus que jamais, des exigences culturelles et linguistiques ainsi que des implications
politiques et conomiques d’un tel dialogue pour que ses limites soient judicieuses (Voir Islamochristiana, 2,
1976, Liminaire, p. V).
*Le document du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux intitul . Dialogue et Annonce ., parle .
juste titre de la culture comme un contexte dans lequel le dialogue interreligieux semble urgent aujourd’hui :
. Le concept de culture est plus large que celui de religion. Selon une certaine conception, la religion
repr€sente la dimension transcendante de la culture et donc son .me . (Voir dans Questions Actuelles (revue),
"Le dialogue interreligieux", Numro 9, Sept.-Oct. 1999, n.45-46, p. 38)
239 H. Ch.CHERY dans les articles intituls : . les mouvements de r€veil, de r€formes en r€formes .et
. Syncr€tismes, gnosticismes et sectes orientales . crit : . Toute religion conna.t ce mal : la ferveur des
origines d€cro.t mesure qu’on s’€loigne[…] La tentation du syncr€tisme est vieille comme le monde, disons,
pour limiter notre propos, vieille comme le christianisme. De tout temps des hommes se sont lev€s, d€.us par
les d€fauts des Eglises chr€tiennes, conscients de la part de v€rit€ contenue dans toutes les religions : ils ont
proclam€ que le temps €tait venu de prendre en chacune ce qu’elle avait de meilleur et d’en cr€er ainsi une
nouvelle .. Voir 2000 ans de christianisme, op. cit., p. 175 et 186
173
Dans la deuxi€me section, nous tentons de dcrire les enjeux spirituels focaliss dans les
Eglises de rveil au Congo, leurs facteurs d’mergence, l’impact qu’elles ont dans
l’environnement social, conomique et politique et le dfi pastoral qu’elles posent aux religions
institues, interlocuteurs actuels et officiels du dialogue oecumnique et interreligieux.
Cette analyse nous permettra de faire, dans la troisi€me section, une apprciation sur les
perspectives d’avenir pour un dialogue quilibr, ouvert et exigeant, bas sur la
reconnaissance, le respect des valeurs et de la diffrence de chaque communaut religieuse.
Nos sources sont principalement nos enqu.tes menes sur le terrain et les travaux de fin
d’tudes, indits sur le th€me des Eglises de rveil. Nous nous appuyons sur les publications
des Facults Catholiques de Kinshasa, notamment le IV€me Colloque International du Centre
d’Etudes des Religions Africaines, CERA en sigle, et le XVII€me Sminaire Scientifique de la
facult d’Economie et de Dveloppement et sur "Le discours socio-politique de l’Eglise
catholique du Congo (1956-1998)"240.
240 *Actes du quatri€me Colloque International du C.E.R.A. en collaboration avec la Fdration Internationale des
Universits Catholiques (F.I.U.C.), Kinshasa 14-21 novembre 1992 : . Sectes, Cultures et Soci€t€s, Les enjeux
spirituels du temps prsent ., dans Cahiers des Religions Africaines, Numro spcial Vol. 27-28, n. 53-56, 1993-1994.
*Joseph Ntedika Konde et alii, Les nouveaux mouvements religieux : €vang€lisation et d€veloppement, Biblioth€que du
Centre d’Etudes des Religions Africaines 15, Facults Catholiques de Kinshasa, 1997
*L’Economie des Eglises de rveil et le dveloppement durable en R.D. Congo, Afrique et dveloppement 15, Facults
Catholiques de Kinshasa 2003
* Le discours socio-politique de l’Eglise catholique du Congo (1956-1998) : . Eglise et Soci€t€ ., Tome 1 :
Textes de la Confrence Episcopale. Textes rassembls et prsents par Lon de Saint Moulin s.j. et Roger
N’Ganzi o.p. ; dans Documents du Christianisme Africain 8, Facults Catholiques de Kinshasa, 1998.
*Pour les travaux de fin de cycle et fin d’tudes, voir la bibliographie.
174
IV. 1. Attitudes et Caract€ristiques fondamentales des principales religions.
IV. 1 .1. La religion et les religions
Dans sa dclaration sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrtiennes, le
concile oecumnique Vatican II prsente de la mani.re suivante la qu.te fondamentale de
l’humanit : . les hommes attendent des diverses religions la r€ponse aux €nigmes cach€es de
la condition humaine, qui, hier comme aujourd’hui, troublent profond€ment le coeur humain :
Qu’est-ce que l’homme ? Quels sont les sens et le but de la vie. […] Quelle est la voie pour
parvenir au vrai bonheur ? […] .241
En effet, jusqu’. une certaine poque, on dfinissait l’homme comme tant l’animal
raisonnable. La raison tant ce qui faisait principalement la diffrence entre l’homme et
l’animal. Avec le dveloppement des sciences humaines et suite aux nombreuses tudes
scientifiques qui sont faites sur les animaux, on s’accorde . ajouter l’pith.te "religieux" . la
dfinition de l’homme. On revient . l’vidence que l’homme est par nature homo religiosus.
Et la dfinition qui correspond aujourd’hui . l’homme est : . un animal rationnel et
insatiable de religiosit€ .. Religiosit tant entendue comme disposition pour les sentiments
religieux en dehors de toute religion particuli€re.
Cette vidence faisait dire . Andr Malraux, au beau milieu du 20€me si€cle : . Le 21.me
si.cle sera religieux ou ne sera pas .242 Cette prophtie paraissait utopique devant
l’effondrement de la foi et de la pit d. au mouvement de la scularisation et au
dveloppement des sciences exactes, avec leur technologie bouleversante. L’actualit semble
pourtant lui donner raison. Plus les techniques de pointe pn€trent les secrets de l’univers, plus
la religiosit s’accro.t243, plus aussi les religions se multiplient . travers le monde.244
241 Nostra Aetate .1, Vatican II : Les seize documents conciliaires. Ed. Fides, Montral,1967, p. 549-551
242 Andr Malraux, Les voix du silence, NRF, 1951, p. 167
243 Au sujet de la religiosit croissante, on peut lire une synth.se dans l’article de Henri TINCQ, dans Le
Monde du 03 mai 2002. intitul N€o-paganisme et id€es d’extr.me-droite : . L’Europe se d.christianise alors
que s’observe une mont.e des id.es de l’extr.me-droite. Mais si les valeurs religieuses s’effondrent, les
idol.tries de type pa.en, sorte de n.o-paganisme, fleurissent. Ce th.me de la "resacralisation pa.enne" de
l’Europe a, pour preuve, .t. expos. lors d’un synode d’.v.ques . Rome . la fin de 1999 …Selon la formule
consacr.e, une forme de r.enchantement du monde serait . l’oeuvre : astrologie, r.incarnation, pratiques
divinatoires… L’.branlement des certitudes anciennes fait le lit de l’irrationnel, d’une religiosit. d.connect.e
175
Parlant des religions autres que le christianisme, P. Teilhard de Chardin, contemporain
de Malraux, crivait : . Tout ce qui monte converge .. Tous les chemins qui montent finissent
par se rencontrer. Thodore Monod illustrait cette pense de Teilhard par un dessin dans
lequel, aux flancs d’une montagne dont le sommet tait cach par un nuage, divers sentiers
grimpaient suivant des pentes et des itinraires diffrents, mais l’on voyait bien qu’ils se
rejoignent au sommet, derri€re le nuage. Au travers de cette image de Monod et de la pense
de Teilhard de Chardin, on peut mieux comprendre le sens qu’on donne au terme "Religion" au
singulier par rapport . "religions" au pluriel. "Religion" comme idal commun ; "religions"
comme divers sentiers pour atteindre l’idal.
Ce sont ces sentiers divers qui convergent vers le sommet que nous appelons avec
Mircea Eliade attitudes fondamentales et caractristiques gnrales propres . chaque culture
face au dsir profond de l’me en qu.te du bonheur supr.me.
IV. 1. 2. Attitudes fondamentales et caract€ristiques g€n€rales des principales
religions du monde
Le propre d’une religion tant de relier l’homme . ce qui le dpasse, les adeptes de
n’importe quelle croyance au monde adoptent des attitudes et caractristiques tributaires de
l’environnement socio-culturel, gographique et historique dans lequel ils se trouvent.
des €glises, exploit€e par les sectes et forte connotation pa.enne. Dans ce n€o-paganisme, co-existent entre
autres une "mystique du chef" et un refus de tout m€tissage culturel et religieux .. Henri Tincq se demande si
une juxtaposition de facteurs comme l’effacement de la culture religieuse, "l’amnsie des valeurs morales" et
"la dchristianisation acclre de l’Europe" ne contribuent pas . la monte des ides d’extr.me-droite.
244 * Sur le site internet htt://www.unadfi.org/actualite/themes/ph_religieux.htm, Dossier : . Du nouveau chez
Dieu ., in Courrier International, Toby LESTER, 05.06.2002, On peut lire ce qui suit : . Mille religions en
concurrence : La th.se de la s€cularisation qui pr€conisait la fin du religieux a v€cu. Sans se tromper, on peut
pr€voir une €mergence accrue de nouvelles religions ou de . nouveaux mouvements religieux .. Il y aurait
ainsi 9900 religions distinctes sur la plan.te, un nombre qui augmente de deux ou trois nouvelles religions par
jour. L’auteur se lance dans des hypoth.ses improbables sur les €volutions des . nouveaux mouvements
religieux .. Ce qui est bien r€el, en revanche, est le basculement du . centre de gravit€ du monde chr€tien du
Nord au Sud o. les €glises ind€pendantes, les pentectistes et m.me les grands mouvements charismatiques
s’€tendent tr.s rapidement[…] La tendance aujourd’hui est dans le syncr.tisme.
* Dans Le Monde du 04 janvier 2000, Henri TINCQ crit : . Depuis Nietzsche et plus r€cemment,
philosophes, sociologues et politologues, pr€voyait la mort de Dieu et le d€senchantement de la soci€t€.
Malraux pour sa part €crivait en 1955, que . le probl.me capital de la fin de si.cle sera le probl.me
religieux. . Actuellement selon le sociologue Fr€d€ric Lenoir, c’est en terme de . d€composition . et de
. recomposition . que se pose la question des relations entre la modernit€ et le religieux. Le ph€nom.ne
religieux conna.t une mutation, se traduisant par le d€clin des croyances dogmatiques et normatives.
176
Les tudes faites par les sociologues et les historiens des religions rv€lent trois attitudes de foi
fondamentales245
IV.1.2.1. Attitude de . convocation .
La premi€re de ces attitudes est celle dite de "convocation". On y regroupe toutes les
religions qui font intervenir majoritairement la croyance en la possibilit de convoquer les dieux
par la force, pour rsoudre les probl€mes poss par une rupture de cohrence dans le syst€me
de fonctionnement du monde auquel se rf€rent les croyants. Par un recours . la magie ou .
d’autres formes de prestidigitation, l’homme cherche . s’accaparer des forces de la nature
auxquelles il accorde une me. C’est l’attitude des religions dites . animistes . en Afrique, en
Amrique, en Australie et m.me en Asie246 Les personnages clefs dans cet univers sont le
gurisseur, le mdium, le devin, le chaman, le pr.tre, le sorcier ou la sorci€re. Certains
chercheurs estiment qu’il y a quelques deux cents millions d’hommes aujourd’hui247. travers le
monde qui font encore partie de ces religions de convocation. Ceci ne veut pourtant pas dire
que les croyants des autres religions n’ont jamais recours . la magie.
IV.1.2.2. Attitude d’ invocation .
La deuxi€me attitude est celle dite d’"invocation". On y regroupe toutes les religions o.
le croyant fait intervenir la possibilit d’atteindre le bonheur par une asc€se et une purification
de tout ce qui l’enferme dans le fini. Le croyant, dans cette attitude, cherche des voies de
libration, de transmigration et de dlivrance mystiques. C’est l’attitude inverse de la magie.
Au lieu de tenter d’accaparer son dieu, le croyant tente au contraire de se purifier de tout ce
qui, dans le dsir, enfermerait l’homme sur lui m.me. On veut m.me en arriver . vaincre tout
dsir, et donc toute souffrance, pour se fondre en un dieu que l’on refuse de nommer car ce
serait encore le ramener . soi. Cette attitude de purification mystique peut parfois demander
plusieurs vies pour atteindre la perfection. Il y a dans cette attitude, le . refus du monde, la
r€alit€ €tant essentiellement spirituelle, et lib€ration de l’.me du cycle interminable de
naissances et renaissances auquel elle est assujettie dans ce monde .248 C’est l’attitude des
245 Voir notamment les tudes de Mirca Eliade, La ph€nom€nologie de la religion, Paris, Payot, 1948 ;
Langlet Myrtle, Le livre des religions, d. Brunnen Verlag , Ble, Brepols, 1994...
246 Pour l’Asie, le shinto japonais et les religions ancestrales chinoises font partie de cette attitude dite de
. convocation .. Religions spontanes d’origine immmoriale.
247 Voir Ren Girault et Jean Vernette, Croire en dialogue, Chr€tien devant les religions, les Eglises, les
sectes, Droguet-Ardant, Paris 1979, p. 27.
248 Myrtle Langley, Le livre des religions, d. Brunnen Verlag Ble, Brepols, 1994, p. 7.
177
religions orientales d’origine indienne : l’hindouisme, le bouddhisme et leurs ramifications.
Elles sont appeles religions d’invocation ou mystiques parce qu’elles mettent l’accent sur une
recherche de Dieu par l’homme, dans le cheminement intrieur de l’esprit humain.
IV. 1.2.3. Attitude d’ .vocation .
La troisi.me attitude est celle dite d’"vocation". On y regroupe les religions o. le
croyant fait intervenir la croyance en un Dieu qui intervient dans l’histoire et appelle l’homme .
un partage de responsabilit qui le fait quitter en partie ses cohrences naturelles pour entrer
dans une familiarit nouvelle avec Lui. Cette attitude consiste . voquer les souvenirs d’un
dieu qui s’est rvl aux hommes en se faisant leur partenaire, leur compagnon du chemin de
vie. Les croyants gardent en mmoire les hauts faits historiques de ce dieu qui manifeste
extrieurement sa volont par la parole du Proph.te. C’est l’attitude des religions d’origine
smitique, judasme, christianisme et islam o. la figure du proph.te charismatique est centrale,
non pas comme rfrence absolue, mais comme instrument par lequel Dieu rv.le sa volont.
La rvlation se fait dans l’histoire de ce monde et dans l’acceptation de la mati.re comme
essentiellement bonne. Le monde est bon mais pcheur. Il faut chercher sa rdemption et sa
transformation.
L’approfondissement fait par R.C. Zaehner249 montre d’une part que ces trois attitudes,
en apparence opposes, se trouvent . l’tat latent dans toutes les religions. Il y a dans le
christianisme qui est une religion d’origine smitique, des attitudes populaires magiques
relevant de la convocation, et chez certains sujets mystiques, des attitudes relevant de
l’invocation bien relles alors que le christianisme est une religion dont l’attitude dominante est
l’vocation.
D’autre part, du fait de l’universalisation, ou plut.t de la "mondialisation" actuelle des
religions, des croyants culturellement lis . une attitude donne se trouvent convertis . une
religion lie . une autre attitude. Il se produit tout naturellement en eux un effet de "rveil" de
l’attitude endormie en eux. C’est ce "rveil" de l’attitude rcessive qui pousse le croyant .
chercher son quilibre spirituel dans l’effort de l’inculturation au travers d’une synchronisation
des valeurs spirituelles et des rites cultuels.
249 R.C. Zaener, Inde, Isral, Islam ; religions mystiques et r€v€lation proph€tiques, DDB, 1965.
178
Cette recherche aboutit . ce qu’on appelle "syncrtisme", avec un sens qui prend de
plus en plus une nuance pjorative250.
Inculturation, synchronisation, harmonisation ou syncrtisme s’av€rent .tre des voies
obliges qui s’ouvrent au dialogue entre les religions de matrices diffrentes, pourvu cependant
que les penseurs de chacune de ces matrices sachent canaliser par un discernement persuasif et
par une lente prise de conscience, ce qui n’est pas possible de changer, ce qui l’est difficilement
et ce qui peut l’.tre sans aucun probl€me ; c’est-.-dire : ma.triser les drivs et les amalgames
trop faciles, dus souvent au z€le et . l’ignorance des fondateurs d’Eglises et . leur recherche
du prodigieux, l’essentiel tant de toujours se situer dans la vrit et en fidlit.
C’est . partir du moment o. cet effort de canalisation et de discernement persuasif est
fait dans l’incomprhension et avec un complexe de supriorit que les mouvements
syncrtiques de "rveil" aboutissent souvent . de nouvelles sparations, . de nouvelles
sectes251, bref, au rejet de ce qu’ils auraient d assimiler et incorporer de faon dfinitive s’il y
avait discernement, comprhension et canalisation.
250 De son tymologie, le mot . syncrtisme . vient du grec sugkr.tismos, . union des Crtois .. Il appara.t
chez le philosophe grec Plutarque (vers 50-120 apr. J-C.) pour montrer que les diffrents pouvoirs rgnant en
Cr€te parvenaient . s’unir contre des menaces trang€res . l’.le. Il fut adopt par le Hollandais Erasme (vers
1469-1536), le grand philosophe humaniste, pour appeler ces m.mes humanistes . se fdrer afin d’affronter la
svrit pr.ne par la Rforme protestante ne en 1517, et, du m.me coup, la raction de l’Eglise catholique,
qui se concrtisera par la Contre-Rforme, au concile de Trente (1545-1563). Le syncrtisme abandonna
ensuite sa signification pour devenir synonyme de la fusion de plusieurs croyances en une seule religion. Il
diff€re donc de l’oecumnisme, qui dsigne la runion de toutes les Eglises chrtiennes autour de leur foi
commune, universalit voulue par Jsus lui-m.me. Dans l’Antiquit, le syncrtisme fut en action, par exemple,
au sein de la religion grecque, qui se nourrit d’apports trangers, et de la religion romaine, qui s’en inspira tout
en assimilant aussi des dieux venus d’Orient. En revanche, si le juda.sme, le christianisme et l’islam ont repris
des lments . pa.ens . (terme chrtien) issus de leur longue histoire et de leurs traditions culturelles
anciennes, ils ne peuvent accepter l’irruption de toute autre foi… De m.me, le christianisme, en tant que
premi€re religion du monde, s’est tendu sur toute la plan€te. Ceci a eu pour consquence, en Afrique noire et
en Amrique du Sud, par exemple (notamment le Candombl du Brsil), la naissance de cultes syncrtiques
reprenant des traits ancestraux propres . chaque population concerne. (Voir Pierre CHAVOT, Le dictionnaire
de DIEU. Juda.sme, Christianisme, Islam, Editions de la Martini€re, Turin, 2003. )
251 Jean Delumeau crit : . L’irr.el du pass. est un temps qu’on ne conjugue que lorsqu’il est trop tard. Si
L.on X et Luther avaient connu l’avenir, auraient-ils l’un excommuni. le moine allemand, l’autre continu. le
combat contre Rome ? N’auraient-ils pas r.ussi . trouver un terrain d’entente ? . dans 2000 ans de
christianisme, op. cit., p. 5 . Un divorce d€solant ..
179
IV. 1. 3. Le processus d’"assimilation-rejet".
Le phnom€ne des nouveaux mouvements religieux au Congo, y compris les
circonstances dans lesquelles est ne, au sein de l’Eglise catholique, la thorie de
l’"inculturation" nous porte . trouver son explication profonde dans l’hypoth€se d’une
structure sociologique naturelle que Jacques Bernard appelle "assimilation-rejet"252, mais dans
un renversement de r.le.
En effet, bien qu’. l’origine l’hypoth€se du processus d’"assimilation-rejet" s’applique
aux immigrs, le probl€me de fond est plut.t, . notre avis, dans le rapport de forces. Dans le
cas des immigrs arrivs d’Egypte en terre cananenne ou de ceux qui aujourd’hui viennent du
tiers monde en terre fran.aise, les autochtones sont en position de force et imposent leur
culture et parfois leur religion . certains immigrs qui s’assimilent, puis sont rejets.
En revanche, dans le cas de la colonisation des pays de mission, c’est l’immigr
europen qui dbarque en position de force, et c’est l’autochtone qui doit s’assimiler . la
culture et . la religion de l’occupant qui l’oblige . rejeter sa propre culture et ses religions
traditionnelles, pour assimiler par la force, sa culture et sa religion. "La religion du plus fort
tant parfois la meilleure", le processus sociologique dans ce cas se fait en trois temps : le
premier temps est celui du rejet forc de sa religion, le second temps est celui de l’assimilation
de la religion de l’occupant et le troisi€me est ce que nous vivons aujourd’hui, le rejet de ce qui
252 Pour expliquer la catch€se sous-jacente au livre des Juges, concernant le regroupement et l’unification de
tribus d’Isra.l encore embryonnaires jusqu’. leur . crdo ., Jacques Bernard fait intervenir, en plus du syst€me
de gnalogie, l’hypoth€se d’ . assimilation-rejet . dont il vrifie le fonctionnement en France chez les
minorits d’immigrs. La structure fonctionne en sept temps : 1) apr€s un premier temps, durant lequel le
nouvel immigr fait l’impossible pour s’assimiler, vient un second temps, o. il se rend compte qu’il porte en lui
quelque chose d’irrductible. Ce quelque chose, li gnralement . une composante religieuse, lui interdit de
mener jusqu’au bout le processus d’assimilation. 2) Par ailleurs, les autochtones, voyant qu’il ne sera jamais de
leurs, peuvent prendre ses efforts d’assimilation pour un dsir de les supplanter. Il se produit alors, dans la
logique m.me du phnom€ne sociologique, un processus de rejet du nouveau venu. 3) Celui-ci, pour se
dfendre, peut faire appel . ses fr€res de race, ou . ceux qui partagent la m.me irrductibilit que lui. 4) La
prise de conscience du facteur d’irrductibilit qu’ils portent ensemble s’accro.t et prend progressivement la
force d’un . credo ..5) L’immigr passe alors insensiblement d’un sentiment de culpabilit d. au fait de son
incapacit . s’assimiler, . un sentiment de fiert, engendr par son . credo .. En corollaire, le dsir de
s’assimiler malgr tout est compris comme une transgression du . credo .. Ainsi na.t la conscience du pch
(de la trahison). 6) Des liens de fraternit se tissent . nouveau autour de ce . credo . renforc de m.me que les
mises en garde contre une trop grande assimilation se renforcent. Les deux allant de pair, car il faut des liens de
fraternit nouveaux pour pouvoir vivre une marginalisation plus grande. 7) Enfin les marginaux deviennent les
ma.tres de la situation et imputent . leur dieu le succ€s du processus d’autant plus facilement que le caract€re
180
a t assimil par la force pour retrouver son credo authentique ; un credo qui ne pourra plus
jamais .tre celui des origines, mais bien marqu des empreintes allog€nes.253.
Dans le cas du Congo, le "rejet" de la culture et de la religion de l’immigr europen
"assimiles" par imposition, s’est manifest tr€s t.t . travers les diffrents mouvements de
rsistance que le gouvernement colonial belge rprimait par la rclusion et l’emprisonnement
de certains leaders charismatiques. Ce fut le cas de tous les mouvements syncrtiques ns au
Congo belge entre 1921 et 1959 dont le kitawala, le ngunzisme, le kimbanguisme, le nzambi
wa malamba, le bwanga bwa nkuba, le mouvement wazungu watutsi, etc. 254.
Que ce soit pour les tribus semi-nomades d’Isra.l ou pour les tribus autochtones
d’Afrique, le rejet n’a jamais t une ngation totale de ce qui vient de l’extrieur. Le "credo"
d’Isra.l n’a jamais t constitu que du noyau pur et dur des tribus immigres. Il est un
mlange des valeurs spirituelles des tribus immigres et des valeurs temporelles et agraires des
cananens. C’est un "syncrtisme" primaire autour duquel chaque tribu fdre retrouve ses
propres valeurs enrichies de l’apport des valeurs extrieures.
L’inculturation au Congo qui est une thorie ne d’un dbat scientifique entre les
thologiens africains et leurs ma.tres occidentaux rpond dans une certaine mesure . ce
processus de "rejet-assimilation-rejet", notamment en son tape 5 : . L’immigr. passe alors
insensiblement d’un sentiment de culpabilit., d au fait de son incapacit. . s’assimiler, . un
sentiment de fiert., engendr. par son "credo". En corollaire, le d.sir de s’assimiler malgr.
tout est compris comme une transgression du "credo". Ainsi na.t la conscience du p.ch. ..
La conscience du pch, dans le cas de l’inculturation se manifeste dans la prise de
conscience unanime des thologiens africains de trahir leurs propres valeurs africaines en
assimilant compl€tement le christianisme sous sa forme occidentale. D’o. ce mot d’ordre qui
dfinit l’inculturation : . Chr€tien sans trahir l’Afrique, Africain sans nier le Christ ..
C’est aussi cela, . notre sens, la motivation profonde des Eglises de rveil au Congo ou
ailleurs : assimilation-rejet et syncr€tisme unificateur. On recherche ce qui a t une grande
irrductible qui l’a guid tait li . l’originalit de son culte. Les semi-nomades arrivs d’Egypte ont pu vivre
un processus similaire.(Voir Jacques BERNARD, La catch.se des adultes, IFAC, 1999.)
253 Voir aussi ce qui s’est pass en Inde, dans l’article de Jean DELUMEAU, L’offre et la demande dans
l’histoire chr.tienne, in 2000 ans de christianisme, op.cit., Tome X, pp. 243-247
181
assimilation et qui appara.t maintenant comme pch (trahison), en m.me temps que se tissent
de nouveaux liens de fraternit avec des congn€res d’autres rgions soumises par la m.me
force extrieure. Les nouveaux venus devant jouer la solidarit avec tous ceux qui disent
partager la m.me foi au Christ et les m.mes valeurs anthropologiques et culturelles.
Il appara.t clairement que ce processus sociologique d’assimilation-rejet permet de
comprendre les motivations des mouvements religieux, au Congo et ailleurs et tout
particuli€rement l’histoire des Eglises afro-chrtiennes, indpendantes et de rveil. La
conscience de la "trahison" fait partie des motivations profondes qui poussent les leaders
charismatiques . fonder ces Eglises dites de rveil, comme jadis, au sein m.me de la vieille
chrtient occidentale.
IV. 1. 4. Les mouvements de r.veil dans l’histoire des religions.
De prime abord, l’expression "mouvement de rveil" renvoie aux initiatives
"marginales" des chrtiens des Eglises rformes qui leur reprochent leur torpeur et leur
sclrose dans l’annonce de la Parole de Dieu. C’est dire que le terme "rveil" est peu courant
dans le catholicisme, m.me si en remontant l’histoire du christianisme en gnral, nous arrivons
. des ralits proches de ce qu’on entend aujourd’hui par "mouvement de rveil".
La raison pour laquelle ce terme est peu courant dans le catholicisme peut .tre
comprise en lisant Yves M.-J. Congar, "Vraie et fausse r.forme dans l’Eglise"255. Dans la
seconde partie de son livre, il parle de . Conditions d’un r.formisme sans schisme .. Dans
tout mouvement rformiste, voire dans tout ce qui reprsente un dpart, un dynamisme, il y a
une possibilit de bien ou de dviation. Une rforme sans dviation et sans schisme est lie .
quatre conditions : primaut de la charit et du pastoral ; rester dans la communion du tout ; la
patience, viter les mises en demeure ; un vrai renouvellement par un retour au principe et . la
tradition, non l’introduction d’une "nouveaut" par une adaptation mcanique. C’est le chemin
qu’ont suivi beaucoup de rformes catholiques qui, plut.t que de devenir des entits
indpendantes, ont aid l’Eglise . se reformer de l’intrieur.
254 Voir la liste exhaustive en annexe 4
255 Yves M.-J. Congar, Vraie et fausse r.forme dans l’Eglise, Editions du Cerf, Collection Unam Sanctam 20,
Paris, 1950, pp. 231-347.
182
Restant dans la ligne de Y.M-J. Congar, H. Ch. Chry, dans un article intitul Les
mouvements de r€veil, de r€formes en r€formes256 fait remonter le terme "rveil" plus loin dans
l’histoire des religions et pense que le phnom€ne qu’il dsigne est de tout temps et de toute
religion. . Toute religion, crit-il, conna.t ce mal: la ferveur des origines d€cro.t mesure
qu’on s’en €loigne. De temps en temps surgissent des hommes de foi qui se proposent d’
.€veiller. leurs fr.res. Certains le font en demeurant dans leur famille religieuse ; d’autres
en en cr.ant de nouvelles […] L’histoire d’Isra.l est faite tout enti.re des appels de Dieu .
un peuple .lu qui s’endort dans la facilit., dans l’erreur. Les proph.tes sont les premiers
pr.dicateurs de r.veil, envoy.s pour secouer les somnolents, les rappeler . leur vocation…..
La sociologue Dani€le Hervieu-Lger257 parle, elle, de deux modes de socialisation
religieuse qui bousculent et ont tendance, de tout temps, . succder aux religions
traditionnelles : . l’un plut.t soft, l’autre plut.t hard ..
A travers toute l’histoire du christianisme, le premier mode, plut.t "soft (souple)"
int€gre la priode qui va de l’appel au rveil qui constitue le leitmotiv de la prdication de
l’ap.tre Paul, premier "prdicateur de rveil" de l’Eglise chrtienne, jusqu’aux rseaux
charismatiques actuels, en passant par tous les "ordres apostoliques" en divers temps de
l’Eglise.
Tous ces mouvements, au dpart "marginaux", mais intgrs dans la douceur du
dialogue avec les p€res fondateurs ou les initiateurs, font la longue histoire des rveils dans le
catholicisme. . Il est remarquable, crit H.Ch. Chry, que la plupart des r€veils catholiques
ont abouti la cr€ation d’Ordres religieux, congr€gations, soci€t€s. Travaill€s par le m.me
d€sir de retrouver la puret€ des origines et de r€veiller les endormis, des chr€tiens
s’associent, forment un groupe de ferveur et d’€vang€lisation. C’est exactement le m.me
ph€nom.ne que nous observons dans le protestantisme. La diff€rence est que, chez les
catholiques, dans la plupart des cas, m.me quand le r€veil rencontre des obstacles et re.oit
256 Voir 2000 ans de Christianisme, Tome V, op.cit., pp. 175-180
257 Ne en 1947, Dani€le Hervieu-Lger est sociologue des religions. Elle est actuellement prsidente de l’Ecole
des Hautes Etudes en Sciences sociales, rdactrice en chef de la revue . Archives des Sciences Sociales des
Religions ., directrice du Centre d’Etudes Interdisciplinaires des faits religieux, 54 boulevard Raspail, 75006,
Paris. Voir sa rcente publication : Catholicisme, la fin d’un monde , Bayard culture, Paris, 2003.
183
des coups de la part des eccl.siastiques qu’il d.range, il n’y a pas s.paration de l’Eglise
m.re, qui finalement s’en trouve enrichie… . 258
Pour la sociologue Dani€le Hervieu-Lger, l’avenir du christianisme n’est plus dans des
croyances dogmatiques et normatives, il est plut.t dans le mode "soft" comme les rseaux
charismatiques, les communauts vangliques et pentec.tistes, les rassemblements comme les
J.M.J., les p€lerinages, etc.259
Jean Vernette dans "Question notre Eglise" fait remarquer que l’ensemble de rveil
religieux qui surgit dans ce dernier quart de si€cle trouve le plus souvent ses voies en dehors
des Eglises. . On note en effet une v€ritable prolif€ration de religions "sauvages"
parall.lement la d€saffection pour les religions "officielles". Beaucoup de jeunes en
particulier sont spontan€ment religieux sans la foi. Tout se passe comme si la dimension
"mystique" de l’homme occidental, qui trouvait depuis des si.cles son expansion privil€gi€e
au sein du christianisme, s’en dissociait peu peu .260.
Le second mode, plut.t "hard (tendance dure)", se fonde sur des besoins de certitudes
et de sens, de cohrence et de discipline dans un monde dstabilis. C’est ici que se situent les
sectes qui pour la plupart sont issues du protestantisme et qui ne s’ouvrent plus . aucun
dialogue.
H.C. Chry dit que . Dans le protestantisme, certes, le m.me mouvement n’a pas
toujours engendr. des sectes s.par.es de la confession o. il .clatait, mais ce fut souvent le
cas. Pour r.former, pour r.veiller une Eglise endormie, on alla au-del. de
l’approfondissement spirituel, au-del. d’une exhortation . la conversion ; on remit en
question les positions disciplinaires ou m.me les positions doctrinales. Et, une fois le r.veil
pass., on s’est retrouv. simplement avec une secte de plus, quelques coutumes originales,
l’attachement un peu .troit . un point particulier de la doctrine, une "d.nomination"
suppl.mentaire qui s’endort un jour comme les autres dans le souvenir de sa ferveur pass.e,
et, . son tour, a besoin d’un r.veil. .261
258 Henri-Ch. Chry, op. cit., p. 176.
259 D. Hervieu-Lgier, op.cit.
260 Voir 2000 ans de christianisme, op. cit. p. 193
261 H. C. Chry, Ibidem.
184
Entre la tendance souple et la tendance dure telles que filtres dans les mailles de
Dani€le Hervieu-Lger et H. Ch. Chvy, il y a, selon notre observation, une catgorie
intermdiaire : celle des Eglises et assembles qui n’ont pas compl€tement rejet les
communauts-m€res, mais qui s’panouissent dans un syncrtisme262 de juxtaposition, favoris
par la mondialisation des religions. Elles restent ouvertes au dialogue tout en maintenant
l’indpendance et la libert de crer leur chemin en s’inspirant de ce qui, dans les diffrentes
religions institues, rpond le mieux . leur qu.te spirituelle. Cette catgorie n’a rien . voir avec
la nbuleuse du type Nouvel Age : une religion . la carte o. Dieu serait absent, ou tout au
moins, o. il ne subsisterait qu’incognito.263
Sont plut.t . classer dans cette catgorie intermdiaire, au niveau international, les
religions comme le cao dai au Vietnam, le sikhisme en Inde et au Pakistan, le candombl du
Brsil, le vaudou d’Ha.ti-Bnin et d’autres encore.
Ne d’un message du Tr€s-Haut . Ng. Van Chi.u, dans la nuit de No.l 1925, le cao
dai ("le palais supr.me") est une religion syncrtique qui combine les enseignements du
confucianisme, du tao.sme, du bouddhisme tout en s’inspirant d’lments du juda.sme, du
christianisme et du gniisme (croyance aux gnies…). Elle se distingue par un symbolisme
labor, o. le yin et le yang, les cycles du karma et le spiritisme jouent chacun un r.le. Sa
structure institutionnelle est calque sur celle de l’Eglise catholique. Le caoda.sme compte plus
de deux millions de fid€les dans 50 pays. La plupart des fid€les sont regroups surtout au
Cambodge et au Vietnam, mais aussi en France et aux Etats-Unis264.
Le sikhisme en Inde et au Pakistan est une religion d’inspiration musulmane et hindoue,
ne dans un environnement politique et religieux perturb par une domination trang€re : les
armes turques dominent l’Inde depuis deux si€cles et y imposent la religion musulmane . c.t
de la religion hindoue. Avec son exprience de six si€cles, le sikhisme qui est aujourd’hui une
262 Syncr€tisme dans le sens o. le dfinit Xavier de SCHUTTER dans Les m€tamorphoses du divin : essai de
th€ographie, prface de Jacques Riffet, aux ditions Espace de Liberts, "La.cit", Bruxelles, 2002. . Le
syncrtisme est l’assimilation et l’identification des divinits les unes par rapport aux autres : Les divinits
s’empruntent mutuellement noms et attributs et finissent par se confondre ..
263 L’historien des religions Xavier de Schutter note . ce propos que dans la littrature New Age, Dieu n’est pas
peru . comme un .tre mtaphysique extrieur . l’homme… mais comme un tat . intrapsychique . qu’il
convient de raliser en soi . Idem. Un r.ve d’occident sous influence bouddhique.
264 Pour plus d’informations, lire Gerhard J. Bellinger, Encyclop€die des religions, prface de Pierre Chaunu,
de l’Institut, La Pochoth€que, Edition 2, Varese (Italie), 2001, pp. 131-133…
185
religion . part enti€re, "quatri€me religion monothiste", figure parmi les russites du
syncrtisme interreligieux avant la mondialisation265.
Dans la plupart des cas traits dans le cadre du syncrtisme africain, l’influence
religieuse et culturelle vient toujours d’ailleurs, d’Europe, d’Asie ou du monde arabe. Les cas
du syncrtisme des candombls brsiliens266 et des vaudous hatiens montrent qu’. son tour,
l’Afrique, par sa culture et ses croyances, a provoqu des mutations chez d’autres peuples du
monde.
Les candombls du Brsil appartiennent . divers peuples africains victimes de
l’esclavage. Dports en Amrique latine, ils ont perptu leurs traditions et religions
respectives. La fusion des ces cultures, traditions et religions diffrentes, d’origine africaine,
mais en dehors de l’Afrique, a donn naissance . une religion syncrtique afro-africaine au
Brsil appele macumba. Mais il se fait qu’avec la "mondialisation" actuelle des religions, le
"macumba" est en train d’.tre repens en termes chrtiens.
Paraphrasant Roger Bastide, le professeur Nange Kudita wa Sesemba crit : . Il y a
aujourd’hui, deux types d’influences : interne et externe. Le candombl€ n’ayant pas une
structure fixe, obligatoire, il subit des transformations de tout genre. Ainsi par exemple,
l’influence que le catholicisme peut avoir sur les membres du candombl€ est soit positive soit
n€gative. Mais il n’est pas surprenant d’entendre certains membres du candombl€ comparer
Oixa au saint, atteste R. Bastide. En r€alit€ le vrai changement qui s’op.re dans le
candombl€ doit s’expliquer partir de la fonction et du rle qu’il remplit ou joue dans la
soci€t€ afro-br€silienne. .267
Le Vaudou qui peut .tre considr comme un autre exemple dmonstratif du
syncrtisme afro-chrtien, c’est-.-dire runion d’une ou plusieurs croyances ou religions en
265 Pour plus d’informations, lire Louis FREDERIC, Dictionnaire de la Civilisation Indienne, Robert Laffont,
1987, pp. 1005-1006/sikh ; L.R. KRISHNA, Les Sikhs. Origine et d.veloppement de la communaut. jusqu’.
nos jours (th.se de doctorat), Paris, 1933 ; http:// www.remp-learning.org/french/docs/ppcd1287.htm.
266 Voir les tudes de Roger BASTIDE, notamment Les religions africaines au Br€sil. Vers une sociologie des
interpr€tations de civilisations, P.U.F., Paris, 1960 ; Le candombl€ de Bahia, Mouton, Paris,1958 ; et celles de
David SAINT-CLAIR, notamment Macumba. Enigmes et Myst.res du Br€sil. Ed. E.P. Deno.l, Paris, 1972.
267 Voir son article dans Cahiers des religions Africaines (1993-1994), p. 197-219 : . Les survivances
religieuses africaines dans les candombl€s br€siliens :le cas du candombl€ de Bahia .,p. 217.
186
une seule, est n en Hati par la fusion des religions africaines entre elles d’abord, et puis avec
le christianisme impos aux esclaves par leurs ma.tres268.
C’est, tout compte fait, dans cette catgorie intermdiaire entre la tendance souple et la
tendance dure que nous situons aussi les Eglises indpendantes du Congo telles que l’Eglise du
proph€te Simon Kimbangu, et certaines Eglises de rveil parmi les plus influentes ; plus
proches de la tendance souple parce que issues pour la plupart des communauts vangliques
et pentec.tistes. Sans doctrine prcise, elles versent dans le syncrtisme au sens de Xavier de
Schutter, en puisant l’essentiel de leurs rites dans les religions traditionnelles, dans le
christianisme et dans l’islam . travers le "maraboutage" pour satisfaire le "nicodmisme" des
croyants congolais.
Ceci explique mutatis mutandis, le fait que les Eglises institues ne dsemplissent pas,
bien que des foules immenses soient draines vers ces "Eglises de rveil", en vue semble-t-il
d’y dcouvrir une nouvelle religiosit, marque par la vitalit, l’actualit, les gurisons, les
miracles . la carte, la pastorale de proximit, bref des rponses aux multiples besoins socio-
religieux.
Les reconna.tre est, . notre avis, la premi€re condition pour ouvrir les possibilits
d’largir les limites du dialogue oecumnique et interreligieux au Congo. Contrairement . ce
que dit le professeur Flicien Lukoki Luyeye269, . travers quelques unes de ses expressions,
268 Pour Pierrot, op.cit. , Le vaudou n’est pas n . Hati (o. l’on crit vodou), mais en Afrique, o. il est toujours
vivant, prcisment au Dahomey, l’ancien royaume du Bnin, et au Togo…Cette religion, qui n’est pas de la
sorcellerie, comme on l’affirme trop souvent, se caractrise par les lwa, les esprits, invoqus lors de crmonies
impressionnantes, individuelles ou collectives. Ces lwa forment un vritable panthon, dont le sommet est
occup par le Grand Ma.tre…Chaque lwa est associ . un arbre, habite dans un dcor naturel (cimeti.re, grotte,
rivi.re…), poss.de sa couleur, son jour, ses offrandes favorites, son r.le spcifique, et un double catholique…
Un exemple qui illustre parfaitement le syncrtisme : Ezili ou Erzulie, lwa de l’amour, est f.te les mardis et
jeudis ; prsente comme une mul.tresse sduisante et lascive…associe . la Vierge Marie, elle est f.te le 16
juillet (f.te de Notre-Dame du Carmel dans la calendrier catholique) et le 26 juillet (jour de la Sainte-Anne, sa
m.re et bien sr celle de Marie).
269 Doyen de la facult d’Economie et Dveloppement, Facults Catholiques de Kinshasa. Voir son Avant-
Propos dans L’Economie des Eglises de r.veil et le d.veloppement durable en R.D.C., op.cit. pp5-8 et p. 159
*Cependant, en dehors de ces deux expressions que nous trouvons malencontreuses pour un colloque de cette
valeur auquel ont rpondu des dlgations des Eglises de rveil, nous sommes plein d’admiration pour
l’initiative combien louable du doyen, et pour la qualit scientifique des interventions. Nous aurions souhait
une expression comme . canaliser . qui irait mieux avec la pertinence de son intervention dont nous
partageons largement les rflexions sur les perspectives d’avenir pour une cohabitation entre les Eglises de
rveil et les Eglises traditionnelles en R.D.Congo. Monsieur le doyen a d. prsenter des excuses aux dlgus
de ces Eglises pour certains exc€s qui n’taient pas du genre . les encourager . rpondre . des invitations
futures.
187
nous pensons que les rflexions approfondies que nous avons . faire sur ce fait social et
religieux ne doivent pas, en priorit, .tre orientes vers la recherche des stratgies pour
"arr.ter d.s maintenant" cette "m€gabombe sociale".
Ce phnom€ne n’tant ni d’aujourd’hui270, ni exclusif . la situation actuelle du Congo,
nos tudes approfondies devront plut.t nous amener . fournir aux Eglises institues des
raisons d’avoir une politique d’ouverture . l’gard de ces mouvements, en leur proposant des
voies et mthode d’approche qui canaliseraient les drives actuelles, provoques par les chefs
charismatiques et pasteurs de ces Eglises qui rcup€rent . leur profit, les aspects essentiels
socio-culturels et conomiques que le christianisme officiel traite encore trop . la mani€re
occidentale. C’est l. que ces nouvelles spiritualits deviennent un dfi pour un christianisme
trop occidental dans un environnement culturel et cultuel africain.
Comme l’crivait Mgr Vernette en 1999, . Que l’on soit pour ou contre,
mondialisation oblige, il faut compter avec cette nouvelle spiritualit. si l’on veut comprendre
notre .poque .. Le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux oriente actuellement ses
directives dans le sens de cette ouverture dans l’exigence.271
Nous allons dans la section qui suit, prsenter cette situation et ses enjeux spirituels tels
qu’analyss par les experts locaux, au cours du Colloque et Sminaire Scientifique tenus aux
Facults Catholiques de Kinshasa, avec le soutien de la Fdration Internationale des
Universits Catholiques (F.I.U.C.) et celui du Conseil Pontifical pour le dialogue
interreligieux.272
* L’largissement des limites du dialogue oecumnique et interreligieux que nous prconisons dans notre th.se
passe justement aussi par ces genres de colloques scientifiques, o. toutes les composantes du monde religieux se
retrouvent dans le respect de la diffrence culturelle, cultuelle et intellectuelle.
270 Les mouvements syncrtiques au Congo-Za.re datent dj. de l’poque coloniale. Ils ont toujours t touffs
par la force rpressive sans jamais russir . les enrayer compl€tement. Voir pour plus de dtails, l’article de
Modio Zambwa Stanislas que nous reprenons en annexe 4.
271 En avril 1991, la cardinal Francis Arinze, alors prsident du Conseil pontifical pour le dialogue
interreligieux, dclarait : . On ne devait pas condamner les mouvements religieux sans discrimination. Les
catholiques devaient .tre toujours pr.ts identifier ou €tudier les €l€ments et les tendances qui sont en soi
bons et nobles. .
272 *Du 14 au 21 novembre 1992, aux Facults Catholiques de Kinshasa, quatri€me colloque International du
Centre d’Etudes des Religions Africaines. Th€me : Sectes, Cultures et Soci€t€s. Les enjeux spirituels du temps
pr€sent
*Du 8 au 11 mai 2002, aux Facults Catholiques de Kinshasa, XVII€me semaine scientifique de la facult
d’Economie et Dveloppement. Th€me : . L’.conomie des .glises de r.veil et le d.veloppement durable en
R.publique D.mocratique du Congo ..
188
IV. 2. Les Enjeux spirituels et les aspects actuels du dialogue oecum€nique et
interreligieux au Congo.
IV. 2. 1. Clivage des enjeux spirituels actuels et int€r.t de la hi€rarchie catholique
Il est un fait indniable que depuis plus d’une dcennie, les enjeux spirituels, actuels au
Congo-Kinshasa, sont focaliss dans les mouvements de rveil, sectes religieuses et autres
mouvements occultes qui naissent, se dveloppent de par le monde, et laissent perplexes les
socits politiques et les religions institues. Les lites et hommes politiques de haut niveau en
sont eux-m.mes parfois fondateurs, sinon parrains273.
La spiritualit populaire est sortie d’glises institutionnalises pour des assembles et
des cultes dans lesquels il n’y a ni dogme ni diffrence entre les religions. Seule compte, "la
relation avec une transcendance" capable de rsoudre les probl€mes des croyants. Que Dieu ait
un fils dnomm Jsus-Christ, "Messiya" par qui tout salut nous est procur, cela ne trouble
personne. Que Dieu ait envoy des proph€tes pour parler aux hommes : Mo.se, Mahomet ou
Kimbangu, cela va de soi. Bref, les enjeux de la spiritualit actuellement au Congo-Kinshasa
vont dans le sens du paradigme thocentrique et sotriologique o. toutes les religions se
valent.
La hirarchie des Eglises chrtiennes n’est pas reste indiffrente face . ce phnom€ne.
En 1988, une vaste enqu.te sur le terrain au sujet des sectes religieuses dans la ville de
Kinshasa avait t initie par le Centre d’Etudes des Religions Africaines (CERA) dont le but
tait d’entreprendre des recherches pour une connaissance scientifique des religions, croyances
et coutumes africaines traditionnelles et modernes.
Intress par le probl€me des perspectives d’avenir pour un dialogue interreligieux au
Congo, le Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux a soutenu les travaux du CERA en
encourageant les Facults Catholiques de Kinshasa . organiser un Colloque o. seraient
exposs les rsultats de l’enqu.te, tout en les confrontant aux travaux d’autres chercheurs
(sociologues, anthropologues, psychologues, historiens, etc.) intresss par le sujet, qui
viendraient de diffrents centres de recherche et universits du Congo.
189
Pendant une semaine, du 14 au 21 novembre 1992, les chercheurs et spcialistes des
questions religieuses se sont runis . Kinshasa pour exposer les rsultats de leurs recherches.
Aux yeux du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux (CPDI), cette tude est avant
tout, un document de base pour toute perspective d’avenir concernant le dialogue
interreligieux au Congo-Kinshasa.
Nous en prsentons le rsum dgag par le rapport gnral du Colloque274, avant
d’aborder quelques questions de fond concernant les enjeux spirituels.
IV. 2. 2. Les nouveaux mouvements religieux, €vang€lisation et d€veloppement.
IV. 2. 2. 1. Pr€sentation
La question fondamentale qui est . l’origine de la vaste enqu.te qui a prcd le
Colloque est de conna.tre les raisons profondes de la constitution de ces communauts et les
circonstances de leur gen.se. On voulait conna.tre, par ailleurs, les raisons du recours au
religieux pour fournir des rponses aux multiples besoins socio-conomiques.
En d’autres termes, les enqu.tes des chercheurs du CERA avaient comme objectif :
prciser les conditions d’mergence des sectes, leur enracinement, . Kinshasa et dans la culture
africaine, circonscrire leur impact sur la vie sociale et les possibilits d’un dialogue entre elles
et les grandes Eglises institutionnalises.
Pr.s d’une quarantaine d’interventions taient faites par des spcialistes des sciences
humaines et religieuses pour pouvoir cerner cette problmatique de base.275. Le professeur
Ntedika Konde synthtise toutes les interventions en huit rubriques qui ont t les points forts
sur lesquels ont converg les apports des diffrents intervenants. Nous retenons, pour ce qui
273 Voir l’ouvrage de Ndaywel, . Nziem, Isidore, La transition politique au Za.re et son proph.te Dominique
Sakombi Inongo. Kinshasa, les Editions de la Voie de Dieu, 1995.
274 Le rapport gnral du Colloque a t fait par le professeur Malembe-N’Sakila de l’Universit de
Lubumbashi. Il est repris dans Cahiers des religions africaines ( 1993-1994), op. cit. pp. 591-594. Le
professeur Ntedika Konde Joseph, directeur du Centre d’Etudes des Religions Africaines en fait ce qu’il a
intitul . Lecture et Considrations ., publi dans Les nouveaux Mouvements religieux : €vang€lisation et
d€veloppement. Op. cit. pp. 7-31
275 Voir la liste des textes des actes de ce Colloque, annexe 1.
190
nous intresse, cinq points : la terminologie, la classification, les causes, la thologie des
nouveaux mouvements religieux au Congo et les le.ons . en tirer.
IV. 2. 2. 2. La terminologie
Deux difficults ont t . l’origine des diffrents termes employs pour dsigner ce
phnom.ne religieux au Congo:
- Tellement perplexes, les observateurs ont eu du mal . trouver une terminologie qui
traduise exactement la richesse et la signification profonde de ces manifestations extrieures,
d’une vitalit intrieure aujourd’hui encore insuffisamment explore.
- Partant de l’tymologie du mot secte (saqui, sectari, secta, secari, secedere), plusieurs
orateurs ont d annoncer leur intention d’utiliser dans leurs exposs le terme secte au sens o.
chacun le dfinit par rapport aux phnom.nes et manifestations observs.
Ainsi donc, en dehors du terme "secte", les vocables qui ont t le plus souvent utiliss
par les orateurs, selon qu’ils sont thologiens, philosophes, sociologues, anthropologues ou
psychologues, sont : Eglises (Eglises indpendantes, Eglises nouvelles par opposition . Eglises
institutionnalises, Eglises tablies, Grandes Eglises…) ; Mouvements (nouveaux mouvements
religieux, mouvements revitalisants, messianiques, syncrtiques, prophtico-salvifiques,
prophtiques, eschatologiques, asctiques, millnaristes, non-conformistes, mystiques,
charismatiques, sotro-occultistes) ; Communaut€s (communauts religieuses, qui englobent
. la fois les sectes nouvelles et les Eglises tablies) ; Assembl€es (une des appellations que les
sectes prf€rent de nos jours) ; Cultes ( nouveaux cultes qui se distinguent des sectes
historiques d’Europe et d’Amrique) ; Associations, Soci€t€s, Groupes (pour dsigner les
sectes lucifriennes et sataniques) ; Nouvelles religions (pour dsigner les communauts
d’origine plus rcente que les grandes religions).
En rsum, les intervenants ont prconis l’abandon du terme pjoratif de secte, ou
ressenti comme tel, l’abandon aussi des adjectifs ngatifs et mprisants tels que : mouvement
anti-chrtien, syncrtiste, exalt, nativiste, no-pa.en, sectaire, sparatiste, dissident, magico-
religieux. Avec le mouvement oecumnique promu par le concile Vatican II, on a mis ou remis
en honneur des termes tels que : nouveaux mouvements, mouvements prophtiques,
communauts, nouveaux groupes religieux…
191
Le raisonnement qui est . la base de l’abandon de ces termes est : . ce qui distingue
une Eglise d’une secte n’est certes pas le dogmatisme de celle-l et le syncr€tisme de celle-ci.
La raison en est que pour peu qu’on y r€fl€chisse, aucune communaut€ religieuse n’€chappe
au syncr€tisme, dans la mesure o. l’originalit€ et l’authenticit€ totales des croyances, des
usages, des rites, des paroles, des signes, et des symboles, qui sont compt€s aujourd’hui
parmi les €l€ments du patrimoine de telle Eglise, ne peuvent .tre d€montr€s .276.
IV. 2. 2. 3. La classification
Comme pour la terminologie, la classification des "sectes" en Rpublique Dmocratique
du Congo, n’a pas fait l’unanimit des chercheurs. Nanmoins, en fonction de leurs traits
caractristiques et de leur attitude vis-.-vis du monde, elles ont t classes soit suivant leur
typologie, soit suivant des raisons pratiques et chronologiques277.
En gros, tous ces crit€res particuliers se sont retrouvs dans deux grandes catgories
qui nous paraissent intressantes pour la perspective d’ouverture des limites de l’oecumnisme :
La premi€re catgorie se rapporte aux nouvelles religions, plutt Soft, issues des
missions chrtiennes ou de l’initiative d’un proph€te-fondateur qui s’empare de la Bible pour
une libre interprtation des circonstances et des attentes des adeptes. Elle reprsente plusieurs
courants : pentec.tistes, prophtiques, messianiques, nativistes, etc. La plupart des sectes
chrtiennes africaines entrent dans cette catgorie.
Dans le second grand groupe, on classe les mouvements, plutt hard, qui proviennent
d’autres religions, surtout orientales (hindouisme, bouddhisme, tao.sme etc.) et de plusieurs
courants de pense philosophique ou mtaphysique. Ils se caractrisent par l’appropriation
d’une gnose, c’est-.-dire d’une connaissance spciale . tendance sotrique et mystique. Il y a
dans ce groupe : le mahikari, la rose-croix, le brahmanisme, la foi ba’hai, la mditation
transcendantale, l’Eglise de l’unification internationale de la conscience de Krishna, l’Eglise de
276 Voir dtails dans Ntedika Konde Joseph, Ibidem, p. 25
276 Ibidem, p. 13
277 Ibidem, p. 12-13
192
la scientologie, etc. Ce sont les "nouvelles sagesses", des "gnoses rnoves" . tendance litiste,
qui sduisent surtout les jeunes et les classes moyennes en qu.te d’utopies et d’un nouvel ordre
de chose278.
IV. 2. 2. 4. Les causes
Les causes principales de la prolifration des sectes au Congo ont trois origines :
l’intransigeance des missionnaires occidentaux dans l’implantation d’un christianisme universel,
au mpris des cultures et traditions locales279, l’implantation industrielle et urbaine, avec pour
effets l’exode rural, dstabilisateur des scurits existentielles280 et la situation de crise post
coloniale : crise personnelle, ecclsiale, conomique ou politique281. Ces situations de crise
rv€lent les besoins varis, les aspirations et les questions br.lantes qui rclament des rponses
concr€tes et appropries.
Les sectes exploitent avec opportunisme ces situations concr€tes que les Eglises
institutionnalises rel€guent souvent au second plan, parfois de fa.on trop systmatique.
IV. 2. 2. 5. La th€ologie dans les mouvements de r€veil au Congo
La thologie dans les mouvements de rveil au Congo se limite pratiquement . ce que
le chanoine Alfred Vanneste qualifiait d’.tapes inf.rieures ou niveaux secondaires282. Tout est
fonctionnel et motionnel, c’est-.-dire, pri€re, prdication, cantiques chants . tout rompre,
action thrapeutique et/ou thaumaturgie. Il n’y a pas de place pour une spculation abstraite ou
278 Ibidem, p. 13
279 Voir plus haut : II. 2 et II.3
280 Le m.me phnom.ne se rp.te dans l’exode "outre-mer". Les Eglises de rveil de la diaspora rpondent .
ces m.mes proccupations o. les "mikilistes (immigrs congolais)" dracins de leurs anciennes units sociales
et collectives, n’ont plus de point de rfrences, plus de ressorts communautaires sur lesquels ils s’taient
toujours appuys. Ils se retrouvent projets et obligs de tenir dans un monde nouveau qui ne leur prsente
aucun abri protecteur, aucun lieu o. ils peuvent se raccrocher . de nouveaux mod.les, aucun cadre pour trouver
des solutions aux multiples probl.mes que pose leur nouvelle situation. Ils se trouvent plongs tout . coup dans
un monde sans merci, sans concession, et qui exige des solutions urgentes et immdiates. Les adeptes des
nouveaux mouvements religieux, immigrs de l’Afrique vers l’Europe comme du village vers la ville, vivent
leur adhsion comme l’exprience d’une solidarit retrouve, comme la libration de leur personnalit
individuelle et comme l’clatement de leur isolment et de leurs limites, linguistiques, culturelles,
intellectuelles…
281 Voir plus haut : I.1 et I.2
282 Lors du dbat historique autour de la thologie africaine, A. Vanneste, protagoniste de la thologie
universelle disait que l’africanisation ne pouvait toucher de la thologie que les tapes infrieures, les niveaux
secondaires c’est-.-dire la catchtique, la pastorale, la morale, l’homilitique, etc.
193
une rflexion scientifique, critique et organise en un corps de doctrine. Le pasteur agit en
fonction du besoin immdiat des croyants283
Le compte rendu du Colloque scientifique du C.E.R.A. prsente quelques analyses
thologiques des lments principaux de la liturgie des sectes : notamment l’utilisation de la
Bible, la foi en la Sainte Trinit, Le Christ, l’Esprit-Saint et la morale.
En ce qui concerne l’utilisation de la Bible, les nombreuses rfrences sont faites sans
tenir compte de leur contexte. La dimension humaine et historique de cette parole de Dieu est
tr€s peu prise en compte. C’est dire que l’exg€se est une discipline qui ne trouve pas sa place
dans la thologie biblique des sectes. La Bible elle-m.me devient un objet "magique" qu’il
suffit d’avoir au chevet ou en poche pour avoir toute la protection contre les mauvais esprits,
contre les sorciers et contre les attaques de microbes. Il suffit de rpter . haute voix quelques
passages bibliques pour devenir invulnrable : . Au nom de J.sus… sans effet… ..(sic.)
A l’instar de beaucoup d’occidentaux qui, aujourd’hui, avant de sortir de chez eux ou
avant de prendre une dcision importante, consultent les astres, les voyants ou leur
horoscope…, les adeptes des mouvements de rveil au Congo ouvrent au hasard la Bible et
tombent sur n’importe quel verset qui leur prdit la journe. La Bible ne donne lieu . aucune
lecture scientifique, mais . une lecture essentiellement fondamentaliste et littrale. Bref, pour
ces Eglises, tout ce qui vient de la Bible est sacr, est Parole de Dieu, et peu importe
l’interprtation qu’ils en tirent. Cette parole est interprte d’apr€s les situations et le recours .
la Bible consiste souvent . chercher des passages adapts . la situation du requrant.
En ce qui concerne la foi en la Sainte Trinit, disons que la notion de "P€re" et de "Fils"
n’a fait que renforcer et confirmer la conception familiale et celle de la force vitale de la
cosmogonie "bantu"284 L’Etre est force, et la force se transmet de p.re en fils. La thorie de la
283 Pour mieux comprendre cette absence de spculation abstraite, voir plus haut, IV.1.2. : . Les attitudes
fondamentales des religions du monde : la convocation ., L. Senghor disait : . La raison est hell.ne, l’.motion
est n.gre . et Ntedika Konde Joseph crit : . Certaines sectes ont gard€, malgr€ la r€demption apport€e par le
Christ, une vue plus pessimiste des choses, celle d’un monde qui resterait domin€ par Satan et autres forces du
mal. Cette vision du monde appara.t manifestement dans leur acharnement pour arracher Dieu la gu€rison,
le salut et la d€livrance de l’.me et du corps et pour .tre d€livr€ du p€ch€, de la maladie, des soucis et Satan,
cet Esprit mauvais, cet Ennemi qui rde autour de nous et inspire la sorcellerie par son influence malfique et
malveillante. Cette hantise obsessionnelle de la pr€sence et de l’action satanique est pratiquement un oubli de
la victoire salvatrice du Christ . op. cit, p. 25
284 Voir le point II.1.3.3.
194
"Trinit" comme communion de force et d’amour entre le P.re et le Fils, par l’Esprit-Saint,
figure parmi les thories abstraites de la thologie occidentale qui passe sans probl.me dans la
vision du monde "bantu". A ce niveau, les mouvements prophtiques fondent leur vie sur la foi
en Dieu le P.re, Crateur du monde, la foi en Jsus-Christ notre Sauveur et en la puissance
(force) du Saint-Esprit.
Tous les mouvements de rveil et les autres Eglises afro-chrtiennes au Congo croient
fortement en la Sainte Trinit. L’Eglise kimbanguiste en arrive m.me . l’identification des 3 fils
du proph.te Simon Kimbangu, aux trois personnes de la sainte trinit. Ce qui fait qu’elle ne
soit plus reconnue, par l’Eglise catholique, comme une religion chrtienne.
C’est . la charni.re de la cosmogonie bantu et la thologie chrtienne occidentale que les
fid.les des Eglises prennent tr.s au srieux les consquences du dogme de la rdemption et du
salut apport par le Messie.
Ce qui rsulte de cette jonction cosmo-thologique, pour les croyants africains qui ont
une peur bleue de toute force du mal susceptible de diminuer la vie, est une double conviction :
. la victoire du Christ a mis en d€route, pour nous, toutes les forces du mal, et le Seigneur
nous a ainsi apport€ une joie sans limite et imprescriptible .285.
Quant . la morale, l’unanimit des enqu.tes sur le terrain a montr qu’en dpit de
l’esprit de haine, de dnigrement, de dissidence et d’agressivit qu’ils cultivent dans leurs
pri€res . l’gard de l’Eglise catholique, beaucoup de ces mouvements religieux, . l’instar de
l’Eglise kimbanguiste, suivent les dix commandements tels qu’ils sont contenus en Exode XX,
1-7, auxquels ils en ajoutent d’autres inspirs de la Bible ou de la tradition africaine, dont
l’obissance aux autorits (Romains XIII,1-13), l’amour mutuel et l’amour des ennemis
(Matthieu V, 43-45), l’abstention des boissons alcoolises, du tabac et surtout des drogues,
l’interdiction des danses, l’interdiction de nager ou de dormir nu, l’interdiction de se m.ler .
des litiges, l’abandon du culte des ftiches, le paiement des imp.ts, le renoncement . la
vengeance, la confession des pchs en prsence des membres de l’assemble dsigns pour
cela (en cas de scandale provoqu par un membre), l’abstention de viande de porc et de singe
et pour certaines communauts, l’obligation de la monogamie.
285 Voir Ntedika, ibidem
195
Au-del. de ces points forts, le bilan du colloque a t rsum autour de six points :
1. La propension, dans les sectes, . rechercher une pit intense, . engager les
membres dans l’effort de dveloppement en les amenant . l’assurer collectivement ; mais aussi
la tendance . retourner subtilement . la sorcellerie, au ftichisme, au charlatanisme et .
l’obscurantisme.
2. La ncessit d’tablir un dialogue entre les adeptes des dites sectes d’un c.t et les
fid€les des grandes Eglises et religions universelles de l’autre.
3. L’opportunit d’une redfinition du concept de secte et la ncessit de laisser
la question ouverte pour des recherches ultrieures.
4. Les conditions d’mergence des sectes dont notamment :
a. Les frustrations socio-culturelles lies aux effets d’une acculturation, d’une
industrialisation et d’une urbanisation rapides.
b. L’insatisfaction des aspirations religieuses dans la rencontre avec Dieu et dans la qu.te
de solutions adaptes aux probl€mes socio-existentiels.
c. La revendication plus grande des espaces de libert et de participation, au niveau des
fid€les.
5. La consistance de la r€alit€ secte en tant que lieu d’€changes entre la religion
chr€tienne et les traditions culturelles africaines, au niveau du culte, des sacrements, des
formulations doctrinales et de la cr€ation artistique.
6. L’impact de la pratique religieuse des sectes sur les diffrents paliers de la socit :
pouvoir, famille, milieu professionnel, environnement, etc.
196
IV. 2. 2. 6. Les le.ons tirer
IV. 2. 2. 6. 1. Au niveau des sectes
Au sujet des le.ons . tirer au niveau des sectes, le colloque a tenu . distinguer les
aspects positifs et les lments ngatifs.
Du c.t des aspects positifs, nous retenons qu’il existe au sein des sectes au Congo,
des innovations qui ne devront pas laisser les Eglises institues indiffrentes : la promotion de
la femme, l’autonomie, la solidarit, la proximit, l’effort de repenser la doctrine en mettant
plus en valeur la figure du Christ Sauveur, Rdempteur, Gurisseur, etc.
Du c.t des aspects ngatifs, nous retenons la forte propension vers des drives
d’intolrance et de refus de dialogue, recherche de gurisons illusoires et de solutions
immdiates aux probl€mes existentiels les plus divers.
IV. 2. 2. 6. 2. Pour les grandes communaut€s institutionnelles
Pour les diffrents spcialistes des sciences humaines et religieuses, il faudrait que les
Eglises chrtiennes et les communauts non chrtiennes institues fassent preuve d’humilit
pour s’approprier le meilleur de l’exprience positive des sectes. Elles devraient aussi
dvelopper davantage des attitudes de respect et de dialogue face aux sectes et aux nouveaux
mouvements religieux, philosophiques et para-religieux. Cette derni€re recommandation a
motiv, une dcennie plus tard, la facult d’Economie et Dveloppement . organiser un
Sminaire Scientifique o. taient invits les diffrents reprsentants des nouveaux mouvements
religieux, notamment ceux des Eglises de rveil.
Nous analysons dans la sous-section qui suit, les interventions qui ont marqu, . notre
sens, une avance dans la problmatique du dialogue oecumnique et interreligieux face . la
question de ces mouvements "marginaux" 286.
286 Voir l’intgralit des intervention dans L’.conomie des Eglises de r.veil et le d.veloppement durable en
R.D.C. , Afrique et Dveloppement 15, Etudes publies par la facult d’conomie & dveloppement, Facults
Catholiques de Kinshasa, 2003, Annexe 2.
197
IV. 2. 3. Les Eglises de r€veil au Congo, une interpellation.
La terminologie "Eglise de rveil" mise . l’avant-plan du XVII€me sminaire scientifique
n’est nullement reprise dans le vocabulaire (terminologie) du Colloque de 1992 qui constitue,
par la profondeur de ses recherches et de ses analyses, un vritable observatoire du phnom€ne
religieux au Congo-Kinshasa.
En effet, . la diffrence des sectes classiques et des autres Eglises indpendantes issues
du protestantisme, une chose saute aux yeux quand on regarde les Eglises de rveil au Congo,
Gabon, Cameroun, C.te d’Ivoire : leur lien flagrant avec les Etats-Unis d’Amrique. D’aucuns
soup.onnent les Amricains de s’en servir, comme en Amrique du Sud, pour s’infiltrer en
Afrique. Des pasteurs amricains dbarquent toutes les semaines en Afrique et en sens inverse,
beaucoup de pasteurs africains re.oivent des bourses amricaines pour se former aux Etats-
Unis. Si la facult d’conomie et dveloppement a choisi comme th€me de sminaire
scientifique : l’conomie des Eglises de rveil et le dveloppement durable en Rpublique
Dmocratique du Congo, il n’y a qu’un pas . franchir pour comprendre la nouveaut qui
n’apparaissait pas beaucoup dans le Colloque de 1992.
La nouveaut de ce sminaire est d’ajouter . l’tude du prcdent colloque, un maillon
important de la vie sociale qui n’chappe pas . l’impact des nouveaux mouvements religieux au
Congo : . La religion €tant une dimension de la vie, crivent deux des intervenants
principaux, elle ne peut en .tre isol€e et elle a donc toujours aussi une dimension socio-
politico-€conomique (…). Quelle est, ces niveaux, la signification des nouveaux
mouvements religieux? .287
La problmatique est la suivante : les Eglises de rveil, en pr.nant une "pastorale de
proximit" rpondent-elles rellement aux besoins de leurs fid€les ? Quelle place ces Eglises
accordent-elles . la dimension matrielle du message du salut en vue de la libration intgrale
de l’homme c’est-.-dire "de tout homme et de tout l’homme" ? (Paul VI – Populorum
Progressio, n.14). Les Eglises de rveil, sont-elles "rsultat", "moteur" ou "vecteur" d’un
environnement social, conomique et politique favorable ? A qui profitent les soutiens
287 Ibidem, p. 7 et p. 14
198
intrieurs et extrieurs dont bnficient certaines de ces Eglises de rveil ? On pense
notamment . la main mise des Eglises amricaines.
Si par dveloppement, il faut entendre l’amlioration des conditions de vie des
populations, de tout homme et de tout l’homme, les experts du XVII€me Sminaire Scientifique
de Kinshasa sont arrivs . la conclusion que dans la situation actuelle du Congo, cette tche ne
doit pas rester l’oeuvre de seules Eglises traditionnelles : catholique, protestantes, orthodoxe et
kimbanguiste. Les Eglises de rveil, au jour le jour, runissent des fid€les au sein de leurs
assembles pleines de vitalit et de dynamisme. Elles re.oivent un soutien financier et un statut
lgal des diffrents gouvernements du pays en plus du soutien des Eglises des U.S.A., et
peuvent constituer avec les autres, le socle du dveloppement intgral.
C’est aussi par ce canal que peuvent s’ouvrir pour ces Eglises des perspectives
d’intgration dans le processus de dveloppement social et conomique durable du pays. Il
s’agit pour elles de se joindre aux efforts des Eglises traditionnelles et de l’Etat qui, en retour
leur transmettront leur exprience sculaire.
C’est dans cette perspective qu’on pourra cesser de considrer les Eglises de rveil
comme un mal que l’on devrait effacer . tout prix. Si l’on rencontre Dieu . travers l’autre
(Matthieu XXV, 31-46), on souscrit . ce qu’crit le cardinal Coffy dans la revue Chemins de
Dialogue, . l’occasion de l’anniversaire de la publication des deux dclarations conciliaires
Nostra aetate et Dignitatis humanae : . Le dialogue interreligieux n’est pas qu’ deux termes.
Il est trois termes, et le troisi.me terme c’est Dieu que nous confessons tous, quoique de
mani.re diff€rente, comme Cr€ateur, comme Seigneur, et comme notre b€atitude, notre fin
ultime. Parler de Dieu comme troisi.me terme du dialogue, ce n’est pas le situer comme un
partenaire parmi les autres au m.me rang que les interlocuteurs. Il est en effet le Tout Autre,
le Trois fois Saint, le Transcendant. C’est pr€cis€ment sa transcendance qui permet le
dialogue interreligieux. .288
288 Extrait du n.6 de la revue Chemins de Dialogue pp. 183-199, publication de l’Institut de Science et
Thologie des Religions de Marseille.
199
Cet effort de collaboration a ncessit un certain nombre de recommandations envers les
Eglises de rveil, les Eglises traditionnelles, l’Etat et les organisateurs du sminaire289.
Au coeur de ce Sminaire Scientifique de Kinshasa, quatre interventions parmi d’autres ont
particuli€rement retenu notre attention pour cibler les perspectives d’avenir d’un dialogue
oecumnique et interreligeux quilibr dans la situation actuelle des religions au Congo :
1. Le contexte de la mondialisation et la main-mise des Etats-Unis d’Amrique sur les
Eglises de rveil en Rpublique Dmocratique du Congo,
2. L’impact de ces Eglises sur le corps social . Kinshasa,
3. Le r.le politique des Eglises de rveil en Rpublique Dmocratique du Congo, . l’instar
des Eglises traditionnelles,
4. Les perspectives de cohabitation entre les Eglises de rveil et les Eglises traditionnelles,
289 Ibidem, p. 305-306 : . Envers les Eglises de r€veil : encourager les fid.les . l’esprit de travail et
d’entreprenariat, promouvoir les actions de formation, d’information et de sensibilisation des fid.les dans
divers domaines favorisant l’auto prise en charge, crer des activits . caract.re social telles que les coles, les
h.pitaux, les centres de rinsertion sociale,… faire participer activement les fid.les aux travaux
d’assainissement de leurs milieux de vie, dvelopper des activits secondaires d’auto-financement, proscrire les
pratiques d’exploitation financi.re des fid.les, mettre au premier plan le message vanglique librateur plut.t
que d’insister sur les miracles, se doter des structures organisationnelles adquates qui prviennent les conflits
de comptence et de leadership entre Pasteurs d’une m.me Eglise, se regrouper en plate-formes et se doter des
r.glements rgissant la corporation, s’ouvrir au dbat constructif avec les Eglises traditionnelles, promouvoir la
formation scientifique et notamment thologique des pasteurs, promouvoir la formation intgrale des fid.les
afin de les rendre utiles . l’Eglise et . la Nation, se conformer . la loi en vigueur rgissant l’exercice des cultes
dans le pays. Envers les Eglises traditionnelles : promouvoir la collaboration et le dialogue avec les Eglises de
rveil, considrer les probl€mes poss par les Eglises de rveil comme une interpellation et y rflchir en vue
d’y apporter des solutions, tendre la commission oecumnique nationale aux Eglises de rveil, s’impliquer
dans le processus d’laboration de la loi sur l’exercice des cultes, recourir aux moyens de communication de
masses (TV, Radio) dans l’vanglisation en vue d’atteindre aussi les fid€les des Eglises de rveil. Envers
l’Etat : veiller . l’application stricte de la loi rgissant l’exercice des cultes, modifier la loi actuelle dont le
caract.re trop permissif est source de beaucoup de maux dnoncs, protger les citoyens contre toute forme de
manipulation psychologique des fid.les par les Eglises de rveil, favoriser la cration d’un Conseil National des
Eglises qui l’aiderait . faire respecter la loi en vigueur sur l’exercice des cultes ainsi que la dontologie en la
mati.re, poursuivre, . travers le Conseil Permanent de la Comptabilit, l’laboration du plan comptable
sectoriel applicable aux ASBL parmi lesquelles les Eglises de rveil, relever le niveau intellectuel de la
population afin de l’armer contre les diverses manipulations doctrinales. Envers les Organisateurs du
S€minaire : multiplier les occasions d’changer sur le th.me des Eglises de rveil et le dveloppement de la
nation, associer de mani.re active les leaders de grandes Eglises de rveil aux changes lors de prochains
sminaires.
200
IV. 2. 3. 1. En ce qui concerne la mondialisation
Le professeur Mukendi wa Meta290 commence par mettre au point la question de la
terminologie. Mondialisation ou internationalisation ? A l’instar de Pierre Vilain291, il spcifie
que le terme mondialisation dans sa conception actuelle se ram€ne plus exactement . ce que les
anglo-saxons appellent "globalisation". Ce terme concerne le probl€me de l’extension d’une
dynamique conomique qui atteint le globe entier, et ce mouvement touche tous les secteurs de
l’activit humaine : production, consommation, technique, science, culture, religion. Alors que
"l’internationalisation" s’applique dans un cadre conventionnel entre diffrents Etats qui
conviennent des r€gles qui organisent leurs changes. Contrairement . l’internationalisation, "la
mondialisation" s’impose aux Etats sans qu’ils l’aient voulue, dcide et rglemente.
Cette mise au point nous permet de comprendre que, plus que jamais, la mondialisation
s’impose . nous comme un fait qui nous oblige . remettre en question toutes nos certitudes
habituelles en nous confrontant . des activits, des opinions et des croyances qui ne sont pas
les n.tres. Dans ce contexte et celui de la rapidit de communication actuelle - mdias et
internet - le monde est devenu un grand village o. personne ne peut prtendre ignorer ce que
font les autres. Les religions vivent ainsi, de moins en moins, dans des sph€res autonomes. Il y
a une accentuation de l’interpntration des croyances qui tend . dboucher, quand elle n’est
pas canalise, sur des attitudes de relativisme, de syncrtisme et de tensions.
Touchant . cette ralit, le professeur Mukendi essaie de faire comprendre qu’.
l’chelle mondiale, le dferlement du religieux cache une dynamique de manipulation qui a
trouv un moyen d’action . travers les canaux idologiques. Ceci pour dire que les Eglises de
rveil dans le cadre de la mondialisation deviennent des vecteurs irrsistibles d’un certain esprit
"entreprenarial" d’obdience amricaine.
La conclusion du professeur Mukendi est que, . Confront€es aux bouleversements
profonds que le ph€nom.ne de la mondialisation impose notre continent et toutes les
sph.res d’existence, nos Eglises d’Afrique vivent aujourd’hui une nouvelle €tape dans leur
290 Voir son intervention intitule Les Eglises de r€veil, quelle transformation dans le contexte de la
mondialisation, pp. 139-147
291 Voir son livre intitul Les chr€tiens et la mondialisation, DDB, 2002, p. 131
201
croissance spirituelle et leur pr€sence dans la soci€t€. Si nous r€fl€chissons sur le destin du
christianisme chez nous, nous scrutons le besoin d’un dynamisme nouveau. C’est en cela que
nous voyons l’apport des Eglises de r€veil […] Ces Eglises nous invitent un effort
d’encadrement et d’organisation mais aussi .tre dans l’inventivit€..292
La question, dans le cadre des perspectives d’avenir est de savoir comment canaliser cette
main-mise des Eglises d’Amrique pour que le maillon conomique, tout en servant les intr.ts
pastoraux, aide au dveloppement du pays, . l’instar de ce que font les Eglises traditionnelles.
IV. 2. 3. 2. Concernant l’impact de cette situation dans la seule ville de Kinshasa
Le professeur Albert Muluma293 identifie dans son enqu.te 70 dnominations des
mouvements religieux. Il pense, de prime abord, que ces nouvelles formes de religiosit sont
censes .tre capables d’apporter des solutions . certaines questions qui semblent ne pas
trouver de rponses satisfaisantes ailleurs. Elles tentent d’apporter leur contribution aux
angoisses existentielles se rapportant . la vie quotidienne de la population, notamment :
gurison, faim, mort, checs de la vie, scolarit, voyage, etc.
Cette fonction sociologique, si elle est prouve, nous interdit de rflchir, non plus en
terme d’arr.t immdiat de la mgabombe, mais plus en terme de canalisation des drives,
trouver les terrains d’entente, car comme l’crit Jean Delumeau : . L’irr.el du pass. est un
temps qu’on ne conjugue que lorsqu’il est trop tard. Si L.on X et Luther avaient connu
292 Avant d’arriver . cette conclusion, on peut lire ce qui suit : . Le Dieu dont elles font la promotion coup de
grandes c€l€brations risque fort d’.tre le dieu super-capitaliste. Et lors d’un colloque tenu Los Angeles,
William Wagnes, livrait une grande d€couverte facile dans la Bible. "Pour cinq cents versets consacr€s la
pri.re, il y en a plus de deux mille concernant l’argent et les biens mat€riels. Dans cet esprit, on ne
s’€tonnerait plus de voir l’organisation de manifestations religieuses grandioses dans les grandes capitales
africaines, le matraquage m€diatique ou l’essor de radio et des t€l€visions religieuses, la distribution des
macarons payants et les miracles distance, l’envo.tement hypnotique, l’affairisme. Les pasteurs chasseurs de
millions et aguerris devant les d€m.l€s fiscaux et judiciaires ont de grands mod.les aux Etats-Unis comme
l’entreprise g€ante qu’est le Christian Broadcasting Network. Les minist.res audacieux comme celui du
R€v€rend Oral Robert, l’Oeuvre Missionnaire de la Nouvelle Cit€ ou l’entreprise du R€v€rend Moon, sont
encore d’autres exemples de l’impact de l’activisme religieux sur la vie sociale des citoyens et l’€volution
politique de la soci€t€ . (Mutunda M., Alternative n.3. 2001), pp. 144-145.’
293 Voir son intervention intitule Les Eglises de r€veil et la vie quotidienne Kinshasa : Vision anthropo-
sociologique, pp. 119-138
202
l’avenir, auraient-ils l’un excommuni. le moine allemand, l’autre continu. le combat contre
Rome ? N’auraient-ils pas r.ussi . trouver un terrain d’entente ? .294
En effet . travers son diagnostic des motivations profondes d’adhsion aux Eglises de
rveil et des consquences qui s’en suivent pour le corps social . Kinshasa, le professeur Albert
Muluma montre que la dtrioration du tissu socio-conomique . laquelle on assiste et les
signes d’essoufflement qu’affiche la socit n’ont pas d’autres consquences logiques que la
cration d’un palliatif socio-psychologique qui permet aux croyants de survivre. A ce stade, la
religion devient une stratgie sociale pour crer du consensus dans le dchirement qu’on vit en
soi. Chaque socit comme chaque organisme, . besoin de trouver un point d’quilibre autour
de valeurs partages, de visions du monde communes.
Quitte . crditer les th.ses de Marx, Freud et Nietzsche sur la religion295, c’est dans
cette situation qu’on trouve les raisons profondes de l’closion des Eglises de rveil : la
prcarit et l’illusion de l’homme qui a "assimil", par la force, une structure socio-conomique
trang.re qui ne lui donne pas la stabilit espre. Le "rejet" de cette structure, base sur
l’effort personnel au travail et sur l’individualisme, lui permet de trouver refuge dans une
nouvelle structure qui recre la solidarit, le partage, l’abandon . la providence divine et la
protection quasi aveugle du leader charismatique, considr comme un chef de tribu
intouchable.
A notre avis, les effets des Eglises de rveil sur le corps social . Kinshasa, tels que
dcrits par le professeur Mulumba, trouvent leur motivation profonde dans le processus
sociologique "d’assimilation-rejet" que nous avons dvelopp plus haut [IV.1.3.].
La question des perspectives d’avenir est de savoir comment tenir compte de cette
ralit sociologique pour trouver un terrain d’entente entre les confessions religieuses dont les
adeptes partagent tous les m.mes valeurs anthropo-sociologiques.296
294 Jean Delumeau, dans 2000 ans de christianisme, tome 5, p. 5
295 Cf. la religion comme "illusion", "opium du peuple" ou "invention d’une crature maladive"…
296 Au sujet des effets des Eglises de rveil sur le corps social . Kinshasa, le professeur Albert MULUMA
crit : . Sur le plan social d’abord, toutes les vertus des adeptes de ces .glises concourent . la formation d’une
famille o. il n’y a que des fr.res et des soeurs… Sur le plan politique, tout en reconnaissant l’autorit. .tablie
avec le principe rendre . C.sar ce qui est . C.sar ., les fid.les la minimisent car, consid.rent-ils toute
autorit. vient de Dieu .. Par cons.quent, elle lui est naturellement d.pendante. Ainsi, les Eglises paraissent
comme des groupes potentiels de pression sur l’autorit. temporelle surtout dans le cas o. les int.r.ts de leurs
leaders sont menac.s. Sur le plan socio-.conomique, la plupart des dirigeants de ces Eglises ont mis sur pied
des sources financi.res encourageantes : les d.mes, collectes, cotisations mensuelles et aum.nes sans oublier
les adeptes qui sont une main d’oeuvre gratuite pour la production…Les Eglises de r.veil sont consid.r.es
comme des entreprises commerciales, trafiquant des discours religieux en utilisant la Bible comme
couverture… De l., . se perdre vers la recherche du bien .tre mat.riel et la r.alisation des ambitions
politiques du fondateur de ces Eglises et des responsables, le pas est vite franchi. . pp. 133-135
203
IV. 2. 3. 3. Concernant le rle politique des Eglises de r€veil
Partant du sens m.me de ce terme "rveil", le professeur Mubiala Mantumba297 pense
que l’action des Eglises de rveil est minemment politique. Le mouvement de rveil au Congo
se prsente comme une instance critique de la passivit des Eglises classiques. La
problmatique de son texte est claire : le religieux, revient-il au dtriment du politique ou,
investit-il la sph€re politique, en se nourrissant du politique ?
Bien que les Eglises traditionnelles aient toujours jou un r.le politique dans le pays, le
phnom€ne d’action politique qu’on observe dans les Eglises de rveil ne para.t pas avoir les
m.mes vises que le r.le jou par les Eglises institutionnelles. Le parrainage de certaines de ces
Eglises par les membres de gouvernements dchus et les soutiens financiers des USA sont des
signes qui font na.tre quelques suspicions. C’est cela que Mabiala tente de dmontrer dans son
intervention.
Mabiala fait voir qu’il y a principalement trois raisons qui justifient le soutien financier
des U.S.A.:
- Permettre . leurs services secrets de pntrer et influencer l’opinion publique sur
l’idologie de la domination amricaine298
- Contrecarrer l’expansion de l’islam dans le monde299.
- Emp.cher le renouveau des religions non occidentales, authentiquement africaines
qui vhiculeraient le message du nationalisme et de l’anti-occidentalisme. Emp.cher aussi
que les gouvernements dmocratiquement lus ne puissent devenir hostiles . l’Occident.
297 Voir son intervention intitule : . Les Eglises de r€veil et le pouvoir politique en R€publique D€mocratique
du Congo ., pp. 259-274
298 Partant de l’exprience franaise, Mabiala crit : . …Les services fran.ais ont mis sur pied une commission
interminist€rielle de lutte contre les sectes parce qu’ils estimaient que les sectes €taient… un instrument de
domination charismatique, utilis€ par les services secrets am€ricains pour p€n€trer et influencer l’opinion
publique fran.aise. L’Am€rique aurait, selon le constat de ces services, mis sur pied une industrie de
persuasion, entra.nant la complicit€ passive des domin€s en cherchant la domination de l’imaginaire par des
techniques d’oppression affables ou mieux par un "d€licieux despotisme" .
299 Mabiala justifie la peur des Amricains par les statistiques concernant la courbe de la population religieuse
dans le monde entre 1900 et 2000. Au cours du dernier si€cle, la population chrtienne est passe de 26,9% en
1900 . 30,9% en 1980 et . 29,9%en 2000 ; la proportion de l’islam, par contre a vari de 12,4% en 1900, .
16,5% en 1980 et . 19,2% en 2000 (source : Samuel P. Huntington : Le choc des civilisations, Paris, Odile
Jacob, 2000, p. 82) Face cette r€surgence de l’islam, €crit-il, impliquant aussi des activit€s extr€mistes
fondamentalistes, et aux traumatismes psychologiques, affectifs et sociaux li€s la modernisation et la
globalisation, il faut encourager des mouvements d’€veil chr€tien rivalisant avec les mouvements islamistes,
utilisant intens€ment les canaux modernes de communication et recourant aux techniques de management
moderne pour r€pandre leur message, comme on le voit, de plus en plus, avec le succ.s des t€l€-€vang€listes.
204
Au sujet des raisons du soutien des Amricains, nous n’avons aucun commentaire .
faire. Par contre, au sujet de la reconversion et du parrainage des anciens membres de
gouvernements dchus, nous pensons qu’ils ont une double vise : d’une part, bnficier du
pardon du peuple qu’ils ont meurtri, en changeant de discours (cas de Bofossa et autres) ;
d’autre part, reconqurir le pouvoir par un calcul politique et maintenir l’action discr.te de la
franc-maonnerie et d’autres groupes laques de libre pense. Ils comprennent que les Eglises
de rveil constituent un espace intressant de socialisation politique ou mieux, de mobilisation
ou de propagande politique (cas de Ngbandi et Sakombi et autres)300
IV. 2. 3. 4. Concernant les perspectives de cohabitation entre les Eglises
traditionnelles et les "Eglises de R€veil",
Le professeur Flicien Lukoki301 commence par situer ce "phnom€ne" dans l’espace et
le temps. Il analyse dans un second temps la nature de ces Eglises avant d’opter pour leur
classification parmi les mouvements religieux " plutt soft" - pour reprendre ici l’expression de
la sociologue des religions Danielle Hervieu-Lger -. Il tente enfin de dfinir les domaines de
cohabitation possible, selon ceux fixs par les documents officiels du magist€re de l’Eglise
catholique.
En effet, le phnom€ne "Eglises de rveil" fait partie du triple phnom€ne qui
caractrise l’Afrique noire contemporaine. Sous ce terme, il y a un amalgame de toutes sortes
de mouvements religieux, marchands de Dieu par les moyens les plus modernes possibles
(radio-TV, meeting au stade, internet…). D’ou l’intr.t d’une analyse de la nature de chacune
de ces Eglises afin d’.tre en mesure de les classifier au cas par cas.
Aid par les classifications faites par diffrents sociologues dont Ernest Troltsch, B.
Wilson et R. Bergeron, le professeur Lukoki est arriv . la conclusion que . beaucoup de
Ces derniers utilisent la religion non pas comme l’opium du peuple mais plutt comme la vitamine du faible. .
Ibidem p. 273
300 Voir pour plus de prcisions, les analyses du professeur Isidore Ndaywel, La transition politique au Za.re et
son proph.te Dominique Sakombi Inongo, Kinshasa, les Editions de la voie de Dieu, 1955.
301 Voir son intervention intitule Cohabitation entre les Eglises de r€veil et les Eglises traditionnelles en
R€publique D€mocratique du Congo, pp. 149-160. [L’Exhoration Apostolique post synodale, Ecclesia in Africa
205
groupes dits "Eglises de r€veil" pr€sents Kinshasa peuvent .tre class€s dans les deux grands
ensembles de Bergeron ., . savoir, les groupes inspirs du fond doctrinal judo-chrtien, se
rfrant essentiellement . la Bible (Ex. : Mormons…) et les groupes offrant des amalgames
syncrtistes fort varis de la Bible, mais en la relisant . la lumi€re de leurs propres
interprtations. Deux consquences majeures de ces mouvements religieux apparaissent : la
monte des syncrtismes dans les groupes et la double appartenance religieuse chez les
personnes (le nicodmisme).
Pour le professeur Lukoki, le crit€re de cohabitation possible ou non entre les Eglises
traditionnelles et les Eglises de rveil est recherch dans la distinction entre . celles qui sont
dangereuses pour les Droits de l’Homme comme pour la foi chr€tienne, et celles qui ne sont
que simple manifestation d’un €clatement du "religieux" aujourd’hui, comme en toute p€riode
de transformation sociale sur fond de crise... Si la cohabitation est difficile avec celles de la
premi.re cat€gorie, elle est par contre possible et doit m.me .tre recherch€e avec celles de la
deuxi.me cat€gorie pour tendre plus d’unit€ .302.
Ce crit.re l’am.ne au cas par cas, apr.s discernement : il y a les Eglises de rveil avec
lesquelles le dialogue est possible, il y a celles qui refusent clairement le dialogue et celles vis .
vis desquelles on doit .tre nettement rserv. La conclusion logique . laquelle il arrive est que
. le dialogue avec les "€glises de r€veil" est difficile, mais non incontournable […]. La
cohabitation doit .tre une ouverture, mais dans la v€rit€, la compr€hension mais sans
d€mission .303
C’est dans les perspectives de ces analyses de la Semaine Scientifique de Kinshasa, aid
par celles des diffrents experts des sciences des religions qui ont apport leur contribution
scientifique au Colloque de 1992, que nous allons aborder dans la derni.re section de notre
travail, la problmatique de l’intgration des Eglises de rveil dans l’oecumnisme
interreligieux.
(E.A.) que Lukoki cite aux pages 157/158 n’est pas de Paul VI comme il le dit, mais de Jean-Paul II ( 14
septembre 1995).]
302 Ibidem,p. 154
303 Ibidem p. 156
206
Avant d’en arriver l., nous jugeons opportun de prciser les aspects et les limites dans
lesquels s’exerce actuellement le dialogue oecumnique et interreligieux au Congo. Cela nous
permettra de rflchir, avec des rep.res prcis, sur les possibilits et les conditions de leur
largissement, en tenant compte des enjeux et difficults actuels.
IV.2.4. Aspects et limites actuels du dialogue oecumnique et interreligieux au Congo
Suivant les normes des documents officiels du magist.re de l’Eglise catholique et
les orientations des dbats entre thologiens, le dialogue officiel entre les religions et les
communauts chrtiennes au Congo est rest limit au niveau du "dialogue des discours
audacieux et courageux". Les responsables des Eglises chrtiennes n’ont l’opportunit de
rencontrer les autres (afro-chrtiens et musulmans) que quand il est question d’une situation
socio-politique menaant la vie sociale des croyants.
En parcourant "Le discours socio-politique de l’Eglise catholique du Congo, de
1956-1998"304, nous nous sommes rendu compte que, mis . part l’effort des Eglises
chrtiennes pour le dialogue oecumnique, l’interreligieux se limite . des rencontres
sporadiques entre responsables pour signer des messages collectifs . l’intention des instances
politiques305 et . des discours audacieux de diffrents responsables des confessions religieuses,
manifestant leurs bonnes intentions de dialoguer avec les autres religions du pays. Cette limite
peut s’expliquer par le fait que la religion musulmane qui aurait pu faire le contrepoids dans le
dialogue interreligieux est reste, jusqu’aux annes 80, tr€s faiblement reprsente et
cantonne . la seule partie orientale du pays. Les thologiens et pasteurs des Eglises
chrtiennes au Congo ne trouvaient aucune raison de s’investir dans un dossier qui ne posait
pratiquement pas de probl€me majeur.
Si nous y revenons avec insistance aujourd’hui, c’est parce que la situation a
normment chang ces deux derni€res dcennies. L’alerte a t donne par un article paru
dans la revue "Telema", 3-4/96 (n.87-88) sur "l’implantation chiffr.e de l’islam en Afrique" :
. Le nombre des adh.rents . l’islam est pass. de 1 200 . 8 000. Actuellement ils sont
3 790 000 soit 10 % de la population congolaise .. Le professeur De Meester qui avait pris au
304 Voir . Eglise et Socit ., Tome 1 .
207
srieux cette monte de l’islam au Congo crivait ce qui suit, pour sensibiliser les Eglises
chrtiennes . trouver l’opportunit d’un dialogue interreligieux quilibr : . ... Il y va encore
d’une minorit€ sociale, mais en tout €tat de cause quand on conna.t la d€termination de
certains pays re-dynamiser par tous les moyens, par le biais de l’€conomie, l’islamisation
de l’Est de l’Afrique, on ne peut pas rester indiff€rent cette pr€sence qui est un d€fi
dangereux. En effet, l’islam a €vinc€ le christianisme au Proche-Orient, il l’a balay€ en
Afrique du Nord. Seule une r€sistance et survie furent possibles en Espagne, en Ethiopie et
dans l’Egypte copte, gr.ce la qualit€ de la vie familiale et une liturgie incultur€e. Celles-ci
seront au Congo aussi la meilleure parade contre l’invasion de l’islam et la meilleure
pr€paration du dialogue .306
Si les responsables des Eglises chrtiennes n’ont pas pris au srieux cette alerte de
Paul de Mester - . notre avis un peu exagre - , les Amricains, eux, en ont tenu compte pour
justifier leur investissement rapide dans le dveloppement des Eglises de rveil. La
consquence de ce dclenchement est qu’en moins d’une dcennie, les Eglises de rveil ont pris
normment de terrain sans pour autant dstabiliser les Eglises chrtiennes institues. La
double appartenance religieuse (nicodmisme), tant la r.gle admise.
Pendant ce temps le dialogue oecumnique est rest uniquement social et
pragmatique au sein du carr des Eglises et communauts institues. Christophe Ayad dans un
article paru dans Lib€ration307, crira : . L’aspect uniquement social et pragmatique du
dialogue oecum.nique et interreligieux et ses limites aux seules religions institu.es font
d.couvrir leurs insuffisances aux Eglises chr.tiennes qui se retrouvent . la remorque des
Eglises de r.veil ..
Ces multiples alertes et la ralit elle-m.me sur le terrain de la pastorale au Congo
font prendre conscience aux Eglises institues, notamment . l’Eglise catholique, de
l’opportunit de repenser de fa.on urgente les aspects et les limites d’un dialogue oecumnique
et interreligieux quilibr.
305 Nous avons rpertori 6 messages signs par les Eglises catholique, orthodoxe, protestante, kimbanguiste et
l’islam, adresss aux chefs de l’Etat (Mobutu ou Kabila), entre 1991 et 1997. Voir annexes 14.
306 Paul De Meester, s.j., L’Eglise de J.sus Christ au Congo-Kinshasa, ...,1997, pp. 299/300
307 Voir le quotidien Lib€ration du mercredi 30 janvier 2001
208
IV. 3. Perspectives d’avenir pour un oecumnisme interreligieux quilibr
Introduction
Apr€s ce long parcours qui nous a amen . relire l’histoire des religions au Congo,
depuis la seconde vanglisation jusqu’. la situation actuelle, le mrite n’tant pas de dnoncer
a posteriori les erreurs passes, nous estimons qu’il nous est possible, bnficiant du recul du
temps, de proposer quelques r€gles de conduite et une mthode d’vanglisation pour le
prsent et pour l’avenir.
Certes, l’vanglisation n’aurait jamais d. se faire par l’imposition de la foi chrtienne
au mpris des cultures locales. Si le message de l’Evangile dans sa puret est destin . toute
l’humanit, cela signifie qu’il doit .tre formul de mani€re . .tre propos . toutes les cultures.
C’est, nous semble-t-il, l’itinraire qu’a suivi l’ap.tre Paul, premier missionnaire du
christianisme. Comme l’crit Philippe Louveaux dans Port St Nicolas308, St. Paul, dans ses
voyages, tait dj. amen . rendre compte de la foi chrtienne sur le pourtour du bassin
mditerranen o. se c.toyaient les religions traditionnelles de la Gr€ce et de Rome, les mythes
et cultes initiatiques, les religions . myst€res ainsi que diverses gnoses. Et quelques si€cles plus
tard, saint Augustin prenait la peine de rdiger un petit trait intitul "De vera religione"…
Par la suite, le christianisme export en pays de mission n’a pas t celui des premiers
chrtiens d’Antioche ou de Jrusalem. C’est dj. un "syncrtisme judo-greco-romain", .
travers la liturgie, la morale et m.me la doctrine enrichie des prceptes de la philosophie
aristotlico-thomiste.
Au point o. nous en sommes aujourd’hui, nous voulons faire du chemin dans la
direction de la demande religieuse actuelle des fid.les Africains, en prenant appui d’une part,
sur les th.ses des premiers thologiens africains309, notamment celle de M. Hebga qui pense
que l’av€nement d’un christianisme africain suppose que les africains s’mancipent de la
308 Voir sur le site internet : http://www.portstnicolas.org/article.php3?id_article=903 : . Un point de vue
catholique . propos du dialogue interreligieux ., p. 1
309 Voir plus haut, II.2.1.4.1.: M.Hebga part de la th.se selon laquelle le christianisme dans son essence, n’est
pas une religion occidentale, mais orientale, smitique. Seulement, l’Occident s’en est appropri au cours de
l’histoire, et lui a imprim le sceau indlbile de sa philosophie, de son droit, de sa culture. C’est son droit le
plus lgitime. Pourquoi cet Occident doit-il prtendre imposer aux autres peuples du monde tard venus . la foi
en Jsus Christ cet emballage culturel et historique du christianisme occidental comme constitutif du noyau ?
N’est-ce pas la une entreprise indue ?
209
"tutelle" et du cadre culturel du christianisme par l’Occident, qu’ils retournent au noyau
oriental originel et lui impriment . leur tour le sceau indlbile de leur "africanit".
Ce faisant, nous pensons que l’histoire tant irrversible, nous ne pouvons pas
prtendre dbarrasser le christianisme de tout l’hritage historique grco-romain, lusitanien,
espagnol, allemand, mais le considrer comme une richesse que nous pouvons relativiser tout
en la faisant cohabiter pacifiquement avec d’autres valeurs religieuses, us et coutumes qui
rpondent mieux aux besoins de l’.me africaine. Ces autres valeurs culturelles et religieuses
sont mieux exploites aujourd’hui par les Eglises indpendantes et celles de rveil qui posent
question dans la problmatique du dialogue oecumnisme et interreligieux au Congo.
Tenant compte d’autre part, des conclusions des travaux scientifiques des Facults
Catholiques de Kinshasa sur l’impact de ces nouveaux mouvements sur la socit congolaise
en particulier et africaine en gnral, nos propositions pour asseoir ce dialogue - quitte .
enfoncer certaines portes entrouvertes, pourvu que nos diffrents arguments nous donnent des
raisons solides de les enfoncer - reposent sur trois vises : repenser le sens des termes et les
valeurs des paradigmes thologiques trop survalus ou mprisants du christianisme
occidental. S’ouvrir . la "diffrence" des Eglises de rveil, en cherchant . s’approprier leurs
techniques de proximit. Les ouvrir elles-m.mes aux exigences scientifiques de l’interprtation
de la Bible par des sessions de formation et dbats autour de la pratique pastorale.
Nous considrons qu’en les laissant faire leur chemin en marge des Eglises institues, le
risque est plus grand de les voir devenir dangereuses pour la socit. Leur navet notoire qui
veut faire croire aux adeptes qu’il suffit de prier ou de lire un verset biblique pour sortir de
toute situation difficile, n’aidera jamais . lutter pour l’amlioration des conditions de vie en
Afrique.
La manipulation psychologique des pasteurs laisss . leur libre arbitre et davantage
mens par l’esprit du lucre et la recherche du prodigieux, ne fera qu’augmenter le nombre de
dg.ts impunis : l’escroquerie, les homicides, les dislocations familiales, l’exclusion sociale et
l’alination mentale qui sont monnaie courante dans les sectes classiques. C’est alors qu’elles
210
deviennent "mgabombe sociale". Une bombe, on ne "l’arr.te" pas par la violence, on la
dsamorce avec prcaution et surtout avec mthode.
IV. 3. 1. Le sens des termes classiques et la valeur des paradigmes th€ologiques
IV. 3. 1. 1. Le sens des termes classiques
Les dbats thologiques actuels autour du dialogue oecumnique et interreligieux nous
engagent . aller avec honn.tet, sincrit, humilit et . .tre, somme toute "raisonnables".
Raisonnable, non pas compris dans son sens littral de "modr" et "tolrant", mais compris
dans son sens tymologique, c’est-.-dire, ordonn, rflchi et sachant mettre chaque chose . sa
place, avec respect ; "raison/ratio" tant comprise comme la facult par laquelle l’esprit devient
adquat au rel, au bon sens et . la sagesse.
Tolrance, rigueur, raideur sont des termes et attitudes qui n’ont plus, . notre sens,
leur place dans le processus actuel du dialogue. A cause d’une certaine surestimation du
christianisme en particulier310, le terme "tolrance religieuse" a cess de signifier respect pour
la croyance d’autrui, pour n’.tre compris que comme indulgence pour ce qu’on ne peut pas ou
ne veut pas emp.cher. Accul par les mfaits physiques de "l’intolrance" et pour couper court
aux dbats raisonnables, on a tendance aujourd’hui . pr.cher la tolrance comme le contraire
de l’intolrance, c’est-.-dire : "j’accepte l’autre avec et malgr ses erreurs et ses dfauts, je
reste vrai et parfait".
A ce propos, certaines anciennes encyclopdies chrtiennes dfinissent la tolrance
comme . disposition d’esprit par laquelle on donne . l’erreur autant de droits qu’. la
310 Comprise en dehors du cadre de la surestimation du christianisme, la tolrance est en elle m.me source de
paix et prsente beaucoup de bienfaits dans le dialogue. Pierre Bayle, dans Commentaire philosophique…crit :
. Pour montrer .videmment l’absurdit. de ceux qui accusent la tol.rance de causer des dissensions dans les
Etats, il ne faut qu’en appeler . l’exp.rience. (Le paganisme est une preuve que la tol.rance ne nuit point aux
soci.t.s.) Le paganisme .tait divis. en une infinit. de sectes, et rendait . ses dieux des cultes fort diff.rents les
uns des autres, et les dieux m.me principaux d’un pays n’.taient pas ceux d’un autre pays ; cependant je ne
me souviens point d’avoir lu qu’il y ait jamais eu de guerre de religion parmi les pa.ens, si ce n’est contre des
gens qui pillaient le temple de Delphes, par exemple […] Partout ailleurs grand calme, et grande tranquillit. ;
et pourquoi ? Parce que les uns tol.raient les rites des autres. Il est donc vrai que c’est la non-tol.rance qui
cause tous les d.sordres qu’on impute faussement . la tol.rance. […] C’est donc la tol.rance qui est la source
de la paix, et l’intol.rance qui est la source de la confusion et du grabuge. . Voir Daniel Dubuison (Textes
runis par), Dictionnaire des grands th.mes de l’histoire des religions. De Pythagore . L.vi-Strauss, Editions
complexes, Bruxelles, 2004, p. 448
211
v€rit€.311, l’accent tant mis sur "erreur" d’une part et "vrit" de l’autre. Cela am.ne .
adopter forcment des attitudes de raideur et de fausse rigueur qui biaisent le vrai dialogue312.
Aujourd’hui, dialogue est synonyme d’engagement et d’ouverture. Il exige qu’on n’ait
ni sous-estimation a priori des valeurs - les siennes et celles des autres -, ni surestimations
mprisantes. C’est dire qu’on s’engage . ne pas mettre entre parenth€se sa propre croyance, ni
. gommer les diffrences. Chaque partenaire devra s’engager dans la puret de sa croyance et
s’ouvre . la diffrence de l’autre, avec respect, sans en exiger des concessions et sans fondre
dans le syncrtisme, ni dans l’clectisme. 313
Philippe Louveaux, dans l’article cit prcdemment, prsente un triple inconvnient .
l’attitude qui consiste pour chacun . puiser dans les diverses traditions religieuses de
l’humanit les lments qui lui conviennent. Chacun tant pouss par un rflexe de
consommateur dans ce qui peut appara.tre comme le grand supermarch des religions : il y a
primo, l’ignorance de ces religions ou syst.mes de pense qui ont chacun leur cohrence et
dont les lments ne sont pas interchangeables, secundo, ces mlanges multiformes ns des
fantaisies de chacun ne font pas progresser le dialogue entre les religions, un dialogue qui
suppose au contraire des partenaires bien conscients de leurs identits respectives ; tertio, elle
offre une rponse drisoire aux besoins religieux de l’humanit en prtendant placer la
dmarche croyante sur le registre de la possession, voire de la consommation 314.
Quel sens donner, en effet aujourd’hui, au terme "syncrtisme"?
311 Voir TOUT EN UN, Encyclopdie illustre des connaissances humaines, librairie Hachette, 1921, p. 592
312 Voir les analyses de Michel SOUCHON, Les religions r€v€l€es sont-elles par nature intol€rantes ? dans
Croire aujoud’hui n.24 (1er avril 1997)
313 Voir Nostra Aetate .1-2 et Dignitatis humane, .3-4.
314 . Au rayon religions orientales, il empruntera la croyance en la r.incarnation (qu’il confondra avec ce
qu’on lui avait dit de la r.surrection dans le cat.chisme de son enfance !) et peut-.tre un abr.g. de yoga
vulgaris. (qu’il associera sans probl.me avec de la tradition jud.o-chr.tienne). De l’islam, il prendra
probablement l’expression de l’unicit. et de transcendance divine, et pour faire bonne mesure, en passant
devant le rayon des sectes, il glissera dans son panier quelques curieuses approches bibliques propos.es par
les t.moins de J.hovah […] Le Dala.-Lama n’h.site pas . dire que se pr.tendre bouddhiste-chr.tien ., c’est
vouloir greffer une t.te de yak sur le corps d’un mouton . […] On ne choisit pas une religion – ni m.me les
.l.ments .pars puis.s dans diverses sources – au terme d’une comparative sur le rapport qualit./prix .. (P.
Louveaux, op. cit., . Pourquoi ne pas se fabriquer soi-m.me sa croyance ? ., p. 3.
212
Au travers des diffrentes dfinitions auxquelles nous avons fait allusion dans les pages
prcdentes315, il est clair qu’aucune religion au monde n’a pu chapper au syncrtisme. Le
christianisme lui-m.me qualifi . ses dbuts de "secte"316 est pass par la matrice du juda.sme,
fcond par le "gentilisme" grec et romain, avant de se forger l’identit qu’il a transporte .
travers le monde avec l’expansion de la civilisation occidentale par la colonisation.
Joseph Ntedika Konde l’exprime bien quand il crit : . Si l’on interroge le temps et
l’espace "syncr.tiques et .clectiques", toutes les Eglises et les sectes le sont ; mais elles le
sont seulement . des degr.s divers. L’imputation de syncr.tisme est une argumentation
id.ologique et une surestimation des doctrines et des pratiques de certaines communaut.s,
visant . d.pr.cier la pratique des autres. Le syncr.tisme ne peut donc pas .tre .tabli comme
crit.re objectif de la classification des communaut.s religieuses .317
Raymond Panikkar, qui affirme avec insistance que les diverses traditions religieuses
diff€rent et doivent garder leur identit distincte, rejette l’clectisme qui dtruit les identits
respectives. Il prconise une "fertilisation mutuelle" qu’il nomme "syncrtisme"318
Cette vidence nous am€ne . la considration que le "syncrtisme", dpouill du sens
pjoratif que lui donne la surestimation et le mpris des grandes religions, est la matrice de
toutes les doctrines religieuses. Il est cependant critiquable s’il reste aux degrs infrieurs ou
aux tapes primaires que nous appelons "syncr€tisme de juxtaposition", un peu au sens ou le
dfinit l’historien des religions Xavier Schutter : . assimilation et identification des divinit€s
les unes par rapport aux autres. Les divinit€s s’empruntent mutuellement noms et attributs et
finissent par se confondre .. C’est le degr le plus infrieur, spontan et non rflchi.
Il se trouve, malheureusement, que beaucoup de sectes et Eglises de rveil au Congo
pataugent encore dans cette tape infrieure, se focalisant sur le culte du leader, la recherche
du thaumaturge et des excitations de transe. S’il s’av.re que le dialogue oecumnique et
interreligieux trouve un terrain aujourd’hui dans ces Eglises, ce qu’il y . faire, . notre avis,
315 Voir note217, page132; note 226, page 137
316 Voir Henri Cazelles, La naissance de l’Eglise. Secte juive rejet€e? Paris, Ed. du Cerf, 1968, 128p.
317 Ntedika Konde Joseph, op. cit., p. 10
318 Voir J. Dupuis, op.cit., pp. 578-579
213
n’est pas de chercher . dissuader les croyants en s’arr.tant . la critique de ce syncrtisme de
bas tage, mais c’est d’aider ces Eglises . dpasser le niveau primaire pour atteindre les tapes
suprieures du syncrtisme. Celles de la "synchronisation" et de "l’harmonisation" penses et
rflchies, par l’intgration intelligente des cultures religieuses allog€nes dans les cultures
religieuses indig€nes.
C’est cela, nous semble-t-il, l’inculturation que pr.nent les thologiens africains depuis
le grand dbat historique qui a dur 20 ans. Les ides fondamentales de la th€se du professeur
Oscar Bimwenyi319 vont bien dans le sens du dpassement de ces surestimations allog€nes qui
rendent pjoratif le sens de certaines ralits, tremplin d’une vraie thologie africaine, et
mutatis mutandis, d’un vrai dialogue oecumnique et interreligieux au Congo.
L’inculturation ne peut .tre qu’une intgration intelligente des valeurs africaines dans le
christianisme occidental, c’est-.-dire un "syncrtisme d’harmonisation". Le vrai dialogue
oecumnique et interreligieux au Congo peut bien se faire sur la base du principe
d’inculturation : "Chrtiens sans trahir l’Afrique, Africains sans nier le Christ".
Parmi les vises fondamentales du discours de l’inculturation, il y a cette dnonciation
de l’alination culturelle africaine, due principalement . l’intrusion de l’Europe en Afrique et .
la domination de la culture occidentale impose sans mnagement aux Africains. L’auteur de la
th.se cite affirme la validit des principes culturels africains et dclare sur le plan religieux que
la culture occidentale ne peut .tre "l'unique vhicule valable du christianisme".
Toute la problmatique du dialogue oecumnique et interreligieux au Congo est sous
jacente et fortement lie . celle de l’inculturation. Comment intgrer les forces "marginales"
des Eglises de rveil pour faire cause commune. Les thologiens ont les mthodes
scientifiques, les leaders charismatiques ont les mthodes d’approche et de proximit, les uns et
les autres agissant au nom du m.me Christ : cette considration nous conduit aux paradigmes
thologiques.
319 Th.se de doctorat soutenue . l’Universit Catholique de Louvain sous le titre : . Discours th€ologique
N€gro-africain. Probl.me des fondements, 1979 .
214
IV. 3. 1. 2. La valeur des paradigmes th€ologiques
Le premier paradigme survalu est celui de la supriorit de la culture occidentale,
unique vhicule valable du christianisme, c’est-.-dire universelle. Partant de cette universalit
de la culture occidentale on en vient . mettre l’accent sur l’Eglise plut.t que sur le Christ qui
est annonc au travers de la culture et de l’Eglise. D’o. la suprmatie de l’ecclsiocentrisme
sur le christocentrisme, comme si "l’nesse" sur laquelle tait mont Jsus pour entrer .
Jrusalem (Mt 21, 1-11) prenait plus d’importance que Jsus lui-m.me.
D’autre part, avec l’impulsion donne par le concile Vatican II, notamment dans la
dclaration Nostra Aetate, les chrtiens dcouvrent l’importance historique des religions non-
chrtiennes et certains sont amens . relativiser le r.le du Christ dans le salut. Exigeant, non
seulement d’abandonner la thologie centre sur l’Eglise (ecclsiocentrisme), mais aussi celle
centre sur le Christ, adoptant la thologie centre sur Dieu vu sous plusieurs angles regroups
autour des trois attitudes fondamentales auxquelles nous avons fait allusion plus haut : c’est le
thocentrisme pluraliste, sous le label de la mondialisation.
En effet dans les dbats actuels sur le dialogue oecumnique et interreligieux, les
interlocuteurs vitent volontiers les expressions qui enferment les dbats dans un syst.me
donn et qui tendent . s’exclure les uns les autres. Ainsi, plut.t que de parler de "paradigme"
expression qui a pris le sens de "postulat" c’est-.-dire, principes premiers dont l’admission est
ncessaire pour tablir la dmonstration, on parle de "mod.les" en tant qu’ils sont plus
descriptifs, ne s’excluent pas rciproquement mais se compl.tent.
La tendance d’aujourd’hui est focalise sur deux mod.les : le "mod.le thocentrique
pluraliste" - Dieu au centre de notre recherche, nos pistes de recherche sont diffrentes
(interreligieux) - et dans le "mod.le christocentrique" - Christ seule norme, confesse de
mani.res diffrentes (oecumnisme).
De plus en plus, la mondialisation prend le dessus sur l’universel qui est le sens de
catholique. Cela ne signifie pas que "catholique" soit devenu indsirable. C’est plut.t une fa.on
de l’aider, dans ses surestimations historiques, . s’ouvrir . la diffrence des autres. Cela
suppose aussi que les Eglises historiques aient l’humilit de reconna.tre qu’au-del. de la Parole
215
qu’elles interpr.tent avec beaucoup de comptence, il y a la mthode d’approche et de
transmission qui fait souvent dfaut.
Il se pose ainsi un probl.me de psychologie d’approche que les Eglises naissantes
ma.trisent par rapport . l’exg.se de la Parole. Un effort pour maintenir cet quilibre est exig
aux uns et aux autres. C’est dans cette perspective que nous pensons qu’il est impratif que les
Eglises institues apprennent . relativiser certains "paradigmes classiques" sans les nier, pour
adopter des "mod.les" qui les aident . s’ouvrir . l’exprience psychologique des Eglises de
rveil et les ouvrir . l’exprience thologique et exgtique. C’est ce que nous entendons par
"complmentarit mthode-Parole, psychologie-exg.se".
IV. 3. 2. Psychologie et ex€g.se [m€thode et Parole]
IV. 3. 2. 1. S’ouvrir . la diff.rence des Eglises de r.veil
Le parcours des enjeux spirituels actuels et les conclusions auxquelles sont arrivs les
spcialistes des questions religieuses au Congo, nous ont persuads que le probl€me de
l’oecumnisme interreligieux tient . une attitude responsable des Eglises chrtiennes qui, d’une
part sont protagonistes et de l’autre, victimes des rcuprations qu’en font les Eglises de rveil.
Parmi les recommandations et rsolutions du IV€me Colloque international de Kinshasa, deux
d’entre elles paraissent . notre avis, urgentes et capitales pour l’avenir d’un dialogue
interreligieux quilibr au Congo : la troisi€me recommandation et la quatri€me rsolution du
Colloque qui proposent qu’on "ins.re dans les programmes des institutions d’enseignement
l’.tude des sectes et des nouveaux mouvements religieux" et qu’on "d.veloppe l’.change avec
les sp.cialistes des autres pays d’Afrique et des autres continents"320.
Nous pensons qu’il faut aller plus loin en structurant autrement la formation de base de
futurs pr.tres et pasteurs. Sachant que dsormais sur leur terrain pastoral, ils seront forcment
confronts au phnom€ne "Eglise de rveil" et au dialogue oecumnique et interreligieux, il
vaut mieux qu’ils approfondissent la connaissance des autres religions et communauts
320 Voir Sectes, Cultures et Soci€t€s, p. 595
216
chrtiennes au travers des autres sciences humaines, telles que l’histoire des religions, la
psychologie, la sociologie des religions qui les ouvrent . la diffrence des autres.
Jusque l., pour l’Eglise catholique qui suit les instructions de Rome, la formation d’un
pr.tre s’tale sur sept annes dont trois de philosophie classique et quatre de thologie
thomiste. A l’instar du CER321, nous pensons que . si en Occident, le pr.tre peut se permettre
de n’.tre qu’un religieux dans la soci€t€, le pr.tre en Afrique doit .tre avant tout un
sociologue de la religion. Etre un sociologue de la religion exige d’abord une connaissance
profonde de la soci.t., de son pass., de son pr.sent et de ses probl.mes, de ses compositions
sociales, de ses anomalies et surtout de ses besoins ..
Pour l’avenir de l’oecumnisme interreligieux au Congo, les autorits des Eglises
chrtiennes locales devront peut-.tre penser . augmenter le volume d’heures pour les cours de
sociologie, de psychologie et d’histoire du pays, dans le premier cycle de la formation, instituer
un cours d’histoire et de sociologie des religions au second cycle, aux c.ts de l’histoire de
l’Eglise ; donner l’occasion aux futurs pasteurs d’tudier l’histoire des Eglises et des religions
locales ; approfondir les orientations sur les dialogues oecumnique et interreligieux aux
niveaux national et international. Cet aspect de la formation de base est, . quelques exceptions
pr.s, tr.s peu exploit dans les institutions des formation de futurs pr.tres et pasteurs.
Ne devront-ils pas suivre la sagesse de Saint Franois de Sales qui disait dj. au
XVII€me si€cle que la science pour un pr.tre est le huiti€me sacrement322. Sur sept ans de
formation, les candidats pr.tres n’ont, . notre connaissance, que trente heures d’introduction .
l’enqu.te sociologique, trente heures d’introduction . la psychologie et quarante-cinq heures
d’histoire du pays au premier cycle. Le programme ne prvoit, jusque l., pas grand-chose ni
sur l’islam, ni sur le bouddhisme, ni sur l’hindouisme ou sur les autres religions du monde, ni
m.me sur le kimbanguisme qui est une religion afro-chrtienne, ne au Congo. Pas grand-
chose sur l’oecumnisme, ni, . plus forte raison, sur l’interreligieux.
321 CER : Cercle d’Etudes et de Rflexion, prsid par Mgr A. Nsolotshi.Voir ses rflexions sur . L’Eglise
Chrtienne facteur de sous-dveloppement en Afrique. Les musulmans agents de subversion dans le monde .
dans Adnan Haddad, Recueil de R€flexions...,pp. 103.
322 . Mes tr.s chers fr.res, je vous conjure de vaquer s.rieusement . l’.tude, car la science, pour un pr.tre,
c’est le huiti.me sacrement de la hi.rarchie de l’Eglise . ( Opuscules vers 1603-1605 ).
217
Spcialistes d’Aristote et de Thomas d’Aquin ou de Martin Luther, etc. les jeunes
pr.tres et pasteurs arrivent sur le terrain avec un bagage intellectuel qui ne leur permet pas de
faire face aux ralits profondes de leurs ouailles. Cette lacune est entre autres, la raison pour
laquelle les Eglises chrtiennes se retrouvent . la remorque des sectes qui exploitent et
semblent mieux comprendre sociologiquement et psychologiquement les besoins des chrtiens
africains. La drive des Eglises de rveil vers un syncrtisme de juxtaposition est une suite
logique de la rcupration d’un phnom.ne "d’assimilation-rejet" que les pasteurs et les pr.tres
ne peuvent ni ma.triser ni canaliser. Il est une ncessit urgente que les Eglises chrtiennes
connaissent mieux les aspirations des chrtiens et des non chrtiens en m.me temps que
l’impact des sectes dans la socit congolaise.
C’est dans ces conditions, pensons-nous, que les chrtiens et pasteurs des Eglises
institues enrichiront eux-m.mes leur propre croyance en cherchant . atteindre, au-del. des
concepts, l’exprience elle-m.me. Celle que le p.re Raymond Panikkar323 appelle dialogue
intrareligieux, absolument ncessaire . l’interreligieux. C’est-.-dire qu’il ne suffit pas d’avoir
une simple connaissance de la religion ou des probl.mes de l’autre, mais en plus de cette
connaissance, il faut faire l’effort d’entrer dans la peau de l’autre, de marcher dans ses souliers,
de voir le monde comme l’autre le voit, de poser les questions de l’autre, et de pntrer dans le
sens qu’a l’autre, d’.tre ce qu’il est dans sa foi et ses probl.mes au quotidien. Entendons par l.
qu’il est ncessaire d’entrer dans la psychologie de l’autre pour mieux le comprendre et
dialoguer avec efficacit et sincrit. L’efficacit en religion . d€pend, comme l’crit Aldous
Huxley, des m€thodes employ€es et non pas des doctrines enseign€es. Ces derni.res peuvent
.tre vraies ou fausses, saines ou pernicieuses, peu importe. Si l’endoctrinement est bien fait
au stade voulu de l’€puisement nerveux, il r€ussira. Dans des conditions favorables,
pratiquement n’importe qui peut .tre converti n’importe quoi .324.
Nous savons par ailleurs que les Eglises chrtiennes ont franchi beaucoup de pas pour
tenter de rpondre aux aspirations des chrtiens. Nous pensons notamment . l’inculturation
telle que nous l’avons dveloppe plus haut, aux efforts que font les Eglises chrtiennes pour
sortir le peuple du sous dveloppement et de la pauvret . travers les oeuvres caritatives, la
323 Raymond Panikkar est un thologien catholique indien, promoteur du dialogue intrareligieux. Voir son
ouvrage Le Dialogue intrareligieux, Paris, Aubier, 1985 Voir la synth€se de sa thologie au point III.3.4.3.
324 Aldous Huxley, Retour au meilleur des mondes, cit par Chantal Tokatlian, Esclaves du XX .me si.cle : les
enfants dans les sectes, Jacques Grancher (diteur), Paris 1995, p. 8
218
construction des h.pitaux, des coles secondaires et universitaires, etc. Cependant, beaucoup
reste . faire du c.t de la psychologie, de la sociologie et de l’histoire… bref, du c.t des
sciences humaines, bien qu’aux Facults Catholiques de Kinshasa, il y ait dj. un dpartement
de thologie et sciences humaines. La "ratio studiorum" des sminaires a t con.ue pour
rejoindre cette proccupation. Quitte pour les responsables des Eglises chrtiennes . l’exploiter
au maximum pour donner aux futurs pasteurs tous les atouts dont ils ont besoin pour
comprendre au mieux la situation des religions locales et les possibilits d’un dialogue
oecumnique et interreligieux quilibr.
Nous sommes, en outre, convaincu que ce qui donne de la valeur . une religion
aujourd’hui, ce n’est, ni son anciennet et son aptitude . traverser diffrents rgimes politiques,
ni le nombre de croyants qui y adh€rent, ni m.me la rationalit de son message. La valeur
d’une religion rside dans sa capacit de dialoguer avec le monde contemporain et de
collaborer avec les autres institutions qui proposent des rponses . la question fondamentale de
la Vrit et du bonheur des hommes. La foi quant . elle, restera toujours un don de Dieu et, du
c.t de l’homme, une dmarche libre.
C’est l. la diffrence fondamentale entre religion et foi : la religion est un besoin de
l’homme qui attend des rponses d’un Dieu . ses questions de rupture de cohrence. La foi est
une initiative gratuite de Dieu qui invite l’homme . rpondre . son appel. Le dialogue de Jsus
avec Marthe . l’occasion de la mort de Lazare est, . notre sens, une belle illustration de cette
diffrence entre religion et foi (JnXI, 20 – 26)325
Ceci voudrait dire que la vraie question pour les religions n’est pas tellement, celle de la
v€rit€, mais plut.t celle de l’utilit€. Cette ralit impose aux religions et communauts
traditionnelles institues, un double mouvement : s’ouvrir pour montrer en quoi elles sont
utiles aux questions que se posent les hommes ; et ouvrir les autres interlocuteurs . ce qu’elles
tiennent de vrai et de beau comme initiative gratuite de Dieu.
325 Aux versets 21-22, Marie dit . Jsus : . Seigneur, si tu avais t ici, mon fr€re ne serait pas mort. Mais
maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas . Dieu, Dieu te l’accordera. . C’est .a la religion. Le
besoin de Marthe devant la mort de son fr€re. Elle attend la rponse de Dieu . cette question de rupture de
cohrence. Aux versets 23, 25, 26, Jsus lui dit : . Ton fr€re ressuscitera. . - Moi, je suis la rssurection. Qui
croit en moi, m.me s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Le crois-tu ? . C’est la
foi en tant qu’initiative gratuite de Dieu qui invite . rpondre . son appel.
219
IV. 3. 2. 2. Ouvrir les Eglises de r€veil aux exigences scientifiques de la Parole de
Dieu
Une des grandes lacunes de tous les nouveaux mouvements religieux qui naissent au
Congo, est la lg€ret avec laquelle leurs leaders interpr€tent la parole de Dieu. Certains
prdicateurs prouvent un profond mpris pour la formation classique destine au personnel
religieux. Leur argument principal tient en deux phrases : . J.sus n’a pas .t. . l’universit. .
ou . Il n’est .crit nulle part qu’il faut aller . l’.cole pour enseigner la parole de Dieu ..
A nombre d’entre eux, la dcouverte tardive de la Bible fait prendre conscience que
beaucoup de choses leur taient caches par les catholiques qui voulaient garder pour les initis
(pr.tres) les secrets pour oprer des miracles. D’o. leur rejet de tout ce qui est formation et
information sur la Bible qu’ils consid€rent comme une fa.on de canaliser l’oeuvre de l’Esprit
Saint qui souffle o. il veut et quand il veut.
Pour eux, la Bible est . dcouvrir sur le tas grce au souffle de l’Esprit Saint qui a
imprgn les ap.tres le jour de la Pentec.te. Pierre, le p.cheur pauvre et inculte, a, sous la
puissance de l’Esprit, fait un discours qui a donn naissance . l’Eglise du Christ. Dans quelle
universit est-il all apprendre l’exg€se ? L. aussi il y a lacune de culture religieuse et
d’histoire des religions. De lacunes en lacunes, la Bible qui est le livre essentiel et irrempla.able
dans la clbration du culte religieux des Eglises de rveil devient un outil qui justifie toutes les
drives qu’on dplore aujourd’hui. Chacun y cherchant des passages adapts . la situation du
requrant, elle donne lieu non pas . une lecture rationnelle, pour ne pas dire scientifique, mais .
une lecture essentiellement fondamentaliste et littrale. Peu importe l’interprtation qu’il faut
en tirer, tout ce qui vient de la Bible est sacr€.
Cette na.vet dans l’interprtation ne peut prtendre sauver "tout homme et tout
l’homme" et constitue une grande interpellation pour les Eglises institues si l’on veut que le
dialogue avec les Eglises de rveil soit possible et quilibr.
Il est dplorable, en ce XXI€me si.cle de se voir oblig de convaincre de l’importance
d’une initiation exgtique et thologique . la lecture de la Bible. Dj. dans la Bible elle-m.me,
en ne lisant que le passage de 2 Pierre III,16 on comprend que lire et interprter la Torah
220
n’tait pas . la porte des analphab.tes. Jsus a d compter sur de grands intellectuels de la
trempe de saint Paul, hritier du judasme, meilleur thologien sorti de l’cole de Gamaliel
(Actes XXII,3), pour annoncer son Evangile . travers le monde. Faut-il faire comprendre aux
leaders hostiles . toute formation et information exgtique que la Bible qu’ils ont entre les
mains exige pour sa meilleure comprhension, de longues tudes de thologie, d’archologie,
d’histoire, d’hermneutique, bref, de hautes tudes scientifiques ?
D’autre part, mondialisation oblige, ouvrir les Eglises de rveil . la critique de tout ce
qui est propos par le "church business", est une de meilleures fa.ons de ragir . temps contre
la triple vise de l’imprialisme amricain326.
Cette ouverture aux exigences scientifiques va des simples confrences dbats
hebdomadaires jusqu’aux cursus universitaires sanctionns par des dipl.mes acadmiques,
passant bien s.r aussi par des colloques et sminaires scientifiques o. sont reprsentes toutes
les composantes de la vie religieuse et politique du pays.
Nous pensons que les bases solides d’un oecumnisme interreligieux dans la situation
actuelle du Congo passe par cette ouverture aux exigences scientifiques. Cela a, . notre avis,
deux avantages primordiaux:
- Resserrer les liens entre les Eglises et communauts religieuses institues qui
saisiraient l’occasion pour redfinir et prciser les aspects et domaines de leurs dialogues
initiaux, avant de dfinir ensemble les limites ad quem et les conditions . remplir par les
nouveaux mouvements religieux pour participer au dialogue oecumnique et interreligieux.
326 Le professeur Flicien LUKOKI dans son adresse de bienvenue au XVIIe Sminaire Scientifique crit ce qui
suit : . Le phnom€ne "Eglise de rveil", comme tous les autres phnom€nes sociaux, est atteint par la peste ou
la pandmie de la mondialisation. Ne voit-on pas dans nos stades et autres lieux de culte des faiseurs de
miracles dbarquant comme des extra-terrestres pour semer la prosprit ? Ne voit-on pas, . longueur de
journe, de nuit, des prdicateurs, des vanglisateurs, singeant leurs ma.tres venus d’ailleurs, les uns parlant
en langues, les autres traduisant en dialectes, sans que les uns et les autres soient srs de la fidlit du message,
de l’interprtation, semant parfois ainsi le doute chez les fid.les.[…] Devant l’essor de cette industrie nouvelle
que nous pourrions appeler . church-business ., de pasteurs magnats de l’entreprise miracle qui s’enrichissent
sur le dos d’une population pauvre et conomiquement exsangue, mais qui ne se fatigue pas de . semer . dans
une entreprise sans fonds et dont elle esp.re rcolter le centuple, il nous faut ragir et vite ., op. cit. p. 310-311
En ce qui concerne la triple vise de l’imprialisme amricain, voir l’intervention du professeur Mabiala
Mantuba, op.cit. p. 271-273, notre point IV.2.3.3.
221
Les trois grandes Eglises chrtiennes (catholique, protestante et kimbanguiste) en ont
les moyens car elles disposent chacune de facults universitaires et de centres appropris pour
organiser . tour de r.le des rencontres scientifiques et proposer un cursus universitaire aux
futurs pasteurs des Eglises de rveil qui seront convaincus de la ncessit d’une bonne
formation scientifique, thologique et exgtique. Cette formation-information les aidera .
comprendre que Jsus n’est pas que "gurisseur" et "exorciste", mais qu’Il va au plus profond
de l’homme (Luc V,17ss). Il est le Sauveur de tout homme et de tout l’homme.
- Cette ouverture, pourra .tre soutenue par le gouvernement, en vertu de l’article 18 de
la charte internationale des Droits de l’Homme, de l’article 31 de la charte Congolaise des
Droits de l’Homme et du Peuple ainsi que du dcret-loi n.195 du 29 janvier 1999, portant
rglementation des associations sans but lucratif et des tablissements d’utilit publique,
spcialement la section II sur l’exercice du culte327. Cela permettrait aux Eglises de rveil qui
acceptent le dialogue de se grouper en plate-forme et de se doter ainsi de r€glements rgissant
leur corporation, comme le recommande le XVII€me Sminaire Scientifique de la facult
d’conomie et de dveloppement de Kinshasa.
IV. 3. 3 Ouverture et exigences : pour quel dialogue en perspective ?
D’aucuns le savent, rien ne sert mieux l’action que la rflexion. Ce qui caractrise
jusque l. l’action pastorale des Eglises de rveil au Congo est souvent la spontanit, que ce
soit dans la liturgie, la prdication de la parole ou dans les principes thologiques. Or pour
envisager un dialogue quilibr, il est ncessaire de partir sur des bases tablies et stables. Dans
cette perspective, les avantages de l’ouverture et des exigences scientifiques sont de deux
ordres :
* Du point de vue religieux : Les Eglises africaines indpendantes en gnral et celles de
rveil en particulier, nes les unes comme les autres pendant les priodes de transition
politique, se sont toujours montres tr€s hostiles envers les missionnaires et ennemis acharns
de la doctrine thologique classique, en m.me temps aussi adversaires irrductibles de
certaines croyances et pratiques de la religion ancestrale. Cette situation qui les place entre
deux eaux ne leur a pas encore donn l’opportunit de se constituer un corps doctrinal propre.
327 Voir annexe 21
222
Les Eglises de rveil pataugent encore dans un syncrtisme de juxtaposition sans une thologie
clairement formule. Or pour avoir une thologie clairement formule, il faudra qu’elles aient
leurs propres thologiens, capables de dialoguer avec les autres . partir de m.mes bases
anthropologiques, en rfrence avec la Bible. L’ouverture aux Eglises institues, - qui
dveloppent dj. une thologie de "l’inculturation" plus proche des motivations des Eglises de
rveil -, prsente, . notre avis, un grand avantage pour les uns et pour les autres dans la
perspectives d’un dialogue oecumnique quilibr.
Cet avantage permet aux Eglises institues d’largir les limites du dialogue actuel, non pas
seulement en y insrant dignement les Eglises de rveil "plutt soft", mais aussi en largissant
le domaine du dialogue qui passerait du domaine des simples discours audacieux et abstraits au
domaine d’action commune et concr€te que Ren Girault328 appelle "dialogue s€culier", en
passant bien s.r par le dialogue spirituel et le dialogue de pens€e th€ologique.
En effet, l’oecumnisme interreligieux bas sur l’ouverture et l’exigence devra conduire les
diffrents interlocuteurs . gravir ensemble les marches de la complmentarit et de l’unit qui
passent par ces trois paliers de la "catharsis" que sont : le dialogue spirituel, le dialogue de
penses thologiques et le dialogue sculier.
IV. 3. 3. 1. Le dialogue spirituel
Le dialogue spirituel est celui o., dans la simplicit, les croyants prient ensemble pour
l’unit, la justice et la paix, sachant cependant que l’agent principal dans ce premier palier est
l’Esprit Saint qui anime les partenaires. C’est vers lui que chacun d’eux devra se tourner, pr.t .
donner et . recevoir de l’autre les rayons de la m.me Vrit que l’Esprit qui est . l’oeuvre
diffuse en chacun. De ce premier palier, les Communauts institues, principales protagonistes
de l’oecumnisme interreligieux, peuvent tirer un double avantage si elles comprennent qu’il
s’agit d’un dialogue et non d’un monologue et que la plnitude de la rvlation en Jsus-Christ
et/ou leur antriorit historique ne les dispensent pas d’couter, d’apprendre, de respecter, de
discerner et d’.tre quand m.me aussi prudentes. Elles gagneront ainsi, un enrichissement de
leur foi grce . l’exprience et au tmoignage des autres.
328 Voir Ren GIRAULT et Jean VERNETTE, Croire en dialogue, chr€tien devant les religions, les Eglises,
les sectes, op.cit., p. 244.
223
Ce premier palier correspond, en fait, . ce qui a toujours t organis et programm de
fa.on unilatrale par l’Eglise catholique, une fois l’an, pendant la semaine de pri€re pour l’unit
des chrtiens. Bien que l’initiative soit louable, son organisation et ses mthodes ne rpondent
plus aux normes d’un vrai dialogue spirituel entre partenaires tourns, sans recherche
d’uniformit, vers l’Esprit Saint comme agent principal de l’unit. Le mod€le . ce stade est .
chercher dans l’organisation et la mthode de la rencontre d’Assise, d’octobre 1986.
En effet, l’initiative d’une runion en vue de la paix entre les nations tait prise par le
pape Jean-Paul II, le 25 janvier 1986. Accueillie positivement par les responsables des Eglises
et communauts chrtiennes, tout comme par ceux d’un grand nombre d’autres religions, elle
ne verra cependant sa date fixe que le 6 avril o., apr€s consultation, on opta pour le jour de la
f.te de Saint Fran.ois d’Assise, ap.tre de la paix vanglique et prcurseur de l’oecumnisme
interreligieux.
Quant . la signification profonde de cette rencontre d’Assise, il faudra dire, avec le
cardinal Etchegaray, qu’elle n’a pas t une runion de "pri€re commune", mais qu’ensemble,
les diffrentes traditions ont pri, chacune de son c.t et . sa mani€re, pour une cause
commune : la paix dans le monde. Le fait d’avoir choisi un jour qui n’tait le "Shabbat"
d’aucune tradition signifie que la rencontre a vit toute divergence, dans le respect de ce qui
est sacr pour chacun.
En marge de cette stratgie organisationnelle, ces deux points nous paraissent donner la
signification profonde de la rencontre :
- A c.t des efforts entrepris par les hommes politiques et les chefs d’Etats pour
amliorer les relations internationales, et . l’instar de l’O.N.U. qui s’tait dcid de faire de
l’anne 1986, une anne de la paix, Jean-Paul II voulait, de son c.t, donner une signification
spirituelle . l’vnement : la paix par la pri€re, la mditation, le je.ne, le p€lerinage.
- Comme le dira M.D. Chenu, l’autre signification de cette rencontre est le passage des
discours aux actes concrets : . L’Eglise tient d€sormais que son rapport avec le monde
s’€tablisse, non par une conqu.te dominatrice, encore moins par des anath.mes, mais par un
224
dialogue, dont la premi.re loi est le discernement et la reconnaissance des v€rit€s que
pr€sente le partenaire… L’intervention du pape ne se situe pas sur le terrain des discours
doctrinaux, valables certes, mais abstraits et id€ologiques, elles pose un fait, dont la praxis
engage une v€rit€ concr.te . 329
IV. 3. 3. 2. Dialogue de pens€e th€ologique
Dans l’ditorial d’un numro de Concilium, Hans Kung et J.rgen Moltmann crivent :
. Personne ne pourra le contester, nous vivons en un temps o. la paix dans le monde et la
communion des hommes dans la libert€ et la justice sont constamment menac€es par des
tensions religieuses. Or les tensions sont souvent provoqu€es par la m€fiance, la m€fiance par
l’ignorance ou l’arrogance. Beaucoup serait d€j atteint si les membres des diff€rentes
religions dans le monde se connaissaient mieux les uns les autres. C’est pourquoi il importe
en premier lieu d’€largir dans le dialogue entre les religions notre horizon d’information et
de compr€hension. .330
Sur ce point, nous constatons que la dmarche actuelle est toujours . sens unique. Ce
sont les thologiens chrtiens, catholiques et protestants, qui s’interrogent sur le sens du fait
religieux, sur le pluralisme, l’inculturation et sur la signification de ce pluralisme du point de
vue de leur foi au Christ. Cette dmarche . sens unique constitue, pour nous, une autre
interpellation et, comme le dit Monique Aebischer-Crettol, . un signe des temps qui demande
discernement .331.
Dans le cas du Congo, l’urgent est de donner la possibilit aux autres interlocuteurs
afro-chrtiens d’avoir une base thologique stable et fiable sur laquelle ont peut se rfrer pour
un dialogue de pense, tant soit peu, quilibr.
C’est dans ce sens que ce second palier vers l’oecumnisme interreligieux constitue le
maillon qui tient en quilibre le dialogue spirituel et le dialogue s€culier. Le dialogue de pense
thologique est, en fait, celui o. les thologiens et penseurs de diffrentes communauts
religieuses et de diffrents lieux d’implantation de ces communauts changent leurs penses
329 Voir Actualit€ religieuse dans le monde, Cahier Spcial, n.38-15 octobre 1989, p. 21
330 Editorial, Concilium 203, 1986, p. 7
331 M. Aebischer-Crettol, op. cit., deuxi€me partie du livre.
225
dans une coute profonde, non pas d’abord pour essayer de trouver un point faible dans la
pense de l’autre, mais pour la comprendre du dedans et pour, . son tour, .tre cout et
compris par lui. Ce qui conduirait, plut.t qu’. de vaines rivalits, . un enrichissement de
penses thologiques et scientifiques, issues parfois du choc des ides et de l’largissement
d’horizon d’informations scientifiques que ne peut ignorer un thologien. Ce qui aiderait aussi
. mettre . plat certaines na.vets doctrinales qui n’ont plus de sens en ce XXI€me si€cle o.
science et foi ne peuvent plus s’ignorer.332
D’aucuns le savent, la convergence entre les disciplines purement scientifiques et la
thologie ncessite une grande ouverture et appelle au dialogue. Des disciplines comme la
biologie ou la gntique posent actuellement la question du sens, qui intresse au plus haut
point le thologien. Raison fondamentale pour pousser nos Eglises et communauts religieuses
. promouvoir le dialogue de pense thologique pour asseoir les bases de tout autre dialogue :
dialogue avec la science, dialogue spirituel et dialogue social que nous appelons "s€culier" ou
dialogue des oeuvres qui entre dans l’avantage du point de vue socio-culturel et conomique.
* Du point de vue socio-culturel et €conomique : Les conclusions du XVII€me
Sminaire scientifique de la facult d’Economie et Dveloppement ont montr que la
participation des adeptes des certaines Eglises de rveil est une preuve qu’il y a une volont
manifeste de rflchir ensemble . un haut niveau scientifique sur des questions socio-culturelles
et conomiques dont les mfaits ternissent l’image de ces Eglises.333 Le troisi€me mode de
dialogue est de ce fait ncessaire :
332 Voir . ce sujet les tudes de Fran.ois EUVE sj , Cr€ation comme jeu, ditions du Cerf, Paris 2000 ; Science,
Foi, Sagesse. Faut-il parler de convergence ? (L’Atelier 2004). [Franois Euv, pr.tre de la Compagnie de
Jsus est thologien et physicien. Sa double formation et le choix de son champ d’tude l’habilitent . rflchir
aux relations entre sciences et religions. A l’instar de Teilhard de Chardin, Franois Euv est un homme de
convergence, et donc partisan du dialogue de pense thologique et scientifique.]
333 Le professeur Flicien Lukoki a slectionn dans son adresse de bienvenue 6 questions parmi tant d’autres
par lesquelles les reprsentants des Eglises de rveil prsents au Sminaire ont pris conscience de l’image qu’ils
donnent en agissant trop souvent dans une spontan€it€ na.ve, sans rflexion sur les consquences
sociologiques, culturelles et conomiques que ces actions ont sur la vie des adeptes et du pays tout entier. . 1.
Peut-on construire une conomie durable avec des enseignements du type : . Dieu fera tout . (Nzambe
akosala). Enseignement contraire au message crateur de Dieu (Gn 1,28) et contraire . l’enseignement de Saint
Paul, 2 Thess. 3, 8-12). 2.. Peut-on avoir une conomie durable si l’unique fa.on de constituer le capital de
l’entreprise est la d.me prleve sur les fid€les pauvres, conomiquement anmis ? 3.Peut-on avoir une
conomie forte si les travailleurs, les tudiants et les l€ves sont agresss . longueur de journe et de nuit par
des musiques tonitruantes qui perturbent la quitude du travail et le sommeil ? 4.Peut-on avoir une conomie
forte et durable si l’ouvrier, sur le lieu du travail, passe son temps . lire ou . discuter Bible, au lieu d’accomplir
se tche quotidienne ? 5. Peut-on construire une nation forte, . l’conomie florissante, avec un peuple qui passe
4 . 5 heures en pri€re par jour, alors que nous n’avons que 8 heures de travail ? Et ceci, sans oublier que la
nuit, il faut veiller des heures durant. 6. Peut-on construire un pays conomiquement fort avec des familles
dsarticules dans lesquelles papa et maman passent plus de temps au lieu de culte qu’. la maison ou au
travail ? ..
226
III. 3. 3. 3. Dialogue S€culier
Le spirituel et le rationnel n’ont aucun sens s’ils ne peuvent aboutir au social et . la vie
concr.te. Ce troisi.me palier est celui o. ensemble, les diffrents croyants mettraient en
application les enseignements sociaux de la Parole de Dieu contenue dans les livres sacrs ;
enseignements qui visent le bien .tre de tout homme et de tout l’homme.
A l’instar de Paul VI dans Populorum progressio, Jean-Paul II y a cibl son
enseignement dans l’exhortation apostolique post synodale, Ecclesia in Africa. Il crit :
. L’obligation de se consacrer au d.veloppement des peuples n’est pas seulement un devoir
individuel, encore moins individualiste…C’est un imp.ratif pour tout homme et toute femme
et aussi pour les soci.t.s et les nations, il oblige en particulier l’Eglise Catholique, les autres
Eglises et les communaut.s eccl.siales, avec lesquelles les catholiques sont dispos.s .
collaborer dans ce domaine. Pour favoriser le d.veloppement int.gral de l’homme, les
Catholiques peuvent .galement faire beaucoup avec les croyants des autres religions, comme
ils le font du reste en divers lieux . (E.A. n.109)
En effet, toute communaut a le droit de prendre des initiatives concernant ses
mthodes pastorales, cependant, n’tant pas hors du monde, personne ne peut rester longtemps
hors-la loi et hors des acquis scientifiques dans sa mani€re de vivre, de s’exprimer et d’exercer
abusivement son influence au dtriment de l’quilibre socio-culturel et conomique de
l’ensemble de la population.
Tr€s souvent hors-la loi et hors des acquis scientifiques, certains leaders des Eglises de
rveil sont . la base d’un phnom€ne social, aujourd’hui inacceptable : celui des enfants de la
rue ou de ces enfants que Chantal Tokatlian334 appelle . Esclaves du XX.me si.cle : les enfants
dans les sectes .. Les enfants des rues des diffrentes villes du Congo, appels "chiegues" ou
"enfants sorciers" sont souvent victimes de certains pr.ches religieux de leaders qui disloquent
le noyau familial dans des croyances aussi plates que na.ves du mod€le : . J’ai eu une
r.v.lation de J.sus qui vous demande de divorcer si voulez sauvegarder votre vie .. Ou du
genre : . D€barrassez-vous sans tarder de tel enfant qui est pr.t manger votre .me par
sorcellerie… (sic) .
227
Au pire, les enfants ainsi abandonns deviennent la proprit du groupe au dtriment
des liens avec les parents. Sans .tre estims comme des personnes, ils n’ont pas d’autres choix
que de subir la prostitution, les mauvais traitements de toutes sortes, le sida, etc.
A la rue, sans foi ni loi, ils deviennent le miroir d’une socit en manque de structure et
de valeurs socio-culturelles et morales. La question est celle de C. Tokatlian : . Mais qui,
aujourd’hui, s’inqui.te r€ellement de ces enfants sans d€fense parqu€s dans [nos rues]…
dans les sectes ? Aucune structure sociale ou associative n’est cr€€e pour cette cat€gorie
d’enfants. Qui sont-ils ? Pourtant, des .tres comme vous et moi… Le fait plus que grave est
que ces enfants constituent une deuxi.me g€n€ration d’adeptes des sectes. Adeptes forc€s bien
entendu, car leur pr€sence la rue, dans une communaut€, un groupe sectaire ne r€sulte pas
de leur libre arbitre, mais est plutt conditionn€e par l’appartenance d’un ou des deux
parents la secte… .335
Les Eglises, les communauts institues et le gouvernement du Congo ont grand intr.t
. oeuvrer pour l’largissement des limites du dialogue oecumnique et interreligieux pour
trouver des voies propices . relever certains dfis majeurs dont celui des enfants de la rue. Si
pour certaines raisons, l’Etat n’arrive pas . prendre ses responsabilits pour faire respecter la
loi, les communauts religieuses institues peuvent suppler . cette dfaillance en faisant
prendre conscience de tous ces mfaits aux Eglises de rveil. C’est dans cette perspective que
l’ouverture de ces Eglises au dialogue et aux exigences de la critique scientifique est un
avantage pour la stabilit socio-culturelle, conomique et m.me politique de la Rpublique
Dmocratique du Congo.
334 Chantal TOKATLIAN, Esclaves du XX€me si€cle : les enfants dans les sectes, J. Grancher, diteur, Paris,
1995, 199pages
335 ibidem p. 9
228
CONCLUSION GENERALE
229
Il nous a paru ncessaire de faire une relecture de la situation socio-politique, culturelle
et religieuse de la Rpublique Dmocratique du Congo pour comprendre que le phnom€ne
"Eglises de rveil" est l’aboutissement de la prise de conscience d’une gnration qui s’est
toujours rveille, sous le soleil quatorial, de gr ou de force, avec un costume en velours ou
en laine, non taill sur mesure.
Nous avons ainsi montr, au premier chapitre, que la gnration qui est aux commandes
des affaires au Congo, depuis le lendemain de l’indpendance jusqu’. nos jours, . quelques
exceptions pr€s, est une gnration ne politiquement sous la colonisation occidentale, laquelle
a trac ses limites gographiques sans tenir compte de leur impact sociologique, linguistique et
culturel. Une gnration ne de parents qui du point de vue religieux, n’ont rien demand aux
Europens, mais . qui les missionnaires, confondant souvent "€vang€lisation" et "civilisation",
ont impos le christianisme au mpris de toutes les valeurs religieuses et culturelles
prexistantes. Cette dmonstration nous a conduits . la conclusion partielle que l'instabilit que
conna.t aujourd’hui ce pays est, entre autre tributaire d’un certain "rejet" de cet environnement
go-culturel et religieux impos.
Au deuxi€me chapitre, nous avons abord l’tude de l’implantation des religions et
communauts religieuses actuelles interlocutrices du dialogue oecumnique et interreligieux.
Cette tude nous a montr que les mthodes d’implantation de l’Evangile au Congo, trop
htives et superficielles, en m.me temps que contraignantes, ont tr€s t.t fait clore des
mouvements de rsistance que le gouvernement colonial brimait en condamnations et en
relgations, par crainte qu’ils se dveloppent et se transforment en partis politiques puissants et
organiss.
A dfaut de les analyser tous, nous nous sommes limits . prsenter celui qui est
devenu, apr€s l’indpendance, la troisi€me Eglise officielle du pays et membre international du
Conseil OEcumnique des Eglises (C.O.E.): l’Eglise du Christ sur terre par le proph€te Simon
Kimbangu. Notre intuition sur la fragilit de cette Eglise au sein du C.O.E., vu le double visage
qu’elle prsente, est sur le point de se raliser. La croyance fondamentale des adeptes sur le
230
r.le et la place du fondateur au sein de la Trinit divine ne pouvait pas longtemps maintenir
l’Eglise kimbanguiste au sein du Conseil OEcumnique des Eglise sans probl€me particulier.336
Nous avons tent de montrer aussi que l’islam, introduit . l’est du Congo par les
"arabiss" apr.s l’abolition de l’esclavage, a t, . ses tous dbuts, un syncrtisme afro-
musulman, diffrent de l’islam du Nord et de l’Ouest Afrique. Il a, pour cet effet, longtemps
figur sur la liste des sectes condamnes par le gouvernement colonial et dont les propagateurs
mritaient la rclusion, comme ceux du kimbanguisme, du kitawalasme, du ngunzisme, du
nzambi wa malemba, du bwanga bwa nkuba, du wazungu et autres sectes rpertories dans les
archives nationales du Zare.
En fait, cette dmonstration de la superficialit de l’vanglisation . l’poque coloniale
ne nous a pas amens . la conclusion que tout fut artifice et faux-semblant, ce qui n’aurait pas
t honn.te de notre part, au vu du bilan gnral que le christianisme a offert aux peuples
africains sur le plan spirituel, culturel et intellectuel. Nous avons relev dans notre tude
beaucoup d’aspects positifs, notamment l’tude des langues africaines locales avec la
publication des oeuvres d’rudition dans le domaine linguistique : livres de grammaire,
dictionnaires, catchismes et versions africaines de la Bible, des monographies d’ethnologie et
d’anthropologie consacres aux peuples indig€nes du Congo belge, etc. Du point de vue social,
nous avons not que, tirant des le.ons de l’chec de la premi€re vanglisation, l’Eglise s’est
beaucoup investie dans le combat pour l’abolition du syst€me d’esclavage interne ou externe et
pour la suppression de la traite des Noirs au XIX€me si€cle, particuli€rement les missionnaires
spiritains, avec le p€re Libermann qui a relanc la seconde vanglisation et les missionnaires
d’Afrique appels "P€res Blancs", . l’instigation du grand cardinal Lavigerie.
C’est du point de vue doctrinal que nous avons dnonc les mthodes de la mission
lies . celles de la colonisation, en dmontrant qu’elles ont dclench dans le psychisme des
336 Depuis juillet/Ao.t 2004, les nouvelles qui nous parviennent de la Rpublique Dmocratique du Congo font
tat de la rupture des relations entre les catholiques et les Kimbanguistes et de l’exclusion de l’Eglise
Kimbanguiste de la communion OEcumnique d’avec les Eglises chrtiennes(juillet/ao.t 2004). Pour les
v.ques catholiques du Congo, l’volution rcente de l’Eglise kimbanguiste fait tat d’un drapage par rapport
. la doctrine chrtienne d€s lors qu’il y a une nette identification des 3 fils du proph€te Simon Kimbangu, aux
trois personnes de la sainte Trinit. De ce fait, le kimbanguisme qui ne se reconna.t plus au travers du grand
myst€re chrtien de la tr€s sainte Trinit, en manifestant l’idoltrie et la divination, prouve . suffisance qu’il
n’est plus une religion chrtienne.
231
indig€nes du Congo belge le phnom€ne "d’Assimilation-rejet" et que Jean Delumeau qualifie
de "revanche de l’histoire"337. Une revanche des valeurs traditionnelles africaines, dirons-nous,
considres pendant des si€cles comme des "simples pierres d’attente".
Le dbat scientifique autour de l’opportunit d’une thologie africaine, men et cl.tur
avec succ€s par les thologiens africains de la premi€re gnration est une belle illustration de
ce processus "d’assimilation-rejet", processus qui a normment favoris l’mergence de
l’africanisation du christianisme, avec comme cheval de bataille "l’inculturation" rsume en
ces termes : . Chr.tien sans trahir l’Afrique, Africain sans nier le Christ ..
Au troisi€me chapitre, nous avons montr que le christianisme africain, dans son effort
"d’inculturation" bute contre le rigorisme du magist€re romain qui raffirme avec vigueur,
l’universalit, et l’unicit de l’Eglise catholique. Cela en dpit de l’ouverture voulue par le
concile Vatican II qui laisse une chance aux Eglises particuli€res, notamment . leurs
thologiens, de s’exprimer dans un dbat d’ides orient vers "l’indispensable pluralit€"
religieuse.
Qui plus est, le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, soutenant les efforts
des Eglises particuli€res, a ouvert une br€che pour la situation religieuse particuli€re de la Rdc
o., il a affirm qu’. aucune d.marche relative . l’oecum.nisme interreligieux ne peut se faire
sans tenir compte des nouveaux mouvements religieux .338
C’est dans le sillage de cette br.che ouverte par le concile Vatican II, encourage par le
Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, et pour faire suite aux travaux scientifiques
entams par le Centre d’Etudes des Religions Africaines (C.E.R.A.) et ceux de la facult
d’conomie et dveloppement des Facults Catholiques de Kinshasa339, que nous avons
dvelopp, dans le quatri€me chapitre, nos convictions et nos raisons de croire qu’en plus de
337 Jean Delumeau dans son article intitul . L’offre et la demande dans l’histoire chr.tienne . crit : . Il ne
suffit pas de vouloir et de croire imposer un credo des masses humaines pour que celles-ci l’assimilent
automatiquement, m.me quand, assaillies par une intense propagande ou d€sireuses de s’int€grer au groupe
social dominant, ou pour les deux causes la fois, elles paraissent adopter – et adoptent effectivement pendant
un certain temps – la foi des hommes au pouvoir. Les mentalit€s ne se modifient que lentement et opposent
l’acculturation autoritaire une r€sistance longtemps silencieuse et souterraine qui met parfois des si.cles
avant d’appara.tre au grand jour .. Voir 2000 ANS DE CHRISTIANISME, op.cit., tome X, dossier 30, p. 245
338 Voir compte rendu du quatri€me Colloque international du CERA, Facult Catholique de Kinshasa.
339 Ve Colloque international du C.E.R.A et VIIe semaine scientifique de la facult d’conomie et de
dveloppement, op.cit.
232
re-dynamiser nos Eglises institues au travers d’une inculturation qui rponde aux attentes de
nos chrtiens, il est ncessaire et urgent :
Primo, de repenser les expressions, termes et paradigmes pjoratifs et mprisants, fruits
de la surestimation historique des grandes Eglises. C’est quand celles-ci auront dvelopp des
attitudes de respect, de modestie et de remise en question de leur propre identit, qu’elles
seront aptes au vrai dialogue avec les autres communauts et nouveaux mouvements religieux
dans une ouverture rciproque . l’exprience de l’autre, jetant du lest, abandonnant tout ce
qui est purement contingent et adventice, pour la reconstruction de la communion eccl€siale
et religieuse. Cela, non pas dans un syncrtisme de juxtaposition, c’est-.-dire spontan et
extrioris, mais dans un "syncrtisme de synchronisation", c’est-.-dire rflchi et intrioris.
C’est par l. que passe, . notre avis, le chemin du christianisme universel vers une Eglise
particuli€re africaine.
Le paradigme "universel" ne gardera son sens que quand les "particuliers" seront
stabiliss et harmoniss. Le syncrtisme cessera d’.tre mpris quand on aura compris
qu’aucune religion n’y a chapp, que chacune, si rpandue et populaire soit-elle, a forg sa
doctrine, . un moment ou . un autre, en empruntant aux autres religions des valeurs
intriorises, harmonises et "incultures".
Enfin, c’est quand les grandes Eglises chrtiennes auront compris que si Dieu est Dieu,
Il peut en toute souverainet avoir plus . dire et plus . faire que ce qui a t dit et fait par le
Christ. Et que le Christ lui-m.me peut continuer . parler et agir . travers d’autres institutions
que les Eglises institues. Autrement dit, il y a plus de places dans le Royaume de Dieu que
dans les Eglises institues.
Avec la mondialisation des religions, il est important de re-considrer la question du
changement de paradigme : de l’ecclsiocentrisme au christocentrisme, du christocentrisme au
thocentrisme dans une complmentarit des valeurs entre toutes les religions pour l’unit des
croyants et pour la paix dans le monde. Complmentarit qui ne veut pas dire conformit, et
unit€ qui ne signifie pas uniformit. Cette re-considration de termes et de paradigmes nous est
apparue primordiale pour asseoir l’oecumnisme interreligieux dans un pays de mission hyper-
religieux comme le Congo.
233
Secundo, d’largir les aspects, les domaines et les limites actuels de l’oecumnisme
interreligieux. Jusqu'. prsent, le dialogue est limit . deux domaines : aux rencontres
programmes et pr-orientes par la hirarchie de l’Eglise catholique pendant la semaine de
pri.re pour l’unit des chrtiens et aux rencontres sporadiques des reprsentants des
diffrentes religions et confessions religieuses pour des questions lies . la scurit, la paix et le
dveloppement des citoyens, o. ils sentent l’opportunit de se runir pour s’adresser d’une
m.me voix . l’autorit politique.
Nous avons montr que les Eglises institutionnalises ont les moyens et la possibilit
d'aller plus avant. L’avenir d’un christianisme vraiment africain passe par l’ouverture aux
dbats scientifiques oecumniques et interreligieux, au sein des facults universitaires de
sciences religieuses et de sciences humaines. Dbats dans lesquels il faudra compter sur la
crativit de communauts chrtiennes marginalises, mais dynamiques, constitues de
volontaires motivs et plus proches de la vie courante de la socit africaine actuelle.
La rigueur scientifique des dbats doit aider les uns et les autres . mieux reflter dans
. leur mani.re de vivre et de s’exprimer, comme le sugg€re le professeur Ntedika, les valeurs
des civilisations au sein desquelles elles passent, dans le temps et dans l’espace, sans
s’arr.ter aux aspects les plus superficiels et p€rim€s de la culture africaine ., c’est-.-dire aux
tapes infrieures de la culture africaine ( ambiance festive, exubrance, recherche . tout prix
du thaumaturge, interprtation des textes au premier degr )340.
C’est au travers de sessions de formation et d’information scientifique que viendra le
vrai dsir de mieux conna.tre les Eglises de rveil, et que de leur part, viendra l’envie de
discerner les vraies motivations de leurs parrains amricains et autres de la . chuch business ..
En m.me temps na.tra l’envie de se forger une thologie propre, pour engager le vrai dialogue
dans la coexistence pacifique et l’change de mthodes et de techniques, pour une action
d’vanglisation et de dveloppement plus adquate et plus profonde.
340 En Afrique, les proverbes, par exemple, ne sont pas des dictons qui se lisent et s’interpr.tent au premier
degr. Leur message est toujours plus profond que les mots qui les expriment. Les Eglises de rveil devront .tre
aides par les dbats scientifiques . comprendre que la culture africaine a des tapes suprieures bien dignes de
ses sages et des tapes infrieures, . travers les exubrances des cl.nes (migandji)…
234
Dans tous les cas, cela ne peut, . notre avis, se faire qu’au cas par cas. Les Eglises de
rveil qui se crent et s’effondrent au gr des vagues ne sont pas toutes aptes et disposes .
pareil exercice d’ouverture et d’exigence.
Notre propre exprience sur le terrain, dans le cadre de la semaine de pri.re pour
l’unit des chrtiens, nous a montr qu’il est plus facile de runir les chrtiens de diffrentes
confessions religieuses, que de runir autour d’une m.me table, les leaders de ces diffrentes
communauts, leur leitmotiv ou les raisons initiales de leur sectarisme tant parfois extra
religieux. C’est une des grandes difficults . laquelle on pourra .tre confront et qui
demandera beaucoup de mthode et de tact pour russir le pari. En dehors des rencontres de
diffrents responsables nationaux de toutes les confessions religieuses y compris celui des
Eglises de rveil341, il n’existe pas d’autres rencontres motives . d’autres niveaux, pareilles .
celles qu’organisent, sous d’autres cieux, des communauts juives au sein de la "fraternit des
fils d’Abraham".
Dans le contexte actuel des religions et communauts religieuses en Rpublique
Dmocratique du Congo, face . l’mergence grandissante des Eglises de rveil, nous sommes
arrivs . la conclusion qu’il vaut mieux allier l’ouverture d’esprit . l’exigence, plut.t que de
s’arr.ter . la tolrance dans la rigueur qui ne favorisent pas la sincrit dans le dialogue
oecumnique et interreligieux.
Au travers de la tolrance et la rigueur, c’est la vie dans un m.me univers socio-
culturel, les uns . c.t des autres, chacun s’occupant de ce qui le concerne, alors que dans
l’ouverture et l’exigence, c’est la vie dans un m.me univers socio-culturel, les uns avec les
autres dans le respect de la diffrence et dans l’enrichissement psycho-doctrinal mutuel.
Un prlat de l’Eglise catholique de France crit ceci qui pourrait rsumer . peu pr.s
notre th.se : . La tol€rance laisse un arri.re-go.t de suffisance et la rigueur peut facilement
rimer avec raideur, l’ouverture d’esprit est bien €vang€lique. Ce n’est pas simplement une
bonne disposition de caract.re. Pour un chr€tien, il s’agit en fait de l’ouverture de son esprit
l’Esprit de Dieu. Il reconna.t que celui-ci agit invisiblement dans le coeur de tout homme.
"D’une fa.on que Dieu conna.t" pour reprendre l’expression du concile Vatican II. Devant le
235
sectarisme des disciples, le Seigneur J€sus voit large : "Celui qui n’est pas contre nous est
pour nous"(Marc 9,38-48)….342
Tenant compte du fait que dans l’authentique tradition africaine, quand on discute, ce
n'est souvent pas pour chercher . avoir raison . tout prix, mais pour savoir de quoi l'on
parle, les religions en Rpublique Democratique du Congo, - face au grand brassage de la
mondialisation, profitant des ouvertures des documents conciliaires clairs par l'ventail des
dbats thologiques actuels et tirant partie de la tendance plut.t souple de la plupart des
Eglises de rveil, - gagneront en stabilit si elles arrivent . surplomber le sectarisme des leaders
des Eglises de rveil et la surestimation historique des grandes communauts. C'est dans cette
logique qu'il faut chercher . comprendre le nicod€misme de croyants congolais. C'est en
suivant cette sagesse traditionnelle que les diffrents acteurs du dialogue oecumnique et
interreligieux cimenteront ensemble le chemin de l’inculturation souhaite par les uns et les
autres. Il s’agit d’une tche qui exige beaucoup de tact, de modestie, de discernement et de
perspicacit.
Notre th€se contribue, dans ce sens, . cette lucidation ncessaire . la cimentation du
chemin de l'inculturation au travers d’un oecumnisme interreligieux ouvert et exigent.
341 Voir notre annexe 14
342 Yves Patenotre (Mgr), . Au nom de votre appartenance au Christ ., dans P.lerin, n.6304, du 25 sept. 2003,
p. 6.
236
B I B L I O G R A P H I E
237
** Sur les Eglises de rveil qui pullulent actuellement en R.D. Congo, nous ne disposons pas
d’une grande bibliographie scientifique spcialise, mais des rsultats des tudes de quelques
colloques tenus aux Facults Catholiques de Kinshasa, de quelques articles et rsultats
d’enqu.tes publis dans les revues scientifiques locales et des travaux de fin de cycle des
tudiants de Sociologie et Anthropologie de l’universit nationale de Kinshasa.
** Par contre, nous avons une bibliographie importante sur les nouveaux mouvements
religieux de fa.on gnrale, s’talant entre 1960 et 1993 : gnralits sur les nouveaux
mouvements religieux, monographies sur les nouveaux mouvements religieux au Za.re et
monographies sur les nouveaux mouvements religieux dans le reste de l’Afrique. Nous
reprenons toute cette bibliographie en annexe 3 pour le besoin des futures recherches sur les
phnom€nes religieux actuels au Congo.
** Nous reprenons aussi en annexe 1 et 2, par souci des dtails thmatiques, toute la liste des
textes des actes du IVe Colloque international du Centre d’Etudes des Religions Africaines
(CERA) et celle des textes du XVII€me sminaire scientifique de la facult d’Economie et
Dveloppement des Facults Catholiques de Kinshasa sur les th.mes : . Sectes, Cultures et
Soci€t€s. Les enjeux spirituels du temps pr€sent . ; . L’€conomie des Eglises de r€veil et le
d€veloppement durable en R.D. Congo ..
** Par souci des recherches ultrieures, nous reprenons en annexe 4 la liste des mouvements
syncrtiques au Congo belge. Inventaire des archives nationales du Za.re (1921-1959)343
343 Nos propres recherches . la biblioth€que africaine du Minist€re des Affaires Etrang€res . Bruxelles et . celle
du Muse de Tervuren (Belgique) ont t normment facilites et recoupes par la publication de Djongongel
Otshudi Damase et celle Modio Zambwa Stanislas. On peut donc retrouver le contenu in extenso des nos
annexes 3 et 4 dans Ntedika Konde Joseph, Djongongele otshudi Damase, Modio Zambwa Stanislas, Les
nouveaux mouvements religieux : €vang€lisation et d€veloppement, Biblioth.que du Centre d’Etudes des
Religions Africaines n.15, Facults catholiques de Kinshasa, 1997, pp. 35-104.
Pour toutes recherches sur les phnom.nes religieux actuels au Congo, se passer de ce travail serait une lacune
tr.s notoire. C’est pour cela que nous avons jug bon de le reprendre en annexe.
238
I. TEXTES SOURCES
- ACTES DU SAINT-SIEGE, . Les sectes ou Mouvements religieux ; D€fi pastoral.
Rapport d’une enqu.te de quatre Dicast.res ., Documentation Catholique du 1 juin 1986, n.
1919, p. 547.
- BENOIT XV, Encl. Maxim Illud, publie en 1919.
- CONCILE OECUMENIQUE Vatican II, Constitutions. Dcrets. Dclarations, Editions
du Centurion, Paris, 1967.
- CONSEIL OECUMENIQUE DES EGLISES, Lignes directrices sur le dialogue avec les
religions et id€ologies de notre temps, Gen€ve, 1979, 20 pages.
- CONSEIL PONTIFICAL POUR LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX ET LA
CONGREGATION POUR L’EVANGELISATION DES PEUPLES, . Dialogue et
annonce. R€flexions et orientations concernant le dialogue interreligieux et l’annonce de
l’Evangile de J€sus-Christ (19 mai 1991) ., dans Pontificium Consilium pro Dialogo inter
religiones, Bulletin, n. 77 ; 26 (1991/2), p. 260-302.
- JEAN XXIII, Encl. Princeps Pastorum, publie le 28 novembre 1959.
- JEAN XXIII, Motu proprio Superno Dei Nutu, 5 juin 1960.
- JEAN-PAUL II, Encyclique Redemptor hominis, publie le 4 mars 1979, DC 76 (1979),
p.301-323.
- JEAN-PAUL II, Encycl. Ut Unum sint, sur l’engagement oecumnique, publie en 1995,
DC n.22118, p. 567-597.
- JEAN-PAUL II, Encyclique Redemptoris missio (7 dcembre 1990), DC 88 (1991), p.153-
191.
- JEAN-PAUL II, Lettre apostolique Tertio millennio adveniente, sur la prparation du
Jubil de l’An 2000, DC 1994, n.2105, p. 1017-1032.
- JEAN-PAUL II, Exhortation apostolique, Ecclesia in Africa (14 septembre 1995), DC
1995, n. 2123, p. 817-855.
- JEAN-PAUL II, La mission des Eglises locales dans le cadre de l'Eglise universelle,
Audience gnrale du 14 juin 1995, La Documentation Catholique, n.2120, 1995, pp. 677-
678.
- PAUL VI, Encycl. Ecclesiam suam, ao.t 1964, DC n.1431, 1964 cln 1057-1093.
239
- PAUL VI, Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, sur l’vanglisation du monde
moderne, publi le 8 dcembre 1975, DC 73 (1976).
- PIE XI, Encl. Rerum Ecclesiae, publie le 28/02/1926.
- PIE XII, Encl. Evangelii Proecones, publie le 2 juin 1951.
- PIE XII, Encl. Fidei Donum, publie le 21 avril 1957.
- SECRETARIAT ROMAIN POUR LES NON-CHRETIENS, L’esp.rance qui est en
nous : br.ve pr.sentation de la foi catholique, Typologie polyglotte Vaticane, 1967, 38 pages.
- SECRETARIAT ROMAIN POUR LES NON-CHRETIENS, Vers la rencontre des
religions : suggestions pour le dialogue, Typographie polyglotte vaticane, 1967, 49 pages.
II. AUTRES SOURCES.
- ENQUETES SUR LE TERRAIN EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU
CONGO
- FONDS A. LIENART, Ev.ch€ de Lille.
- FONDS H. DUPONT, Universit€ catholique de Lille.
- FONDS "AFFAIRES INDIGENES et MAIN D'OEUVRE", aux Archives Nationales
du ZARE.
III. OUVRAGES GENERAUX, ARTICLES,
MEMOIRES ET THESES.
A
- ABEL, Armand, Les musulmans noirs du Maniema, publications du Centre pour l’tude
des probl.mes du monde musulman Contemporain, Bruxelles, 1959.
- AEBISCHER-CRETTOL, Monique, Vers un oecumnisme interreligieux. Jalons pour
une thologie chrtienne du pluralisme religieux, Cerf (Cogitatio fidei 221), Paris, 2001,
777p.
- ALARD, M., "Les Bashilele : le village ou le tr.ne?" dans Etudes Scientifiques, juin 1985.
240
- ANAWATI G.C, - .Vers un dialogue islamo-chrtien ., Revue Thomiste, 1964, pp. 230-
236 et 585-630.
- ANCIAUX, L€on, Le probl.me musulman dans l’Afrique Belge, I.R.C.B., Fasc. 2 T.
XVIII, Bruxelles, 1949.
- ARINZE, Carnal Francis, A la rencontre des autres croyants : le dialogue interreligieux,
un engagement et un d€fi, Mdiaspaul, 1997.
- ASCH Susan, L’Eglise du Proph.te Kimbangu. De ses origines . son r.le actuel au
Za.re, Karthala, Paris, 1983.
B
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l’histoire du salut, vol. 5, Paris, Cerf, 1970, pp. 21-66.
- BARTHE, Claude, . Le dialogue interreligieux et la fin de la religion ., R€surrection,
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- BASSET, Jean-Claude, Le dialogue interreligieux, (Cogitatio fidei n. 197), Paris, Cerf,
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- BASTIDE, Roger, Les religions africaines au Br€sil. Vers une sociologie des
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- BERNARD, G., . Prophtisme et mouvements religieux dissidents en Afrique ., dans
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- ZAHAN, D. Religion, spiritualit€ et pens€e africaines, Paris, Payot, 1970.
- ZAIRE : HISTOIRE-DOSSIER de presse, Kinshasa, 1979.
255
IV. COLLOQUES ET SEMINAIRES
(Ordre chronologique)
- RELIGIONS AFRICAINES ET CHRISTIANISME, Actes du premier Colloque
International de Kinshasa, du 9 au 14 janvier 1978, Editions Saint Paul, Kinshasa 1978.
- MEDIATIONS AFRICAINES DU SACRE, Actes du troisi€me Colloque International de
Kinshasa, du 16 au 22 fvrier 1986, Facults Catholiques de Kinshasa, 1986.
- L’AFRIQUE ET SES FORMES DE VIE SPIRITUELLE, Actes du deuxi€me colloque
International de Kinshasa, 21-27/02/1983, Facults Catholiques de Kinshasa, 1990.
- SECTES, CULTURES ET SOCIETES. LES ENJEUX SPIRITUELS DU TEMPS
PRESENT, Actes du quatri€me Colloque International du CERA, en collaboration avec la
Fdration Internationale des Universits Catholiques, Kinshasa 14-21 novembre 1992,
Facults Catholiques de Kinshasa, 1994. (voir la liste des textes en annexe 1)
- 500 ANS D’EVANGELISATION ET DE RENCONTRES DES CULTURE EN PAYS
KONGO, Actes du Congr€s de Kisantu, 21-28 juillet 1991, dition du Centre Pastorale de
Kisantu, 1996.
- RELIGIONS TRADITIONNELLES AFRICAINES ET PROJET DE SOCIETE, Actes
du Cinqui€me Colloque International du CERA, Kinshasa, du 24-30 novembre 1996, Facult
Catholique de Kinshasa, 1997.
- LES MOUVEMENTS RELIGIEUX : EVANGELISATION ET DEVELOPPEMENT,
par Ntedika Konde Joseph, Djongongele Otshudi Damase, Modio Zambwa Stanislas,
Biblioth€que du Centre d’Etudes des Religions Africaines 15, Facults Catholiques de
Kinshasa, 1997.
- L’ECONOMIE DES EGLISES DE REVEIL ET LE DEVELOPPEMENT DURABLE
EN R.D. CONGO, Actes du XVII.me sminaire scientifique de la facult d’conomie et
dveloppement, du 8-11 mai 2002, Afrique et dveloppement 15, Konrad-Adenauer-Stiftung,
Facults Catholiques de Kinshasa, 2003. (Voir la liste des textes en annexes 2)
- RELGIONS AFRICAINES ET MONDIALISATION / ENJEUX IDENTITAIRES ET
TRANSCULTURALITE, Actes du VIIe Colloque International du CERA, Facults
Catholiques de Kinshasa, 2004.
256
V. DOSSIERS GENERAUX :
Revues, bulletins, dictionnaires.
- AXES, Recherches pour un dialogue entre christianisme et religions, Paris, 1948.
- BULLETIN, L’islam et les relations islamo-chrtiennes en Afrique, Selly Oak Coll.ge,
Birmingham, 1983-1995.
- BELLINGER, Gerhard J., Encyclop€die des Religions, La Pochoth€que, Edition 2, "La
Tipografica Varese S.p.A.", Varese (Italie), 2001.
- CONCILIUM, revue Internationale de Thologie, Paris, depuis 1966 : Numros
- 126/1981 : Les chances d’un dialogue en Afrique noire entre le Christianisme et
l’Islam.
- 203/1986 : Le christianisme parmi les religions du monde.
- 28/1990 : L'€thique des grandes religions et les droits de l'homme.
- 239/1992 : Vers le synode Africain.
- 241/1993 : Le fondamentalisme dans les religions du monde.
- 258 /1995 : les nombreux visages de Dieu.
- CROIRE AUJOURD’HUI, Revue publie par les jsuites (anciennement : Cahiers pour
croire aujourd’hui), Paris, depuis 1994.
- 2000 ANS DE CHRISTIANISME, X tomes, Socit d’histoire chrtienne, AUFADI-Paris
1976 et S.H.C. International, Barcelona, San Vicente dels Horts, 1975.
- DICTIONNAIRE DE LA BIBLE ET DES RELIGIONS DU LIVRE : Juda.sme,
Christianisme, Islam, Turnhout, Brepols, 1985.
- DORE, Joseph, ( sous la direction de ), "Le christianisme vis--vis des religions",
l'Acadmie internationale des sciences religieuses, ARTEL, 1997.
- DUBUISSON, Daniel, (Textes runis par), Dictionnaire des grands th.mes de l’Histoire
des religions. De Pythagore . L.vi-Strauss, Editions complexe, Bruxelles, 2004.
- ESPRIT ET VIE, Bimensuel catholique de formation permanente (anciennement : L’ami du
Clerg), Langres, depuis 1969.
- ETUDES, Revue fonde en 1856 par les P€res de la Compagnie de Jsus, Paris, depuis
1949.
- FREDERIC, Louis, Dictionnaire de la civilisation indienne, Robert Laffont, 1987.
257
- GERHARD, J. Bellinger, Encyclop€die des religions, pr€face de Pierre Chaunu, La
Pochoth€que, "La Tipografica Varese S.P.A.", Varese, 1986 ; Librairie Gnrale Fran.aise,
2000, pour la traduction en langue fran.aise et la prface.
- HUBY, Joseph, Christus. Manuel d’histoire des religions, ditions G. Beauchesne et ses
fils, Paris, 1934.
- ISLAMO-CHRISTIANA, Pontifico Instituto di Studi Arabi e d’Islamistica, Rome, 1970-
1985.
- LA DOCUMENTATION CATHOLIQUE, Paris depuis 1919.
- LE MONDE DES RELIGIONS, revue bimensuelle, dite par Malesherbes Publications.
- LENOIR Frederic ET YSE T. MASQUELIER, (sous la direction de). Encyclop€die des
religions, 2 Tomes, Deuxi€me dition, Bayard ditions, 1997.
- "L'ESPRIT D'ASSISE", CHEMIN DE DIALOGUE, n.7, avril 1996, Marseille.
- LETTRE DU SECRETARIAT POUR LES RELATIONS AVEC L’ISLAM, 1987 . 1988
et 1995 . 2001.
- POUPARD Paul (directeur de la publication), Dictionnaire des religions, PUF, Paris,
1984
- PUECH, Henri-Charles, ( sous la direction de ), Histoire des religions ( 3 volumes),
Encyclopdie de la Pliade, Ed. Gallimard, 1970-76.
- SELECTION DU READER'S DIGEST, Afrique, continent m€connu, prface de
Lopold Sdar SENGHOR, Paris, Bruxelles, Montral, Zurich, 1979.
- VERNETTE, Jean, MONCELON claire, Dictionnaire des sectes, Paris, PUF, 2001
258
A N N E X E S
259
ANNEXE 1 : Liste des textes des actes du IVme
Colloque International du CERA : . Sectes, Cultures et
Soci€t€s. Les enjeux spirituels du temps pr€sent .
A
- ANGEL Hans.Gerd, Le r.le de notre attitude . l’.gard des sectes, p.241-243
- ANYENYOLA Welo, Des communaut€s proph€tiques africaines en milieux urbains
za.rois, 269-301 ;
- ATAL Sa Angang Dosith€e, L’utilisation de la Bible par et dans les sectes religieuses de
Kinshasa, p.431-451.
B
- BADIKA Wane, Le mal et le d.s.quilibre de l’homme : aux sources de nouvelles
spiritualit.s, p.557-575.
- BITANGILAYI Wa Mpoyi Mutombo, Le contexte culturel de l’€mergence des sectes au
Kasa., p.389-401.
- BIZEUL, Yves, Les sectes et les nouveaux mouvements religieux dans les soci€t€s
industrialis€es, p.113-127.
- BUETUBELA Balembo, Maladie et gu€rison : sp€cificit€ du miracle €vang€lique selon
Mc 8, 22-26, p.421-430.
D
- DJOMO Lola, Le d€sir, ses manifestations et son accomplissement dans le v€cu des
membres d’une secte, p.483-489.
- DJONGONGELE Otshudi Damase, Le culte de la personne du chef spirituel dans les
sectes, p.175-192
260
G
- GONCALVES, Teresa, [charge de la problmatique des sectes pour le Saint
Si€ge/Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux. Rome], Sectes et nouveaux
mouvements religieux. La r€flexion pastorale de l’Eglise. p. 101-112.
H
- HAES Ren€ de, Sectes et gu€rison, p.405-417
- HEBGA Meinrad, Le minist.re de la Gu€rison : Monopole des sectes et €glises
ind€pendantes (rsum), p.419
I
- ISAYA Makungu ma Ngozi, Secte et Identification socio-culturelle : cas de la secte
Lumbala au Manieme, p.375-388
K
- KAMPETENGA Lusengu, A quoi tiennent les sectes religieuses ? Probl€matique de leur
vitalit€ et actualit€, p.43-59
- KIBANGA Muhilh, L’engagement socio-.conomique des sectes, p.331-354
- KITIKILA Dimonika, L’apport des sectes dans la conception de la th.ologie chr.tienne
(rsum) p.155-156
- KUETE Nyimi Cl€ment, Sectes et traditions : Proph€tisme ou Folie?, p.165-173
L
- LUDIONGO Ndombasi, Rapports sectes et pouvoirs politiques : Aspects juridiques des
sectes, p. 355-374
M
- MALEMBA-Mukengeshayi N’Sakila, Sectes et religions chr€tiennes face la survie
collective au Za.re, p.321-330.
- MATUKANGA Mbalu, Eglises ind€pendates et cr€ativit€, p.545-555
- MBONYINKEBE Sebahire, Les sectes et leurs racines psycho-culturelles, p.475-482
261
- MUDIJI Malamba, Th€odore, Emotion esth€tique et qu.te de salut dans les sectes
religieuses, p.453-473
- MUNDAYA Baheta, Des religions traditionnelles aux sectes : Une mutation, p.157-164
- MUSAKA Kabob, R€flexion sur la prolif€ration des sectes religieuses a Lubumbashi,
p.303-320
- MUSUA Mimbari Matthieu, Les sectes religieuses et le d€veloppement en Afrique post-
coloniale, p. 345-354.
- MUZUNGU Bernardin, Efficace magique de l’action symbolique, p. 463-473.
- MWENE BATENDE, Les sectes, un signe des temps ? Essai d’une lecture sociologique
des . religions nouvelles . issues du christianisme, p.25.
- N
- NANGE Kudita wa Sesemba, Les survivances religieuses africaines dans les candombles
br€siliens : les cas du candombles de Bahia, p. 197-219.
- NDEKE Ngunga, L’alt.rit. des sectes : un d.fi, p. 61-74.
- NGIMBI Nseka, Le messianisme kongo comme mouvement de r€sistance aux m€thodes
d’€vang€lisation missionnaire, p. 147-153.
- NGWEYI Ngond’a Ndenge, Crispin, Sectes comme d€rive existentielle (rsum), p.75.
- NTEDIKA Konde, La christologie et la pneumatologie de la secte de l’alliance finale,
p.129-145.
- NYEME Tese et MALU Nyimi, Le p€ch€ dans les Eglises africaines. Fraction de la
fraternit€ humaine, p.483-489.
- P
- PFUNGA PFUNGA, Sectes et l€gitimation charismatique, p. 193.
- T
- TSHUNGU Bamessa, Sectes lucif€riennes et Afrique contemporaine : Le prochain d€fi,
p.77-97.
262
S
- SAINT MOULIN, L€on de et MODIO Zambwa, La signification sociale des sectes au
Za.re, p. 247-267.
- W
- WASWANDI Kakule Ngoliko, L’.thique des nouveaux groupes religieux . comme
valorisation religieuse de la qu.te sociale . Kinshasa, p. 505-544.
- WOODHALL Ralph, [Interact Research Center, Selly Oak Colleges, BIRMINGHAM B
29 6LQ, England], Movements from primal culture: rivals of friends? p. 221-240.
263
Annexe 2 : Liste des textes de base du XVIIme
Sminaire Scientifique de la facult d’Economie et de
Dveloppement des Facults Catholique de Kinshasa.
THEME I : EGLISE DE REVEIL : Concept, facteurs d’€mergence, €volutions actuelles.
- BOLIYA Ngoy, Eglises de r€veil : fondement Th€ologique de doctrines, pp. 43-56.
- MWENZE, Dominique, Eglises de r€veil : gen.se et modes op€ratoires, pp. 23-42
- NKOKESHA Mukolo, Eglises de r€veil et la l€gislation congolaise, pp. 57-64
Sous-Th.me : Facteurs d’€mergence des Eglise de r€veil
- MULUMBA MUNUNGA, Albert, Les Eglises de r€veil et la vie quotidienne
Kinshasa : vision anthropo-sociologique, pp. 119-138.
- MUKENGE NGINDU, Jean-Louis, Facteurs d’.mergence des Eglise de r.veil du
point de vue .conomique, pp. 65-104
- OPANGA EKANGA, Venance, Les facteurs d’.mergence des Eglises de r.veil
(analyse socio-politique), pp. 105-118.
Sous-Th.me : Evolution des Eglises de r€veil
- LUKOKI Luyey, Cohabitation entre les Eglises de r€veil et les Eglises
traditionnelles en R.D. Congo, pp. 149-160.
- KITIKILA, Les tendances doctrinales fondamentales des Eglises de r€veil, pp. 161-
188
- MUKENDI wa Meta, Les Eglises de r€veil, quelle transformation dans le contexte de
la mondialisation, pp. 139-148
THEME : LES EGLISES DE REVEIL, LE SOCIO-POLITIQUE, L’ECONOMIE ET LA
MONDIALISATION ;
- KATHIAME MULUMBA, F€licien, Les Eglises de r€veil et la soci€t€ congolaise :
r€alit€s actuelles et perspectives d’int€gration durable, pp. 189-196
- MBWEMBWE KALALA, Jean-Pierre, Les Eglises de r.veil et l’engagement socio-
politique en R.D. Congo.
264
Sous-th.me : Eglises de r€veil et l’Economie
- MBAYA MUDIMBA, R€my, L’engagement des Eglises de r.veil dans les activit.s
socio-Economiques (Etude de cas).
- WOLA-MBALE IMBOPO, J.R., Les Eglises de r.veil et l’accumulation du Capital.
Sous-th.me : Les Eglises de r€veil et le socio-politique
- BOKUMBA LIFEKE, F€lix, Perspectives d’int.gration des Eglises de r.veil dans le
processus de d.veloppement durable en R.D. Congo.
- KIALUTA, D€nis, L’engagement socio-politique des Eglises de r.veil (de la C.N.S.
au dialogue inter-congolais).
- MABIALA MANTUBA, Les Eglises de r€veil et le pouvoir politique en R.D. Congo.
265
Annexe 3 : BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE DES
NOUVEAUX MOUVEMENTS RELIGIEUX AU CONGO
A PARTIR DE 1959344
ORDRE CHRONOLOGIQUE
I. G€n€ralit€s sur les nouveaux mouvements religieux.
DE 1960 A 1970
- GUARIGILIA, Guglielimo, Prophetismus und Heilserwartungs-Bewegungen als
V.lkerkunliches und religionsgechichiliches Problem. (Band XIII der Wiener Beitrge ZuR
Kulturgeschichte und Linguistik), Horn-Wein, 1959, 322 p. C.R., Nouvelle Revue de Science
Missionnaire, XVI, 1960, p. 234-235.
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les sectes non-chrtiennes).
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344 Voir DJONGNGELE Otshudi Damase, dans NTEDIKA konde Joseph, op.cit., pp. 35-75
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276
Annexe 4 : Mouvements Syncr.tiques au Congo belge.
Inventaire des Archives Nationales du Za.re
(1921 – 1959)345
Voir Correspondances et Rapports A.I.M.O.
I. Le Kitawala
II. Le Ngunzisme
III. Le Kimbanguisme
IV. La Secte "Apostolic Church"
V. La Secte "Apostolic Faith Church"
VI. La Secte Punga ou Mikuli-Punga ou Mikuli ou Punga Mikuli
VII. Les Sectes secr€tes (Protestantes)
VIII. La Secte Bena Singar
IX. La Secte Bena Apostolo
X. La Secte Bena Nzambi
XI. La Secte Nzambi wa Malemba
XII. La Secte Bena Nzambi wa Malemba
XIII. La Secte Efuka
XIV. La Secte Edumvu
XV. La Secte Dite "Kapelet"
XVI. La Secte Basakata
XVII. La Secte Nzambi wa Jonas
XVIII. La Secte Bwanga Bwa Nkuba
XIX. La Secte Muyaka
XX. La Secte Lukoshi
XXI. La Secte Ekomleyu
XXII. Michelisme (Mouvement des Archi-Michaelistes ou Michaelisme)
XXIII. La Secte Mfuanda
345 Voir pour plus des dtails, MODIO Zambwa Stanislas, dans Les nouveaux mouvements religieux :
Evang€lisation et D€veloppement, op. cit. pp. 79- 157
277
XXIV. La Secte Kisheta (Kishatu, Kishiatu, Kishieta)
XXV. La Secte Vanda
XXVI. La Secte Wajusti
XXVII. La Secte Wazungu
XXVIII. L’Eglise Noire
XXIX. La Secte Bambudi
XXX. La Secte Mashende
XXXI. La Secte Tshpwambula
XXXII. La Secte "Ma Soeur"
XXXIII. Mouvement Wazungu Watutsi
XXXIV. La Secte Kasete
XXXV. La Secte Kundima na Kulinga
XXXVI. La Secte Lidjo
XXXVII. La Secte Lilwa
XXXVIII. La Secte Shakunda (Tshakunda)
XXXIX. La Secte Mulonda Mission (Mulonda Mission, Mulanda Mission
XL. La Secte Bwami
XLI. L’association Mbata Mobali
XLII. La Secte Nyabingi
XLIII. La Secte Framacion (Farmacon)
XLIV. La Secte Toni-Toni
XLV. La Secte Ukanga
XLVI. La Secte Tambwe
XLVII. Islam
278
Annexe 5 : Le Congo, ex-Za.re dans l’Afrique
279
Annexe 6 : La R.D. Congo compar.e . l'Europe.
280
Annexe 7 : Partition de la R.D. Congo depuis 1998
SOURCE : LA CROIX
281
Annexe 8 : Les donn.es cl.s du Congo (RDC)
282
Annexe 9 : Carte linguistique de la R.D.C.
283
Annexe 10 : Sens de p€n€tration des religions
cht€tienne (ouest) et musulmane (est) en R.D. Congo
284
Annexe 11 : Carte de l’Eglise catholique en R.D.C.
Arch. de KINSHASA Arch. de MBANDAKA Arch. de KISANGANI Arch. de LUBUMBASHI Arch. de KANANGA Arch. de BUKAVU
Kinshasa 1 Mbandaka-
Bikoro 10 Kisangani 17 Lubumbashi 26 Kananga 34 Bukavu 42
Boma 2 Lisala 11 Bondo 18 Kolwezi 27 Kole 35 Butembo-
Beni 43
Kikwit 3 Bokungu-Ikela 12 Mahagi-
Nioka 19 Manono 28 Tshumbe 36 Kasongo 44
Popokabaka 4 Basankusu 13 Isiro 20 Kalemie-
Kirungu 29 Luebo 37 Kindu 45
Matadi 5 Budjala 14 Wamba 21 Sakania-
Kipushi 30 Mbuji-
Mayi 38 Uvira 46
Inongo 6 Lolo 15 Bunia 22 Kilwa-
Kasenga 31 Luiza 39 Goma 47
Kenge 7 Molegbe 16 Isangi 23 Kamina 32 Mweka 40
Idiofa 8 Dungu-
Doruma 24 Kongolo 33 Kabinda 41
Kisantu 9 Buta 25
285
Annexe 12 : Carte de l’Eglise protestante en R.D.C.
1 Bandundu 4 Haut-Congo 7 Kasa. Oriental
2 Bas-Congo 5 Katanga 8 Kinshasa
3 Equateur 6 Kasa. Occidental 9 Kivu
286
Annexe13 : Cartes des lieux importants
du kimbanguisme en R.D.C.
(Source : Susan Asch, p.136-137)
287
Annexe 14 : Extrait des signatures de chefs
de confessions religieuses. 1997 et 2002.
288
Annexe 15 : B.n.diction d’un parent
. l’ordination presbyt.rale de son fils
289
Bndiction d’un p.re . l’ordination presbytrale de son fils :
. Tata awal NKUMBI.
Mi kupil mukristu
Wene mwan ami, w.pil mupele.
Tshwa ! .
Traduction :
. Mon p.re €tait pr.tre de la religion traditionnelle.
Moi, je me suis converti au christianisme.
Toi, mon fils, pr.tre du christianisme, tu l'es.
F€licitations ! .
L€gende de son accoutrement :
. Je pense et je marche dans la religion de mes p.res (chapeau et pagne traditionnels)
Cependant, mon coeur est tourn vers le christianisme (tricot en laine). .
290
Annexe 16 : Attitudes des orants dans
les Eglises de r.veil
(source: Actualit. des Religions n.41 –sept.2002)
291
Annexe 17 : Les religions traditionnelles bantoues :
hi.rarchie triangulaire des forces.
292
Annexe 18 : Echantillon du questionnaire d'enqu.te
sur le terrain. Inspir. de la revue "Questions
actuelles, sept.-oct.1999, n.9, p.51
- Votre nom : (facultatif)
- Tranche d'ge : 15 - 20 ans
21 – 30 ans
31 – 40 ans
41 – 50 ans
51 – 60 ans
61 – 70 ans
- Votre confession religieuse
- Avez-vous une responsabilit dans votre Eglise, votre Communaut ou dans
votre Religion ?
A.Est-ce que vous comprenez pourquoi l'Eglise catholique insiste tellement
sur l'importance du dialogue avec les autres religions ?
1. L'attitude de l'Eglise envers d'autres religions [vous] semble-t-elle accueillante et
respectueuse ?
2. Est-ce que vous connaissez des chrtiens qui ne peuvent pas accepter la position de
l'Eglise sur le dialogue interreligieux dans notre pays ? Si oui, quelles sont les raisons
de leur refus ?
3. Est-ce que vous .tes convaincu(e) vous-m.me de la valeur de l'enseignement de l'Eglise
sur ce sujet ?
293
B. Est-ce que vous vous sentez interpell€ (e) quand l'Eglise invite tous les
chr€tiens s'engager dans le dialogues interreligieux ?
1. Dans votre entourage (famille, amis, coll€gues…), parle-t-on des religions non-
chrtiennes ? Si oui, qu'en dit-on ?
2. Avez-vous des amis ( ou membres de votre famille) qui appartiennent . une religion
non-chrtienne ? Si oui, est-ce que vous parlez avec eux de leur foi, de la v.tre ?
3. Vous arrive-t-il de prier avec les croyants d'autres traditions ? Si oui, dans quelles
circonstances ? Sous quelle forme ?
4. Vous arrive-t-il de collaborer . des mouvements en faveur de la paix, de la justice etc.,
avec d'autres croyants ? Si oui, de quels mouvements s'agit-il ?
5. Croyez-vous que le dialogue oecumnique et interreligieux dans notre pays peut avoir
des effets positifs en faveur de la paix, la justice et le dveloppement ? Justifiez votre
rponse si c'est possible.
C.Pour vous, qu'est-ce que le dialogue ? Qu'est-ce que le dialogue
interreligieux ? Qu'est-ce que l'oecum€nisme ?
1. Le dialogue oecumnique et le dialogue interreligieux ont-ils le m.me objectif ? sinon,
quelle en est la diffrence ?
2. A votre avis, entrer en dialogue avec les croyants des autres religions implique-t-il de
faire des compromis en ce qui concerne votre propre foi ? Vous offre-t-il une occasion
pour approfondir cette foi ?
3. Quelles concessions l'Eglise pourrait-elle .tre pr.te . faire ?
4. Est-ce que vous avez des tmoignages des personnes engages dans le dialogue entre
les religions ? Qu'en disent-ils ?
5. Quelles sont les religions et/ ou Eglises dont vous cotoyez quotidiennement le croyants ?
* Chr€tienne : Catholique OUI NON QLQFOIS JAMAIS
Protestante OUI NON QLQFOIS JAMAIS
Kimbanguiste OUI NON QLQFOIS JAMAIS
* Islam (muslmans) OUI NON QLQFOIS JAMAIS
* Religions traditionnelles OUI NON QLQFOIS JAMAIS
* Autres : (pr€cisez vous-m.me)
294
D. Etes-vous s.r(e) de vous m.me quand vous parlez des autres religions ? De
la v.tre ? De la rencontre entre les religions ?
1. Est-ce que vous vous sentez suffisamment form(e) pour vous lancer dans le dialogue ?
[ dialogue de la vie, dialogue des oeuvres, dialogue des change thologiques, dialogue
de l'exprience religieuse]
2. Avez-vous le temps pour vous informez au niveau de la paroisse, du dioc€se et autres
… sminaires ?
3. Votre connaissance de votre propre foi vous permet-elle de vous lancez dans l'tude de
ce que croient les autres ?
295
Annexe 19 : Interview de "Actualit. des religions
n.41, sept. 2002" accord.e . Tinyiko Maluleke.
Les religions afro-chr€tiennes tiennent une place grandissante au sein du christianisme en Afrique.
Quelle en est l'ampleur?
Plusieurs Eglises se crent chaque semaine. Les Eglises africaines indpendantes sont peut-.tre 30 000
aujourd'hui sur tout le continent, avec 150 . 200 millions de fid€les. Environ 50% des chrtiens
africains appartiennent . ces Eglises et cette proportion augmente. En m.me temps que ces Eglises
attirent un nombre croissant d'adeptes, les Eglises historiques voient le nombre de leurs fid€les
s'amenuiser. Les Eglises africaines indpendantes sont en train de fa.onner le nouveau visage de
l'Afrique.
Comment expliquer un tel succ.s?
Elles savent rpondre aux attentes de la population. Ces Eglises crent une communaut alternative en
zone rurale, o. les structures traditionnelles se dsagr€gent, o. femmes et enfants se retrouvent souvent
seuls, alors que l'homme est parti chercher un emploi en ville. En m.me temps, elles aident . faire face .
l'isolement et . la froideur des zones urbaines. Et ce, sans diaboliser la culture africaine. Elles offrent
plut.t un espace de dialogue entre la culture traditionnelle et le christianisme, et permettent d'affronter
les effets dvastateurs de la modernit. La modernit, par exemple, spare la vie en plusieurs entits : le
corps, l'me, le travail… Les Eglises africaines indpendantes rconcilient toutes ces entits en un seul
lment. Particuli€rement . travers la promesse de gurison, spirituelle en m.me temps que corporelle.
Le jour o. l'Afrique deviendra prosp.re, ces Eglises seront-elles vou€es un reflux?
Je ne pense pas qu'elles puissent devenir obsol€tes. Elles sauront s'adapter aux nouvelles attentes de
leurs membres. D'ailleurs, les Eglises africaines indpendantes des annes 1960 et celles des annes
1990 sont tr€s diffrentes. Auparavant, elles se concentraient plus sur les questions culturelles.
Aujourd'hui, elles paraissent davantage proccupes par les probl€mes socio-conomiques. Ainsi, leurs
membres, souvent dmunis, coniomisent ensemble pour pouvoir s'entraider.
Ces Eglises repr€sentent-elles une menace pour les Eglises historiques ?
Pas ncessairement, c'est plus complexe. Les Eglises historiques ont tendance . ressembler de plus en
plus aux Eglises indpendantes et , du moins en Afrique, prennent en compte des lments de culture
africaine. Quant aux Eglises indpendantes africaines, plus elles durent dans le temps et plus elles
ressentent la ncessit de se doter de structures qui sont susceptibles de ressembler . celles des Eglises
historiques. Pour autant, cela ne veut pas dire que ces deux familles chrtiennes ne conservent pas leurs
spcificits.
Propos recueillis par Christelle Carroy.
296
Annexe 20 : Plan d'action nationale pour la promotion
et la protection des droits de l'homme en RDC.
Les liberts de religion et de culte
A. Constat
De toutes les liberts publiques, les liberts de religion et de culte sont parmi celles qui
s'exercent le plus sans entrave, avec cependant les risques de manipulation des consciences et
de destructuration des personnalits, ainsi que de toutes formes d'exploitations (financi€re,
sexuelle ou autres) des adeptes.
B. Axes prioritaires
- Contr.ler les conditions de cration et de fonctionnement des ASBL . caract€re religieux
confessionnel ou spirituel;
- Inventorier les ASBL . but religieux, confessionnel ou spirituel dont la cration n'a pas t
autorise et prendre les mesures appropries . leur endroit;
- Contr.ler les conditions d'implantation en RDC des ASBL . but religieux, confessionnel ou
de recherche spirituelle d'origine trang€re.
C. Orientations stratgiques
- Adaptation de la lgislation congolaise en mati€re de cration et de fonctionnement des
ASBL . but religieux, confessionnel ou spirituel;
- Cration d'un Inspectorat Gnral des Eglises, confessions et communauts religieuses;
- Poursuite et sanction des pratiques contraires . la loi, . la morale et bonnes mours.
Section 2 :
La sauvegarde de la vie prive
A. Constat
Des dispositions de la Charte internationale des droits de l'homme ainsi que de la lgislation
nationale garantissent les individus contre des immixtions arbitraires ou illgales dans leur vie
prive, familiale, le domicile ou la correspondance, les atteintes . l'honneur et . la rputation.
C'est ainsi que les heures pendant lesquelles peuvent .tre excuts les mandats de justice
donnant lieu . l'acc€s aux domiciles privs et bureaux des particuliers sont dtermines par le
code de procdure pnale. Cet acc€s est subordonn . des titres lgaux mis rguli€rement par
des autorits judiciaires comptentes.
297
On constate cependant que, en dpit de ces dispositions, des visites domiciliaires et autres
perquisitions sont opres en violation de la loi, notamment par les services spciaux, ainsi que
ceux de l'arme et de la police. Par ailleurs, des arrestations non fondes sur des motifs tablis
ont port atteinte . la rputation des individus. Il arrive galement que dans la presse, des faits
non vrifis et susceptibles de porter atteinte . l'honorabilit des individus soient publis.
B. Axes prioritaires
- Raffirmer le caract€re sacr et inviolable de la vie prive et notamment du domicile ;
- Promouvoir l'thique et la responsabilit professionnelle de la presse en vue de mieux
protger l'homme et la rputation des individus
. Les liberts de religion et de culte
A. Constat
De toutes les liberts publiques, les liberts de religion et de culte sont parmi celles qui
s'exercent le plus sans entrave, avec cependant les risques de manipulation des consciences et
de destructuration des personnalits, ainsi que de toutes formes d'exploitations (financi€re,
sexuelle ou autres) des adeptes.
B. Axes prioritaires
- Contr.ler les conditions de cration et de fonctionnement des ASBL . caract€re religieux
confessionnel ou spirituel;
- Inventorier les ASBL . but religieux, confessionnel ou spirituel dont la cration n'a pas t
autorise et prendre les mesures appropries . leur endroit;
- Contr.ler les conditions d'implantation en RDC des ASBL . but religieux, confessionnel ou
de recherche spirituelle d'origine trang€re.
C. Orientations stratgiques
- Adaptation de la lgislation congolaise en mati€re de cration et de fonctionnement des
ASBL . but religieux, confessionnel ou spirituel;
- Cration d'un Inspectorat Gnral des Eglises, confessions et communauts religieuses;
- Poursuite et sanction des pratiques contraires . la loi, . la morale et bonnes mours.
298
Annexe 21 : Charte congolaise des droits de
l'homme et du peuple.
Avant-Propos
En cette aube d'un si€cle nouveaux le XXI€me, comme pour poser les jalons d'un nouvel Etat
ancr dans les enjeux, contraintes, dfis et proccupations d'une €re nouvelle, celle du III€me
millnaire, les participants . la Confrence Nationale sur le Droits de l'Homme ont tenu . doter
la Rpublique Dmocratique du Congo d'un instrument destine . la hisser . hauteur de
grandes dmocraties et Etats de droit de notre village plantaire, ballott au rythme de la
mondialisation.[…]
Article 31:
Toute personne a, droit . la libert de pense, de conscience, et de religion. Il ne peut .tre
tabli 'de religion d'Etat en Rpublique Dmocratique du Congo. Toute personne a le droit de
manifester ses convictions religieusesou autres, seule ou encommun, tant en public -qu'en
priv, parle culte, l'enseignement, l'accomplissement des rites ou autres pratiques,sous rserve
du respect de la loi, de l'ordre public et de bonnes moeurs.
Article 32:
Toute personne a droit . l'information et . la libert d'expression. Ce droit implique la libert
de chercher des informations, d'exprimer ses opinions. et es sentiments, notamment par la
parole,l'crit, le son et l'image sous rserve du respect de la loi, des droits d'autrui, de l'ordre
public et des bonnes moeurs. Nul ne peut .tre inquit pour ses opinions politiques,
idologiques ou autres.
Article 33:
La libert de presse est garantie . tous les congolais. La loi en fixe les modalits d'exercice.La
loi ne prendra aucune disposition qui restreigne la libert de la parole ou de la presse, sauf pour
assurer la sauvegarde de l'ordre public et des bonnes moeurs ainsi que le respect de la dignit
et de l'honneur d'autrui. L'auteur d'une publication qui a t identifi et qui a une rsidence en
Rpublique Dmocratique du Congo assume personnellement la responsabilit de ses actes,
sans prjudice de l'application des dispositions de la Loi sur la Presse.
Article 34:
La libert d'information et d'mission par la radio et par la tlvision est garantie. La
radiodiffusion et la tlvision organises par les pouvoirs publics sont des services publics.
Leur statut, tabli par la loi, garantit, dans leurs missions,l'objectivit, l'impartialit et le
pluralisme des opinions dans lamesure o. elles sont compatibles avec l'ordre public et les
bonnes moeurs. En priode lectorale, l'acc€s de tous aux mdias publics et privs est rgi par
un r€glement ad hoc tabli par l'organe de rgulation prvu par la loi.
299
Article 35:
Tous les Congolais ont le droit de fonder des syndicats, des socits ou autres associations ou
de s'y affilier librement, pour promouvoir leur bien .tre et assurer la dfense de leurs intr.ts,
soit sociaux, conomiques, religieux et autres, soit politiques dans les conditions fixes par la
loi.
Article 36:
Toute personne a le droit de se runir librement avec d'autres. Ce droit s'exerce sous la seule
rserve des restrictions ncessaires dictes par les lois et r€glements, notamment dans l'intr.t
de la scurit nationale, de la scurit d'autrui, de la sant, de la morale ou des droits et liberts
des personnes
Article 37:
Toute personne a le droit d'adresser individuellement ou collectivement une ptition .
l'autorit. La loi dtermine les modalits d'exercice de ce droit
Article 38:
Tout Congolais a le droit d crer un parti politique ou de s'affilier . unparti de son choix et de
le quitter librement. Les partis et les regroupements politiques, en tant qu'expression du
pluralisme dmocratique, rassemblent des personnes de nationalit congolaise autour d'un
programme politique commun pour la conqu.te lgale et l'exercice dmocratique du pouvoir
au sein de l'.tat Congolais. Ils concourent . la formation de la conscience nationale et de la
volont politique du Peuple et . l'expression du suffrage Ils se forment et exercent leurs
activits librement, dans le respectde la Loi organisant les partis politiques et des principes de
la souverainet nationale, de la dmocratie et des droits de l’homme
Article 39:
Tout Congolais a droit . la nationalit congolaise. Nul ne peut en .tre priv
Article 40:
Aucun Congolais ne peut .tre expuls, ni dport d'une province .une autre, ni extrad du
territoire national, sauf en mati€re de crime contre l'humanit. Tous les Congolais ont le droit
de circuler librement sur tout le territoire national, de le quitter et d'y revenir: L'exercice de ce
droit ne peut .tre limit que par la loi et pour des motifs tenant . l'ordre public, . la scurit
nationale ou . la prvention des infactions pnales. Aucun Congolais ne peut .tre contraint,
pour des raisons politiques ou autres, . rsider hors de son lieu de rsidence habituelle ou .
l'exil.
Article 41:
Tout Congolais a le droit de changer de domicile, de se fixer librement en un lieu quelconque
du territoire de la Rpublique et d'y jouir de tous les droits reconnus par la prsente Charte.
Article 42:
Toute personne a droit au secret de sa correspondance, de tlcommunication ou de toute
autre forme de communication. Toute interception par quiconque des messages ou de toute
autre forme de communication destine . autrui est prohibe. Il ne peut .tre port atteinte . ce
droit que pour une dure limite,dans les cas dfinis par la loi et pour des motifs tenant .
l'ordre public ou . la scurit nationale.
300
Article 43:
Toute personne a droit au. respect et . la protection de l'intimit desa vie prive et familiale.
Aucune restriction ne peut .tre porte . l'exercice de ce droit, sauf pour assurer le respect
d'autrui et la sauvegarde de bonnes moeurs.
Article 44:
Le droit d'asile est reconnu. Une loi en fixe les conditions d'exercice. Il est interdit . toute
personne jouissant rguli€rement du droit d'asile d'entreprendre une activit subversive ou
terroriste contre son pays d'origine ou contre tout autre pays, . partir du territoire de la
Rpublique Dmocratique du Congo.
Article 45:
Le droit de proprit individuelle ou collective est garanti. L'expropriation pour cause d'in tr.t
gnral ou d'utilit publique ne peut intervenir qu'en vertu d'une loi prvoyant le versement
pralable d'une indemnit quitable. Cette mesure est susceptible de contr.le juridictionne. Nul
ne peut .tre dpossd de ses biens qu'en vertu d'un jugement rendu par une juridiction
comptente.
Article 46:
La libert de commerce et de circulation est garantie . toute personne tablie sur le territoire
de la Rpublique dans les conditions fixes par la loi. L'exercice du petit commerce est
exclusivement rserv aux Congolais.
TITRE IV: DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
Article 47:
Tout Congolais a le droit et le devoir de travailler. Les pouvoirs publics ont l'obligation de
garantir et de scuriser l'emploi des citoyens dans le respect de leur comptence et de leur
dignit. Nul ne peut .tre ls dans son travail, en raison de sa race, de sacouleur, de son sexe,
de sa langue, de sa rgion, de sa religion, de son origine sociale, tribale ou ethnique, ou en
raison de ses opinions. Tout Congolais a le devoir de contribuer, par son travail, . la
construction et . la prosprit nationales.
Article 48:
Tout travailleur a droit . une rmunration rguli€re, quitable et satisfaisante lui assurant ainsi
qu'. sa famille une existence conforme . la dignit humaine et complte par tous autres
moyens de protection sociale. Tous les travailleurs ont droit . un salaire gal pour un travail
gal. Le travail salari des enfants mineurs est prohib et puni par la loi.
Article 49:
Le droit . la gr€ve est garanti. La loi et les conventions internationales rguli€rement ratifies
ou approuves en r€glent la procdure et fixent les conditions dans lesquelles sera assur le
fonctionnement minimal des services publics ou d'intr.ts publics vitaux, qui ne peuvent
souffrir d'interruption, m.me en cas de gr€ve.
Article 50:
Les membres des forces combattantes et des forces de l'ordre nepeuvent fonder des syndicats,
ni des associations ayant une activit . caract€re politique, ni s'y affilier. Ils ne peuvent
participer . aucune gr€ve.
301
Article 51:
Toute personne a le droit de se marier avec le conjoint de son choix, de sexe oppos et de
fonder une famille. La famille, base naturelle de la communaut, sera organise de mani€re que
soient assures son unit et sa stabilit. Elle est-place sous la protection particuli€re des
pouvoirs publics. Les soins et l'ducation . donner aux enfants constituent, pour les parents, un
devoir qu'ils exercent sous la surveillance et avec l'aide des pouvoirs publics. Les enfants ont le
devoir d'assister leurs parents.
Article 52:
Tout Congolais rguli€rement mari a le droit d'hriter de son conjoint, conformment . la loi.
Article 53:
Tout Congolais a le droit de jouir du meilleur tat de sant physique, mentale et sociale. L'Etat
a l'obligation d'assurer le bien .tre sanitaire des citoyens et leur offrir des installations
appropries. La loi fixe les principes fondamentaux et les r€gles d'organisationde la sant
publique.
Article 54:
Tout Congolais a droit . une alimentation saine, suffisante et quilibre. Les pouvoirs publics
ont l'obligation de concourir . sa ralisation
Article 55:
Tout Congolais a droit . un logement dcent et . un niveau de vie conforme . la dignit
humaine. Les Pouvoirs Publics ont l'obligation de concourir a sa ralisation.
Article 56:
Tout Congolais a droit . l'ducation., Les Pouvoirs Publics ont l'obligation de mettre . la
disposition de tous les Congolais un enseignement national. Le droit . l'ducation constitue une
obligation individuelle etcollective dont la mise en oeuvre incombe . l'individu -et .
lacollectivit, vu leur caract€re vital. L'enseignement national comprend les tablissements
d'enseignement publics et privs agrs. La loi en fixe les conditions de cration et de
fonctionnement L'enseignement est obligatoire et gratuit jusqu'. la fin du, cycle secondaire. Les
parents ont, par priorit, le droit de choisir le genre d'ducation et d'enseignement . donner .
leurs enfants. Nul individu ne saurait y porter atteinte nulle communaut n'estautorise .
ngliger de les mettre en oeuvre.
Article 57:
Les tablissements d'enseignement national peuvent assurer, en collaboration avec les autorits
religieuses intresses, . leurs l€ves mineurs, . la demande des parents, une ducation
conforme . leurs convictions religieuses. Aucun l€ve ne peut faire l'objet d'une discrimination
ni d'unrenvoi d'une cole en raison de sa religion. Une loi prcise les conditions d'application de
la prsente disposition.
Article 58:
L'enseignement est libre. Il est soumis . la surveillance des pouvoirspublics, dans les conditions
fixes par la loi.
Article 59:
Le droit de manifester et de jouir de saculture est garanti. Il est soumis . la surveillance des
pouvoirs publics, dans les conditions fixes par la loi.
302
Article 60:
Le droit . la proprit intellectuelle etartistique est garanti. La recherche scientifique et
technologique, l'exercice de l'art et de toute autre activit culturelle sont libres, sous rserve du
respect de la loi, de l'ordre public et de bonne moeurs. Il ne peut .tre port atteinte aux
droitsculturels du Peuple Congolais.
CHAPITRE 1 :DES DROITS DES PERSONNES VULNERABLES
Article 61:
Tout enfant doit .tre enregistr immdiatement apr€s sa naissance, avoir un nom et une
nationalit. Tout enfant a le droit de conna.tre les noms de son p€re et de sam€re. Tout enfant
mineur a le droit de jouir de la protection de sa famille,de l. socit et de l'.tat
TITRE V: DES DROITS CATEGORIELS
La loi assure . l'enfant n hors mariage la m.me protection juridique et sociale qu'. ceux ns
dans le mariage.
Article 62:
La jeunesse congolaise a droit . la protection de sa sant, de son ducation et de son
dveloppement moral. Les Pouvoirs Publics ont l'obligation d'assurer cette protection. Les
organisations de jeunesse doivent avoir un r.le ducatif. Les Pouvoirs Publics sont tenus de
leur apporter le soutien moral, matriel et financier ncessaire.
Article 63:
Nul ne peut .tre recrut dans les Forces combattantes et dans lesForces de l'ordre, ni .tre
autoris . prendre part aux hostilits, s'iln'a accompli au moins l'ge de 18 ans.
Article 64:
Les personnes ges, celles vivant avec handicap et les invalides ont le droit . des mesures
spcifiques de protection en rapport avec leurs besoins physiques, sociaux et moraux. Les
droits politiques leur sont reconnus pour autant qu'ils peuvent les exercer.
CHAPITRE II: DES DROITS DES MINORITES
Article 65:
Les droits des personnes appartenant aux minorits sont reconnus etprotgs par la loi. Ils
comprennent le droit d'avoir une culture propre, de pratiquer une religion propre et d'utiliser
une langue propre.
Article 66:
Tout Congolais a le devoir de participer . un environnement sain et. propice . son
dveloppement et . son panouissement. Il a le devoir de participer au dveloppement de la
sant publique.
TITRE VI: DES DEVOIRS
Article 67:
Tout Congolais a le devoir de respecter et deconsidrer ses concitoyens sans discrimination
aucune et entretenir avec eux des relations quipermettent de promouvoir, de sauvegarder et
derenforcer le respect et la tolrance rciproques. Il a, en outre, le devoir de prserver et de
renforcer la solidaritsociale et nationale, singuli€rement lorsque celle- ci est menace.
303
Article 68:
Tout Congolais a le devoir de jouir et de prserver le patrimoine commun de I'humanit.
Article 69:
Les Pouvoirs Publics ont le devoir de collaborer avec les associations nationales prives qui
contribuent au dveloppement spirituel, moral, intellectuel, culturel, social et conomique de la
Nation et . l'ducation des masses. Cette collaboration peut prendre la forme d'une assistance
par des subventions octroyes dans les conditions prvues par la loi.
TITRE VII: DES MECANISMES DE PROMOTION ET DE PROTECTION
Article 70:
Afin d'assurer le respect effectif et efficace des droits et liberts reconnus dans la prsente
Charte et dans d'autres textes pertinents, il est institu une COMMISSION NATIONALE DES
DROITS DE L'HOMME ET DU PEUPLE, C.D.H.P. en sigle. La. Commission Nationale des
Droits de l'Homme et du Peuple est un organisme public autonome, indpendant et permanent.
Il est dot de Ia personnalit juridique. La Commission Nationale des Droits de l'Homme et du
Peuple comprend des chambres, un greffe ainsi que des subdivisions provinciales appeles .
Commissions Provinciales des Droits del'Homme et du Peuple.. Le si€ge de la Commission
Nationale des Droits de l’Homme et du. Peuple est tabli dans la Capitale de la Rpublique,
celui des Commissions Provinciales au chef-lieu de chaque Province.
Article 71:
La Commission Nationale des Droits de l'Homme et du Peuple est comptente pour
promouvoir et protger les droits de l'homme en Rpublique Dmocratique du Congo, dans les
limites de ses attributions. A ce titre elle re.oit des requ.tes individuelles et/ou collectives
introduites pour violation des droits et liberts ; constate la ou les violations . ces droits et
liberts, et ordonne toutes mesures de rparation, de redressement ou de satisfaction quitable
elle assure la traduction, la vulgarisation et l'ducation par tous les moyens adquats des
normes relatives aux droits de l'homme en Rpublique Dmocratique du Congo ; elle met des
avis consultatifs en direction des autorits pourassurer la conformit ds lois et pratiques
publiques ou prives auxnormes relatives aux droits et liberts. Elle est seule comptente pour
assurer l'interprtation des normes relatives aux droits de l'homme en Rpublique
Dmocratique du Congo.
Article 72:
La Commission Nationale des Droits de l'Homme et du Peuple est compose de 15 membres,
dont deux-tiers au moins des juristes,ayant une comptence et une exprience prouves en
mati€re des droits de l'homme et de procdure judiciaire. Ces membres doivent .tre de plus
haute probit morale et intellectuelle. Les membres de la Commission, appels . Commissaires
aux Droits de l'Homme et du Peuple., sont dsigns par le Parlement,apr€s avis du Conseil
National d'Ethique, pour un mandat de 7 ans renouvelable. Ils si€gent . titre individuel et ne
peuvent .tre rvoqus que par leurs pairs. Dans l'exercice de leur mandat, les Commissaires
s'abstiennent d'exercer toute autre activit incompatible avec les exigences d'indpendance,
d'impartialit, de moralit et de disponibilit requises pour l'exercice de leurs fonctions. Ils ont
droit . une rmunration adquate.
304
Article 73:
Toute personne ou groupe de personnes victime directe ou indirecte d'une violation des droits.
et liberts consacrs par les normes nationales et internationales en mati€re des droits de
l'homme peut saisir la Commission par une requ.te individuelle ou collective tendant . faire
redresser ou rparer la violation constate. Au cas o. la violation d'un droit ou d'une libert
constitue en m.me temps une infraction pnale ou une contestation de nature civile, la victime
saisit d'abord les Cours et Tribunaux; si la violation du droit ou de la libert demeure en dpit
de la dcision judiciaire devenue dfinitive, elle saisit la Commission pour le redressement de la
violation ou pour une satisfaction quitable. Cette r€gle ne s'applique pas si le recours aux
Cours et Tribunauxn'est pas effectif et adquat.
Article 74:
Toutes autres questions concernant l'organisation interne et le fonctionnement de la
Commission sont rgies par le R€glement Intrieur
Article 75:
Dans leurs missions ordinaires, les Cours et Tribunaux ont aussi le devoir de protger les droits
et liberts fondamentaux de la personne humaine Les Pouvoirs Publics ont le devoir de garantir
l'indpendance des Cours et Tribunaux en vue d'assurer une meilleure administration de la
justice et une meilleure protection des droits, des liberts et des devoirs consacrs par la
prsente Charte ou par d'autres Instruments pertinents
Article 76:
L'Etat veille . ce que le statut des O.N.G. et des activistes des droits de l'homme 'et autres
mcanismes de promotion et de dfense soit protg par une loi leur garantissant des droits et
obligations spcifiques.
Article 77:
La prsente Charte ne peut .tre rvise que par une loi vote par le Parlement . la majorit de
2/3 de ses membres.
Article 78:
La prsente Charte entre en vigueur . la date de sa promulgation.
305
Annexe 22 : Extrait du livre de Paul de Meester sur
l'implatation chiffr.e de l'islam :
10% de la population congolaise.
"L'Eglise de J€sus Christ au Congo-Kinshasa", Editions Centre interdiocsain de Lubumbashi,
1997, pp. 298-302
C. Regain de l'Islam
Un dfi beaucoup plus srieux vient du c.t de l'islam. Il y a quelques annes il n'y
avait qu'une petite mosque . Lubumbashi. Aujourd'hui elles sont trois, dont l'une en face de
l'h.pital Sendwe, dverse sept fois par jour des versets coraniques par le chant nasillard du
muezzin. Un doyen de la Facult des lettres a l'audace de prtendre publiquement, . la radio, .
la tlvision et au cours d'un dbat dans la chapelle universitaire qu'il soutient et comprend les
intgristes et terroristes musulmans qui, en Algrie, en priode de "crise", gorgent des
paisibles villageois, des moines au service de la pri€re et des religieuses au service des malades.
Au dbut l'islam tait au Congo dans une situation beaucoup moins florissante
qu'en de nombreux autres pays d'Afrique, ayant subi un net coup d'arr.t lors de la compagne
anti-esclavagiste. Actuellement l'islam figure parmi les quatre grandes confessions reconnues
officiellement au Congo. Lorsqu'en 1974 cette mesure a t publie, certains se demandaient
pourquoi cette faveur . une religion dont on ne connaissait la prsence que de quelques
adeptes, surtout des trangers ouest-africains, commer.ants en mati€res mini€res. C'tait le roi
du Maroc qui avait exig cela du Prsident Mobutu en retour des quelques soldats qu'il avait
envoys au Katanga. Depuis lors le nombre des disciples de Mohammed s'est enrichi de
congolais, de sorte qu'en 10 ans il y a, grce aux ptro-dollars, plus de quatre mosques .
Kinshasa. Le nombre des adhrants . l'islam est pass de 1.200 . 8.000 selon l'estimation de
l'Imam Kapuluta de Kinshasa (Barumbu) et actuellement(6) ils sont 3.790.000 soit 10% de la
population.
Jusqu'ici dans les dioc€ses de Kasongo et de Kindu – berceau de l'islam au Congo
– les musulmans taient au nombre de quelque 160.000. Ils ont essaim dans d'autres villes et
rgions. Leur prsence est devenue importante Kisangani, Ubundu, Kirundu (45.000) ainsi qu'.
Bunia et Aru (10.000 venus du Soudan et de l'Uganda) ; . Goma, o. nagu€re on ne voyait
presque personne en boubou islamique, on recence plus de 5.000 musulmans. L'immigration au
Maniema . partir du Rwanda et de l'Uganda fait qu'en peu d'annes 10% des habitants sont
musulmans. Bukavu en compte dj. plus de 3.000 ; Uvira et Baraka – par les rfugis de
Bujumbura et de Rumonge – voient leur nombre s'lever . 10.000 ; Kalemie n'est pas pargn.
Lubumbashi et Mbuji-Mayi en comptent plus de 700. Souvent, pour les besoins de la cause,
des responsables islamistes du Congo devancent toute prvision en donnant des chiffres
fantaisistes, comme ceux dclars . la radio au mois de mai 1990 : soit 6 millions ! Il s'agit sans
doute de trouver un argument social pour rclamer la rouverture des coles islamiques
fermes par l'inspection, . cause d'une organisation scolaire qui laissait beaucoup . dsirer.
306
Il y va encore d'une minorit sociale, mais en tout tat de cause quand on voit cette
efflorescence de mosques – et . quel rythme – et quand on conna.t la dtermination de
certains pays . redynamiser par tous les moyens par le biais de l'conomie, l'islamisation de
l'Est de l'Afrique, on ne peut pas rester indiffrent . cette prsence qui est un dfi dangereux.
En effet, l'islam a vinc le christianisme au Proche-Orient, il l'a balay en Afrique
du Nord. Seule une rsistance et survie furent possibles en Espagne, En Ethiopie et dans
l'Egypte copte, grce . la qualit de la vie familliale et une liturgie inculture. Celles-ci seront
au Congo aussi la meilleure parade contre l'invasion de l'islam et la meilleure prparation du
dialogue. […]
Longtemps l'attitude des Eglises en Afrique fut domine par le sentiment que le
Christianisme y possdait un srieux handicap, que l'islam envahira tout le continent et qu'il y a
peu de chose que les chrtiens puissent faire l. contre. Ceci a t vrai par le pass pour un
certain nombre de rgions, mais la situation qui se prsente aujourd'hui est toute autre. L. o.
l'Eglise est tablie et bien implante avec sa liturgie africaine, ses familles chrtiennes dans un
dveloppement cuturel et social vraiment libre, l'islam des marabouts, des boubous et de
muezzins perd toute sduction. L'Eglise dispose en ces jours plus que l'islam de quoi attirer les
Africains. Le mythe en particulier selon lequel l'islam serait plus africain, n'est plus tenable. (9)
(6) Implantation chiffre de l'islam en Afrique in "Teleme", 3-4/96 (n.87-88) p.41
(9) J.KENNY, L'Eglise et l'Islam in "Eglise et Histoire de l'Eglise en Afrique" p.24
307
Annexe 23 :La Controverse de Valladolid. Un film de
Jean-Daniel Verhaeghe. Sc.nario original de Jean-
Claude Carri.re, avec Jean Carnet, Jean-Pierre
Marielle, Jean-Louis Trintignant.
Circonstances historiques :
"Les missions jsuites du XVIIe et XVIIIe si€cle se trouvaient . la zone fronti€re entre les
royaumes de l'Espagne et du Portugal. Elles regroupaient plus de 100 villages indig€nes depuis
le sud du Brsil actuel, l'Uruguay, l'Argentine, le Paraguay, le Prou, la Colombie et le
Venezuela.
Au XVI€me si€cle, les populations indig€nes sont exploites par le syst€me colonial dit
d'encomiendas. Ce syst.me permet aux colons de disposer de la main d'oeuvre pour
l'exploitation de leurs domaines. En 1550 et 1551, les conf€rences de Valladilod
reconnaissent le principe d'€galit€ des droits et des devoirs de tous les hommes et leur
vocation . la libert€. La culture des Indiens commence alors . .tre reconnue. Ils peuvent
commencer . .tre instruits et catchiss. Malgr cela, certains colons continuent d'abuser des
Indiens, les rduisant . l'tat de serfs. En r€action, les ordres religieux d€veloppent une
nouvelle manire d'€vang€liser les Indiens : ma.trise et promotion des langues indig€nes,
tude et prservation des coutumes locales, mise en place d'une organisation sociale et le
progr€s conomique de communauts autochtones. Regroupant les Indiens autour de leurs
monast€res, ils les prot€gent des exc€s de l'encomienda, et les sdentarisent. D€s leur arrive
au Prou, en 1566, les jsuites s'inscrivent dans cette mani€re de faire. Ils dveloppement le
syst€me des "r€ductions". Ce mot fait rfrence . la tentative de regrouper (reducere en latin)
dans un m.me lieu une population indig€ne et de les rduire ainsi . la vie civile. Les jsuites
crent des missions pour les Indiens Mojos (ou Moxos), Chiquitos et Guaranis. En misant sur
le strict respect de toutes les dispositions protectrices des Indiens dans la lgislation espagnole,
ils s'attirent les bonnes grces des fonctionnaires espagnols. Voir
http://www.jesuites.com/histoire/baroque/index.html
308
Rsum du film : " Les Indiens du Nouveaux Monde ont-ils une me ? tel est l'objet de la
controverse qui oppose en 1550 . Valladolid, la capitale de l'Espagne, le chanoine philosophe
Sepulveda et le fameux dominicain Las Casas, ardent protecteur des Indiens. Ont-ils t
rachets par le sang du Christ ou sont-ils des esclaves-ns ? Devant un lgat du pape, un
reprsentant de Charles Quint et toute une assemble, les deux adversaires s'affrontent. Pour
confirmer ou infirmer leur dclarations le lgat a fait venir des terres nouvelles plusieurs
indig€nes : on va pouvoir observer s'ils sont ou non capables de sentiments humains. Dbat
enflamm, profond, baroque, prmonitoire. De la dcision prise va dpendre, pour des si€cles,
le sort de dizaines de millions d'hommes, mais pas forcment ceux qu'on croit." (Arte-Vido
1991. Couleur. 90mn.)
309
Annexe 24 : TEXTE DE SOUTENANCE
De source biblique, le livre des Actes des Ap.tres nous assure que depuis son
origine, l'volution du christianisme passe au travers des controverses, des polmiques et des
questions ouvertes auxquelles les plus humbles des vicaires du Christ ont rpondu par la
douceur, en laissant place . l'Esprit Saint.
A la controverse au sujet du bapt.me des pa.ens, nous entendons Pierre se justifier
en ces termes : " Or, peine avais-je commenc€ parler que l'Esprit saint tomba sur eux,
tout comme sur nous au d€but […] Si donc Dieu leur a accord€ le m.me don qu' nous, pour
avoir cru au Seigneur J€sus Christ, qui €tais-je, moi, pour faire obstacle Dieu?"Actes 11,
15-16.
A celle qui a donn lieu au premier Concile de Jrusalem, au sujet de la
circoncision des pa.ens, la conclusion des Ap.tres dit : "L'Esprit Saint et nous-m.mes avons
d€cid€ de ne pas vous imposer d'autres charges que celles-ci, qui sont indispensables : vous
abstenir des viandes immol€es aux idoles, du sang, des chairs €touff€es et des unions
ill€gitimes." Actes 15, 28-29
D'heureuse mmoire, le pape Jean-Paul II . russi . faire passer l'Eglise catholique
au 3€me millnaire marqu par le brassage culturel et religieux qu'impose la mondialisation, en
redonnant . l'Esprit Saint la place que nombre de ses prdcesseurs ont relgu aux seconds
plans, dans les questions concernant le dialogue oecumnique et interreligieux. De Redemptor
hominis . Redemptoris missio, Jean-Paul II a retrouv les traces des saints Ap.tres en
affirmant que " l'action de l'Esprit op.re au-del des fronti.res visibles du corps mystique,
dans la fermet€ de la croyance des membres des religions non-chr€tiennes, action qui affecte
non seulement les personnes individuelles, mais les traditions religieuses elles-m.mes" ( RM
28).
310
Cette assurance des sources biblique et apostolique nous a donn l'audace
d'aborder, . si haut niveau, des questions dlicates et particuli€res poses par la prsence active
des Eglises dites de "rveil" dans la situation religieuse de la Rpublique dmocratique du
Congo. Quatre fois plus tendue que la France, quatre-vingts fois plus que la Belgique,
l’ancienne mtropole d'o. sont venus, en majorit, les missionnaires qui nous ont apport
l'Evangile, la Rdc est parmi les pays de l'Afrique subsaharienne o. l'histoire des religions est
tr€s riche en vnements et tr€s mouvementes.
En effet, depuis les premiers contacts, d’une part, avec le sultan de Mascate et
Oman sur la c.te orientale d'Afrique au XIV€me si.cle, et d’autre part, avec les missionnaires
portugais sur la c.te occidentale au XV€me si€cle, les religions en Rdc. n’ont cess de subir des
mutations qui posent toujours des questions aux historiens, aux sociologues, aux
anthropologues et aux thologiens..
A l'instar de la cl€bre controverse de Valladolid en Espagne au XVI €me si€cle o.
la question centrale tait de savoir si les Indiens avaient une me, l'vanglisation en Rdc est
passe de la question du salut des mes au XVIII€me s. jusqu'. la problmatique de
l'inculturation dclenche en 1960 par un dbat rest historique entre les tudiants de la facult
de thologie de l'Universit Lovanium de Kinshasa et leurs professeurs, ma.tres de Louvain en
Belgique, autour de la possibilit d'une thologie africaine ou thologie de couleur africaine.
Entre les deux polmiques, l'volution de la pense missionnaire a t marque par les
questions de l'adaptation de la thologie, de l'implantation de l'Eglise et de la thologie des
pierres d'attente. Cette poque est bien rvolue.
Depuis plus d'une dcennie, les questions religieuses tournent autour du dialogue
oecumnique et interreligieux, non seulement entre les interlocuteurs classiques, mais aussi et
surtout avec les nouveaux mouvements religieux d’obdience pentec.tiste et afro-islamo-
chrtienne. Les titres des ouvrages et des articles parus entre 1992 et 2004 en sont les
rvlateurs. Voir les diffrents titres dans notre bibliographie.
Notre th€se aborde ces questions dlicates et particuli€res : dlicates parce que, .
notre connaissance, elles n’ont pas de prcdent dans les annales de l’Eglise catholique
romaine, particuli€res parce qu’elles sont fortement lies . l’inculturation de l’Evangile en pays
de mission dont la problmatique est rsume en une phrase : . Comment .tre chr€tien sans
trahir l’Afrique et rester africain sans nier le Christ .. Particuli€re aussi et surtout parce que
les chrtiens au Congo cultivent de plus en plus le nicod€misme qui est le fait de pratiquer
simultanment plusieurs religions (au mois deux).
311
En affirmant que cette situation du Congo, pour ne pas parler de l'Afrique noire de
fa.on gnrale, n'a pas de prcdent dans les annales de l'Eglise catholique romaine, nous
n'oublions pas ce qui se passe dans d'autres parties du monde, entre autres, . Salvador de
Bahia sur la c.te nord-est du Brsil. Du syncrtisme dynamique et novateur jusqu'au
nicodmisme, la situation religieuse dans le Candombl brsilien est . peu de chose pr€s,
semblable . celle des Eglises de rveil au Congo. Ce phnom€ne simultan en Afrique et en
Amrique a veill notre intr.t . pousser nos recherches plus loin, au-del. des limites
thologiques. Anciens esclaves imports d'Afrique, notamment des rgions du Bnin-
Dahomey, de l'Angola-Congo et du Nigria, ces brsiliens de Salvador de Bahia, pour ne parler
que d'eux, ont pendant longtemps camoufl leurs croyances sous des traits emprunts au
catholicisme afin chapper . la violente rpression de leurs ma.tres. De m.me, leurs congn€res
rests en Afrique ont, pendant des longues annes, assimil par imposition le christianisme
missionnaire au mpris des cultures religieuses locales.
Depuis quelques dcennies, la mondialisation aidant, une nouvelle forme de
religiosit se dveloppe . grande vitesse : en Amrique et aux Iles, c'est du "Vaudou", du
"Umbanda" et du "Candombl€". En Afrique, ce sont les Eglises afro-chrtiennes
indpendantes et celles dites de rveil.
Compris comme dsir de simples croyants . rester enracins dans leur propre
culture en gardant la foi au Christ et . s’ouvrir . d’autres formes de religiosit et . l’Autre,
nous pensons que les jalons pour baliser cet lan restent une affaire d’lites, historiens,
sociologues, anthropologues, thologiens et pasteurs, pour que ce qui est dj. vcu de fa.on
spontane soit, non pas lud, mais lucid intellectuellement.
Notre objectif en abordant ces questions n'a pas t de faire une tude pntrante
des Eglises de rveil. Des enqu.tes srieuses sur ce th€me ont dj. t faites et publies. Nous
avons pens qu'il est ncessaire de pousser la rflexion autour des facteurs psycho-
sociologiques et politico-conomiques susceptibles de fragiliser ou de renfoncer les bases du
rapprochement dj. tabli entre les Communauts institutionnalises et les nouveaux
mouvements de rveil plut.t "souples" et aptes au dialogue.
312
Nous avons donc cherch . rpondre . quelques questions de fond suivantes :
quels sont les dsirs profonds, dans la qu.te spirituelle de l'me africaine, les religions
institues, c'est-.-dire d'origine trang€re, n'arrivent pas . satisfaire ? Si les Eglises de rveil
arrivent . donner satisfaction . ces dsirs profonds, comment procder . leur intgration dans
les rangs des interlocuteurs du dialogue oecumnique et interreligieux dans le respect et
l'adaptation des normes qui conviennent . toutes les communauts religieuses en dialogue ?
Jusqu'o. peuvent aller les uns et les autres dans la redfinition des termes clefs qui font tr€s
souvent obstacles et sont des emb.ches sur le chemin de l'oecumnisme interreligieux ?
Faut-il continuer . prenniser les conceptions absolutistes, inclusives et exclusives
de l'Eglise catholique dans un contexte culturel et cultuel diffrent de l'Occident ? Quelle valeur
donner au mot "syncrtisme" dans les circonstances du brassage culturel et religieux impos
par la mondialisation? […]
Suivant la mthode historico-analytique, nous avons men notre tude en quatre
chapitres de plus ou moins trois sections chacun.
- Primo, considrant que l’histoire des religions ne pourrait .tre isole
de son environnement, nous avons commenc notre tude par dfinir le cadre socioculturel et
politique de la Rpublique Dmocratique du Congo. Nous avons pris comme anne de dpart,
1959, l’anne de notre naissance qui est celle du rveil politique avec la lutte pour
l’indpendance. 1959 est aussi l’anne de la reconnaissance officielle des Eglises africaines
indpendantes, notamment du kimbanguisme dont le fondateur est un Congolais, ancien
catchiste des missionnaires protestants de la British Missionary Society (BMS). Les
mouvements de rveil politique et religieux ns en 1959 ont connu leur paroxysme dans les
annes 1970 sous le rgime du prsident Mobutu dont le maillon fort de la politique intrieure
tait la rhabilitation des religions traditionnelles au travers de la politique du recours .
l’authenticit.
Suite aux dm.ls qu’il avait eus avec le Cardinal Joseph Malula, alors archev.que
de Kinshasa, le prsident Mobutu avait apport un soutien inconditionnel aux religions afro-
chrtiennes indpendantes. Dans les conflits internes qui ont plong le pays dans des guerres
civiles et face . la situation internationale de la guerre du Kippour, le prsident Mobutu avait
fait le choix d’aider l’islam . s’panouir librement au Congo : "Entre un ami et un fr.re, avait-
il dit, le choix est clair". L'ami tant l'Isra.l et le fr€re l'Egypte.
313
Entre la rhabilitation des religions traditionnelles, la stabilisation des Eglises
indpendantes et la monte de l’islam, la politique intrieure du prsident Mobutu avait cr
vers les annes 1990, un couloir favorable aux mouvements pentec.tes soutenus
financi€rement par les Etats-Unis d'Amrique. Quelles que soient leurs motivations de base, ces
diffrents mouvements, favoriss par l’environnement socio-politique et fortement enracins
dans la culture africaine, posent aujourd’hui question dans la problmatique du dialogue
oecumnique et interreligieux en Rpublique Dmocratique du Congo.
- Secundo, pour comprendre les mobiles de cette situation, nous avons fait le bilan
de l'implantation des religions chrtienne et musulmane. C'est . partir de leur rencontre avec les
religions traditionnelles africaines que sont nes les Eglises afro-chrtiennes indpendantes et .
celles dites de rveil spirituel. Sont regroupes sous ce vocable, toutes les communauts
religieuses chr€tiennes crant des cultes syncrtiques ou messianiques, fondes par des
proph€tes africains . charisme souvent politico-religieux. De fa.on gnrale, elles
reconnaissent Jsus-Christ comme Seigneur, affirment leur "africanit€" et rejettent la
domination religieuse et politique des Eglises missionnaires, catholique et protestantes.
Les derni€res statistiques fiables datant de 1995 attribuent 48% de la population
aux catholiques, 29% aux protestants, 17,1% aux Eglises afro-chrtiennes indpendantes,
3,4% aux religions traditionnelles et 1,4% aux musulmans. Entre 1995 et 2005, beaucoup
d'eaux ont coul sous les ponts des religions au Congo. D'une part, les derni€res tudes
scientifiques des Facults Catholiques de Kinshasa datant de 2003 attribuent 30% de la
population aux Eglises afro-chrtiennes indpendantes, toutes tendances confondues. D'autre
part, les tudes chiffres de Paul de Meester, missionnaire jsuite et professeur d'Universit,
datant de 1997 attribuent 10% de la population congolaise . l'islam. C'est-.-dire qu'en une
dcennie, les Eglises indpendantes ont augment de 12,9% et les musulmans de 8,6%. Cela
sans ngliger le phnom€ne du "nicod€misme".
Ces chiffres peuvent .tre contests, mais la situation des Eglises chrtiennes n'est
pas moins dlicate. Le brassage des croyances provoqu par la mondialisation et la
mgalomanie des Amricains ne font qu'acclrer le dsenchantement des Eglises chrtiennes
institutionnalises. Celles-ci cherchent, cependant, . se stabiliser au travers de l'inculturation du
message vanglique et de l'adaptation de la pastorale . la demande de la chrtient congolaise.
314
- Tertio, dans son effort de stabilisation par l'inculturation, l'Eglise catholique de la
Rdc bute souvent . l'autorit parfois crasante du Magist€re romain, malgr les ouvertures du
concile Vatican II et les encouragements du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux.
Notre troisi€me chapitre est, pour cette raison, consacr . l’analyse de la position officielle de
l’Eglise catholique romaine au sujet du pluralisme religieux. Nous avons situ dans leur cadre
historique, les mobiles qui ont pouss l’Eglise . avoir un nouveau regard sur les religions non-
chrtiennes. Nous avons commenc avec les initiatives positives des penseurs et des mystiques
catholiques, notamment Pierre le Vnrable, abb de Cluny, Fran.ois d’Assise et Raymond
Lulle, jusqu’. la dclaration conciliaire "Nostra Aetate"[L’Eglise et les religions non-
chrtiennes, promulgue le 28 octobre 1965]. Nous avons ensuite prsent l’volution de
l’Eglise dans le monde apr.s Vatican II, l'enseignement du magist.re post conciliaire et l’tat
des dbats actuels entre thologiens et spcialistes des religions, choisis parmi ceux qui
pourraient nous clairer dans la situation qui est la n.tre en Rpublique Dmocratique du
Congo. Il s'agit de Hans Kung, Franois-Paul Knitter, Raymond Panikkar, Aloysus Piers,
Jacques Dupuis et Monique Aebischer-Crettol qui a vcu l’exprience de l'oecumnisme
interreligieux sur le terrain en Rdc.
- Quarto, cet approfondissement nous a conduit au quatri€me chapitre qui fait tat
de nos questions concernant le phnom€ne . Eglises de rveil ., une nouveaut qui interpelle
vivement l’Eglise catholique dans ce vaste pays d'Afrique noire, hyper-religieux. En cherchant
. rpondre . nos questions de fond, nous avons essay d’analyser les possibilits et les
conditions d’un dialogue ouvert et exigent entre ces Eglises de rveil et les Communauts
religieuses traditionnelles institutionnalises.
Suivant la sagesse africaine qui dit : . Si tu ne sais plus o. tu vas, retourne-toi,
regarde d’o. tu viens ., nous avons plong nos recherches en relisant Mircea Eliade dans le
souci de comprendre le dsir profond de l’me africaine que n’arrivent pas . satisfaire les
formes des religiosits trang€res. C'est au travers des trois attitudes fondamentales des
religions du monde, notamment : la convocation, l'invocation et l'€vocation que nous avons
compris le lien du phnom€ne religieux simultan entre Kinshasa au Congo, en Afrique, et
Salvador de Bahia au Brsil en Amrique latine. La structure anthropo-sociologique logique
"d'assimilation-rejet" nous a fait comprendre le pourquoi du dveloppement rapide de ces
nouvelles formes de religiosit : vaudou, umbanda, candombl€ et Eglises afro-chrtiennes
indpendantes et de rveil spirituel.
315
Pour rpondre . la question du "comment proc€der l'int€gration de ces nouvelles
formes de religiosit€ dans les rangs des interlocuteurs du dialogue oecum€nique et
interreligieux", nous avons plong nos recherches dans les tudes des spcialistes des sciences
des religions tels que J-Yves Congar, Henri-Charles Chry, Dani€le Hervieu-Lger, Fran.ois
Euve, Jean Vernette, Xavier de Schutter, Jean Delumeau, et dans celles des autres spcialistes
qui ont apport leur contribution au Colloque et au Sminaire Scientifique des Facults
Catholiques de Kinshasa sur le th€me de "Sectes et Eglises de r€veil au Congo". Ces
recherches nous ont ramen . l’vidence de la sagesse de Conficius qui disait : . Pour €viter la
guerre, il faut commencer par d€finir le sens des mots ..
Nous nous sommes ainsi pench sur les dfinitions et le sens des termes ; sur la
valeur des paradigmes trop survalus et mprisants du catholicisme universel imprgn par la
culture occidentale. Sont passs par la cible de cette redfinition, les termes comme
"raisonnable", "tolrance", "rigueur", "syncrtisme", et des paradigmes comme "universel",
"ecclsiocentrisme", "christocentrisme" et "thocentrisme".
Nous avons, enfin mis en cause le syst€me actuel de formation des futurs pr.tres et
pasteurs qui arrivent sur le terrain de la pastorale active avec un bagage intellectuel qui ne leur
permet pas de se confronter aux ralits psycho-sociologiques et historiques du monde actuel,
exacerbes par le grand brassage provoqu par la mondialisation. Spcialistes de Saint Thomas
d'Aquin et de Martin Luther, ils apprennent sur le tas, les ralits des autres religions du monde
et l'histoire des Eglises Afro-chrtiennes locales qu'ils assimilent . priori aux sectes.
Nous nous sommes rendu compte que depuis Vatican II, on a souvent pens la
question de l'Eglise et du minist€re pastoral uniquement . partir de Lumen Gentium
[constitution dogmatique sur l'Eglise, lumi€re des nations]. Nous pensons qu'il faudrait aussi le
faire – au moins pour la Rdc – en lien avec Gaudium et Spes [ constitution pastorale sur
l'Eglise dans le monde de ce temps] : quelle lumi€re sur notre minist€re nous vient par les
autres et par les volutions de l'histoire ? Une telle dmarche permettrait aussi de rendre
compte des pathologies et des souffrances vcues dans l'exercice du minist€re presbytral et
pastoral. Il est pour cette raison, question d'agencer la formation des pr.tres en les ouvrant sur
trois dimensions : pasteur entant que p€re de la communaut, pr.tre entant que compagnon
spirituel de ceux qui demandent un service . l'Eglise et prophte en prenant du temps avec
ceux qui ne partagent pas pleinement notre foi.
316
Tout compte fait, en ayant pris comme soubassement, d’une part, les ouvertures
des documents conciliaires et l'enseignement du magist.re post conciliaire, clairs par
l’ventail des dbats thologiques, et d’autre part, le fait que la majorit des Eglises de rveil
au Congo soit plut.t de la tendance "souple", nous avons essay de poser des jalons auxquels
peuvent se rfrer les Eglises chrtiennes locales institutionnalises, afin qu’elles s’ouvrent . la
diffrence des Eglises de rveil, . leur mthode pastorale et . leurs limites, en m.me temps
qu’elles les ouvrent aux exigences de l’exg.se biblique et de la critique scientifique, jetant du
lest, abandonnant tout ce qui est purement contingent et adventice, pour la reconstruction de la
communion ecclsiale et religieuse qui rponde aux besoins et aux attentes des Croyants.
Les Eglises de rveil qui sont aptes au vrai dialogue pourront ainsi franchir la
barri.re d’un clectisme facile pour un syncrtisme d’harmonisation qui est, . notre avis, une
richesse quand elle contribue . une auto-comprhension plus profonde. C’est dire que les
Eglises de rveil pourront .tre . mesure de comprendre que Jsus n’est pas que gurisseur et
exorciste mais qu’Il va au plus profond de l’homme. Il est le Sauveur de tout homme et de tout
l’homme.
Ceci dit, l’instabilit socio-politique et le cadre de la mondialisation qui favorisent
leur mergence exige que l’oecumnisme interreligieux, en Rpublique Dmocratique du
Congo, soit men avec prcaution et modestie, vitant de se rduire en un oecumnisme de
retour, visant plut.t l’horizon d’un vrai dialogue jalonn non pas de fausse tolrance et de
fausse rigueur, mais d’ouverture et d’exigence, dans le respect mutuel et la confiance en
l’action de l’Esprit Saint.
Je voudrais, apr.s cet expos systmatique, solliciter votre indulgence pour les
imperfections lies . la reprographie et . la typographie de ma th.se. Le fait de ne pas ma.triser
la nouvelle technologie de l’informatique a ajout un plus au dsagrment li . la forme du
travail. En effet, certaines erreurs corriges, non mmorises par l’ordinateur, sont rapparues,
. ma grande dsolation, dans le texte final. Il y a des pages o. des notes infrapaginales sont
dcales. Et ces coquilles qui tra.nent sur les plages de mon texte! J'en suis dsol.
317
Sur le fond, je reconnais avoir prouv quelques difficults, tant . la fois juge et
partie, en ma qualit de pr.tre catholique, pour faire preuve d’objectivit dans le commentaire
des faits historiques tels qu’ils se sont drouls dans notre pays. C’est la difficult que pourrait
avoir tout pr.tre qui ferait des tudes scientifiques sur les phnom€nes religieux : .tre objectif
sans nier et sans trahir sa foi, rester fid€le . sa foi sans tronquer la vrit. C'est l. aussi le
dilemme auquel sont confronts les thologiens de fa.on gnrale. Comme le dit Christian
Duquoc : " Ils ne sont cr€dibles que s'ils 'osent penser par eux-m.mes', selon la requ.te de
Kant ; ils ne sont th€ologiens que par leur all€geance la foi biblique et leur fid€lit€ la
tradition. Comment articuler les €l€ments apparemment contradictoires de ce dilemme ?
Comment t€moigner du souci de la v€rit€ qu'ils accueillent et argumenter en toute libert€ ?
…"346
Le sort des enfants qui jugent parfois sv€rement leur m€re est aussi bien connu.
Mais Aristote disait que . Si l’amiti. et la v.rit. me sont ch.res l’une et l’autre, je choisis
quant . moi, la v.rit. .. Je pense, pour ma part, que le choix de la vrit vient du bonheur
d'avoir t con.u dans une matrice saine, de vouloir en sortir par le sexe, de crer, de pleurer comme
pour dire " p.re, j'existe, coupe-moi le cordon, j'en garderai la marque mon nombril"…
C’est au risque de ce choix que je soumets ma th.se . votre sentence. Cher jury, je
voudrais exister, coupez-moi ce cordon! S'il vous pla.t! MERCI.
346 346 Christian Duquoc, la th€ologie en exil. Le d€fi de sa survie dans la culture contemporaine, Paris,
Bayard, 2002, p. 12
318
I N D E X O N O M A S T I Q U E
319
ABEL, Armand 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103,
105, 106, 238
AEBISCHER-CRETTOL, Monique 145, 161, 162,
224, 238
AHMED, ben Muhamed 100
ANAWATI, G.C. 238, 268
ANCIAUX, Lon 97,238
ASCH, Susan 26, 30, 82, 84, 94, 95, 238, 275, 286
AYAD, Christophe 207
BALTHASAR, Hans Urs Von. 238
BANANGA MUNONGO 53, 71, 79, 248
BARTHE, Claude 238
BASTIDE, Roger 185, 238, 252
BAVAREL, Michel 239
BEA, Cardinal 124, 125, 131
BELLINGER, Gerhard J 256, 257
BEN OMAR (Rana Sabra) 119, 250
BENA SAPHARY 89
BENOIT XV 63, 239
BENTLEY 76
BERGERON, R. 205
BERNARD, Jacques 179, 239
BERNARD, G. 239, 267, 273
BILAL 31
BIMWENYI KWESHI, Oscar. 60, 61, 213, 239
BIRAGO DIOP. 45, 239
BOKELEALE 80
BONTINCK, Fran.ois 275
BORRMANS, Maurice 239
BRAEKMAN 71, 239
BRAZZA 55, 56
BUHLMANN 150
BULAIMU ABEMBA 97
CALVEZ, Jean-Yves 239
CAMELOT, J.-Th. 239, 269
CAMPS 149
CARRIE 55
CASPAR, R. 239
CAZELLES, Henri. 211, 240
CERTEAU, Michel de 240
CHENU, Bruno 240
CHENU, M-Dominique 223, 240, 265
CHERY, H.Ch. 172, 240
CHEZA, Maurice 64, 240
CHOME, Jules 239
CISSE 30
COFFY, Cardinal 198, 240
COMBY, Jean 240
CONFUCIUS 168
CONGAR, Yves 181, 182, 240, 241
CORNELIS, Etienne 241
CRANE, WILLIAM 89
CYPRIEN, Saint 120
DAG HAMMAREKJ.LD 25
DAMMANN, E. 241, 266
DANIELOU 66
DECRAENE, Philippe 241, 266
DELUMEAU, Jean 176, 180, 201, 202, 231, 241
DE MEESTER, Paul 14, 32, 53, 55, 58, 59, 109,
112, 206, 247, 305
DE MEEUS 61
DEPELCHIN, Jacques 241
DEROUSSEAUX, Louis 119, 121, 124, 130, 165,
241
DESSEAUX, Jacques 241
DETH, Jean-Pierre van 241
DE WITTE, Ludo 22
DIALUNGANA SALOMON 87, 96
DIANGIENDA KUNTIMA 82, 241
DIEGO CAO 17, 53
DIFENA MATOMENA 242
DIOP CHEIK ANTA 242
320
DONEUX, J.-L. 252
DUBUISSON, Daniel 146, 256
DULLES 149
DUPUIS, Jacques 119, 135, 137, 145, 151, 152,
153, 154, 155, 156, 157, 158, 160, 161, 162,
164, 242
DURIEZ, Bruno 146
EKOLLO, Thomas 66
ELA, Jean-Marc 242
ELIADE, Mircea 122, 129, 172, 175, 242
ELONGO, V. 243
EUVE, Fran.ois 225, 243
FERNANDES, Angelo 138
FREDERIC, Louis 185, 256
FROELICH, Jean-Claude 243
GANTIN, Bernardin 243
GEFFRE, Claude 143, 145, 243
GELOT, Joseph 243
GILIS, Charles-Andr 243
GILLILAND, S. 244, 271
GIOIA, Francesco 244
GIRANLT, Ren 244
GRAVAND, P. 41, 244
HAACK, F.W. 244
HADDAD, Adnan 16, 31, 32, 97, 109, 110, 244
HASSAN II 32, 109, 112, 114
HAYEK, M. 244
HAYWARD, V.E.W. 244, 265
HEBGA MEINRAD 51, 67, 208, 244, 260
HEGEL 31, 50, 110, 309
HELLWIG 150
HERVIEU-LEGER, Dani€le 182, 183, 184, 204,
244
HOLAS, B. 244
HUBY, Joseph 41, 42, 257
HUNTINGTON, Samuel P. 203, 244
HUSSEIN DE JORDANIE 125
JEAN-PAUL II 50, 133, 137, 138, 139, 140, 141,
223, 226, 245
JEAN XXIII 28, 63, 123, 124, 132, 245
JEANROND 145
JOMIER, Jacques 245
KABANGA NTUMBA 245
KABASELE, Fran.ois 245
KABILA 32, 34, 35, 36, 77, 205
KABONGO, P. 71, 73, 245
KAFUTI SONY 170
KAGAME, Paul 35
K. MANA 245
KAPULUTA 32, 112, 305
KASA-VUBU 21, 22, 24, 25
KEBE 30
KIAZAYILA, Kingengo 245
KIMBANGU 6, 21, 30, 81, 83, 84, 85, 86, 87, 90,
91, 93, 94, 95, 96, 116, 186, 188, 194, 229
KINZEMBO 83, 84
KISOLOKELE, Damien Charles 88
KNITTER, Paul 145, 148, 150, 155, 157, 164, 245
KRISHNA, L.R. 185, 245
KUNG, Hans 145, 164, 224, 246
KUNGA KONGO, Emawoyi 246
KUTINO, Fernando 170
KUYELA 83
LABURTHE-TOLRA, Philippe 246
LAME, Pierre 246
LENOIR, Frederic 175, 257
LEON X 178, 201
LEOPOLD II 53, 54, 55, 59, 71, 72, 73, 74, 81, 83,
98, 100, 116
LEVY BRUHL, Lucien 50
LIVINGSTONE, David 17, 53
LUBARIS 32
321
LUMUMBA, Patrice 21, 22, 23, 24, 34, 77, 88,
110
LUNEAU, Ren 170, 252
LUNTADILA 30, 88, 89, 91, 271, 273
LUTHER ,Martin 178, 201, 217
LUYELE MAGAMA 246
MADRANDELE, Prosp€re 27
MAKAZA, M. 246
MAKOLO AKUMBU 246
MALRAUX, Andr 174, 175
MALULA, Cardinal Joseph 27, 28, 53, 64, 65, 68,
240, 251
MANDJUMBA MWANYIMI 246
MAQUET, Jacques 47, 246
MARITAIN, J. 247
MARTEIL, V. 66
MARTINEAU, Suzanne 247
MARX, Karl 6
MAURICE, H. 247
MAURIER 150, 247
MAXIMOS IV 126
MAYER, J.F. 247
M’BOKOLO ELIKIA 247
McBRIEN 149
MERE TERESA 126
MESLIN, Michel 247
METENA M’NTEBA 66, 247
METZ 144
MIMBORO MWENDELE, L. 248
MITTERRAND, Fran.ois 30
MOBUTU 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31,
32, 34, 35, 36, 75, 79, 91, 95, 108, 109, 111,
112, 113, 114, 117, 248, 305
MODIO ZAMBA 187, 237, 255, 262, 278
MOJAISKY PERRILLI 23
MONOD, Thodore 175
MOSHE-ISSHEM 88
MUDIJI, Thodore 48, 261
MUFUTU KABAMBA 42, 43, 44, 46
MULAGO, Vincent 41, 248, 251
MULELE, Pierre 34
MUNDAYA BAHETA 169, 261
MWENE BATENDE 248, 261, 273, 274, 275
MWILU 84
NDAYWEL E NZIEM, Isidore 20, 22, 24, 34, 72,
73, 76, 98, 109, 111, 248, 275
NECKEBROUCK,V 248
NEUNER 145
NGANDU NKASHA 248
NGBANDA, Honor 24, 32, 248
NGIMBI NSEKA 44, 261
NIEBUHR 148
NLEMVO 76, 77
NOMANYATH, David 249
NTEDIKA KONDE 173, 189, 191, 193, 194, 212,
233, 237, 249, 255, 261, 265
OTTO RUDOLF 121, 122
PANIKKAR, Raimundo (Raymond) 145, 150, 158,
164, 212, 217, 249
PAUL VI 65, 125, 129, 133, 134, 137, 197, 204,
226, 249
PAWLINKOWSKI 150
PEETERS, J. 249, 250
PENOUKOU, Efo Julien 250
PERO MISHONDO 47
PETILLON 87, 92, 105
PIE XI 63, 220
PIE XII 63, 129, 250
POULLART DES PLACES 54
POUPARD, Paul 257
PUTHIADAM 150
RAHNER, Karl 149, 252
322
RATZINGER, Joseph. 145, 163, 164, 165, 250
REMY, J. 250
REY-MERMET, Th. 119, 124, 125, 130, 250
RIBAUCOURT, Jean-Marie 46, 49, 250
RIES, Julien 119, 250
ROBERT, J. 250
ROBINSON 151
RONCALLI, ANGELO 123
ROSNY, Eric 250, 271
ROSSANO 149
ROUX, Andr 250
ROUX, Hebert 250
RUETHER 150
SAINT MOULIN, Lon de 23, 28, 53, 65, 78, 173,
251, 262
SAINT-CLAIR, David 185, 251
SANTEDI, Kinkupu, Lonard 251
SCALAIS 23
SCHILLEBEECKX 145, 149
SCHINELLER 155
SCHLETTE, Heinz Robert 251
SCHMIDT 129
SCHUTTER, Xavier de 186, 186, 212, 251
SCHOMER, MARK 89, 272
SCHOONENBERG 150
SCLETTE 150
SEGUY, Jean 252, 265, 266, 271
SENGHOR 193, 257
SESBO.E, Bernard 120, 252
SHAUMBA 79
SIEGWALT, Grard 252
SINDA, Martial 82, 83, 85, 252, 272, 274
SMITH WILFRED 146, 162, 275
SODERBLOM, NATHAN 122, 129
SOHIER 106
SOUCHON, Michel 211, 252
SOUMIALOT 34
STANLEY, HENRY MORTON 17, 25, 27, 53,
54, 55, 56, 71, 83
STEEBERHEN 61
TEILHARD DE CHARDIN 175, 225
TEMPELS, Placide 41, 50, 252
TERNISIEN, Xavier 16, 170
THILS, Gustave 252
THOMAS, L.V. 252
THOMPSON 150
TINCQ, Henri 174, 175
TIPPO-TIP 100, 101, 246
TOKATLIAN, Chantal 217, 226, 227, 252
TOMKO, Cardinal 134, 136, 137
TSHOMBE, Mo.se 23, 25
TRACY, David 253
TROELTSCH 162, 253
TURNER, H.W. 253, 266, 267, 269
TSHIBANGU, T. 66, 67, 253
VALLET, Odon 132
VAN DER LEEUW 122, 253
VANDEVELDE 103, 107, 108
VANNESTE, Alfred 66, 67, 192, 253
VAN PARYS, J.M. 253
VAN RONSLE (Mgr) 73
VAN STRAELEN, HENRY 42, 43, 253
VAN WING 44, 83, 84, 272
VERGER, B. 253
VERNETTE, Jean 42, 171, 176, 183, 187, 222,
244, 253, 257
VILAIN, Pierre 200, 253
VISSER’T HOOFT 89, 253
WESTHINGS, Nils 76
WEULERSSE, Jacques 20, 253
WHALING 145
WILSON, B. 170, 205, 254, 265, 266, 267, 271
323
WOODROW, A. 254, 269
YOULOU, FULBERT 23
YOWERI MUSEVENI 35
YSE T. MASQUELIER 257
ZAHAN, D. 254
324
T A B L E D E S M A T I E R E S
325
Avant-propos et remerciements ...................................................................................................... 2
Ddicace ........................................................................................................................................ 5
Liste des sigles utiliss ................................................................................................................... 7
INTRODUCTION GENERALE................................................................................................ 10
Etat de la question .................................................................................................................. 11
Fondement de la problmatique .............................................................................................. 15
Intr.t de la recherche ............................................................................................................ 16
Mthodologie de la recherche et plan du travail ...................................................................... 17
CHAPITRE I : LA SITUATION SOCIO-POLITIQUE DE LA REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO, DE 1959 A NOS JOURS ....................................................... 19
Introduction ......................................................................................................................... 20
I.1. De 1959 . 1961 : Le Congo de Lumumba ..................................................................... 21
I.2. De 1961 . 1997 : Le Congo /Za.re de Mobutu .............................................................. 24
I.2.1. De son accession au pouvoir .................................................................................... 24
I.2.2. De sa politique intrieure ......................................................................................... 25
I.2.3. Les religions face . la politique intrieure du rgime de Mobutu ............................... 27
I.2.3.1. Les conflits avec l’Eglise catholique ................................................................. 27
I.2.3.2. La rhabilitation des religions traditionnelles et afro-chrtiennes ...................... 29
I.2.3.3. L’islam ............................................................................................................ 31
I.3. De 1997 . 2002 : Le Congo de L.D. Kabila ................................................................... 34
I.3.1. Du 29 mai 1997 au 17 ao.t 1998 ............................................................................. 35
I.3.2. Du 24 ao.t 1998 au 16 janvier 2001 ........................................................................ 35
I.3.3. Du 24 janvier 2001 . nos jours ................................................................................. 36
Conclusion ............................................................................................................................ 37
326
CHAPITRE II : LES INTERLOCUTEURS ACTUELS DU DIALOGUE OECUMENIQUE ET
INTERRELIGIEUX .................................................................................................................... 39
Introduction ......................................................................................................................... 40
II.1. Les religions traditionnelles ......................................................................................... 41
II.1.1. La conception de l’Etre supr.me ............................................................................. 43
II.1.1.1. La nomenclature ............................................................................................ 43
II.1.1.2. La rsidence de l’Etre Supr.me ...................................................................... 43
II.1.2. Le r.le des anc.tres (les manes) .............................................................................. 44
II.1.2.1. Qui sont les mnes ? Quel r.le jouent-ils ? ...................................................... 44
II.1.2.2. Qui s’adresse . eux ? Quand et comment ? ..................................................... 46
II.1.3. L’Etre s.preme et les hommes ................................................................................ 47
II.1.3.1. Par l’art .......................................................................................................... 47
II.1.3.2. Par les mythes ................................................................................................ 49
II.1.3.3. Par les rites .................................................................................................... 50
II.1.4. Les Esprits de la nature ........................................................................................... 51
II.2. La religion chr€tienne ou le Christianisme .................................................................. 53
II.2.1. L’Eglise catholique au Congo ................................................................................. 54
II.2.1.1. La relance de l’vanglisation par les spiritains (1865 – 1890 .......................... 54
II.2.1.2. L’vanglisation sous l’Etat Indpendant du Congo ........................................ 55
II.2.1.2.1. L’article VI de l’acte de Berlin garantissant la libert religieuse .............. 56
II.2.1.2.2. Les mthodes d’implantation de l’Eglise en pays de mission ................... 57
II.2.1.3. L’vanglisation du Congo belge ( 1914 – 1959 ) ........................................... 59
II.2.1.3.1. L’quivoque entre vangliser et civiliser ............................................... 60
II.2.1.3.2. Des thologies . la hauteur de l’quivoque ............................................. 62
II.2.1.4. Vers un visage africain du christianisme : effort d’inculturation ....................... 64
III.2.1.4.1. Thologie . africaine . ou . africanisation . de la thologie ? ............... 65
III.2.1.4.2. L’inculturation de la liturgie : Cas du rite za.rois de la messe ................ 68
II.2.2. Les Eglises protestantes .......................................................................................... 71
II.2.2.1. L’implantation . difficile . des missions protestantes sous Lopold II (E.I.C) . 72
II.2.2.1.1. La gen€se de la politique anti-protestante de Lopold II ......................... 72
II.2.2.1.2. L’astuce . lopoldienne . pour exclure les protestants ........................... 73
327
II.2.2.2. La . stratgie . de maintien des missions protestantes au Congo belge ........... 75
II.2.2.2.1. L’organisation d’une confrence des missionnaires ................................. 76
II.2.2.2.2. L’adoption de la langue fran.aise et la traduction de la Bible en kikongo 76
II.2.2.3. L’ . africanisation . des structures d’Eglise au Congo indpendant ................. 77
II.2.2.3.1. Les retours massifs des missionnaires dans leurs pays respectifs ............. 77
II.2.2.3.2. Les conflits entre missionnaires revenus au Congo et chrtiens congolais 79
II.2.2.3.3. La fusion des . Missions . et . Eglises . fonctionnant au Congo ............ 80
II.3. Les Eglises afro-chr€tiennes ......................................................................................... 82
II.3.1. L’Eglise kimbanguiste ............................................................................................ 83
II.3.1.1. L’histoire du proph€te Simon Kimbangu (1885 – 1921) ................................. 83
II.3.1.2. Des perscutions aux reconnaissances officielles (1921 – 1969) ...................... 85
II.3.1.3. Les deux visages de l’Eglise kimbanguiste au Congo ...................................... 90
II.3.1.3.1. Le kimbanguisme officiel ....................................................................... 91
II.3.1.3.1.1. L’ossature des documents administratifs ........................................ 91
II.3.1.3.1.2. Le contenu de la rforme kimbanguiste .......................................... 92
II.3.1.3.2. Le kimbanguisme traditionnel ................................................................ 95
II.3.1.3.2.1. Les principes et mthodes .............................................................. 95
II.3.1.3.2.2. La foi ............................................................................................ 95
II.4. La religion musulmane ................................................................................................. 97
II.4.1. L’introduction . la connaissance de l’islam au Congo oriental ................................. 97
II.4.1.1. La rpartition des groupements musulmans et leur importance relative ............ 98
II.4.1.2. La religion des arabiss ou . l’islam noir . .....................................................101
II.4.1.2.1. Fondement de la religion islamique des arabiss ................................... 103
II.4.1.2.2. Le contenu de la foi musulmane des arabiss ........................................ 104
II.4.1.2.3. Le contenu de la loi musulmane ("Sheria") ........................................... 104
II.4.1.3. Le droit coutumier et le droit musulman ....................................................... 105
II.4.1.4. Les croyances relatives . la magie et . la sorcellerie ...................................... 107
II.4.2. L’panouissement de l’islam au Congo . partir des annes 1980 ........................... 109
II.4.2.1. La vague de la politique de l’authenticit....................................................... 109
II.4.2.2. L’amiti Mobutu – Hassan II du Maroc ........................................................ 112
II.4.3. La place de l’islam dans le concert des religions au Congo .................................... 113
Conclusion et bilan du deuxime chapitre. ............................................................................. 115
328
CHAPITRE III : L’EGLISE CATHOLIQUE ET LE DIALOGUE OECUMENIQUE ET
INTERRELIGIEUX : ETAT GENERAL DE LA QUESTION .................................................. 118
Introduction ....................................................................................................................... 119
III.1. Le dialogue interreligieux avant Vatican II ............................................................. 120
III.1.1. Introduction ........................................................................................................ 120
III.1.2. Initiatives positives des penseurs et mystiques catholiques ................................... 120
III.1.3. Eclosion des sciences des religions ...................................................................... 121
III.1.4. World’s Parliament of Religions ......................................................................... 121
III.2. Vatican et la doctrine conciliaire sur les religions non chr€tiennes ......................... 123
III.2.1. Les circonstances de la naissance difficile de Nostra Aetate .................................. 123
III.2.2. La doctrine conciliaire sur les religions non chrtiennes ....................................... 126
III.2.3. L’enseignement de Nostra Aetate ........................................................................ 128
III.3. L’volution de l’Eglise dans le monde et le Magist.re postconciliaire .................... 132
III.3.1. L’volution de l’Eglise dans le monde apr€s Vatican II ........................................ 132
III.3.2. Paul VI : De Ecclesiam suam . Evangelii nuntiandi : une ouverture sur le chemin de
l’inculturation ............................................................................................................................ 134
III.3.2.1. Ecclesiam suam : base historique et idal de rflexion sur le dialogue .......... 134
III.3.2.2. Evangelii nuntiandi : Stagnation ou recul ? ................................................. 136
III.3.3. Jean-Paul II : De Redemptor hominis . Redomptoris missio :documents . guide .
pour le dialogue entre les religions ............................................................................................. 137
III.3.3.1. Redemptor hominis : L’Esprit de Vrit dans la croyance de non-chrtiens .. 137
III.3.3.2. De Dominum et vivificatem . Redemptor missio : de la thorie . la pratique du
dialogue ............................................................................................................................. 139
III.3.3.3. Redemptoris missio, Dialogue et Mission, Dialogue et annonce ................... 140
III.3.4. L’tat actuel des dbats thologiques sur le pluralisme religieux .......................... 144
III.3.4.1. Hans K.ng .................................................................................................. 145
III.3.4.2. Paul Knitter ................................................................................................ 148
III.3.4.3. Raymond Panikkar ...................................................................................... 150
III.3.4.4. A. Piers ....................................................................................................... 151
III.3.4.5. Jacques Dupuis ........................................................................................... 151
III.3.4.5.1. Aper.u global du livre ........................................................................ 152
329
III.3.4.5.2. Le dbat actuel sur la thologie ........................................................... 154
III.3.4.5.3. Le dialogue interreligieux, praxis et thologie ..................................... 156
III.3.4.5.4. Le dialogue interreligieux et la praxis de libration .............................. 156
III.3.4.5.5. Dfis du dialogue interreligieux .......................................................... 157
III.3.4.5.6. Les fruits du dialogue interreligieux .................................................... 158
III.3.4.5.7. Apprciation critique .......................................................................... 158
III.3.4.6. Monique Aebischer-Crettol.......................................................................... 161
III.3.4.7. Joseph Ratzinger.......................................................................................... 163
CHAPITRE IV : LES EGLISES DE REVEIL EN R.D.CONGO, UNE QUESTION OUVERTE
DANS LA PROBLEMATIQUE DU DIALOGUE OECUMENIQUE ET INTERRELIGIEUX.. 167
Introduction ....................................................................................................................... 169
IV.1. Attitudes et caract€ristiques fondamentales des principales religions du monde.... 174
IV.1.1. La religion et les religions .................................................................................... 174
IV.1.2. Attitudes et caractristiques des religions ............................................................ 175
IV.1.2.1. Attitude de . convocation . ........................................................................ 176
IV.1.2.2. Attitude d’ . invocation . ........................................................................... 176
IV.1.2.3. Attitude d’ . vocation . ............................................................................ 177
IV.1.3. Le processus d’ . assimilation-rejet . .................................................................. 179
IV.1.4. Les mouvements de rveil dans l’histoire des religions ......................................... 181
IV.2. Les enjeux spirituels et les aspects actuels du dialogue au Congo ........................... 188
IV.2.1. Clivage des enjeux spirituels actuels et intr.t de la hirarchie catholique ............. 188
IV.2.2. Les nouveaux mouvements religieux : vanglisation et dveloppement ............... 189
IV.2.2.1. Prsentation ................................................................................................ 190
IV.2.2.2. La terminologie .......................................................................................... 190
IV.2.2.3. La classification .......................................................................................... 191
IV.2.2.4. Les causes .................................................................................................. 192
IV.2.2.5. La thologie dans les mouvements de rveil au Congo ................................ 192
IV.2.2.6. Les le.ons . tirer ........................................................................................ 196
IV.2.2.6.1. Au niveau des sectes .......................................................................... 196
IV.2.2.6.2. Pour les grandes communauts institues ............................................ 196
IV.2.3. Les Eglises de rveil au Congo, une interpellation ............................................... 197
330
IV.2.3.1.Le contexte de la mondialisation .................................................................. 200
IV.2.3.2. L’impact des Eglises de rveil sur le corps social . Kinshasa ....................... 201
IV.2.3.3. Le r.le politique des Eglises de rveil ......................................................... 203
IV.2.3.4. Les perspectives de cohabitation ................................................................. 204
IV.2.4. Aspects et limites actuels de l’oecumnisme interreligieux au Congo .................... 206
IV.3. Perspectives d’avenir pour un dialogue interreligieux quilibr ............................. 208
Introduction..................................................................................................................... 208
IV.3.1. Sens des termes classiques et valeur des paradigmes thologiques ....................... 210
IV.3.1.1. Le sens des termes classiques....................................................................... 210
IV.3.1.2. La valeur des paradigmes thologiques ........................................................ 214
IV.3.2. Psychologie et Exg€se [Mthode et Parole] ....................................................... 215
IV.3.2.1. S’ouvrir . la diffrence des Eglises de rveil ................................................ 215
IV.3.2.2. Ouvrir les Eglises de rveil aux exigences scientifiques de la Parole de Dieu. 219
IV.3.3. Ouverture et Exigences : Pour quel dialogue en perspective ................................ 221
IV.3.3.1. Dialogue spirituel ........................................................................................ 222
IV.3.3.2. Dialogue de pense thologique .................................................................. 224
IV.3.3.3. Dialogue sculier ........................................................................................ 226
CONCLUSION GENERALE ................................................................................................. 228
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................. 236
ANNEXES ................................................................................................................................ 258
Annexe 1 : Liste des textes des actes du IV€me Colloque International du CERA.......................... 259
Annexe 2 : Liste des textes de base du XVII€me Sminaire Scientifique de la facult d'conomie et
dveloppement des Facults Catholiques de Kinshasa.................................................................. 263
Annexe 3 : Bibliographie slective de nouveaux mouvements religieux au Congo . partir de 1959.
Ordre chronologique................................................................................................................... 265
Annexe 4 : Mouvements syncrtiques au Congo belge. Inventaire des Archives Nationales du Za.re
(1921-1959) ........................................................................................................................ 276
Annexe 5 : Le Congo, ex-Za.re dans l'Afrique ............................................................................. 278
Annexe 6 : La R.D. Congo compare . l'Europe ......................................................................... 279
Annexe 7 : La partition de la R.D. Congo depuis 1998................................................................ 280
Annexe 8 : Les donnes cls du Congo (RDC) ........................................................................... 281
331
Annexe 9 : Carte linguistique de la R.D.C. .................................................................................. 282
Annexe 10 : Sens de pntration des religions chrtienne (Ouest) et musulmane (Est) ................. 283
Annexe 11 : Carte de l'Eglise catholique en R.D.C. ..................................................................... 284
Annexe 12 : Carte de l'Eglise protestante en R.D.C. .................................................................... 285
Annexe 13 : Carte des lieux importants du kimbanguisme en R.D.C. ........................................... 286
Annexe 14 : Extrait des signatures de chefs de confessions religieuses : 1997 et 2002.................. 287
Annexe 15 : Bndiction d'un parent . l'ordination presbytrale de son fils .................................. 288
Annexe 16 : Attitudes des orants dans les Eglises de rveil.......................................................... 290
Annexe 17 : Les religions traditionnelles bantoues : hirarchie triangulaire des forces .................. 291
Annexe 18 : Echantillon du questionnaire d'enqu.te sur le terrain ................................................ 292
Annexe 19 : Intervew de "Actualit des Religions n.41" . Tinyiko Maluleke ............................... 295
Annexe 20 : Plan d'action nationale pour la promotion des droits de l'homme en Rdc .................. 296
Annexe 21 : Charte congolaise des droits de l'homme et de peuple .............................................. 298
Annexe 22 : Extrait du livre de Paul de Meester sur l'implatation chiffre de l'islam : 10 % de la
population congolaise ................................................................................................................. 305
Annexe 23 : La Controvese de Valladolid ................................................................................... 307
Annexe 24 : Texte de Soutenance .............................................................................................. 309
INDEX ONOMASTIQUE ....................................................................................................... 318
TABLE DES MATIERES ..................................................................................................... 324
UNIVERSITE LILLE III – CHARLES DE GAULLE
ECOLE DOCTORALE TESOLAC
Temps et Soci.t., Langues et Culture .
Institut F.d.ratif de Recherche en Histoire des Religions
THESE
Pour obtenir le grade de
Docteur en histoire des religions et analyse des ph€nomnes interculturels
Pr€sent€e et soutenue publiquement par
DAVID NOMANYATH MWAN-A-MONGO
Le 18 mai 2005
LES EGLISES DE REVEIL DANS L’HISTOIRE DES RELIGIONS
EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO.
Questions de dialogue oecum.nique et interreligieux.
DIRECTEUR DE THESE :
Monsieur Jean MARTIN
Professeur €m€rite l’Universit€ Lille III - Charles de Gaulle
JURY
Monsieur Jacques PREVOTAT
Professeur l’Universit€ Lille III - Charles de Gaulle
Monsieur Isidore NDAYWEL . NZIEM
Professeur l’Universit€ Paris VIII, consultant international
Monsieur Mike SINGLETON
Professeur l’Universit€ Louvain-La-Neuve (Belgique)
2
Avant-propos et remerciements.
"Les religions et la mondialisation" est un des th€mes parmi les plus actuels dans
les dbats au sein des facults de thologie, de sciences religieuses et d'histoire des religions.
Beaucoup de personnes dans mon entourage n'ont cess, en ce sens, de poser la question de
l'identit de mon sujet de th€se dans son rapport . la thologie, . mon identit propre et au
regard de la la.cit de l'Universit Charles-de-Gaulle-Lille III.
Philippe Borgeaud et Christian Duquoc, respectivement historien des religions et
thologien, dans leurs livres intituls "Aux origines de l'histoire des religions" et "La th€ologie
en exil. Le d€fi de sa survie dans la culture contemporaine"1, donnent beaucoup de lumi€re .
cette question de l'identit des sujets religieux actuels.
D'une part, on dit aujourd'hui, dans ce qu'on appelle la "postmodernit", qu'on a le
choix. On n'est plus fix . une tradition qui monopolise le dbat religieux. "On habiterait
l'espace de la toile et de la consommation plan€taires. A moins d'appartenir un milieu
particuli.rement conservateur ou repli€ sur lui-m.me […] L'histoire des religions, n'est pas
simplement l'expos€ du d€veloppement dans le temps et l'espace de ce que nous reconnaissons
comme des religion […] L'histoire des religions a pour t.che essentielle l'analyse des faits
religieux solidaires de l'histoire. Elle s'y consacre d'autres fins que de les situer sur une
sc.ne plus ou moins g€n€alogique.[…]Dans une perspective anthropologique, j’ai tendance
croire que la science est ins€parable de la description, et que le champ de l'histoire est aussi
bien le domaine du contemporain que celui du pass€"2.
D'autre part, face au dfi indit que pose la culture moderne exacerbe par le grand
brassage des croyances qu'entra.ne la mondialisation, "les th€ologiens sont confront€s un
dilemme : ils ne sont cr€dibles que s'ils osent penser par eux-m.mes, selon la requ.te de Kant
; ils ne sont th€ologiens que par leur all€geance la foi biblique et leur fid€lit€ la tradition.
Comment articuler les €l€ments apparemment contradictoires de ce dilemme? Comment
t€moigner du souci de la v€rit€ qu'ils accueillent et argumenter en toute libert€? Comment
d€mentir l'opinion majoritaire leur €gard sans trahir la valeur ultime de la Parole de Dieu
1 Voir rfrences ci-dessous.
2 Philippe Borgeaud, Aux origines de l'histoire des religions, Paris, Ed. du seuil, 2004, pp. 16-17
3
dont la bible est le t€moin?"3. Pour l'avenir de la pense chrtienne dans la socit actuelle,
l'histoire des religions, sans supplanter la thologie ni la pousser . l'exil, est le lieu indiqu o. se
traitent dans une dmocratie d'opinions, des questions religieuses actuelles. Qui plus est, les
questions de dialogue oecumnique et interreligieux paraissent au coeur m.me des dbats
suscits par le brassage des croyances entra.n par la mondialisation. D'o. l'opportunit d'en
dbattre librement dans un forum ouvert que prsente l'histoire des religions dans un cadre
fdratif de recherche, plut.t que dans celui, inclusif et exclusif, de la thologie.
Pour ce fait, je tiens . remercier en premier lieu, le professeur Michel Hubaut de
la facult de thologie catholique de Lille qui m'a stimul, d€s ma derni€re anne de licence
canonique, . poursuivre mes recherches en histoire des religions et analyse des phnom€nes
interculturels. Ma profonde gratitude va . M. Samir Arbache qui a dirig mon mmoire de
licence canonique et . M. Daniel Dubuisson qui a dirig mon mmoire de DEA. Avec eux j'ai
fait le choix des matriaux et pos des rep€res qui m'ont conduit . la finalisation de cette th€se.
Que le professeur Jean Martin, mon directeur de th€se trouve par ces mots, toute
ma gratitude et ma satisfaction pour la mthode de travail et pour ses grandes qualits
d'homme tout court et de scientifique expriment. Je dis un tr€s grand merci aux professeurs
Jacques Pr€votat, Isidore Ndaywel et Mike Singleton qui, en dpit de leurs grandes
occupations, ont accept d'.tre mes premiers lecteurs et membres du jury.
Je voudrais exprimer ma tr€s grande reconnaissance . toutes les personnes qui
m'ont aid . rendre cette th€se comprhensible et accessible . tous. Que messieurs et
mesdames Th€rse et Pierre Barry, Agns et G€rard Buriez, Fran.oise Pecquet, Eileen et
Jean-Paul Pr€vot, Jos€ Minaku sj trouvent . travers ces mots l'expression de ma cordiale
gratitude. Merci . Marie-Fran.oise Devulder, attache de Presse aux v.chs de Lille-Arras-
Cambrai, pour toute la documentation mise . ma disposition.
Je pense en cet instant crucial . mes amis et . toutes les familles de la paroisse
Saint Jean Cassien du midi de la France. Je n'ose pas citer les noms pour ne pas en oublier un.
H€lne Ginola, je me permets de vous citer comme "coeur" de cette toile d'araigne. Merci
3 Christian Duquoc, la th€ologie en exil. Le d€fi de sa survie dans la culture contemporaine, Paris, Bayard,
2002, p. 12
4
pour toute la chaleur humaine de ces beaux temps d't. Elle restera . jamais grave dans
l'histoire de ma vie.
Je suis redevable . Mgrs G€rard Defois, Jacques Noyer et Jean-Luc Bouilleret
qui, en rponse aux demandes de Mgr Louis Mbwol, m'ont confi un minist€re pastoral . Lille
et . Pronne (Amiens). Que Mgr Faustin Mapwar pour ses visites encourageantes et son
intr.t pour mes recherches trouve ici l'expression de ma profonde gratitude.
Je remercie tr€s sinc€rement tous ceux et toutes celles qui m'ont facilit les
enqu.tes sur le terrain, notamment les anciens condisciples de la SEPRO, notre promotion de
baccalaurat . l'institut Babola de Mapangu.
Merci enfin . Adele-Deti Met et . sa fille, . mon neveu Emmanuel, . Bernadette,
Sigol€ne, Gersende et Matthieu de Jenlis. Merci aux abbs Jean-Paul Gusching, Michel
Goullieux et Nicolas Jouy. Merci . Chantal et Jean Target, . Martine et Michel Thery, .
Chantal et Dominique Fernet, . Marie-Claire et Michel Thiery, . Chantal et Claude Coulon, .
Marie-Do et Etienne Dubruque, . Agn€s et Damien Guise, . Rita et Beno.t Barloy, . Brigitte
et Claude Colombet, . Thr€se et Marcel Caron, . Arlette et Michel Lendroit, . Marie-
Thr€se Deline, . Jeanne, Francine, Rgine, Philippe, Jean-Pierre, Michel Brulin, . Alain,
Nadine, Sylvain, Sophie, Delphine et Amlie Faglain, . Marie et Michel Rombaut, .
Catherine et Jean Dervaux, . Marie-Suzanne et Jean-Fran.ois Ducatteau, . Resanne et
Guylain Maes, . Pascale et Alain Maurice, . Fran.oise et Rgis Nobecourt, . Florence et
Jean-Luc Choquet, . Bndicte et Hubert Mo.se … A toutes les familles chrtiennes et amies
du secteur du Vermandois, Merci . tous.
5
D€dicace
A la m€moire de ma petite soeur Germaine Nomanyath
Rappel€e . Dieu le 08 mars 2005.
PAIX A TON AME, Germaine!
6
. Les hommes font l’histoire, mais ils ne savent pas
l’histoire qu’ils font . (Karl Marx)
. A leur arriv€e chez-nous, les europ€ens avaient
l’€vangile et nous les terres. Aujourd’hui, c’est nous qui
avons l’€vangile et eux les terres .
( Simon Kimbangu )
7
SIGLES
- ABAKO : Alliance des Bakongo
- A.I.M.O. : Affaires Indig€nes et Main-d’oeuvre
- AFIC : Alliance des Forces Islamiques pour le Changement
- AJAK : Association des Jeunes Adeptes Kimbanguistes
- ASBL : Association Sans But Lucratif
- BMS : Baptist Mission Society
- B.O.P.R. : Bureau d’Organisation des Programmes Ruraux
- CBZO : Communaut Baptiste Za.re Ouest
- CEDI : Centre protestant d’Edition et de Diffusion
- CER : Centre d’Etudes et de Rflexion
- CERA : Centre Etudes des Religions Africaines
- CMUSC : Communaut Mthodiste Unie du Sud Congo
- C.O.E. : Conseil Oecumnique des Eglises
- CPC : Conseil Protestant du Congo
- CPZ : Conseil Protestant du Za.re
- CT : Chef des travaux
- CRA : Cahier des Religions Africaines
- DA : Dialogue et Annonce
- DC : Documentation Catholique
- DM : Dialogue et Mission
- DSP : Division Spciale Prsidentielle
- E.A. : Ecclesia in Africa
- ECC : Eglise du Christ au Congo
- ECZ : Eglise du Christ au Za.re
- EIC : Etat Indpendant du Congo
- EJCSK : Eglise de Jsus Christ par le proph€te Simon Kimbangu
- FABC : Fdration de Confrences piscopales d’Asie
- FAP : Force Arme Populaire
- FIDSN : Front Islamique Dmocratique du Salut National
8
- FIUC : Fdration Internationale des Universits Catholiques
- FOI : Fruit Of Islam
- JD : Jacques Dupuis
- JMPR : Jeunesse du Mouvement Populaire de la Rvolution
- GS : Gaudium et Spes
- LIM : Livingstone Irland Mission
- LG : Lumen Gentium
- MNC : Mouvement National Congolais
- MPR : Mouvement Populaire de la Rvolution
- NA : Nostra Aetate
- OIT : Organisation Internationale du Travail
- OMS : Organisation Mondiale de la Sant
- ONU : Organisation des Nations Unies
- PAPRA : Parti de la Protection d’Allah et son Proph€te Mahomed Roi Souverain
- PDI : Parti Dmocratique Islamique
- PDSC : Parti Dmocratique Social Chrtien
- PLC : Parti Libral Chrtien
- PRP : Parti de la Rvolution Populaire
- Rdc : Rpublique Dmocratique du Congo
- RCA : Revue du Clerg Africain
- RH : Redemptor Homini
- RM : Redemptoris Mission
- RPI : Rassemblement Politique Islamique
- SMF : Society Mission Foreign
- SCEAM : Symposium de Confrences Episcopales d’Afrique et Madagascar.
- TFC : Travail de fin de cycle
- UCRJ : Union Chrtienne pour le Renouveau de la Justice
- UNIKIN : Universit Nationale de Kinshasa
- USA : United States of America
9
* Note sur l’orthographe du mot Bantu / Bantou . :
Suivant nos sources d’information, nous crivons ce mot de deux fa.ons :
- Bantu qui est invariable. Ne s’accorde ni en genre ni en nombre.
- Bantou - Bantous - Bantoue - Bantoues : certains auteurs ont prfr franciser le mot.
* Note sur le terme . Eglises du R€veil . / . Eglises de r€veil .
Certaines de nos sources parlent de . Eglises du Rveil ., mais le sminaire scientifique qui
s’est tenu aux Facults Catholiques de Kinshasa a opt pour . Eglises de rveil .. Nous avons
adopt cette derni€re appellation pour l’ensemble de notre travail.
10
INTRODUCTION GENERALE
11
Etat de la question
L’histoire des religions en Rpublique Dmocratique du Congo est parmi les plus riches
en v.nements et les plus mouvementes de l’Afrique subsaharienne. Depuis les premiers
contacts, d’une part, avec le sultan de Mascate et Oman, sur la c.te orientale de l'Afrique au
XIV€me si.cle, et d’autre part, avec les missionnaires portugais sur la c.te occidentale au XV€me
si.cle, les religions n’ont cess de subir des mutations qui posent toujours des questions aux
historiens, aux sociologues et aux thologiens4.
A l'instar de la clbre controverse de Valladolid en Espagne au XVI €me si€cle o. la
question centrale tait de savoir si les Indiens avaient une me5, l'vanglisation en Rdc est
passe de la question du salut des mes (XVIII€me s.) jusqu'. la problmatique de l'inculturation
dclenche en 1960, par un dbat rest historique, entre les tudiants de la facult de thologie
de l'Universit Lovanium de Kinshasa et leurs professeurs, ma.tres de Louvain en Belgique,
autour de la possibilit d'une thologie africaine ou thologie de couleur africaine. Entre les
deux extrmits, l'volution de la pense missionnaire a t marque par les questions de
l'adaptation de la thologie, de l'implantation de l'Eglise et de la thologie des pierres d'attente.
Cette poque est bien rvolue.
Depuis une dcennie, les questions tournent autour du dialogue oecumnique et
interreligieux, non seulement entre les interlocuteurs classiques, mais aussi et surtout avec les
nouveaux mouvements religieux d’obdience pentec.tiste et afro-islamo-chrtienne.
En effet, si les Eglises catholique et protestantes revendiquent encore officiellement
pr€s de 80 %6 des membres de la population congolaise, leur suprmatie para.t dsormais
4 Voir les details au chapitre II : Interlocuteurs actuels du dialogue oecumnique et interreligieux. infra.
5 Voir le tlfilm qui relate la Controverse de valladolid : circonstances historiques du film en Annexe 23.
6 Voir les derni€res statistiques de la Confrence Episcopale des Ev.ques du Za.re, 1995 : 48,4% aux
catholiques, 29% aux protestants, 17,1% aux Eglises indpendantes, 3,4% aux religions traditionnelles et 1,4%
aux musulmans. Aujourd’hui, les estimations des experts locaux attribuent 30% aux Eglises indpendantes,
toutes tendances confondues.(Voir les conclusions du XVII€ sminaire scientifique de la facult d’Economie et
de Dveloppement de l’Universit Catholique de Kinshasa dont le th€me portait sur . L’Economie des Eglises
de R.veil et le d.veloppement durable en R.D.CONGO, organis. du 08 au 11 mai 2002.
Par souci d’honn.tet scientifique, nous voulons rappeler l’tat approximatif de ces statistiques de la
Confrence Episcopale de Ev.ques du Congo. Cette approximation est due, . notre avis, . deux raisons
majeures :
- D’une part, certaines Eglises, notamment les Eglises catholique et orthodoxe, recensent . partir des registres
baptismaux des paroisses. D’autres par contre, notamment les Eglises protestante et kimbanguiste, recensent .
partir de la vie de l’Eglise. Elles comptent les membres communiants assidus ou pratiquants rguliers.
12
menace par les Eglises indpendantes dont principalement celles dites de "rveil spirituel".
Elles pullulent actuellement . Kinshasa la capitale, tout comme . l’intrieur du pays.
Leur apparition en Afrique remonte aux annes 1980 et leur propagation massive au
Congo est presque lie . la dstabilisation socio-conomique et politique du pays . partir de
1990. Entre 1995 et 2000, ces mouvements charismatiques dnomms . Eglises de rveil . ont
attir un grand nombre des fid€les des religions institutionnalises (catholique, protestante,
kimbanguiste et m.me musulmane). Elles reprochent notamment aux anciennes Eglises
chrtiennes leur hermtisme, leur torpeur, voir leur sclrose par rapport aux aspirations de la
population.
Par un syncrtisme dynamique et novateur, ces nouvelles Eglises rinterpr€tent le
"christianisme des missionnaires" en l’adaptant aux valeurs africaines : ambiance festive,
valorisation du minist€re de l’exorcisme, importance capitale accorde aux pri€res de gurison,
rites et pratiques plus proches des traditions africaines. Pour elles, plus la ferveur collective et
l’motion impr€gnent la pri€re, plus les orants tombent en extase, plus l’Esprit Saint est .
m.me de se manifester et plus le travail de gurison peut se raliser. La pri€re donne des effets
quasi immdiats : vacuer les maux physiques et spirituels.
Malgr tout, ces mouvements de rveil ne semblent pas, . notre avis, dstabiliser
totalement les anciennes Eglises, catholique et protestantes, bien que la suprmatie de ces
derni€res s’en trouve un peu branle.
Entre le bapt.me et la vie chrtienne adulte, il y a une certaine inconstance . laquelle s’ajoutent le nomadisme
et le ttonnement de la plupart de croyants congolais qui passent facilement d’une communaut religieuse . une
autre ; et m.me d’une communaut purement religieuse . une communaut philosophico-religieuse.
- D’autre part, ces statistiques ignorent consciemment les communauts dites philosophico-religieuses qui,
d’apr€s les enqu.tes de 1992 reprsentent plus de 5% de la population congolaise . Outre les communauts
hindouistes, bouddhistes et tao.stes, le Congo a suffisamment d’adeptes dans les grandes sectes comme la Rose
croix, le Mahikari, le Brahmanisme, la foi Ba’hai, la Mditation transcendantale, l’Eglise de l’Unification de
Moon, le Mission de la Lumi€re Divine (Le Maharaj ji), l’Association internationale de la conscience de
Krishna, The Way International, l’Eglise de la Scientologie, le Message du Graal etc. Autant de communauts
qu’on ne peut confondre avec celles reconnues sous le label d’Eglises de Rveil. (Voir les conclusions du IV€
Colloque International du Centre d’Etudes des Religions Africaines’C.E.RA.’,Kinshasa 14-21 novembre 1992).
Etant donn que ces diffrentes communauts n’entendent pas dialoguer avec les communauts chrtiennes
institutionnalises, notre tude se limite aux mouvements dits de rveil qui par leur large audience dans le
milieu social congolais et leur forte approche des grandes confessions religieuses . vocation universelle sont
prdisposs au dialogue que n’acceptent pas les autres sectes en gnral.
- L’Eglise orthodoxe qui est prsente au Congo . hauteur de 0,04% n’appara.t pas non plus dans ces
statistiques de la Confrence Episcopale des Ev.ques. Nanmoins, elle est associe . part enti€re . toutes les
consultations concernant le dialogue oecumnique, interreligieux et socio-politique.
13
Notre tude aborde dans ce sens une question dlicate et particuli€re que pose la
prsence active de ces Eglises de rveil dans la situation religieuse de la Rpublique
Dmocratique du Congo. Dlicate parce que, . notre connaissance, elle n’a pas de prcdent
dans les annales de l’Eglise catholique romaine, principal protagoniste du dialogue
oecumnique et interreligieux7. Particuli.re parce qu’elle est fortement lie . l’inculturation de
l’Evangile en pays de mission dont la problmatique peut .tre rsume en une phrase :
comment .tre chrtien sans trahir l’Afrique et rester Africain sans nier le Christ. Particuli.re
aussi et surtout parce que les chrtiens au Congo cultivent de plus en plus un certain
. nicodmisme .8 qui est le fait de pratiquer simultanment plusieurs religions (au moins deux).
Compris comme dsir de simples croyants de rester enracins dans leur propre culture
en s’ouvrant . d’autres formes de religiosit et . l’Autre, nous pensons que les jalons pour
baliser cet lan restent une affaire d’lites, historiens, sociologues, thologiens et pasteurs,
pour que ce qui est dj. vcu de fa.on spontane soit, non pas lud, mais lucid
intellectuellement.
La question qui se pose dans cette situation religieuse est la suivante : comment
procder . l’intgration des Eglises de rveil dans les rangs des interlocuteurs du dialogue
oecumnique et interreligieux, dans le respect et l’adaptation des normes qui conviennent .
toutes les communauts religieuses en dialogue.9
7 Dans son intervention au Colloque International de Kinshasa, le docteur Teresa GONCALVES, charg de la
problmatique des sectes pour le Saint Si€ge/Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, a clairement
fait comprendre qu’. la diffrence de nouveaux mouvements religieux des USA et de l’Amrique latine, issus
du pentec.tisme, le phnom€ne du Congo est beaucoup plus complexe et dlicat. Elle crit : . Bien diff€rents
sont les probl.mes que posent, pour le dialogue et la pastorale, les sectes et les mouvements provenant de
l’€tranger qui disposent d’importants subsides €conomiques, et les milliers de mouvements religieux d’origine
africaine. Le fait que ces mouvements aient int€gr€ d’importants €l€ments de la cultures traditionnelle
africaine constitue […] un €norme d€fi pour une plus profonde inculturation du message chr€tiens en Afrique.
[…] L’histoire de l’origine et du d€veloppement de ces mouvements r€v.le la profonde aspiration de l’homme
africain voir sa propre dignit€ reconnue, et .tre l’artisan de son propre destin et de sa soci€t€ en harmonie
avec son caract.re .. Voir Actes du quatri€me Colloque International du C.E.R.A., p. 11.
8 Nicod€misme : vient de Nicod€me (Jean III, 1ss ; 7, 50 ; XII, 42-43 ; IXX, 39.
9 Du 14 au 21 novembre 1992, il avait t organis aux Facults Catholiques de Kinshasa, un Colloque
International sur le th€me gnral : "Sectes, culture et soci€t€s. Les enjeux spirituels du temps pr€sent". Ce
Colloque avait bnfici du concours du Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux qui consid€re que
toute perspective d’avenir concernant le dialogue interreligieux au Congo-Kinshasa devra tenir compte des
conditions d’mergence des sectes, de leur enracinement dans la culture africaine, de leur impact sur la vie
sociale et des possibilits d’un dialogue entre elles et les grandes Eglises. (Voir Cahiers des religions africaines,
numro spcial, vol. 27-28, n.53-54, 1993-1994 ) . Notre th€se voudrait se situer dans la continuit de ces
recherches pour apporter un plus dans la voie trace pour un oecumnisme interreligieux adapt . la situation
particuli€re de la R.D.Congo.
14
Il s’agit du dialogue oecumnique qui demande . .tre redfini, d’une part, entre les
anciennes Eglises chrtiennes (catholique, protestantes et kimbanguiste), et d’autre part, entre
ces anciennes Eglises et les Eglises de rveil. Il s’agit aussi du dialogue interreligieux qui
demande . .tre prcis entre les Eglises chrtiennes et les communauts non-chrtiennes,
notamment l’islam qui, gr.ce aux circonstances socio-politiques actuelles, voit de plus en plus
s’accro.tre le nombre de ses adeptes dans l’ensemble du pays10 .
10 Pendant toute la priode coloniale et m.me jusque vers les annes 1975, l’islam au Congo est rest cantonn
dans sa partie orientale o. s’tait exerce l’influence des agents commerciaux du sultan de Zanzibar. Et qui pis
est, le gouvernement colonial le rpertoriait parmi les mouvements syncrtiques, au m.me titre que le kitawala,
le ngunzisme, le kimbangusme, etc. Sur cette longue liste, l’islam figure au n.47 des sectes religieuses
signales aux Archives Nationales du Zare dans le fonds . Affaires Indig.nes et Main-d’oeuvre ., (A.I.M.O.)
Cf. annexe 4.
Les statistiques nationales de 1975 lui donnait 1,4% de la population. Aujourd’hui pr.s de 10% de la
population se rclameraient de la religion musulmane. Voir les enqu.tes de Paul de Meester, Lushi, 1997 ; que
nous accueillons avec beaucoup de rserve. ( Annexe 22 ).
15
Fondement de la Probl€matique
Quand le mouvement du dialogue oecumnique et interreligieux a pris corps dans
l’Eglise catholique, suite . l’impulsion donne par le concile Vatican II, le probl.me dans les
Eglises du Congo ne se posait pas avec la m.me acuit qu’aujourd’hui, plus de 40 ans apr.s le
Concile. Compte tenu de l’histoire et de la jeunesse de toutes ces religions locales, la
proccupation ne paraissait ni tellement ncessaire, ni urgente pour le Congo. On pouvait se
contenter de limiter le dialogue oecumnique . l’organisation de quelques rencontres organises
pendant la semaine de pri.re pour l’unit des chrtiens et aux rencontres sporadiques des
reprsentants des communauts religieuses pour rgler des questions socio-politiques d’intr.t
populaire.
Avec la pousse grandissante de nouveaux mouvements religieux, la question devient
urgente et profonde : peut-on parler d’un dialogue oecumnique et interreligieux au Congo, au
sens o. l’entendent les protagonistes internationaux, c’est-.-dire sans y inclure tout ce qui est
nouveaux mouvements religieux ? Le fondement de cette question nous a incits . considrer
la problmatique dans l’optique des "limites" du dialogue qu’il faut redfinir et prciser.
Il est vrai que dans l’esprit des protagonistes internationaux, le dialogue oecumnique et
interreligieux se limite aux grandes religions et communauts institutionnalises et
traditionnelles. Cependant, pour n’importe quelle bonne raison que ce soit, on ne peut pas
ngliger les situations religieuses relles et particuli.res de chaque pays. Tel est le cas qui nous
concerne en R.D. Congo.
Notre problmatique se rsume finalement en une question : comment les Eglises
chrtiennes, principales protagonistes du dialogue et victimes de la rcupration qu’en font les
Eglises de rveil, pourront-elles viter que l’oecumnisme interreligieux se fasse au sein de ces
nouveaux mouvements religieux, dans un . syncrtisme . et/ou dans un . clectisme .
religieux non rflchis?
16
Int€r.t de la recherche
Le choix et l’intr.t de ce sujet rsident dans le souci d’approfondir notre connaissance
des diffrentes religions et nouvelles communauts religieuses qui coexistent en Rpublique
Dmocratique du Congo. Quatre fois plus tendu que la France, ce pays situ au coeur de
l’Afrique est parmi les plus religieux du continent noir. C’est l. qu’est ne la plus rpandue des
Eglises afro-chrtiennes indpendantes : le kimbanguisme11.
A Kinshasa sa capitale, se trouve le centre de l’intelligentsia qui est . l’origine de la
naissance et l’mergence de la thologie dite . africaine . et des tudes scientifiques sur les
religions traditionnelles africaines.
L’atlas des religions dans ce pays correspond, en gros, aux p.les d’activits des
explorateurs occidentaux et des marchands arabes. Le christianisme s’est introduit et
dvelopp . l’ouest du pays et l’islam . l’est. L’influence linguistique suit le m.me plan : au
sud-ouest, le kikongo, langue des autochtones "Kongo" qui emprunte parfois au lexique
portugais et latin les termes techniques de la religion et de la culture agraire. A l’est, le swahili,
dialecte des arabiss qui est un mlange du bantu et de l’arabe12. Entre ces deux extrmits il y
a le lingala, idiome des riverains du long fleuve qui fait la boucle du pays et le tshiluba, langue
de la grande ethnie du centre du pays. Ceci sans compter les 250 autres dialectes en usage dans
le pays. Les nouveaux mouvements religieux semblent .tre aussi tributaires de cette influence
gographique et linguistique.
11 Le kimbanguisme est une Eglise qui compte aujourd’hui plus de cinq millions de membres rpartis dans les
deux Congo, en Angola, en Zambie, au Burundi, en Rpublique Centrafricaine, au Kenya, en Belgique et en
France. (Voir Diangienda, K. L’histoire du kimbanguisme, p. 7, voir aussi Xavier Ternisien dans Lib€ration
du Mercredi 31 janvier 2001).
12 Pour plus de dtails, voir Adnan Haddad, Contact de langues en Afrique. Cas du swahili et de l’arabe,
Lubumbashi, UNAZA, 1978, th€se de doctorat; L’arabe et le swahili dans la R.publique du Za.re, Etudes
islamiques, histoire et linguistique, Paris, SEDES, 1983.
17
M€thodologie de recherche et Plan du travail
* M€thodologie de recherche
Tenant compte de la complexit du th€me de notre travail, nous avons choisi la
mthode historico-analytique. Elle nous permettra d’analyser les documents et les faits
historiques, de les commenter, les interprter et les critiquer. Le manque de documentation
solide sur les nouveaux mouvements religieux, de fa.on particuli€re sur les Eglises de rveil au
Congo, nous oblige . mener quelques enqu.tes sur le terrain.
* Plan du travail
Pour tenter de rpondre . notre problmatique, nous avons divis notre th€se en quatre
chapitres de plus ou moins trois sections chacun.
- Considrant que l’histoire des religions ne pourrait .tre isole de l’environnement qui
lui a servi et lui sert encore de cadre et de support, nous commen.ons notre tude par dfinir le
cadre socio-politique de la Rpublique Dmocratique du Congo. Nous prenons comme anne
de dpart, 1959 qui est celle du rveil politique qui conduit le pays . l’indpendance, en m.me
temps qu’elle est celle de la reconnaissance officielle des Eglises africaines indpendantes.
- Dans le deuxi€me chapitre, nous donnons une description critique de la situation des
religions au Congo. Partant des religions traditionnelles africaines, nous essayons de dcrire de
mani€re systmatique et objective les tapes et les mthodes d’implantation des Eglises
chrtiennes . partir de la seconde vanglisation13, jusqu’. la problmatique actuelle de
l’inculturation. Cette description analytique nous aura donn des lments pour comprendre
les motivations des Eglises afro-chrtiennes, notamment le kimbanguisme, symbole d’un
mtissage . la fois culturel et religieux. Nous terminons ce deuxi.me chapitre avec l’islam qui
n’a pas connu un rayonnement aussi fructueux que celui du christianisme.
13 Le Congo a connu deux vagues d’vanglisation : la premi.re vanglisation est lie . l’histoire de la
dcouverte de l’embouchure du fleuve Congo par le navigateur portugais du nom de Diego Cao au XV. si.cle
(1482). Cette premi.re vanglisation n’a pas pris racine . cause, entre autres, de sa complicit flagrante avec
la traite des esclaves. C’est vers la fin XIX. si.cle (1880), qu’on entre dans la priode de la deuxi.me
vanglisation avec deux nouveaux explorateurs, cossais et anglais : David Livingstone et Henri Morton
Stanley.
18
- Le troisi€me chapitre est consacr . l’analyse de la position officielle de l’Eglise
catholique au sujet du pluralisme religieux. Nous situons dans leur cadre historique, les mobiles
qui l’ont pousse . avoir un nouveau regard sur les religions non-chrtiennes, jusqu’. la
dclaration conciliaire "Nostra Aetate" [L’Eglise et les religions non-chrtiennes, promulgue
le 28 octobre 1965]. Nous prsentons ensuite l’volution de l’Eglise dans le monde apr.s
Vatican II, le travail du magist.re postconciliaire et l’tat actuel des dbats entre thologiens et
spcialistes des religions.
- Cet approfondissement nous conduit au quatri.me chapitre o. nous reconsidrons la
situation religieuse particuli.re du Congo, avec l’impact, l’enracinement et l’affluence des
Eglises de rveil. Nous essayons de poser des jalons qui pourront aider . redfinir et prciser
s’il le faut, les limites et les conditions de leur dialogue avec les communauts traditionnelles
institues.
19
PREMIER CHAPITRE
LA SITUATION SOCIO-POLITIQUE
DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
DE 1959 A NOS JOURS.
20
Introduction.
La Rpublique Dmocratique du Congo (Rdc) couvre environ un treizi€me du
continent noir. Elle s’tend entre le 5.2’ de latitude Nord et le 13. 15’ de latitude Sud. En
longitude Est de Greenwich, elle va de 12.15’ . 31.15’.
Pour estimer sa superficie par rapport . l’Europe, Jacques Weulersse crit : . Si l’on
transposait un tel territoire sur la carte d’Europe . m.me .chelle, sa fronti.re Nord courrait
du Danemark, en Su.de, en Lettonie et jusqu’aux environs de Moscou ; ses limites Sud
passeraient par l’Italie m.ridionale, la Gr.ce et l’Asie mineure ; et le lac Tanganyka
toucherait . la mer Noire, tandis que la C.te occidentale s’avancerait jusqu’en Espagne .14 .
Cette position place ce grand pays au coeur de l’Afrique, . cheval sur l’quateur, avec 9
pays limitrophes dont le Congo/Brazzaville, la Rpublique Centrafricaine, le Soudan . l’ouest
et au nord-est ; L’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie . l’est et le sud-est ; La
Zambie et l’Angola au sud.
Le climat est celui des pays chauds, avec une moyenne annuelle de 25. C. Dans les
zones montagneuses, la temprature est modre . cause de l’altitude : 19.C . Goma . 1550m
d’altitude et 20.C sur les hauts plateaux du Katanga. Le pays est couvert aux deux tiers par le
fleuve Congo, long de 4 274 Km avec un dbit de 21000 . 75 000 m3. Son sol et sous-sol
riches, contiennent une grande varit en flore, faune, minerais et hydrocarbures. Sa population
est estime aujourd’hui . plus ou moins 60 millions d’habitants15.
14 Jacques Weulersse, L’Afrique Noire, Fayard et Cie, Paris, 1934, p. 253. Voir carte annexe 6.
15 D’apr.s les commentaires d’Isidore Ndaywel, dans Histoire g€n€rale du CONGO. De l’h€ritage ancien la
R€publique D€mocratique, Duculot, Bruxelles, 1999, p. 44 , la population congolaise tait estime . 31 726
019 en 1987, avec un taux de croissance moyen de 3%. Ces estimations prsentaient les projections ci-apr€s :
34 668 000 pour 1990, 40 190 000 pour 1995 et 46 591 000 pour 2000.
21
I. 1. De 1959 . 1961 : Le Congo de Lumumba
Lorsque, au matin du 4 janvier 1959, les Congolais de la ville de Kinshasa se rveillent
sous les canons des massacres qui ont eu lieu au cours de la rpression de la rvolte qui
revendiquait le droit . l’indpendance, le Congo n’avait pas d’lite intellectuelle capable de
prendre la rel€ve des institutions dmocratiques de ce sous-continent qui venait d’endurer 80
ans de colonisation.
Le syst€me d’ducation mis en place par les Belges ne se limitait qu’. la formation des
commis et des moniteurs apr€s un cursus de 4 ans post-primaire. On les appelait "les volus".
Ne pouvaient arriver au niveau du baccalaurat que les candidats au sacerdoce. Apr€s des
humanits grco-latines, les candidats poursuivaient les tudes de philosophie classique et de
thologie dans l’un des 4 grands sminaires du pays (Kabwe, Baudouinville /Moba, Mayidi et
Niangara). L’lite politique de ces premi€res annes d’indpendance sortait, pour ainsi dire,
des rangs des transfuges des sminaires. Le premier chef d’Etat du Congo, Joseph Kasa-Vubu
tait l’un d’eux.
L’Eglise catholique divise en 6 provinces ecclsiastiques exer.ait toute son influence
dans les affaires politiques du jeune pays indpendant. Cette tendance catholique de "bon l€ve
poli" en face de l’ancien colonisateur sera tr€s t.t prise de court par la fougue, le franc parler et
le nationalisme d’un ancien commis des postes : Patrice-Emery Lumumba, fondateur du MNC
(Mouvement National Congolais).
Fin octobre, dbut novembre 1959, il organise des rassemblements de masse anti-
coloniaux. C’est le dbut de ce qu’on appellera "le rveil politique", dbouchant sur des
confrontations sanglantes avec les forces armes. Patrice Emery Lumumba est tr€s t.t ma.tris
et emprisonn.
Co.ncidence due au hasard sans doute, c’est aussi en novembre-dcembre 1959 qu’est
introduite une demande de reconnaissance officielle de l’Eglise de Jsus-Christ sur Terre par le
Proph€te Simon Kimbangu, un proph€te local. La demande est solennellement adresse aux
prsidents de la Chambre des Reprsentants et du Snat de Belgique sur la base de la
22
Dclaration des Droits de l’Homme. La reconnaissance officielle de cette Eglise est accorde le
24 dcembre 1959 par arr.t n. 2211/846.16
Lumumba est emprisonn jusqu’. la veille de la table ronde de Bruxelles le 27 janvier
1960. En effet, les membres de son parti, invits . la table ronde, y compris les forces vives du
pays, avaient exig de la Belgique sa libration inconditionnelle et sa participation . ce forum
capital pour l’avenir du pays.
Lors de ce forum, il rencontre . Bruxelles, un jeune stagiaire . "Inforcongo", le service
d’information de la colonie. Il s’agit de Joseph-Dsir Mobutu, ancien sergent major de la
Force Public, la police indig.ne de l’administration coloniale belge. Lumumba le prendra
comme secrtaire particulier. Il le nommera plus tard secrtaire d’Etat et chef d’tat major
avec le grade de colonel.
A l’issue de la table ronde de Bruxelles, la date de l’indpendance tant fixe pour le 30
juin 1960, les lections au Congo sont prvues du 11 au 25 mai. Le rsultat de ces lections
surprend Bruxelles qui ne peut que "subir" le phnom.ne "Lumumba". Le gouvernement belge
ne peut emp.cher sa nomination comme Premier ministre. Joseph Kasa-Vubu reoit "la
fonction protocolaire" de prsident, comme l’crira Ludo De Witte.17
Le scandale qui prcipitera sa chute jusqu’. son assassinat clatera le jour m.me de
l’indpendance quand, contre toute attente, il prononcera son discours protocolaire hors
norme. Ndaywel crit : .Il fit le contre bilan de la colonisation, d€non.a ses revers, savoir
les injustices, les in€galit€s, l’exploitation, le m€pris. .18 Ludo De Witte crit de son c.t :
. Lumumba ram.ne le r.le qu’a jou. Bruxelles dans le processus de la d.colonisation . de
justes proportions : Il s’est exprim. dans un langage que les Congolais tenaient pour
impensable en pr.sence d’un Europ.en. Ces quelques minutes de v.rit. sont une r.compense
pour quatre-vingts ann.es de domination. .19
16 Pour plus d’informations, lire Susan ASCH, L’Eglise du Proph.te Kimbangu. De ses origines . son r.le
actuel au Za.re, Paris, Karthala, 1983, p. 40.
17 Ludo De Witte, L’Assassinat de Lumumba, Paris, Karthala, 2000, p. 37.
18 Isidore Ndaywel, op. cit. , p. 563
19 Ludo De Witte, Ibidem p. 33
23
Lumumba sera assassin le 17 janvier 1961 avec la complicit de Joseph-Dsir
Mobutu et une forte responsabilit morale de la Belgique. La nouvelle de sa mort ne fut rendue
publique par le gouvernement Tshombe que le 13 fvrier, au moment o. l’abb Fulbert
Youlou, alors prsident du Congo/Brazzaville, tait en visite officielle . Lubumbashi.
Pour Lon De Saint Moulin cette co.ncidence aurait contribu . confirmer la
responsabilit de l’Eglise catholique dans le meurtre de Lumumba. Cela donnait . l’Eglise
indpendante qui venait d’.tre reconnue officiellement, l’opportunit de s’affirmer aux dpends
de cette mauvaise image de l’Eglise catholique. L’piscopat ragira par la voix de Mgr Scalais,
alors archev.que de Kinshasa et Mgr Mojaisky Perrelli, dlgu apostolique pour le Congo et
Rwanda-Urundi qui rendront publique la dclaration suivante : . Ces derniers temps, des
bruits calomnieux sont lanc€s avec insistance dans le public, accusant le clerg€ catholique
d’avoir foment€ la mort de l’ex-premier ministre du Congo, M. Emery Patrice Lumumba, et
d’avoir influenc€ certaines autorit€s civiles pour mettre le complot ex€cution. Au nom de
tout l’€piscopat du Congo, nous protestons €nergiquement contre cette accusation et
proclamons que le clerg€ catholique n’a tremp€ ni de pr.s ni de loin dans cet
€v€nement.... .20
La mort de Lumumba tant rendue publique, le terrain tait propice pour les ambitions
de celui qui, apr€s avoir t son secrtaire particulier, devenait par la force des choses son
bourreau : le colonel Mobutu.
20 Voir Lon de Saint Moulin, Eglise et Soci€t€,... op. cit., p. 63.
24
I. 2. De 1961 . 1997 : Le Congo/Za.re de Mobutu
. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, il a .t. et il restera un ph.nom.ne qui aura
marqu. de son empreinte ind.l.bile l’histoire du Congo-Za.re-Congo, de l’Afrique et du
monde. Mobutu Sese Seko... a imprim. plus que quiconque plus de trois d.cennies de
l’histoire ind.pendante de l’ex-Congo belge par sa personnalit.. Nul ne peut effacer
l’histoire. .21 C’est par ces mots que commencent les pages que lui consacrera Honor
Ngbanda, un de ses fid.les lieutenants, au lendemain de sa chute.
En effet, l’histoire du r.gne de Mobutu ne peut .tre brosse en un paragraphe clair. Il
est l’unique homme politique du Congo qui se soit maintenu au pouvoir depuis le lendemain de
l’indpendance jusqu’. la fin de la guerre froide.
Nous allons, en ce qui nous concerne, nous limiter aux circonstances de son accession
au pouvoir, . sa politique intrieure (nationale) et . son implication dans la vie des religions au
Congo.
I. 2. 1. De son accession au pouvoir
D€s le 8 juillet 1960, le jeune sergent Joseph-Dsir Mobutu, devient chef d’tat major
de la nouvelle arme nationale, avec le grade de colonel. Un mois plus tard, un conflit ouvert
oppose le Prsident de la rpublique, Kasa-Vubu, au Premier ministre, Monsieur Lumumba.
Le 14 septembre 1960, le colonel Mobutu proclame la "neutralisation" des institutions
politiques. Il interdit toute initiative et toute activit . Kasa-Vubu, . Lumumba et . tous leurs
partenaires, et m.me au Parlement qui tentait de rconcilier les antagonistes. C’tait le premier
coup de force de Mobutu qui met en place un "Coll€ge des commissaires gnraux" qui assure
l’administration du pays jusqu’au 9 fvrier 1961. Ce coll€ge tait compos des tudiants
universitaires qui s’taient montrs . la hauteur de leur tche. Ndaywel crit . ce propos : . Le
21 Honor Ngbanda, Les Derniers Jours du Mar€chal Mobutu, Mayenne, ditions Gideppes, 1999, p. 9.
Honor Ngbanda est un homme politique. Conseiller diplomatique de Mobutu (1980-1981), responsable des
services de scurit et de renseignements du Za.re (1985-1990), ministre de la Dfense nationale (1990-1997).
Pendant deux dcennies, il est rest le proche collaborateur et lieutenant du Marchal Mobutu.
25
Coll.ge des commissaires venait de r€aliser en six mois un travail remarquable dans le cadre
du r€am€nagement administratif, notamment en instituant un conseil mon€taire et en cr€ant
une banque nationale (30 octobre 60). . 22
Le prsident Kasa-Vubu, bien que neutralis, gardait encore toutes ses prrogatives
constitutionnelles. Cinq ans plus tard, le 24 novembre 1965, Mobutu rit€re son coup de force
et s’installe . la magistrature supr.me qu’il stabilisera pendant pr€s de trois dcennies.
Les religions ont t, pendant ces dcennies, un des points d’achoppement de sa
politique intrieure. En m.me temps qu’elle a rendu difficile le dialogue entre les grandes
communauts religieuses, elle a favoris l’panouissement des religions minoritaires et le
dveloppement des "Eglises de Rveil", pour viter le terme "sectes" qui est pjoratif et
impropre pour designer ces Eglises. C’est de cette politique intrieure, en rapport avec les
religions, que nous allons parler dans les lignes qui suivent.
I. 2. 2. De sa politique int€rieure
Les vnements tragiques23 qui avaient suivi la proclamation de l’indpendance avaient
grandement concouru . l’installation de Mobutu qui tait devenu, aux yeux des occidentaux,
l’homme de l’quilibre, intelligent, prudent et courageux. Autodidacte lui aussi, il avait su
intelligemment tirer les leons des erreurs de son ancien "patron" pour asseoir sa politique tant
extrieure qu’intrieure. Le probl.me majeur tait de reconqurir l’unit du pays. Mobutu
n’avait mnag aucun effort, en tant que chef de l’arme, pour prendre contact avec les
diffrents scessionnistes et chefs des bandes rebelles, et en tant qu’homme politique, pour
22Isidore Ndaywel, op. cit., p. 592
23 Nous faisons allusion au gnocide de Luba au Kasa. ; la scession du Katanga avec Mo.se Tshombe, soutenu
par les Belges ; la mort accidentelle du secrtaire gnral de l’ONU, DAG Hammarskjld, en mission au
Congo, la rbellion au Kwilu et . Stanleyville...
Autant Kasa-Vubu tait sage et prudent, mais pas assez courageux ; autant Lumumba excellait dans
l’inexprience et l’imprudence malgr son grand dynamisme et son courage politique.
Ndaywel crit . ce propos : . Lumumba avait €t€ victime la foi de son id€alisme, de son radicalisme et de sa
formation politique insuffisante, limit€ quelques lectures personnelles et au souci d’imiter Nkrumah et Sekou
Tour€... En deux mois de gouvernement, il avait accumul€ une s€rie quasi exceptionnelle d’erreurs politiques,
depuis le discours inutilement iconoclaste du 30 juin jusqu’ la . fuite . vers Stanleyville, en passant par la
rupture maladroite avec Dag Hammarskj.ld et les attaques du Sud-Kasa. qui furent indirectement l’origine
du g€nocide luba. . Voir Isidore Ndaywel, op. cit., p. 589
26
rallier derri€re lui toutes les forces vives du pays et en particulier les diffrents responsables
religieux.
Fort de cet appui populaire, il instaure d€s son installation un pouvoir fort : il s’octroie,
par la premi€re ordonnance prsidentielle du 30 novembre 1965, des "pouvoirs spciaux" ; puis
les "pleins pouvoirs" le 22 mai 1966. Le pouvoir lgislatif tait ainsi transfr . l’excutif. Il
interdit les activits des partis politiques pour cinq ans d€s dcembre 1965. Il instaure
finalement, le rgime prsidentiel le 26 octobre 1966. En ce qui concerne l’administration
territoriale, il rduit le nombre des provinces d’abord de 21 . 12, le 7 avril 1966, et finalement
. 8. Un statut d’autonomie fut confr . la capitale Kinshasa.
Le nouveau rgime de Mobutu s’appuiera davantage sur les lites universitaires,
notamment ceux qui avaient fait leurs preuves au sein du "coll€ge des commissaires" qu’il
avait institu en septembre 1960.
Le 20 mai 1967, il cre le parti unique : MPR (Mouvement Populaire de la Rvolution)
qui deviendra plus tard "Parti-Etat". Une nouvelle idologie est mise sur pied : "La politique de
l’authenticit", prsente comme une politique de "rveil" de la conscience nationale et une
volont d’viter toute confusion avec des ides toutes faites d’origine externe. En juin 1967, la
nouvelle constitution promulgue instaure un syst€me prsidentiel et proclame la la.cit de
l’Etat.
Susan Asch pense, au sujet de la proclamation de la la.cit de l’Etat, que cette mesure
n’avait servi qu’. renforcer les pouvoirs du rgime en place. C’est aussi elle qui aurait t . la
base de .la prolif€ration des sectes politico-religieuses et de l’importance grandissante des
Eglises, qui sont les seuls organismes l€gaux en dehors du M.P.R., face au r€gime militaire
transform€ en r€gime pr€sidentiel… .24
En y rflchissant un peu, on se rend bien compte que la lacit de l’Etat ne visait, en
fait, que l’affaiblissement de l’Eglise catholique qui passait pour un organisme d’opposition.
Bien plus, nous pensons, pour notre part, . l’instar de S. Asch, que cette mesure et d’autres
24 Susan ASCH, L’Eglise du Proph.te Kimbangu. De ses origines . son r.le actuel au Zare, Karthala, Paris,
1983, p. 65
27
qui ont suivi25 expliquent la forme que prend aujourd’hui le dialogue oecumnique et
interreligieux dans ce pays : un nivellement mettant sur le m.me pied d’galit Eglises
traditionnelles constitues, sectes politico-religieuses et Eglises de "Rveil".
I. 2. 3. Les religions face la politique int€rieure du r€gime de Mobutu
Il y a bien des choses . dire concernant les religions pendant les trois dcennies du
r€gne de Mobutu. Puisque nous reviendrons dans le second chapitre sur chacune d’elles, nous
nous limitons ici aux faits marquants qui ont propuls les communauts religieuses au premier
plan des affaires de l’Etat. Notamment les conflits avec l’Eglise catholique, la rhabilitation des
religions traditionnelles et afro-chrtiennes et l’panouissement de l’islam. C’est en comprenant
les tenants et les aboutissants de ces faits saillants qu’on pourrait arriver . comprendre les
enjeux du dialogue oecumnique et interreligieux au Congo/Za.re.
I. 2. 3. 1. Les conflits avec l’Eglise catholique
Nous retenons un point marquant qui a fait des tincelles entre les deux institutions
fortes du pays : la discorde autour de la forme de justice . appliquer . la nation.
25 Le 27 octobre 1971, le fleuve, le pays, et quelques provinces, changent de nom. Le drapeau et l’hymne
national changent aussi. Le communiqu du porte-parole du Bureau politique fut ainsi stipul : . ... Dans la
recherche de notre Authenticit€, fid.les aux options fondamentales de notre r€volution amorc€e le 24
novembre 1965, dans le but de nous d€barrasser des s€quelles d’un pass€ r€volu et afin d’€viter une fois pour
toutes, toute confusion, les membres du Bureau Politique et du gouvernement ont d€cid€ ce qui suit :
1. Le majestueux fleuve qui traverse notre pays reprend son nom d’origine et s’appelle . Za.re . ;
2. Notre pays s’appelle . la R€publique du Za.re . ;
3. La Province Orientale devient la . Province du Haut-Za.re . ;
4. La Province de Kongo Central devient . la Province du Bas-Za.re . ;
5. Le drapeau national change ;
6. L’hymne national change (....) Voir Ndaywel, Ibidem, p. 677
D’apr€s le professeur Ndaywel, le porte-parole du Bureau politique, Prosp€re Madrandele fut l’un des premiers
universitaires . avoir cru dans le projet du MPR ; il en devint l’un des premiers thoriciens.
Les circonstances de sa mort en fvrier 1974 sont aussi rvlatrices des mthodes extr.mes que le parti utilisait
pour liminer ceux qui pouvaient penser autrement que les cadres du parti.. Ndaywel crit : "On €voque
l’hypoth.se d’un empoisonnement dont il aurait €t€ victime par erreur, ayant consomm€ une nourriture
destin€e au Cardinal Malula - mais cela n’est pas attest€." (Ibid, p. 676)
Le drapeau passa de la couleur bleue, toile or au vert avec le flambeau du parti de Mobutu.
L’hymne . Debout Congolais . de l’indpendance devint . La Za.roise .
Les villes dont les noms avaient une connotation europenne sont rebaptises : Brabanta (Mapangu),
Coquilhatville (Mbandaka), Elisabethville (Lubumbashi), Jadoville (Likasi), Lopoldville (Kinshasa),
Luluabourg (Kananga), Mont Stanley (Mongaliema), Nouvelle-Anvers (Mankanza), Port-Francqui (Ilebo),
Stanleyville (Kisangani), Thysville (Mbanza-Ngungu)...
28
En effet, le r€gne de Mobutu tait sanctionn par des sries de "Te Deum" au cours desquels
l’Eglise catholique reconnaissait le pouvoir du marchal prsident comme venant de Dieu. Elle
promettait . son gouvernement de se conformer fid€lement aux lois du pays.26
En dpit de cette promesse de fidlit, l’Eglise catholique voulait passer aussi pour .tre
la "conscience" de ce gouvernement, en m.me temps qu’elle dsirait se faire le porte-parole
des sans voix. Se faire la conscience du gouvernement pouvait signifier que l’Eglise ne
s’asservissait pas . lui. La lune de miel n’avait donc pas dur longtemps. Elle se terminera trois
ans plus tard lorsque, . l’occasion du 10€me anniversaire des martyrs de l’indpendance, le 4
janvier 1969, l’archev.que demanda aux autorits congolaises de faire de 1969 l’anne du
bien-.tre des ouvriers pour que les fruits du travail de cette anne soient partags dans une
justice distributive. Cela paraissait .tre une attaque ouverte . la politique sociale que pr.nait le
gouvernement . cette poque. D’autant plus aussi que la devise de ce gouvernement tait :
"Paix, Justice, Travail". Quelle Justice ? La rplique du gouvernement ne se fit pas attendre :
. ...La justice sociale[est] exceptionnellement appliqu€e au b€n€fice du peuple (...), cette
"justice distributive" ne serait autre chose que de la "provocation" et de la "d€magogie" (...)
car la justice sociale n’est pas un vain mot au Congo, tout le monde le sait, y compris Mgr
Malula .27.
Malgr cette rplique, l’archev.que de Kinshasa, devenu cardinal le 28 avril 1969
revient . la charge en plaidant, . nouveau, en faveur de la "justice distributive" lors de la visite
du Roi Baudouin, . l’occasion du dixi€me anniversaire de l’indpendance du pays, le 29 juin
1970. La perspicacit du cardinal dplut fortement au gouvernement . telle enseigne que le
conflit devint perceptible. Il clata quand le gouvernement, qui avait dj. proclam la la.cit de
l’Etat congolais, promulgua l’installation de la Jeunesse du Mouvement Populaire de la
Rvolution (JMPR), au Grand Sminaire Jean XXIII qui assure la formation des pr.tres de la
26 Lors du "Te Deum" chant le 19 dcembre 1965, l’archev.que de Kinshasa disait . Mobutu dans la
cathdrale : . ... Monsieur le pr.sident, l’Eglise reconna.t votre autorit., car l’autorit. vient de Dieu. Nous
appliquerons fid.lement les lois que vous voudrez bien .tablir. Vous pouvez compter sur nous dans votre
oeuvre de restauration de la paix . laquelle tous aspirent si ardemment . Voir Lon de Saint Moulin, Oeuvres
compl.tes du Cardinal Malula, Kinshasa, 1997, vol 6, p. 330
Le jour du premier anniversaire du gouvernement, le 23 novembre 1966, le m.me archev.que lui redisait : . ...
C’est mon devoir d’€v.que de faire appel votre conscience chr€tienne : le peuple a droit au bien .tre.
Prenons garde que la voix du pauvre ne disparaisse de notre conscience dans l’euphorie des joies qui vont
marquer ce jour anniversaire . Voir Lon de Saint Moulin, Ibidem , p. 333
27 Ibidem
29
province ecclsiastique de Kinshasa. Le cardinal y opposa un refus catgorique. Le sminaire
sera ferm en fvrier 1972 et le gouvernement saisira l’occasion pour rhabiliter les religions
traditionnelles et afro-chrtiennes battues en br€che par le christianisme pendant la priode
coloniale.
I. 2. 3. 2. La r€habilitation des religions traditionnelles et Afro-Chr€tiennes
Considre comme propagandiste des idaux d’origine trang€re, l’Eglise catholique
tait mise . mal par la nouvelle idologie politique du "recours . l’authenticit" qui n’avait pas
d’autres objectifs que de rhabiliter les valeurs ancestrales "bafoues" par le christianisme. A
travers leurs discours politiques, les acteurs de la proclamation de l’Etat la.c demandaient aux
citoyens de se "rveiller" et de pratiquer librement le culte de leur choix.
La suppression des noms . connotation trang€re avait franchi le cap des villes, rues et
institutions pour s’attaquer aux prnoms chrtiens. Plus personne n’avait le droit de porter un
prnom chrtien. Chacun devait trouver un "post-nom" tir du terroir ancestral. Mobutu lui-
m.me pr.cha par l’exemple en supprimant son prnom de Joseph-Dsir pour le remplacer par
le post-nom de "Sese Seko Kuku Ngbendu Wazabanga". Le recours aux devins avait repris ses
droits jusque dans la haute sph€re gouvernementale. Les ministres de Mobutu courtisaient .
volont les "Marabouts" et les sorciers pour .tre maintenus dans leur poste ou .tre appels .
un poste plus important. Nous retenons, pour illustrer ces propos, deux tmoignages rvls
par deux hauts dignitaires : un ancien gouverneur de la Banque du Za.re et un ancien agent des
services secrets de Mobutu.
M. Bofossa, ancien gouverneur de la Banque du Za.re, reconverti au christianisme . la
fin de la dcennie 80 explique combien il tait devenu prisonnier de la magie et du maraboutage
: . J’ai pratiquement visit. tous les cimeti.res de Kinshasa pour chercher la puissance aupr.s
des Morts (...)Dieu seul sait ce que j’ai endur. au titre de sacrifice... Dieu seul sait combien
de t.tes de ch.vres j’ai enterr.es chez moi . la maison, en brousse, dans certains lieux
strat.giques de la ville de Kinshasa .28.
28 Isidore Ndaywel, op. cit., p. 761.
30
Un ancien agent des services secrets, Emmanuel Dungia a rvl de son c.t comment
le prsident Mobutu lui-m.me a eu recours . des marabouts . la nouvelle de la victoire du
socialiste Fran.ois Mitterrand aux lections prsidentielles de 198129.
Tous ces changements de moeurs, d’attitudes religieuses et d’appellations sont . mettre
dans la mouvance du "rveil" de la conscience nationale pr.ne par les artisans de la politique
du recours . l’authenticit, une politique qui paraissait stabiliser le pouvoir en place, le rendant
plus populaire.
En ce qui concerne les Eglises afro-chrtiennes, Susan Asch crit : . ... Cette stabilit€
politique €tablie par le r€gime militaire instaur€ par le g€n€ral Mobutu s’av€ra favorable
l’€panouissement du Kimbanguisme .30. Mobutu lui-m.me dira lors des funrailles de
Diangienda, fils du proph€te Kimbangu, en 1990, que dj. avant qu’il ne prenne le pouvoir,
Diangienda lui avait prdit prophtiquement qu’il serait un grand homme politique.
En effet, en fvrier 1966, pendant que la dlgation du Conseil OEcumnique des
Eglises tait en mission d’tude pour l’valuation de la candidature de l’Eglise kimbanguiste, le
secrtaire gnral de cette Eglise, M. Luntadila, plaidait leur cause aupr€s du chef de l’Etat. Il
faisait mention de "manoeuvres" catholiques qui visaient . les chasser de la ville de Kinshasa.
Le prsident Mobutu lui rpondra qu’il tait lui-m.me dfenseur des causes kimbanguistes et
qu’il n’entendait pas favoriser la guerre des religions dans son pays.
Pendant que l’Eglise catholique se posait en donneur de le.ons morales, l’Eglise
kimbanguiste, quant . elle, sollicitait le soutien du nouveau gouvernement pour asseoir ses
institutions. Le chef spirituel Diangienda fut assur de la tolrance du rgime . deux conditions
: la premi€re, que le pouvoir spirituel soit distinct du pouvoir temporel ; la seconde, que les
29Le professeur Ndaywel qui reprend le rcit crit : . Il fallait tout prix "travailler" le successeur de Val€ry
Giscard d’Estaing, l’apprivoiser, l’envo.ter afin que la France continue .tre favorable la cause du Za.re.
Cette mission, d’int€r.t national, fut confi€e quatre marabouts (le chiffre avait son importance) parmi
lesquels les S€n€galais Kebe et Ciss€. Les s€quences de l’envo.tement furent structur€es en fonction de la
premi.re rencontre de Mobutu avec Mitterrand, qui devait avoir lieu Paris le 3 novembre 1981, lors du
sommet franco-africain. Deux semaines plus tt commenc.rent les pr€paratifs magiques prescrits par les
marabouts. Le jour de l’audience, tout se passa merveille. Le pr€sident Mitterrand fut enfin apprivois€. Le
co.t de la victoire fut sal€ pour les caisses de la R€publique : 4 millions de dollars, en plus des lingots d’or ..
Ibidem, p. 761.
30Susan ASCH, Op. cit., p. 61.
31
Eglises cessent de troubler l’ordre public par leurs querelles religieuses. En fait, il y avait au
sein du kimbanguisme des conflits d’intr.t et des dissidences internes. Les deux conditions
taient sagement appliques par le chef spirituel Diangienda qui, profitant des conflits ouverts
entre l’Etat et l’Eglise catholique, se fit l’instrument spirituel du pouvoir en place. Les subsides
lui taient allous sous forme de dons prsidentiels pour asseoir ses institutions spirituelles et
sociales. On peut comprendre . travers ce soutien qu’il y avait chez Mobutu, une stratgie
politique pour maintenir la paix civile et pour asseoir son autorit. Cette stratgie l’am.nera .
reconsidrer un autre groupe religieux minoritaire au pays : l’Islam.
I. 2. 3. 3. l’Islam
L’Islam constitue au Congo un ".lot" de croyants dans la masse des populations des
religions traditionnelles et chrtiennes : . peine 1,4 %. Deux vnements pendant le long r.gne
de Mobutu ont contribu . donner une lg.re impulsion . l’panouissement des musulmans au
Congo. Nous nous bornerons . les numrer car nous y reviendrons un peu plus en dtail au
second chapitre.
Le premier vnement est la politique du recours . l’authenticit et la promulgation de
la lacit de l’Etat. La nouvelle idologie du gouvernement de Mobutu tait trop sduisante .
cause de ses innovations qui cassaient les interdits de la civilisation occidentale et plus
particuli.rement ceux de l’Eglise catholique. La lacisation de l’Etat ouvrait les portes . toute
initiative culturelle et religieuse. A l’Universit de Lubumbashi, par exemple, une chaire sans
titulaire, sur les civilisations, tait cre . la Facult des lettres. Un professeur d’origine
libanaise et musulman pratiquant, Adnan Haddad, en avait profit pour rpandre, en milieu
estudiantin, la culture musulmane qui, affirmait-il, est plus proche de la culture africaine que le
christianisme31. Un de ses th€mes majeurs tait : "Islam et Authenticit".
31 Adnan Haddad disait dans plusieurs de ses confrences que l’islam tait la religion culturellement la plus
proche de la culture africaine. Il partait de l’argument principal des protagonistes musulmans selon lequel l’un
des premiers adeptes du Proph.te, Bilal, l’esclave noir, tait un Africain. Haddad citait tr.s souvent aussi Hegel
pour appuyer ses th.ses sur cette proximit. Le christianisme est, pour lui, la religion des occidentaux qui
tentaient d’imposer leur culture sous des prtextes vangliques. Il crit : . ...le christianisme appara.t souvent
aux Africains comme une religion "blanche". Son fondateur est un Dieu blanc. Ses chefs sont blancs et les lois
chr€tiennes sont favorables surtout aux blancs. Cependant, gr.ce la non repr€sentation de Dieu, le
musulman, quelle que soit son origine se sent libre dans la conception de Dieu. Pour cela, il ne s’est jamais
interrog€ sur "la race divine" comme s’interrogeait souvent le chr.tien devant la croix. " Pour les Blancs
seulement ou pour les N.gres aussi ?" . Voir Adnan Haddad, Recueil de r€flexion, Presses Universitaires de
Lubumbashi, 1994, p.78.
32
Beaucoup d’tudiants, dans la mouvance de l’idologie du Parti-Etat, s’taient
convertis . l’islam . cette poque et avaient rpercut les ides de Haddad dans l’arri.re pays.
Lubumbashi situ au sud-est du pays n’est qu’un foyer d’expansion culturelle pris parmi tant
d’autres.
Le second vnement fut la premi.re guerre du Shaba en 1974, dnomme "la guerre
de quatre vingt jours". Tout le monde le sait, Mobutu n’avait pas les moyens de sortir
victorieux de cette guerre n’et t l’alliance conclue avec le roi du Maroc. Honor Ngbanda,
un de ses derniers fid.les l’atteste en crivant : . ...c’est gr.ce aux hommes du colonel
Lubaris de l’Arm.e Royale Marocaine que le Pr.sident Mobutu a r.ussi . repousser
l’agression venue d’Angola... .32.
Les observateurs attentifs auront constat que c’est apr€s ces vnements qu’on verra
s’riger les quelques grandes mosques de la ville de Kinshasa et des autres villes du pays. Cela
paraissait .tre une fa.on pour le marchal Mobutu de remercier son ami, le roi Hassan II du
Maroc33 qui en mai 1997, avec l’arrive de Kabila au pouvoir, lui prouvera encore cette grande
amiti en l’accueillant chez lui jusqu’. sa mort.
Pendant trois dcennies, Mobutu a prsid aux destines du Congo d’une main de fer
tendant, d’une part, . rconcilier le peuple avec ses propres traditions culturelles et religieuses.
Profitant de la stabilit politique que pouvait lui garantir l’apport des autres cultures
religieuses, il a, d’autre part, favoris leur panouissement en leur donnant une place dans un
Etat qu’il voulait "lac" et "pleinement indpendant". Si l’islam, de faon particuli.re, avait
trouv sa place grandissante gr.ce, entre autres, aux vnements ponctuels lis . cette
politique du rgime de Mobutu, le gouvernement qui l’a renvers ne pouvait que conforter
32 Honor Ngbanda , Les Derniers jours du Mar€chal Mobutu, Editions Gideppe, Mayenne, 1999, p. 44.
33 En effet, Paul de Meester crit : . c’.tait le roi du Maroc qui avait exig. cela du Pr.sident Mobutu en
retour des quelques soldats qu’il avait envoy.s au Katanga. Depuis lors le nombre des disciples de Mohammed
s’est enrichi de Congolais, de sorte qu’en 10 ans il y a, gr.ce aux petro-dollards, plus de quatre mosqu.es .
Kinshasa. Le nombre des adh.rents . l’Islam est pass. de 1.200 . 8.000 selon l’estimation de l’Imam Kapuluta
de Kinshasa (Barumbu) et actuellement ils sont 3.790.000 soit 10% de la population . Voir Paul De Meester,
L’Eglise de J.sus Christ au Congo-Kinshasa, ditions Centre Interdiocsain de Lubumbashi, 1997, p. 299 .
Toute proportion garde, nous prenons avec rserve, ces chiffres avancs par De Meester. Cependant, il est vrai
qu’entre 1974 et 2000, la population musulmane s’est fortement accrue au Congo. Mais la proportion chiffre .
10% nous para.t tout de m.me un peu exagre.
33
cette place. Laurent Dsir Kabila lui-m.me avait dj. beaucoup sympathis avec l’islam. La
rvolution qui l’avait hiss au pouvoir venait de l’est du pays qui est le bastion de la minorit
musulmane au Congo/Za.re.
34
I. 3. De 1997 . 2004 : Le Congo de L.D. Kabila
Laurent-Dsir Kabila est un combattant lumumbiste de la premi€re heure. D€s 1964,
apr€s l’assassinat de Lumumba en 1961, il entre dans le maquis, apr€s une formation militaire
acclre en France (Tours), mais surtout . Belgrade. Il combat aux c.ts de Soumialot qui
menait la rbellion . l’Est du pays, en parall€le avec Pierre Mulele qui menait la sienne dans le
Kwilu, au centre du pays.
La pacification opre par Mobutu l’enverra en exil pendant trois dcennies. Ndaywel
crit . son sujet qu’ . en 1967, Kabila concr€tisa son niveau le projet commun, sans doute
inspir€ par Mulele, de cr€ation d’un grand parti r€volutionnaire, sur base de la th€orie du
marxisme-l€ninisme. L’inspiration qui l’habitait, avait quelque chose en commun avec celle
qui animait Mobutu, exactement en cette m.me ann€e 1967, mais avec des sensibilit€s et des
intentions fort diff€rentes. A Nsele, on optera pour l’appellation de "Mouvement Populaire de
la R€volution" (20 mai), alors que, dans l’exil de Nairobi, on retiendra plutt celle de "Parti
de la R€volution Populaire" (24 d€cembre), un parti qui allait se doter d’une branche
militaire, les Forces Arm€es Populaires (FAP)... .34.
La derni€re dcennie du marchal Mobutu avait vu s’accumuler une suite d’vnements
qui avaient fini par l’affaiblir de l’intrieur. Kabila n’attendait que cette occasion pour prendre
sa revanche. Au Za.re des annes 1990, plus aucune "justice" n’existait. Ni la justice sociale ni
la justice distributive. La corruption rgnait . tous les chelons. La rgionalisation de l’arme
tait la derni€re faiblesse de Mobutu. La quasi-totalit des gnraux tait de sa rgion, sinon de
son ethnie. La seule milice qui percevait encore sa solde tait la Division Spciale Prsidentielle
(DSP)... Les autres n’avaient qu’. se dbrouiller avec le peuple. Cette situation avait
occasionn deux pillages en 1991 et 1993 qui avaient consomm la ruine de l’conomie
agonisante du pays. C’est . ce moment (1994) qu’arrive le gnocide au Rwanda.
34Isidore Ndaywel, op. cit., p. 655
35
Les Tutsi prennent le pouvoir au Rwanda quelque temps apr€s le gnocide, mais ils
sont inquiets . cause de l’arme hutu protge par Mobutu au Za.re. C’est la cause officielle de
la guerre qui m€nera Laurent Kabila au pouvoir le matin de la Pentec.te en 1997.
Le Congo de Laurent-Dsir Kabila a visiblement connu deux temps forts:
- Du 29 mai 1997 au 17 ao.t 1998
- Du 24 ao.t 1998 au 17 janvier 2001
I. 3. 1. Du 29 mai 1997 au 17 ao.t 1998
En effet, entre le 29 mai 1997 et 17 ao.t 1998, le vrai pouvoir au Congo tait entre les
mains de Yoweri Museveni, prsident de la rpublique de l’Ouganda et de Paul Kagame, alors
vice-prsident du Rwanda ; allis inconditionnels et commanditaires de la guerre qui a port L-
D. Kabila au pouvoir . Kinshasa.
Les objectifs qui les avaient conduits . dclencher la guerre n’taient pas encore
atteints. A savoir : en finir avec l’arme des Hutu dissmine dans les maquis de la for.t
quatoriale du grand Za.re et procder . la partition du pays ou, mieux encore, occuper tout le
plateau de Masisi le long des grands lacs. Pour preuve, l’ONU enverra deux dlgations au
Congo pour tenter de voir clair dans ces massacres silencieux. Les deux dlgations ne seront
jamais re.ues par L-D. Kabila qui tait sous la haute surveillance des Tutsi qui r.vaient d’un
empire hamite en Afrique Centrale35. Une dcision courageuse, prise en ao.t 1998, a co.t au
Congo la seconde guerre avec le morcellement du pays en trois parties, jusqu’. l’assassinat de
Kabila "p€re", le 16 janvier 2001.
I. 3. 2. Du 24 ao.t 1998 au 16 janvier 2001
Laurent-Dsir Kabila voulait mettre un terme . ce jeu politique criminel quand il
demanda . ses deux allis de se retirer du Congo. C’est alors qu’clatera la seconde guerre du
Congo le 2 ao.t 1998 et qui dure jusqu’apr€s son assassinat le 16 janvier 2001. L-D. Kabila ne
devra son salut qu’au soutien de nouveaux allis : l’Angola, le Zimbabwe, la Namibie et . la
35 Ndaywel crit . ce propos : . On ne cessa de dnoncer le pseudo-projet tutsi de dtachement du Kivu du
Congo, en vue de la cration d’une "rpublique de Virunga" par la fusion avec l’Ouganda et le Rwanda -
Burundi... . Les Tutsi de l’Ouganda, du Rwanda, du Burundi et tous les autres qui vivent au Za.re, au Kenya
et en Tanzanie, projettent, dans un futur proche, la naissance d’un empire hamite... qui s’appellerait la
36
population de la ville de Kinshasa. Depuis lors, le pays est morcel en trois parties : tout l’est
du pays est sous occupation rwandaise, tout le nord-est sous occupation ougandaise, le sud-
ouest sous le pouvoir central de L-D. Kabila.
I. 3. 3. Du 24 janvier nos jours
Depuis le 24 janvier 2001, la destine du pays est entre les mains de son fils, le gnral
major Joseph Kabila qui, malgr son jeune ge, semble bien faire face . ses responsabilits. Il
jouit d’un certain crdit aupr€s des partenaires occidentaux et a russi . intgrer au pouvoir les
anciens belligrants en attendant des lections dmocratiques.
La situation religieuse n’a pas connu de perturbations sensibles par rapport . la priode
du r€gne de Mobutu. La guerre, la mis€re et la pauvret n’ont fait qu’accro.tre la naissance des
groupes politico-religieux sectaires et l’enracinement des Eglises dites de "Rveil".
C’est cet engouement de mouvements religieux parrains pour la plupart par les lites
politiques qui, . notre avis, rend originale la question du dialogue oecumnique et interreligieux
dans ce pays. Les Eglises de rveil sont devenues des lieux de rassemblement o. se joue toute
la vie politique, sociale, conomique, religieuse et culturelle du pays. C’est l. que se dessine la
nouvelle forme du dialogue oecumnique et interreligieux dans la mesure o., chrtiens,
musulmans et adeptes d’autres traditions religieuses se c.toient au quotidien, tous confronts
aux m.mes preuves de la vie difficilement supportables.
rpublique des Volcans ou les Etats-Unis d’Afrique Centrale si leur union fdraliste relie effectivement Dar-
es-Salaam . Matadi". p. 791
37
Conclusion
Nous avons voulu montrer dans ce premier chapitre de notre th€se que la
problmatique actuelle du dialogue oecumnique et interreligieux est, en grande partie,
tributaire de l’environnement socio-conomique, culturel et politique du Congo Indpendant.
Le terme "rveil" qui devient aujourd’hui l’pith€te des nouveaux mouvements
religieux qui posent question dans la problmatique du dialogue oecumnique et interreligieux
prend sans doute son origine et son sens dans cet environnement socio-culturel, politique et
historique du pays.
L’histoire religieuse de la priode coloniale n’est pour autant pas absente dans cette
problmatique. Elle est aborde dans le second chapitre de cette th€se o. nous dcrivons la
naissance et l’implantation des principaux groupes religieux "interlocuteurs" actuels du
dialogue oecumnique et interreligieux en R.D. Congo.
38
. Quand tu ne sais plus o. tu vas, retourne-toi, regarde
d’o. tu viens . (proverbe Ethiopien)
39
DEUXIEME CHAPITRE :
CADRE RELIGIEUX :
LES INTERLOCUTEURS ACTUELS DU DIALOGUE
OECUMENIQUE ET INTERRELIGIEUX EN
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
40
Introduction
Par interlocuteurs actuels du dialogue oecumnique et interreligieux, nous dsignons les
religions et communauts religieuses reconnues par les instances officielles nationales et
internationales. Il s’agit pour la Rpublique Dmocratique du Congo, des religions
traditionnelles africaines, du christianisme (catholique et protestant), du kimbanguisme
(religion afro-chrtienne) et de l’Islam.
Essentiellement descriptive, notre tude n’en sera pas moins critique. La prsentation
des religions se limitera aux points essentiels qui nous permettront de mettre en exergue les
caract.res intrins.ques et extrins.ques qui favorisent ou dfavorisent le dialogue. Les rites et
les crmonies qui les constituent sont parfois tellement complexes et varis qu’il sera quasi
impossible de les traiter tous en detail.
Les Eglises de rveil, t.te d’affiche de notre problmatique de dpart, feront l’objet
d’un chapitre . part dans le cadre des religions afro-chrtiennes qu’il faudra ou non intgrer
dans le dialogue au Congo.
41
II. 1. Les religions traditionnelles.
L’Afrique a autant de religions traditionnelles qu’elle a d’ethnies. Les tudes des
philosophes, thologiens, ethnologues et historiens des religions africaines36 les regroupent par
quelques points communs qui les unissent toutes. Ces points communs se prsentent
schmatiquement, comme une pyramide dont la base est constitue par les forces de la nature
et le sommet par la force divine. D’aucuns parlent . juste titre d’une hirarchie pyramidale des
forces vitales : au sommet de la hirarchie, se situe une force supr.me transcendante . laquelle
croit la quasi totalit des adeptes des religions traditionnelles. En seconde position, se situent
les mnes des anc.tres qui font le lien entre les vivants et les morts. En troisi€me lieu viennent
les vivants qui ont la puissance de la parole et le pouvoir : les chefs des clans et des familles, les
mdiums, les pr.tres, les sorciers et les parents. Ils peuvent entrer en contact direct avec les
anc.tres pour bnir ou maudire. En bas de la pyramide se situent les forces de la nature, avec
toute leur puissance symbolise surtout dans le rythme de la fcondit naturelle. (si ce rythme
cesse, la vie s’arr.te).37
Tous ces points communs sont mieux compris lorsqu’ils sont tudis dans le contexte
d’une ethnie ou d’un groupe linguistique homog.ne. Nous avons choisi, pour notre tude, le
groupe communment appel bantu, majoritaire en R.D.Congo. On estime, aujourd’hui .
soixante millions environ, le nombre de bantu en Afrique dont 60% dans le bassin du Congo.
Ils dsignent l’.tre humain par "Ntu" prcd de "mu-" comme prfixe singulier et de "ba-"
comme prfixe pluriel : muntu (un .tre humain), bantu (des .tres humains).
Selon la description qu’en donne Joseph Huby, . les Bantous forment un groupe
consid€rable qui occupe la plus grande partie de l’Afrique habit€e, en de. et au-del de
l’Equateur, de l’Atlantique l’oc€an indien, du bassin du Tchad et du Victoria au cours de
l’Orange... Ils sont divis€s en de nombreuses tribus, dont chacune a sa langue, son habitat,
ses coutumes, son gouvernement, sa mani.re de vivre, en g€n€ral conditionn€e par le pays
36 Nous faisons allusion aux tudes de Placide Tempels, La Philosophie Bantoue, Prsence Africaine, Paris
1949; de Henri Gravand, . Les religions traditionnelles, sources de civilisation spirituelle . ; d’ Amadou
Hampat BA, . Prsentation des religions africaines traditionnelles . toutes deux dans Les religions africaines
comme source de valeurs de civilisation, colloque de Cotonou, 16/22 Ao.t 1970, Prsence Africaine, Paris,
1972; de Vincent Mulago, La Religion traditionnelle des Bantous et leur vision du monde, ditions Saint
Paul, Kinshasa 1980; de Jean-Marc Ela, Ma foi d’Africain, ditions Karthala, Paris 1985.
42
qu’elle occupe, et comportant la petite culture, l’.levage, la chasse, etc. Ce groupe important
n’a gu.re .t. touch. par l’islam que sur les routes des caravanes qui relient Zanzibar aux
r.gions de l’int.rieur. Le christianisme, de son c.t., qui fit son apparition aux XVI.me et
XVIII.me si.cles sur les c.tes d’Angola et de Mozambique, avait laiss. peu de traces au
moment o. sa pr.dication fut reprise en ces derniers temps. On peut donc consid.rer les
Bantous comme poss.dant un fond religieux original et relativement homog.ne. .38
Cette description de J. Huby situe bien, du point de vue de l’impact religieux, le groupe
qui nous concerne dans cette tude. Dpartageant dj. l’islam du christianisme, il reconna.t .
cette population du coeur de la R.D. Congo un "fond religieux original" qui deviendra, . notre
avis, la plate forme de l’inculturation et le tremplin de toute initiative concernant le dialogue
entre les religions. Nous ne pouvons pas aborder tous les aspects de ce fond religieux original.
Nous avons choisi quatre th.mes majeurs correspondant . leur vision du monde, au travers de
la pyramide hirarchique des forces, . savoir :
- 1. L’Etre Supr.me.
- 2. Les anc.tres (les m.nes)
- 3. Les vivants
- 4. Les esprits de la nature.
Nos donnes pour cette tude, proviennent d’une part de l’enqu.te faite par les
tudiants des Dpartements de la Facult des Lettres de l’Universit de Lubumbashi au
Congo/Zare : celui de Langues et Littratures africaines et celui de Langue et Littrature
franaises. Cette enqu.te faite dans leur milieu d’origine a t dirige et prsente par le
professeur Mufutu Kabemba39 lors du deuxi€me Colloque International de Kinshasa sur les
religions traditionnelles africaines. Nous y ajoutons notre propre exprience et enqu.te aupr€s
de la socit "Leele"40 qui est notre ethnie. Nous nous inspirons d’autre part, des tudes
37 Voir annexe 17
38 Joseph Huby, CHRISTUS . Manuel d’histoire des religions, d. G. Beauchesne et ses fils, Paris , 1934 , p.
81.
39 K. Mufutu . Croyances Traditionnelles et Pratiques spirituelles au Za.re ., dans CERA, l’Afrique et ses
formes de vie spirituelle, n. Spcial, Vol. 24, n.47, Janvier-Juillet 1990, pp. 173 - 193
40Leele, tribu de la R.D.Congo/Za.re, province du Kasa.-Occidental, territoire d’Ilebo. Voir pour plus de dtails
: Alard, M. . Les Bashileele : le village ou le tr.ne ?., dans Etudes scientifiques, juin 1985 ;
43
prsentes par Ren Girault et Jean Vernette41, ainsi que de celles de Henry Van Stralen42, sur
d’autres socits d’Afrique, hors des fronti€res de la R.D. Congo.
II. 1. 1. La conception de l'.tre supr.me
II. 1. 1. 1. La nomenclature
Dans toutes les socits bantu de la Rpublique Dmocratique du Congo, . une
exception pr€s, l’Etre Supr.me porte un ou plusieurs noms : Nzambi-Mpungu, Nzambe,
Mungu, Mvidy Mukulu, Maweja, Mulopo, Ndjamb’a Pongo, Nkyer, Nzem, Efil, Fidi,
Shyakapanga... A travers cette nomenclature, trois grandes qualits sont attribues . cet Etre
Supr.me : Le Tout Puissant (Nzambi-Mpungu, Ndjamb’a Pongo), Mpungu ou Pongo signifie
"aigle" ; L’Anc.tre, P€re Crateur (Mvidye Mukulu, Shyakapanga, Nkier) et Le transcendant
invisible, omniprsent et omniscient (Efil, Fidi...).
On retrouve une conception semblable chez d’autres peuples africains, en l’occurrence
chez les Baouls de la C.te d’Ivoire. Dieu est nomm . Nyamyen, le dieu du firmament,
myst€rieux et lointain .. Chez les Dogons du Mali, "Amma" dieu crateur. Chez les Bambara,
"Faro" dieu de l’eau, dieu de la vie… 43
II. 1. 1. 2. La r.sidence de l’Etre Supr.me
En ce qui concerne la localisation de l’Etre Supr.me, l’enqu.te des tudiants du
professeur Mufutu rv.le deux types de connaissance existant au sein de la tradition bantoue
de la R.D. Congo : le type vulgaire de connaissance qui prsente les choses navement, localise
l’Etre Supr.me au ciel (en haut), sur la terre, dans une grande maison ferme, partout... Ce
type de connaissance conduit parfois . concevoir une multitude de divinits dont les liens avec
l’Etre Supr.me deviennent difficiles . tablir.
41 Ren Girault et Jean Vernette, Croire en dialogue, Droguet-Ardant, Paris 1979, 513 p.
42Voir Henry Van Straelen, L’Eglise et les religions non chrtiennes. Au seuil du XXIe Si€cle, Beauchesne,
Paris, 1994, pp. 247 - 278
43 Voir Van Straenel, Ibidem, pp. 247-278
44
On parle de dieu-des-anc.tres qui est dans l’au-del., dieu-des-vivants qui veille sur
nous, dieu-des-animaux, dieu-des-eaux, dieu-des-rcoltes, dieu-des-for.ts, dieu-de-la-pluie...
Autant de dieux partout o. s’anime le "Cosmos".
Le type profond, qui est, nous semble-t-il, l’apanage d’une minorit, rpond que la
rsidence de l’Etre Supr.me est inconnue et indtermine. Il est Unique. Sa force est en action
partout dans l’univers visible et invisible. . Il est souverain, cr€ateur de tout ce qui existe non
seulement dans le monde mat€riel des hommes, des animaux et des choses, mais aussi dans le
monde immat€riel des esprits et des forces .44
Cette approche para.t, . nos yeux, traduire la profondeur relle de la conception de
Dieu dans les religions traditionnelles. Les manifestations de l’Etre Supr.me ne sont pas l’Etre
Supr.me. Sa force qui anime le cosmos . travers les anc.tres, les vivants et les forces de la
nature, ne fait pas qu’il y ait autant d’Etres Supr.mes. Il est donc clair qu’il n’y a qu’un seul
"Etre Supr.me".
II. 1. 2. Le r.le des anc.tres (les m.nes)
Parler des m.nes ou "esprits des anc.tres" revient . rpondre aux questions sur l’Au-
del.. Que deviennent les hommes apr.s la mort ? Quelle est la conception de la mort ? Qui sont
les m.nes ? Quel r.le jouent-ils ? Qui s’adresse . eux ?
Tout ce qui accro.t la vie est sacr. Tout ce qui la raccourcit ou l’touffe est maudit,
conjur. Cependant, ils ne conoivent pas la mort comme un anantissement de la vie. Celle-ci
continue apr.s la mort, mais d’une autre faon. . Les morts ne sont pas morts .45
II. 1. 2. 1. Qui sont les m.nes ? Quel rle jouent-ils ?
44Nseka Ngimbi, . Structure "onto" thologique de la socit Kongo, dans Actualit et inactualit des "Etudes
Bakongo" du P€re J. Van Wing ., in Actes du Colloque de Mayidi du 10 au 12 avril 1980, Mayidi, 1983, p.
163-164
45 Birago Diop, Les contes d’Amadou Koumba, Prsence Africaine, 1960, p. 180 : (voir texte . la page
suivante)
45
Les enqu.tes diriges par le professeur Mufutu dlimitent en catgories claires et
prcises les morts qui ont bien vcu leur vie sur terre et qui font partie des mnes ; ceux qui en
sont exclus . cause d’un handicap physique ou psychologique dans leur vie antrieure, mais ne
faisant aucun mal aux vivants, et ceux qui en sont exclus . cause de leur mauvaise vie
antrieure, devenus dans l’autre vie, des errants pr.ts . causer du tort aux vivants.
Il faudra prciser que les morts qui font partie des mnes sont les seuls . avoir un r.le
bnfique et honorable aupr€s des vivants. Ils sont l. pour protger les hommes contre les
machinations occultes et nocturnes (magie noire, sorcellerie...) des esprits errants. Ils sont
excutants et ambassadeurs de l’Etre Supr.me aupr€s des vivants.
Voici un texte de Birago DIOP qui illustre ce qui prc€de :
. Ecoute plus souvent
Les choses que les €tres,
La voix du feu s’entend,
Entends la voix de l’eau
Ecoute dans le vent
Le buisson en sanglot :
C’est le souffle des anctres.
Ceux qui sont morts ne sont jamais partis
Ils sont dans l’ombre qui s’.claire
Et dans l’ombre qui s’.paissit,
Les morts ne sont pas sous la terre
Ils sont dans l’arbre qui fr.mit,
Ils sont dans le bois qui g.mit,
Ils sont dans l’eau qui coule,
Ils sont dans l’eau qui dort,
Ils sont dans la case, ils sont dans la foule
Les morts ne sont pas morts. .
46
Les mnes sont ceux qui ont fait du bien, ceux qui ont t sensibles aux probl€mes des
autres et surtout, ceux qui ont procr car ils peuvent rena.tre. Ceux qui, en plus de ces
conditions, sont morts de vieillesse et de mort naturelle, sont les plus levs dans la hirarchie
des forces vitales.
Dans l’ensemble, les personnes exclues de la catgorie des m.nes sont . les faibles, les
fous, les poltrons, les paresseux, les albinos et les pauvres. Les sorciers, les assassins, les
menteurs, les voleurs, les incestueux, les infid.les, les haineux et autres vicieux sont class€s
dans la cat€gorie des mauvais esprits, condamn€s errer et pr.ts causer du tort aux
vivants. .46
En revanche, ceux qui dans leur vie sur terre ont eu de grandes responsabilits : grands
chefs coutumiers, chefs de clans, leurs missaires, leurs notables et leurs guerriers sont
considrs comme ayant une me forte. Apr€s leur mort, ils ne sont pas dans la catgorie des
mnes ordinaires, mais deviennent des "esprits", - "bavidy€"en tshiluba du Katanga -
hirarchiquement plus forts que les mnes.
II. 1. 2. 2. Qui s’adresse . eux ? Quand et Comment ?
Tout Africain (muntu) est convaincu que l’Etre Supr.me a laiss l’univers au pouvoir
des .tres . subalternes, spirituels, subtiles, agiles ., -pour reprendre les expressions de Jean-
Marie Ribaucourt.47 L’univers est, pour ainsi dire, sous les ordres des forces occultes ou
protectrices des m.nes et des esprits : les forces des grands esprits dont on ne conna.t pas
l’origine et qui habitent les montagnes, les rochers, les sources, les lieux occultes, et celles des
m.nes des anc.tres ou des morts avec lesquels ils ont t en relation pendant leur vie, y
compris les chefs coutumiers, chefs des clans et leur suite.
Jean-Marie Ribaucourt dit que . ni les grands esprits ni les m.nes ne sont
interm€diaires entre Dieu et les hommes : ils agissent de leur propre gr€. L’homme les
implore d’une fa.on absolue, et non pas conditionnelle (pour autant que Dieu le permette).
Donc pas de ressemblance entre le culte chr€tien des saints et ce culte des esprits ; on
46 K. Mufutu, op.cit., p. 180
47 J-M Ribaucourt, op. cit., p. 110
47
d€formerait la conscience €tablir une relation sur ce plan. .48 Cette derni€re phrase
conclusive nous permet de comprendre pourquoi le R.P. Jean-Marie Ribaucourt ne peut
accepter que les mnes soient intermdiaires (ou ambassadeurs) entre les hommes et l’Etre
Supr.me. A ce titre, c’est tout le monde qui s’adresse . eux. Mais dans la plupart des cas, c’est
le chef de famille, le chef de clan ou du village, ou encore selon les socits, une personne (de
sexe masculin) investie pour intercder pour tous ceux qui ont besoin d’une protection spciale
des mnes. A une exception pr€s, tr€s rare en Afrique chez les Leele du Kasa., o. une femme
polyandre peut devenir la pr.tresse sacre qui s’adresse aux anc.tres, puisqu’elle peut avoir eu
des relations intimes avec certains d’entre eux pendant leur vie sur terre.49 Elle est, dans
certains cas, habilite . anantir aussi les effets nfastes ou les mauvais sorts provoqus par un
magicien ou un sorcier manipulateur des esprits de la nature.
II. 1. 3. L’Etre suprme et les hommes.
Les religions traditionnelles bantu n’ont pas d’crits sacrs comparables . d’autres
religions prophtiques, mystiques ou rvles. Et cela pour la raison vidente qu’il s’agit de
peuples sans criture. Les relations entre l’Etre Supr.me et l’homme dans ces religions
s’effectuent souvent par des faits visibles, tangibles, audibles autres que les lettres crites.
L’art, les mythes et les rites sont, . notre avis, l’quivalent des critures sacres des autres
religions. L’Afrique noire est le terrain de la tradition orale, du visuel, du sensoriel plut.t que
de l’crit.
48Ibidem
49 Le Leele est une ethnie dont la royaut remonte . la fin du XVIeme si€cle.Situe entre les rivi€res Kasa. et
Katembo (Loange), elle est . cheval entre les provinces du Kasa.-Occidental et Bandundu. Elle avait une
coutume unique sur le mariage, qui tait inconnue dans le reste du pays et qu’on retrouve au Nigeria: La
. Polyandrie ..cf. Jacques MAQUET, Les civilisations noires, histoire, technique,arts ,soci€t€s, Paris,
Marabout Universit, 1966
Le mariage traditionnel et ordinaire tait surtout monogamique avec quelques rares cas de polygamie parmi les
chefs et notables. L’ge du mariage tait lg€rement retard par rapport . d’autres ethnies ( 30 . 35 ans), le
temps que le jeune homme prouve sa maturit par des travaux et des activits d’adulte.( artistiques, rurales,
pigeages etc.). Pour viter que ces jeunes tentent de seduire les femmes maries ou les filles nubiles, on
organisait la socit en classes d’ges: Cinq au total. On attribuait donc . chaque classe d’ge une ou deux
pouses communes appeles en Leele . N'hohombe . . Les hommes d’une m.me gnration, quel que soit leur
village, avaient entre eux, les m.mes droits et devoirs. Ils devaient .tre solidaires, m.me pour partager le lit de
leur pouse polyandre. La pratique de ce mariage a t interdite par le pouvoir colonial en 1947, mais reprise
sous l’gide du grand chef coutumier Pero Mishondo, en 1960 sous le vocable de "table ronde". Aujourd’hui,
avec l’volution des mentalits et l’mancipation de la femme, le mariage polyandrique chez les Leele n’existe
pratiquement plus.
48
Nous allons analyser assez rapidement les r.les que jouent ces trois vecteurs dans ces
religions pour tenter de comprendre le biais par lequel l’homme entre en relation avec l’Etre
Supr.me.
II. 1. 3. 1. Par l’art
A travers l’art, c’est le rapport par la proximit qui est mis en jeu. L’art permet .
l’homme d’entrer en relation avec l’Etre Supr.me . travers sa force, qui anime la nature, et qui
passe aussi par les objets inertes. Le masque dans les religions traditionnelles bantu devient un
mdium qui rend visible et proche ce qui est invisible et lointain. Le cosmos lui-m.me est la
manifestation visible et proche de l’Etre Supr.me invisible. Les couleurs, les mouvements, les
reliefs, les arabesques des chefs-d’oeuvre naturels sont autant de prsences visibles de l’Etre
Supr.me.
Cet Etre Supr.me, nous l’avons dit, porte dans la tradition africaine, un ou plusieurs
noms. Mais, comme l’indique le professeur T. Mudiji, . Il est troublant de constater qu’il n’y
a pas de masque qui figure Dieu, tout comme la statuaire traditionnelle des cultes ne contient
pas de repr.sentation divine. .50 Cette absence de reprsentation de l’Etre Supr.me est un
message tr€s profond qui fait comprendre ce qu’est cet Etre pour les bantu. Pour Le
"convoquer" en situation de catastrophe, on passe imprativement par sa force qui anime la
nature, par le pouvoir qu’Il donne aux vivants et par les mnes des anc.tres qui jouent parfois
le r.le d’intercesseurs. Ne l’invoquent directement, que les personnes qui se sentent lses par
ces forces intermdiaires.
Le professeur Thodore Mudiji prcise, en parlant d’initiation et de dramatisation par
les masques, que . Chez les Phende51, lorsqu’au soir la parole ou rythme du tam-tam, le
battement des mains et le chant du choeur appellent les masques sur la sc.ne sacr.e born.e .
distance en demi-lune par la communaut. spectatrice, les mbuya52 sortent tour tour de leur
sanctuaire plac€ l’€cart du lieu habit€ par les vivants. On les consid.re en effet comme des
anc.tres revenants (mvumbi). Ils viennent chacun interpr€ter un aspect de l’existence totale
qu’ils abordent sous l’angle des gestes mat€riels et €conomiques, sociaux, politiques, €thiques
50 Thodore Mudiji Malamba, "Elvation Spirituelle par l’Esthtique en Afrique noire", dans CERA, L’Afrique
et ses formes de vie Spirituelle, Numro spcial, vol. 24, n.47, Janvier-Juillet 1990, p. 257
51 Ibidem. Phende : une tribu au Congo.
49
ou religieux. Ils recr€ent et tentent de r€soudre les conflits qui se manifestent dans le monde
humain et cosmique : la f€condit€ et la st€rilit€, le moi et autrui, la vie et la mort, la lumi.re
et les t€n.bres, le bien et le mal. .
L’art, dans les religions traditionnelles bantoues, est le vecteur privilgi du rapport
entre l’homme et l’Etre Supr.me. Il faut cependant dire que tout objet d’art utilis dans un rite
traditionnel n’est pas toujours un moyen de communication avec l’Etre Supr.me. Le frottoir
des devins, par exemple chez les Leele du Kasa., qu’on appelle "Itumba la bukang" n’a pas la
m.me fonction qu’un masque. On ne va pas chez le devin (nganga buka ou nganga fio-fio)
pour convoquer Dieu, mais plut.t pour consulter un .tre humain qui a le pouvoir de voyance.
En prsence des interlocuteurs venus le consulter, il tablit un dialogue de recherche commune
dans lequel on voque des personnes, des vnements, des circonstances au sein de la famille
restreinte et largie. Le "nganga" devine, soup.onne, en manipulant le frottoir "itumba" sur
lequel il a mis un peu d’encens. D€s que l’encens se chauffe par suite du frottement, il colle et
d€s qu’il colle, il rv€le le coupable dont le nom venait d’.tre cit…
Le nganga ne peut convoquer ni Dieu, ni les anc.tres pour rsoudre des probl€mes
quotidiens.
II. 1. 3. 2. Par les mythes
La transcendance et la proximit de l’Etre Supr.me sont exprimes tour . tour par les
rcits mythologiques que les vieux racontent aux jeunes, le soir autour du feu ou le jour du
repos prescrit pour des motifs religieux53, sous le Baobab ou sous l’arbre de la palabre…
Les rcits mythologiques sur la cration ou sur les origines sont parfois trangement
proches de ceux de la Bible. Personne n’est encore arriv, . notre connaissance, . expliquer
cette proximit entre les mythes des religions smitiques et ceux des religions traditionnelles
ngro-africaines. Les cas les plus frappants, en dehors des mythes de la cration, sont ceux des
mythes de la Tour de Babel (Gen.se 11) et du rcit sur Cham, fils maudit de No (Gen.se 9).
52 Ibidem. Mbuya : nom donn au porteur d’un masque spcial, dans la tribu Phende.
53Toutes les religions traditionnelles bantu ont un jour de repos par semaine appel "IMBOMBA" chez les
Leele du Kasa. ou "MUKILA" chez d’autres peuples de la province de Bandundu ( Centre-Ouest de la R.D.
Congo)
50
La conviction que tous les peuples bantu croient . l’existence d’un Dieu "crateur"
vient des mythes et proverbes courants. Jean-Marie Ribaucourt note . partir des mythes et
proverbes de la tradition de Bapende que . l’homme ne s’est pas cr.. lui-m.me : Dieu seul l’a
fait. Mais Dieu, s’Il r.gne, ne gouverne pas ; apr.s avoir cr.. tout l’univers, Il s’est retir., et
vit en simple propri.taire, on ne sait pas exactement o.. .54
Au sujet de Cham, le fils maudit de No : des mythes semblables se retrouvent dans
plusieurs ethnies bantu. Cham est le p€re de Canaan le maudit, envoy par No au pays o. le
soleil lui grillerait le visage, esclave des esclaves de ses fr€res (Gen€se 9,20-29). Dans les
idiomes de plusieurs ethnies bantoues, "Kam", "Kan", "Ngan" dsignent "l’autrui",
"l’innocent", "le na.f", "le pauvre" qui subit un sort trop lourd, pour un acte non prmdit ou
non intentionnel. En Leele on dit "M.ot a kana", en kikongo et lingala on dit "Muntu ya ngani"
ou "Moto ya ngani". Ces termes paraissent si remarquables que lors de la premi€re visite du
Pape Jean-Paul II au Za.re en mai 1980, une dlgation des notables vint demander au Pape s’il
ne pouvait pas, en tant que vicaire du Christ, lever la maldiction de Cham/Canaan qui
continue . peser sur les peuples d’Afrique noire. (Sic)55
Le mythe de la Tour de Babel est similaire . celui qui est relat dans plusieurs ethnies
bantoues, notamment chez les Ambun de Bandundu qui parlent d' "Okul alung"et chez les
Bashilele du Kasa. qui parlent d’ "Ishayola"56,; pouvant se traduire littralement par "mythe des
peuplements".
II. 1. 3. 3. Par les rites
Dans les religions traditionnelles bantu, les rites sont extr.mement importants pour
toute communication avec l’Etre Supr.me, avec les anc.tres (mnes) et m.me avec la nature.
54Jean-Marie Ribeaucourt, Ev.que d’une transition, Ren. Toussaint, Baobab, Kinshasa, 1997, p. 109
55Voir les analyses faites . ce sujet par le professeur O. Bimwenyi-Kweshi, Discours Thologique Ngro-
Africain. Probl€me des fondements, Prsence Africaine, Paris, 1981, pp. 117-127. : On peut noter que dj. en
1870, pendant le premier concile de Vatican, Soixante-huit v.ques missionnaires avaient sign une supplique
qui porte le titre de Postulatum pro Negris Africae Centralis Sacro Concilio Oecumenico Vaticano, o. ils
faisaient allusion . cet antique anath€me qui continue d’craser les malheureuses populations issues de Cham.
Les missionnaires catholiques ont m.me soutenu le commerce triangulaire -commerce des esclaves, Europe-
Afrique-Amrique- sous prtexte que la pri€re de No a t parfaitement exauce par Dieu : Japhet (les
Europens) sjourne dans les tentes ou "demeures" de Sem (ici les Indiens d’Amrique sont dclars Smites),
tandis que Cham (les "N€gres Africains") sont bel et bien . son service. Chacun est . sa place.
Nous notons aussi par ailleurs qu’en hbreu, Khum=marron, Khom=chaleur, Khama=la chaude, le soleil ; en
€gyptien ancien, Khem=noir, charbonn, Ham=chaud, noir..(Voir Cheik Anta DIOP, Antriorit des
civilisations n€gres. Mythe ou vrit historique ? d. Prsence Africaine, Paris 1967, p. 242.
51
La base de toute philosophie religieuse est que "l’Etre est force". Tout .tre, Supr.me ou
infrieur, est une force. De Dieu . la nature, tout est "force vitale"57 Les rites ont donc une
chorgraphie qui reprsente toutes ces forces. Celles de la nature sont reprsentes par les
couleurs bigarres, la flore et la faune reprises dans les plumes, feuilles et peaux de b.tes dont
est coiff le "pr.tre"... Le tam-tam, le gong et la clochette sont censs interpeller les forces des
mnes. La danse est rythme selon la circonstance (joie, deuil, calamit, fcondit, naissance,
chasse, p.che ou investiture...) L’expression corporelle et gestuelle varie selon que la pri€re
s’adresse . Dieu directement ou aux mnes. L’intensit et la tonalit de la parole varient, elles
aussi, selon qu’il y a "convocation" de la force Supr.me ; ou "supplication" des mnes pour
une offense commise, une fcondit "qui fait dfaut" dans la famille, ou qu’il y a "conjuration"
de quelques esprits malfiques de la nature. Les rites dans les religions africaines sont tr€s
prcieux pour l’quilibre et la communication des forces vitales.
II. 1. 4. Les esprits de la nature.
Contrairement au culte des anc.tres, prsid souvent par les chefs des familles, les chefs
des clans ou les chefs du village, voire le chef coutumier, le culte aux esprits de la nature n’est
prsid que par le sorcier, le thaumaturge ou le magicien du village. De fa.on gnrale, leur
r.le est vu ngativement bien que leurs exigences soient parfois les m.mes que celles des
mnes.
Les esprits de la nature sont soit malfiques quand ils sont invoqus par un sorcier
56Voir Isidore Ndaywel, Histoire gnrale du Congo., p. 115
57Pour plus de prcisions, on peut lire le petit livre de Placide Tempels, intitul "Philosophie Bantoue", paru en
1948. Rappelons en passant que lors de sa parution, ce livre avait t interdit par le pouvoir colonial. En ces
temps-l., les ides admises sur les Noirs taient celles du sociologue fran.ais Lucien Levy-Bruhl ( 1857-1939).
Largement influenc par Hegel pour qui l’Afrique, dpourvue d’criture, ne peut avoir d’histoire : elle n’est que
nuit et sommeil de l’humanit, Levy-Bruhl avait crit La mentalit€ primitive o. il diffrenciait la nature des
socits occidentales (volues) des socits primitives infrieures (prlogiques). Le petit ouvrage du p€re
TEMPELS, missionnaire franciscain au Congo/Za.re, ragissait, . l’poque contre l’ide que les Noirs n’ont
pas de pense propre, ce qui reviendrait . dire qu’ils ne sont pas des hommes. Bien au contraire, dit-il, les
Noirs ont, comme les Blancs, une philosophie propre; une philosophie qui repose essentiellement sur une
conception dynamique de l’.tre. Les occidentaux affirment que "l’.tre est ce qui est", "la ralit qui est"
(conception statique), les Bantu, pour leur part, affirment que l’.tre est "ce qui poss€de la force", "l’.tre est
force" (conception dynamique). Il y a une identification de l’.tre . la force. Toutes les conceptions de la vie
chez les Bantu sont centres autour de l’ide de "force vitale". Ainsi dans l’univers, chaque .tre est une force
singuli€re ; ces forces sont hirarchises : Dieu, les anc.tres fondateurs de la tribu, les esprits des dfunts, les
hommes vivants qui ont aussi leur hirarchie selon leur ge et leur force vitale, puis les forces animales et
vgtales. Les critiques avaient vite fait de dire que Placide Tempels faisait des Bantous, les "Monsieur
Jourdain" de la philosophie.
52
pour nuire . quelqu’un ; soit bnfiques quand ils sont invoqus par le gurisseur du village
contre une calamit pidmiologique. Dans ce dernier cas, tout le village se prosterne devant le
lieu suppos habit par l’esprit de la nature et le gurisseur attitr appelle l’esprit en agitant
l’offrande. Ce culte a lieu . n’importe quel moment et varie d’un milieu . un autre.
Les sorciers, quant . eux, les manipulent de nuit pour nuire par envotement ou par des
effets de "cauchemar"58.
Tout compte fait, l’animisme peut .tre dfini comme un syst€me de croyance en un
Etre Supr.me unique et invisible dont la force se manifeste . travers ses .tres subalternes :
anc.tres, vivants et nature, m.me inerte. Une croyance en un Dieu qui prot€ge contre les
forces malfiques, un Dieu qui gurit, un Dieu qui sauve… Autant de facteurs et valeurs
intrins€ques que les adeptes de religions traditionnelles retrouvent dans le christianisme. Un
christianisme qui a t implant en Afrique au mpris parfois de toutes ces valeurs intrins€ques
et sans considration de la culture et des traditions des autochtones.
58Pour plus de prcisions et de dtails, on peut lire Meinrad HEBGA, Sorcellerie, chim.re empirique, Prsence
africaine, Paris, 1975
53
II. 2. La Religion chr€tienne ou le christianisme
Le christianisme est, en dehors des religions traditionnelles bantu, la premi€re religion
trang€re qui s’est profondment implante en R.D. Congo.
L’histoire de la dcouverte de l’embouchure du fleuve Congo par le navigateur
portugais du nom de Diego Cao, au XV€me si€cle (1482), a toujours t lie . la premi€re
vanglisation et au bapt.me d’un roi Kongo, Nzinga Nkuvu (1491). Cette premi€re
vanglisation n’a pas pris racine . cause, entre autres, de sa complicit flagrante avec la traite
des esclaves.
C’est vers la fin du XVIII€me si.cle qu’on entre dans la priode de la deuxi.me
vanglisation avec deux nouveaux explorateurs, cossais et anglais : David Livingstone et
Henri Morton Stanley. Le premier est pasteur et mdecin, le second est journaliste de
profession. Cette nouvelle tape marquera le dbut de l’implantation des missions protestantes.
Les catholiques reprendront l’hgmonie apr.s la confrence de Berlin (1884-1885) qui
donnera tout le bassin du Congo au roi des Belges, Lopold II.
C’est en nous appuyant sur les mthodes de cette seconde vanglisation que nous
entendons orienter notre tude.
Nos sources sont principalement les tudes de Lon de Saint Moulin59 , Paul De
Meester60, et Bananga Munongo61.
59 Lon de Saint Moulin, s.j., - EGLISE ET SOCIETE Le discours socio-politique de l’Eglise catholique du
Congo (1956-1998), Tome 1, Facults Catholiques de Kinshasa, 1998. 495 pages.
- Idem, Oeuvres Compl.tes du Cardinal Malula, Centre des Archives Ecclsiastiques Abb Stfano Kaoze,
(C.A.E.K.), Facults Catholiques de Kinshasa, 1997, Sept Volumes, 2208 pages, 769 textes.
60Paul De Meester S.J. L’Eglise de J.sus Christ au Congo-Kinshasa, ditions Centre Interdiocsain de
Lubumbashi, 1997
61 Munongo Bananga, Aspects du protestantisme dans le Congo-Za.re Ind€pendant (1960-1990), Th€se de
Doctorat soutenue . l’universit Charles De Gaulle Lille III, Juin 2000, 420 pages.
54
II. 2. 1. L’Eglise catholique au Congo
Introduction
Trois tapes majeures valent la peine d’.tre suivies pour comprendre les mthodes de
l’implantation de l’Eglise catholique et la cohabitation entre les religions pendant cette priode
de la seconde vanglisation :
Le 9 septembre 1865, le Dcret de la Propagation de la foi confie . la congrgation du
Saint Esprit62 la mission de relancer l’vanglisation au Kongo, apr.s l’chec des missionnaires
Capucins italiens de la premi.re vanglisation (1835)
L’acte de la confrence de Berlin (1885) qui fixe les fronti.res intangibles du bassin
du Congo et qui divise le royaume Kongo en trois territoires : un premier territoire constitu
en Etat indpendant avec le roi des Belges, Lopold II comme chef de l’Etat, un deuxi.me aux
Portugais et un troisi.me aux Franais. Le territoire accord au roi des Belges, qui est l’objet
de notre tude, deviendra "Etat Indpendant du Congo (E.I.C.)"
Trois dcennies plus tard le roi des Belges cdera l’E.I.C. . la Belgique (1908). Ce
territoire prendra le nom de Congo belge jusqu’. son indpendance le 30 juin 1960. Du point
de vue de l’vanglisation, cette priode est celle d’enracinement et de recherche des voies
vers une inculturation de l’Evangile.
C’est dans cet ordre que nous allons articuler cette section.
II. 2. 1. 1. La relance de l’.vang.lisation par les Spiritains (1865 – 1890)
Le premier poste de relance de l’vanglisation en terre Kongo fut choisi . dessein dans
un territoire de l’enclave de Kabinda, hors de l’influence portugaise : la mission spiritaine de
Landana, fonde en 1873. Avant que les missionnaires spiritains n’aient eu le temps de
s’organiser et d’avoir un rayonnement considrable . l’intrieur du royaume, Henry Morton
Stanley dbarquait en 1877 avec des missionnaires protestants de la Livingstone Inland
Mission (L.I.M.) et de la Baptist Missionary Society (B.M.S.) . San Salvador. Ils prirent de
62 Voir Paul De Meester, L’Eglise de J.sus Christ au Congo-Kinshasa, ...., pp. 16-17.
La Congrgation . laquelle la "Propaganda Fide" confiera la responsabilit de relancer l’vanglisation avait
t fonde en 1703 par le P€re Poullart des Places. Elle avait pour charisme particulier de former des pr.tres
pour les "mes abandonnes". Elle fit fusion en 1843 avec une autre Congrgation, celle du Sacr-Coeur de
Marie fonde par Fran.ois Libermann, un juif converti qui fut lu Suprieur gnral de la nouvelle Socit.
55
vitesse les spiritains fran.ais qui ne purent envoyer le gros de leurs missionnaires qu’. partir de
1880, avec l’explorateur italien Brazza et le P. Carrie qui sera consacr v.que six ans plus
tard.
D’apr€s Paul de Meester la rivalit entre les deux explorateurs, l’italien Brazza qui tait
au service de la France et l’cossais Stanley qui tait au service de Lopold II, fit basculer la
prfrence des spiritains fran.ais vers Brazza. Cette rivalit sera . l’origine des conflits entre
catholiques et protestants en terre de mission.63 On ne peut d.s lors s’emp.cher de croire que
la confrence de Berlin qui viendra diviser le royaume en trois parties avait tenu compte de ces
rivalits entre les missionnaires protestants oeuvrant pour le compte du roi des Belges et les
missionnaires catholiques, avec Brazza, oeuvrant pour le compte de la France
II. 2. 1. 2. L’.vang.lisation sous l’Etat Ind.pendant du Congo
N avec la confrence de Berlin (1885), l’Etat Indpendant du Congo s’tendait sur un
tiers de l’ancien royaume Kongo auquel on avait annex la partie orientale du territoire
appartenant . d’autres anciens royaumes.64
Du point de vue de l’vanglisation, l’acte de la Confrence de Berlin qui avait garanti
la libert religieuse . tous les habitants avait du m.me coup donn l’occasion au roi des Belges
de redonner de l’avance aux missionnaires catholiques sur les missionnaires protestants qu’il
soutenait pourtant dans le conflit qui avait oppos Stanley . Brazza.
Les trois dcennies de l’E.I.C. constituent la priode de recherche des mthodes
d’implantation des deux Eglises "soeurs". La garantie de la libert religieuse par l’acte de la
confrence de Berlin et les mthodes d’implantation des Eglises catholique et protestantes en
pays de mission sont les deux points qui retiendront notre attention dans cette section.
63Voir Ibidem
De Meester crit : . La rivalit. entre les explorateurs et leurs commanditaires s’.tait hauss.e au niveau de
revendications territoriales entre la France et l’Etat du Congo en gestation. A cette .poque, le missionnaire
(catholique) devenait lui aussi, bon gr. mal gr., un pion dans ce jeu d’.checs serr.… .
64Notamment les royaumes Kuba, Luba et Lunda.
56
II. 2. 1. 2. 1. L’article VI de l’acte de Berlin garantissant la libert. religieuse.
L’chec qu’avait connu la premi.re vanglisation avec les missionnaires portugais
n’avait pas laiss indiffrents les participants . la confrence de Berlin. Runis du 15 novembre
1884 au 28 fvrier 1885, les reprsentants de 14 nations, sign.rent le 26 fvrier 1885, l’acte
dterminant le statut du bassin conventionnel du Congo. Le but de la runion tait, d.s le
dpart, de . r€gler les conditions les plus favorables au d€veloppement du commerce et la
civilisation dans certaines r€gions d’Afrique et assurer tous les peuples la libre navigation
sur le Niger et le Congo .65
Deux indices majeurs de leur dclaration finale nous donnent la preuve que les
Spiritains avaient suffisamment tenu compte des causes de l’chec des portugais de la premi€re
vanglisation :
Sur le plan social, l’acte final rit€re avec force l’interdiction de l’esclavage dans le
bassin du Congo ainsi que dans toute l’Afrique. Les missionnaires spiritains s’engageaient . y
amliorer les conditions matrielles et morales des indig€nes. Plus que tout, l’article VI de
cette dclaration finale stipule clairement : . Toutes les puissances exer.ant des droits de
souverainet€ dans lesdits territoires prot€geront et favoriseront, sans distinction de
nationalit€ et de culte, toutes les institutions et entreprises religieuses, scientifiques et
charitables. Les missionnaires chr€tiens, les savants, les explorateurs, seront €galement
l’objet d’une protection sp€ciale. La libert€ de conscience et la tol€rance religieuse sont
express€ment garanties aux indig.nes comme aux nationaux et aux €trangers. Le libre et
public exercice de tous les cultes, le droit d’€riger des €difices religieux et d’organiser des
missions appartenant tous les cultes, ne seront soumis aucune restriction ni entrave .66
On comprend, par ailleurs, qu’avec la prsence des missionnaires protestants dans le
bassin du Congo, la Confrence de Berlin ne pouvait s’abstenir de donner de pareilles
garanties. Il fallait bien viter les conflits de nationalits et de confessions religieuses, pareils .
ceux qui avaient oppos Stanley . Brazza et divis les spiritains entre eux, en fonction des
nationalits.
65 De Meester, op. cit., p. 24
57
Il para.t aussi vident que tenant compte de la mthode de la premi€re vanglisation,
cet article VI a t une garantie pour le respect des coutumes, des religions et des diverses
traditions africaines. Il posait ainsi des conditions favorables . la recherche de mthodes
d’vanglisation adaptes aux circonstances favorables . l’implantation de l’Evangile en pays
de mission.
II. 2. 1. 2. 2. Les M.thodes d’implantation de l’Eglise en pays de mission
L’implantation des Eglises catholique et protestantes de la seconde vanglisation
concide, dans sa phase active, avec l’entreprise coloniale du roi des Belges. L’article VI que
nous venons de rappeler avait dj. pos subrepticement les bases des mthodes d’implantation
de l’Eglise. La mthode qui partirait sur une autre base que le respect et l’panouissement de
tout homme et de tout l’homme n’avait pas sa place en pays de mission. Le but de
l’vanglisation tait l’annonce de la Parole de Dieu et la promotion humaine int.grale.
Il faudra cependant, reconna.tre certaines "ambiguts" dues . l’assistance mutuelle
entre l’Etat et les Eglises, m.me en contexte thorique de sparation entre les deux institutions.
La vieille chrtient congolaise est pleine de ces incidents ridicules et coupables de complicit
entre Eglise-Etat-Socit commerciale. Le secret de la confession, pour ne prendre que cet
exemple, fut pendant longtemps contest, vu certains emprisonnements ou licenciements sans
notification prcise, apr.s les aveux des chrtiens aux pr.tres.67
S’agissant des mthodes concr.tes mises sur pied pour atteindre le but de
l’vanglisation, . savoir, l’annonce de la Parole de Dieu et la promotion humaine intgrale,
66 Ibidem, p. 25
67 Citant F. Bontinck, Paul de Meester crit : . Dans le contexte pr€cis de l’histoire de l’E.I.C. le concours
mutuel que se pr.tent l’Etat, l’Eglise et les grandes soci€t€s industrielles et commerciales - l’entente de la
fameuse triade - est un fait que l’on ne doit plus avoir honte de reconna.tre loyalement. Il instaura une sorte
de r€gime de paix qui, tout prendre, joua un rle favorable l’implantation de l’Eglise dans le bassin du
Congo, rle plus ou moins analogue celui que remplit la "pax romana" en son temps, pour l’expansion du
christianisme dans le bassin m€diterran€en. D’aucuns souhaiteraient voir rappeler ici que, s’il y a
"collaboration" et "entente" de la "triade", il serait exag€r€, voire tendancieux de parler de "collusion
inconditionnelle", beaucoup d’historiens estiment qu’il y a l une interpr€tation partielle, qui laisse de ct€ un
bon nombre de faits . Voir Ibidem, pp. 25-26
58
une triade tait mise en place partout o. s’ouvrait un poste de mission, protestant ou
catholique : l’cole, l’h.pital (dispensaire), l’glise.
D’apr.s De Meester, il y avait un lger dsaccord en ce qui concernait la langue .
adopter comme vhicule de l’annonce de la Parole de Dieu et la promotion humaine intgrale,
Il crit : . Alors que l’administration voudra que les .coles n’enseignent que la langue du
pays colonisateur, les missionnaires s’efforceront de s’exprimer dans les langues de ceux
qu’ils .vang.lisent. Ils se font aider par des cat.chistes indig.nes que les administrateurs
verront d’un mauvais oeil, car ils .chappent . leur emprise... .68.
Cette situation tait beaucoup plus dlicate pour le Congo belge dont les colonisateurs
eux-m.mes avaient des rivalits linguistiques flamands-wallons. Si les missionnaires avaient
facilement opt pour les langues locales, c’est parce que l’ordre venait de Rome qui vitait, au
dpart, de retomber dans les dboires de la premi€re vanglisation. Opter pour une des
langues du pays colonisateur paraissait exclure de l’vanglisation, toutes les personnes ges
qui ne pouvaient plus apprendre ni le fran.ais, ni l’anglais, ni . fortiori le nerlandais.
Comme procdure, les missionnaires de Scheut commenc€rent par racheter les enfants
esclaves pour les instruire dans des "colonies scolaires" et ensuite des esclaves adultes pour les
regrouper dans des villages chrtiens. Ces villages chrtiens d’anciens esclaves devaient, dans
l’esprit de leurs fondateurs, permettre d’enraciner et de consolider la foi de ces nouveaux
chrtiens.
La seconde tape consistait . installer des catchistes dans les principaux villages. Ils
devenaient automatiquement chefs des communauts religieuses, s’occupant de l’instruction
des catchum€nes et dirigeant la pri€re pour les chrtiens de la place. Un pr.tre itinrant
supervisait leurs activits.
La troisi€me tape qui interviendra un peu plus tard avait consist . fonder le
catchumnat central tenu par les catchistes eux-m.mes et o. l’v.que pouvait venir
confirmer les chrtiens assidus aux sacrements.
68 Ibidem, p. 26
59
L’vanglisation dans l’E.I.C. a connu son meilleur accomplissement, bien que
rudimentaire, gr.ce . la bonne collaboration entre la "triade" Missionnaires-Religieuses-
Catchistes. De Meester crit : .Ce sont ces trois l qui, op€rant r€ellement de concert, ont
contribu€ au d€veloppement et la promotion humaine de l’homme africain - et qui avaient
jadis fait d€faut durant la premi.re €vang€lisation. Ce sont ces trois op€rateurs de l’Eglise
qui ont, chacun leur niveau pos€ l’infrastructure pour le bien-.tre des corps, de l’esprit et
de l’.me, seconde "triade" qui, jadis comme aujourd’hui, constituent les trois ples de tout
progr.s et de toute promotion humaine dans les centres urbains comme dans les zones et
collectivit€s rurales, savoir l’€glise, l’€cole et l’hpital. Triade qui encore aujourd’hui
synth€tise et symbolise tout ce que repr€sente le terme de "Mission".69
Entre la confrence de Berlin et l’clatement de la premi.re guerre mondiale qui fit
ralentir l’vanglisation par le manque d’hommes et de fonds, l’implantation de l’Eglise s’est
faite suivant cette mthode de base tr.s lmentaire que nous venons de dcrire. La priode de
la croissance, du rayonnement et de l’enracinement de l’Evangile dans l’ensemble du territoire
interviendra quand Lopold II cdera . la Belgique l’E.I.C. devenu Congo belge (1908).
II. 2. 1. 3. L’Evang.lisation du Congo belge (1914-1959)
Bien que la cession du territoire . la Belgique ait eu lieu en 1908, l’vnement qui a
trac la ligne de dmarcation dans l’histoire contemporaine de l’Eglise du Congo est la
premi.re guerre mondiale. Elle a, d’une part, confort la collaboration entre l’Etat et l’Eglise
en pays de mission, jusqu’. crer des quivoques entre la mission de l’un et de l’autre. D’autre
part, elle a sem un certain esprit imprialiste qui a fait na.tre la tendance . limiter la rflexion
thologique . la seule philosophie des dominateurs, tout en cartant le plus possible, les autres
formes de pense religieuse. Ce qui contredisait logiquement l’esprit de l’article VI de la
Confrence de Berlin qui tait pourtant maintenu et complt par de nouvelles dispositions
dans la Charte coloniale, notamment sur la libert de conscience et la tolrance religieuse
69Ibidem p. 136
60
expressment garanties aux indig€nes comme aux nationaux et aux trangers, chrtiens ou
musulmans.
Deux situations parmi tant d’autres, relatives aux conflits et aux contestations actuels
entre les religions au Congo, retiendront notre attention :
1. L’quivoque entre vanglisation et civilisation.
2. Des thologies . la hauteur de l’quivoque.
Nous nous inspirons pour cette section, des tudes du professeur Oscar Bimwenyi-
kweshi publies en 1981 sous le titre de . Discours th€ologique n€gro-africain. Probl.me des
fondements .70
II. 2. 1. 3. 1. L’.quivoque entre .vang.liser et civiliser
Nous avons vu prcdemment, comment la trilogie coloniale (Etat, Eglise et Socit
commerciale) collaborait pour grer l’E.I.C. afin d’atteindre le but que lui avait assign le roi-
souverain. Cette collaboration troite avait son incidence sur les mthodes adoptes .
l’poque, pour vangliser les indig€nes. Elle a provoqu quelque ambigu.t et quivoque
autour de ces deux axes majeurs de la colonisation : vanglisation et civilisation. Ces deux
actions devenaient, pendant la colonisation, les deux faces d’une m.me pi€ce. Il tait question
pour les Belges de civiliser en vanglisant et d’vangliser en civilisant.
Le premier lment . relever est que la Belgique qui avait hrit, . partir du 18 octobre
1908, de la proprit prive du Roi-Souverain n’avait pas jug opportun de modifier la teneur
de l’article VI de l’Acte de Berlin que nous avons rappel prcdemment. Bien au contraire,
elle avait raffirm la place prpondrante des missions chrtiennes et la protection spciale
due aux missionnaires chrtiens.
70 Oscar Bimwenyi-Kweshi, Discours th€ologique n€gro-africain. Probl.me des fondements, Prsence
Africaine, Paris, 1981, 681 pages. Oscar Bimwenyi-Kweshi est un pr.tre du dioc€se de Lwebo, dans la province
ecclsiastique du Kasa., au Congo Dmocratique. Docteur en thologie de l’Universit Catholique de Louvain,
il a t professeur aux Facults Catholiques de Kinshasa apr€s un mandat de 5 ans en qualit de secrtaire
gnral de la Confrence Episcopale du Za.re (1981-1986).
61
Le second lment est qu’une convention tait signe entre la Belgique et le Saint-
Si.ge le 26 mai 1906, confiant tout l’enseignement pour les Africains aux seules missions
catholiques, sous le contr.le et avec l’aide de l’Etat. A travers cette convention, le roi des
Belges visait . limiter la prsence des missions protestantes, de provenance britannique, . la
seule vanglisation.
La convention recommandait une harmonie parfaite, . tous les chelons, entre
missionnaires catholiques et reprsentants du pouvoir colonial.71. Dans cette optique, seuls les
missionnaires catholiques avaient la responsabilit d’entreprendre pour le compte de l’Etat et
moyennant indemnit, . certains travaux sp.cifiques d’ordre scientifique rentrant dans leur
comp.tence, tels que les reconnaissances ou .tudes g.ographiques, ethnologiques,
linguistiques etc. .72
Ces deux lments, montrent bien que l’vanglisation pouvait devenir pour les
"civilisateurs" belges, un instrument, un moyen, un "facteur d’une politique" con.ue par les
puissances coloniales. O. Bimwenyi dit, . ce propos que . trop de solidarit€s jouent pour qu’il
ne soit pas tr.s difficile de "dissocier" mission et colonie dans l’esprit des missionnaires et
dans l’esprit de la population congolaise. (...) Trop de solidarit€s, qui ne seront pas toujours
"objectives". (...) A cause de cette €quivoque fondamentale, aventure coloniale et exploits
missionnaires sont per.us comme des strophes d’une m.me €pop€e dont on se f€licite
€galement .73
Apr€s tout, on ne pourrait pas dire que les choses se soient passes diffremment avec
les premiers moines qui ont vanglis l’Europe. La diffrence rside simplement dans les
mthodes utilises pour arriver au double but : civiliser en vanglisant. Les deux textes qui
suivent, slectionns parmi tant d’autres confirment l’quivoque entretenue volontairement
entre civiliser et vangliser :
. Voil. donc plus de trois mille noirs soumis . l’action et . l’influence constante
des missionnaires, cette influence directe de tous les jours et de tous les instants sur le noir
71Voir Ibidem . p. 13
72F. De Meeus et R. Steenberghen, Les Missions religieuses au Congo belge, p. 38, cit par O.Bimwenyi, (en
note), op.cit. p. 134
62
est le moyen le plus efficace et le plus exp€ditif, notre avis, pour €tablir la religion dans le
pays d’une fa.on solide et durable. Qu’on ne vienne pas nous d€biter les avantages de la
libert€, car les N.gres ne savent qu’en abuser ; ce sont des grands enfants qu’il faut conduire
et qui aiment .tre men€s, parce qu’ils s’en trouvent bien. C’est pourquoi toute la besogne
des missionnaires de ce district consiste €vang€liser et €duquer les Noirs des missions..
. Oui, nous avons €t€, au Congo, des messagers de paix et de progr.s. Oui, nous
avons affranchi les Noirs des entraves de leur antique isolement et nous continuons les
conduire vers la civilisation totale. Oui, nous avons su "dominer pour servir" ; nous avons su
agir en peuple "imp€rial"..
. Nos trois mille missionnaires en sont, eux seuls, un t€moignage vivant. Il n’est
pas une puissance coloniale au monde qui ait, comme nous, d€l€gu€ une telle proportion de
ses enfants au service d€sint€ress€ des indig.nes. Certes, le missionnaire belge partant pour
le Congo, n’est pas un fonctionnaire. En soi, il ne cherche pas directement la grandeur de
son pays, il est avant tout le serviteur de Dieu et des .mes. Mais quoi qu’il fasse, il reste le
don de la Belgique aux Noirs du Congo, il s’encadre dans notre oeuvre coloniale, il est l’un
de ceux qui font des Belges un peuple g€n€reux, et il peut s’en r€jouir. .74.
II. 2. 1. 3. 2. Des th.ologies . la hauteur de l’.quivoque
La collusion flagrante, orchestre par le syst€me colonial, entre vanglisation et
colonisation avait cr, du point de vue thologique, un syst€me de pense qui tait plus
tributaire des idaux civilisateurs qu’vangliques : une esp€ce de "csaropapisme"
thologique.
La pense missionnaire coloniale est passe d’une thologie du "salut des mes" . une
thologie de l’"adaptation" et des "pierres d’attente", en passant par l’tape intermdiaire d’une
thologie de l’implantation de l’Eglise.
Nous allons les dcrire bri€vement pour comprendre pourquoi apr€s l’poque coloniale,
il a t ncessaire et opportun de penser . une thologie de l’inculturation qui tiendrait compte
73 Cit par O.Bimwenyi, Ibidem p. 155
63
de l’vanglis dans son double hritage : "fid.le au Christ sans cesser d’.tre Africain, fid.le
. l’Afrique sans trahir le Christ". C’est dans ce double hritage que se retrouvent toutes les
tendances religieuses en instance de dialogue oecumnique au Congo.
- Une thologie du "salut des .mes" : "sauver les .mes"et " gagner les .mes au Christ"
taient la premi.re proccupation lgitime de toutes les missions de l’poque coloniale depuis
le XV€me jusqu’au dbut du XX€me si€cle. En 1919, le pape Beno.t XV dans son encyclique
Maximum Illud exhortait les missionnaires . . gagner au Christ le plus d’.mes possible .. Il y
rappelait aussi les exploits de ceux de l’poque de la dcouverte de l’Amrique. Il crivait :
. Une arm.e de missionnaires se l.ve pour arracher les pitoyables tribus indig.nes . l’atroce
esclavage des d.mons tout en les prot.geant contre l’exploitation des ma.tres sans
conscience .75
- Une thologie de "l’implantation de l’Eglise" : la priorit tait d’organiser les
structures de l’Eglise pour mieux canaliser les mes vers le Christ. Cette nouvelle donne avait
tourn la pense missionnaire vers une proccupation ecclsiologique. En effet, la plupart des
documents pontificaux depuis les annes 1920 portent un accent particulier sur "l’implantation
de l’Eglise" chez les peuples des pays de mission. Il s’agissait d’difier, d’implanter l’Eglise
solidement, . telle qu’elle est r.alis.e en Occident aussi bien dans son personnel, dans ses
oeuvres que dans ses m.thodes .. Pie XI dans son Encyclique du 28 fvrier 1926, Rerum
Ecclesiae, donne des directives prcises sur le "pourquoi" des missions : . (...) €tablir et
fonder solidement l’Eglise de Dieu (...) par tous les m.mes €l€ments dont elle fut constitu€e
autrefois chez nous, savoir par les fid.les, le clerg€, les religieux et les religieuses de
chaque nation (...)76.
Pie XII insistera aussi sur la formation du clerg local. Pour lui, le "but propre" des
missions catholiques est : . d’tablir solidement l’Eglise en des terres nouvelles de mani.re
qu’elle s’y trouve capable, y ayant de profondes racines, de vivre par elle-m.me, sans le
secours de pr.tres €trangers (...) .77
74 Ibidem p. 136
75 Ibidem
76 Pie XI, Encyclique, Rerum Ecclesiae, du 28 fvrier 1926, cit ici par O.BIMWENYI, Ibidem , p. 164
77 Pie XII : Cette pense se retrouve dans la plupart de ses crits pontificaux, notamment dans les deux
encycliques missionnaires : Evangelii Proecones du 2 juin 1951 et Fidei Donum du 21 avril 1957.
64
La note finale de cette pense ecclsiologique viendra du pape Jean XXIII dans son
Encyclique du 28 novembre 1959, Princeps Pastorum sur les missions catholiques : . le "but
final" du travail missionnaire est d’.tablir de faon stable l’Eglise parmi les autres peuples et
de la confier . une hi.rarchie propre .78
- Une thologie de l’ "adaptation" et des "pierres d’attente" : deux tapes majeures de
la pense missionnaire taient progressivement franchies. Les mes sont sauves, l’Eglise est
implante. Il s’agit maintenant de donner . cette Eglise, un visage africain.
La thologie de l’ "adaptation" et des "pierres d’attente" est celle qui utilise un discours
sur Dieu en tenant compte du destinataire. On cherche dans le terroir des pays de mission, les
valeurs traditionnelles qu’on peut christianiser : ce sont l. les "pierres d’attente". Les valeurs
prcieuses qui n’attendent qu’un coup de brosse pour rayonner dans l’univers de la chrtient.
II. 2. 1. 4. Vers un visage africain du christianisme : effort d’inculturation.
Dans l’avant-propos au dossier "Mission de l’Eglise", "Le Cardinal Malula, mod.le ou
source d’inspiration ?", Maurice Cheza crit : . Kinshasa n’est ni Paris, ni Bruxelles, mais les
oeuvres de l’Esprit y sont pr.sentes et peuvent faire l’objet de l’admiration et de l’action de
gr.ces des chr.tiens de partout .79. M. Cheza reprenait en d’autres mots une formule cl.bre
de ce m.me cardinal Malula qui disait : . Hier les missionnaires ont christianis. l’Afrique,
l’Esprit de Dieu .tait avec eux. Aujourd’hui les N.gro-Africains sont appel.s . africaniser le
christianisme. Le m.me Esprit de Dieu sera avec eux .80
Cette double vocation est pour nous une faon de dire qu’on ne peut pas parler d’un
visage africain du christianisme en contournant ce grand homme et proph.te d’Eglise
catholique au Congo. Les propos qu’il avait tenus le jour de son ordination piscopale, le 20
septembre 1959, auront fait de lui le proph.te de l’africanisation du christianisme : . Une
Eglise congolaise dans un Etat congolais ..
78Jean XXIII, Encycl. Princeps Pastorum du 28 novembre 1959 , cit ici par O. BIMWENYI, op. cit€., p. 165
79 Voir Revue Mission de l’Eglise, Supplment du numro 126, Janvier 2000. p. 2
80 Voir Oeuvres Compl€tes du Cardinal Malula, t.3, p. 4
65
Nous allons voquer dans cette section quelques-unes de ses grandes actions qui ont
donn un nouveau souffle . l’Eglise catholique du Congo et d’Afrique. Nous nous inspirons
des "Oeuvres Compl.tes du Cardinal Malula" en 7 volumes, rassembles et prsentes par
Lon de Saint Moulin. Nous nous bornerons . dfinir les contours de l’inculturation . travers
ses paradigmes les plus marquants au Congo.
Cette tude nous aidera . comprendre, un tant soit peu, le rapprochement thologique
qui existe entre l’Eglise catholique et les Eglises dites afro-chrtiennes. Ce qui est, . nos yeux,
un facteur important pour l’analyse des points d’ancrage pour un dialogue oecumnique
quilibr.
1. Thologie africaine ou "africanisation" de la thologie ?
2. L’ inculturation de la liturgie : le rite "za.rois" de la messe.
II. 2. 1. 4. 1.Th€ologie "africaine" ou "africanisation" de la th€ologie ?
Le mouvement de l’inculturation au Congo est l’pigone de la thologie du "salut des
.mes", de l’"adaptation" et des "pierres d’attente". Il est n en m.me temps que les
mouvements politiques nationalistes qui accusaient le christianisme de perptuer en Afrique,
sous le couvert de la foi, l’imprialisme occidental et l’alination. Ces accusations ont
contribu . dclencher le rveil des Eglises chrtiennes (catholique et protestante), . se rendre
compte de la t.che qui leur incombait pour la survie du christianisme en Afrique : . En
Afrique, le christianisme sera africain ou ne sera pas .. Cette conviction sera confirme par le
pape Paul VI dans son allocution en terre d’Afrique pour la cration du S.C.E.A.M.
(Symposium des Confrences Episcopales d’Afrique et de Madagascar).
En 1969 . Kampala, Paul VI dira : . Africains, vous pouvez et devez avoir un
christianisme africain (...). C’est maintenant vous d’.tre vos propres missionnaires .. Ces
mots du pape cl.turaient dfinitivement l’€re missionnaire en Afrique. En effet, avant m.me
que le pape ne prononce officiellement ce mot de "christianisme africain", la premi€re
gnration des thologiens africains dont faisait partie le futur cardinal Malula rflchissait
autour de la question suivante : . Peut-on .tre vraiment authentiquement chr€tien en
continuant d’€voluer dans le cadre institutionnel, €pist€mologique et esth€tique de
66
l’Occident? N’existe-t-il qu’une faon uniformis.e de faire la science, de croire, de c.l.brer,
de vivre… .81
En 1956, la question s’exprimait clairement pour la premi.re fois dans l’ouvrage intitul
"Des pr.tres noirs s’interrogent"82. Au cours de cette m.me anne, il y eut la fondation de la
Facult de Thologie . l’Universit Lovanium de Kinshasa. C’tait dsormais le cadre idal
d’o. partiraient les germes d’une thologie "africaine" . venir83
En 1960, un "dbat", rest historique autour de la possibilit d’une "thologie africaine"
ou d’une "thologie de couleur africaine", sera dclench . Kinshasa. Deux positions nettement
tranches vont s’y exprimer. L’une reprsente par un pr.tre-tudiant et l’autre par le doyen de
la nouvelle facult de thologie.84. Ce dbat de Kinshasa veillera de plus en plus la conscience
des thologiens africains . travers tout le continent. Parmi eux, un pr.tre jsuite camerounais,
81Metena M’Nteba, "L’inculturation dans la tierce-Eglise. Pentec.te de Dieu ou revanche des cultures ?",
CONCILIUM, Cahier Spcial 1992-239 (Vers le synode africain), p. 182
82Voir DES PRETRES NOIRS S’INTERROGENT, (document - Coll. Rencontres, 47), 2e d., Cerf, Paris (1957).
"Enqu.te et controverse en Asie :"Naturaliser" le Christianisme ? " in I.C.I., n.193 ( 1-6-1963) pp. 17-28
83 O.Bimwenyi crit : . A. Vanneste, Doyen de la nouvelle facult€, exprimait l’espoir, pour ses €tudiants, d’une
€ventuelle . th€ologie africaine . dans cette perspective des" pierres d’attente". "On peut esp€rer, pensait-il,
que, gr.ce ce travail pers€v€rant, la pens€e personnelle, qui s’€veillera ainsi chez les €tudiants, conduira un
jour vers une vraie "th€ologie africaine", capable d’int€grer dans la conception chr€tienne du monde toutes
les valeurs africaines authentiques, d€pos€es dans l’.me de ces peuples comme autant de "pierres d’attente"
de la r€v€lation .
84* Celle reprsente par Tharcice Tshibangu pr.tre diocsain, tudiant inscrit en licence en thologie :
favorable . l’av€nement d’une "thologie de couleur africaine" dont la possibilit semblait lie . la
reconnaissance, dans la culture africaine, d’un "syst€me et un cadre de pense propre", "original par certaines
accentuations du moins". Tout en admettant l’identit de la rvlation de dpart et l’universalit des principes
de la raison humaine, m.me au niveau de travail scientifique, on pouvait esprer .tre fond . parler un jour de
"thologie africaine" dans le sens o. J. Danilou a parl d’une "thologie judo-chrtienne", ou celui o. l’on
parle d’une "thologie occidentale" par rapport . la "thologie orientale".
* L’autre, reprsente par Alfred Vanneste, doyen et fondateur de la facult de thologie : protagoniste d’une
"thologie universelle ou mondiale" pour qui l’ "africanisation" ne peut toucher de la thologie que les tapes
infrieures, les niveaux secondaires (catchistique, pastorale, morale, homiltique, etc.). Rien ne peut venir
perturber la srnit des secteurs proprement thologiques ou "scientifiques", qui sont "universels". A ces
niveaux, les thologiens africains n’avaient qu’. prendre part au travail dj. en cours tel que leurs coll.gues
europens et amricains le conduisent depuis des si.cles. Il crira plus tard : . Pour ce qui concerne
"l’africanisation" ou "l’asianisation" de la th€ologie, j’ai toujours l’impression que, de fait, c’est finalement
sur le plan doctrinal que l’on cherche situer le probl.me. Tout le monde reconna.t qu’il est important
d’€laborer une th€ologie pratique et une casuistique adapt€e aux circonstances locales, mais ceux qui pensent
une vraie th€ologie africaine me semblent nourrir des r.ves plus ambitieux ils esp.rent que de la
confrontation du christianisme avec la sagesse des peuples africains na.tra "nouvelle" th€ologie chr€tienne,
profond€ment originale par rapport la pens€e chr€tienne traditionnelle ..
Ce dbat de Kinshasa rappelle comme l’observait le Pasteur Thomas Ekollo, les querelles thologiques du XVI€
si€cle que l’Occident a transport en Afrique. (V.Marteil : L’Islam Noir).
67
M. Hebga, crira dans son ouvrage intitul Emancipation d’Eglises sous tutelle : Nous
voulons J.sus Christ comme r.f.rence supr.me unique .85.
M. Hebga part de la th€se selon laquelle le christianisme n’est pas une religion
occidentale, mais orientale. Seulement, l’Occident s’en est accapar au cours de l’histoire, lui
a imprim le sceau indlbile de sa philosophie, de son droit, de sa culture. C’est son droit le
plus lgitime. Pourquoi cet Occident doit-il prtendre aujourd’hui imposer aux autres peuples
du monde tard venus . la foi en Jsus Christ cet emballage culturel et historique du
christianisme occidental comme constitutif du noyau ? N’est-ce pas l. une entreprise indue ?
Hebga pense, somme toute, que l’av€nement d’un christianisme africain suppose que
les Africains s’mancipent de la "tutelle" et de l’appropriation culturelle du christianisme par
l’Occident. Qu’ils retournent au noyau oriental originel et lui impriment . leur tour le sceau
indlbile de leur "africanit" profonde. Il faudra pour cela relativiser l’appareil aristotlico-
thomiste par l’puration de la foi en Jsus-Christ des us et coutumes gaulois, grco-romains,
lusitaniens, espagnols, allemands, christianiss et quasi diviniss par l’Europe.86
85 M. Hebga, Emancipation d’Eglise sous tutelle, Paris, 1976, p. 160
86En 1980, un des protagonistes du dbat de 1960, Tharcice Tshibangu, devenu depuis lors recteur de
l’universit nationale du Za.re et v.que auxiliaire de l’archidioc€se de Kinshasa, dclarera le dbat clos avec la
soutenance d’une importante th€se de Doctorat en Thologie, sous le titre : Discours Th€ologique n€gro-
africain. Probl.me des fondements. Il crit dans la prface de la publication de cette th€se : . Nous
consid€rons pour notre part que ce travail, qui synth€tise les €l€ments de la probl€matique d’une th€ologie
africaine, clture le d€bat de principe sur la possibilit€ et la l€gitimit€ d’une €laboration th€ologique africaine
sp€cifiquement marqu€e. Le moment est venu pour les chercheurs et penseurs africains de passer la finalit€
essentielle : celle de "faire la th€ologie africaine" par des actes d’engagement intellectuel et vital face
chacun des myst.res constituant l’ensemble du donn€ r€v€l€ du christianisme . Voir prface p. 10.
En effet, d’apr€s les analyses de Mgr Tshibangu lui-m.me, la th€se qui cl.ture le dbat de principe autour de la
possibilit d’une . thologie africaine . a le mrite de prsenter deux vises principales de la question :
- Une vise de dsalination o. l’auteur dnonce l’alination culturelle africaine, due principalement .
l’intrusion de l’Europe en Afrique et . la domination de la culture occidentale impose sans mnagement aux
Africains. Il affirme la validit des principes culturels africains, et dclare que, sur le plan religieux, la culture
occidentale ne peut .tre l’ . unique vhicule valable du christianisme ..
- L’autre vise fondamentale est celle de la prise de conscience scientifique du fait que les valeurs de
l’africanit peuvent valablement, et adquatement . leur point de vue spcifique, soutenir l’laboration, puis la
formulation d’une authentique thologie chrtienne.
L’autre mrite est que l’auteur de la th€se prcise les conditions et tapes successives devant conduire .
l’av€nement d’un vritable Discours Thologique Africain : lever l’quivoque chrtienne en situation coloniale
; reprendre l’initiative en s’attachant . assumer les valeurs critiques reconnues de la "Ngritude " en vue de la
ralisation de la thologie africaine ; promouvoir un discours thologique africain sur les lois du langage
humain et du langage religieux, - la thologie tant une discipline scientifique essentiellement hermneutique
et donc une "science de l’interprtation"- ; conditionner le langage thologique africain par l’enracinement
anthropologique existentiel distinct d’autres enracinements.
68
Ainsi pos ce probl.me des fondements, les pasteurs n’avaient qu’. s’occuper de
l’africanisation de ce que A.Vanneste appelait "tapes infrieures" de la thologie, telle que la
liturgie, les sacrements, la spiritualit...
Entre autres initiatives, le cardinal Malula, archev.que de Kinshasa et acteur
incontournable de l’inculturation et de l’africanisation, lancera le rite za.rois de la messe.
N’ayant pas l’opportunit d’en parler longuement dans un travail qui ne consiste qu’. faire
l’tat de la situation des religions au Congo, nous n’en donnerons qu’un tr.s bref rsum.
II. 2. 1. 4. 2. L’inculturation de la liturgie : cas du rite za.rois de la messe
Au sujet du rite za.rois de la messe, son promoteur le cardinal Malula disait que c’tait
pour lui une question de droit. Ce rite tait, . ses yeux, une composante naturelle de la
clbration eucharistique au Za.re. . On ne peut plus penser Eglise au Za.re sans rite za.rois
de la messe, €crivait-il, c’est la volont€ de la majorit€ de notre peuple chr€tien ; c’est son
droit le plus strict d’avoir un rite correspondant sa sensibilit€ religieuse. .87 C’est par ce
rite qu’un Africain arrive . prier avec son .me et son corps.
En effet, le rite de la messe que l’on appelle en Afrique "messe zaroise" a t approuv
par Rome sous le titre de "Missel romain pour les dioc.ses du Za.re" le 30 avril 1988. Par
rapport . la liturgie romaine habituelle88, les principales modifications sont les suivantes :
- Le dbut de la clbration inclut l’invocation des saints et des anc.tres au coeur droit.
Cela rpond . une certaine philosophie bantu qui accorde aux anc.tres qui ont bien vcu, une
place de choix dans la hirarchie pyramidale des forces vitales.
87 Cardinal Malula, Oeuvres Compl.tes, tome II, p. 109
88 Schma classique de la messe : prparation pnitentielle, aspersion, gloria, liturgie de la parole, homlie,
profession de foi, liturgie eucharistique, geste de paix, communion…
- Schma de la messe "za.roise" : invocation des saints et des anc.tres, liturgie de la parole, homlie, profession
de foi, prparation pnitentielle, aspersion, geste de paix, gloria, liturgie eucharistique, communion.
Ce schma suit une certaine logique de la palabre africaine. Le chef de clan qui convoque les membres
commence toujours par invoquer les anc.tres, hros du clan. Il redit les paroles de sagesse attribues . ces
derniers qu’il actualise en tenant compte du mobile de l’assemble du jour. Les membres du clan se
reconnaissent dans cette sagesse et chacun avoue ses fautes en demandant pardon aux anc.tres et . ses fr€res et
soeurs de sang.
Le patriarche ordonne ensuite que chacun se lave les mains, signe de la rconciliation, suivi d’un geste de paix.
C’est seulement apr€s que peut intervenir la danse . la gloire des anc.tres et pour clbrer la paix retrouve.
69
- La dmarche pnitentielle se situe apr€s l’homlie et la profession de foi. Cet
emplacement suit le schma de la palabre traditionnelle. Avant de demander pardon, on coute
les instructions du sage qui rappelle le bon ordre de la socit, on professe son dsir et son
attachement irrvocable . ladite socit et on demande pardon pour ses garements.
- Vient ensuite l’aspersion comme rappel du bapt.me, symbole de la purification et du
pardon accord avant de procder . l’change avec joie, du geste de la paix. C’est apr€s le
geste de paix qu’on prpare les offrandes pour le repas communautaire.
- Les v.tements liturgiques du clbrant rpondent . des motifs du sacr : chasuble et
tole bigarres, avec beaucoup d’arabesques comme symbole de l’invisible dans le visible. Le
pr.tre est parfois coiff d’un chapeau, et tient en main un sceptre ou un chasse-mouche, signe
du pouvoir et de l’autorit qu’il exerce au nom du Christ.
- Une messe za.roise dure au minimum deux heures. Elle peut durer jusqu’. quatre
heures quand l’assemble est importante, la manifestation grandiose et le clbrant prolixe.
Telle est la derni€re tape de l'volution de la pense thologique en Rpublique Dmocratique
du Congo. Evolution qui a commenc en 1914 avec la thologie du salut des mes jusqu'au 30
avril 1988 date de l'approbation par Rome d'un rite de la messe qui correspond aux attentes des
chrtiens d'une Eglise particuli€re. Cette approbation marque aussi la fin des polmiques autour
de la thologie de l'inculturation. Il reste . poser des jalons clairs, en diverses orientations pour
que cette thologie fasse du chemin sans trop d'embuches.
Un repas familial vient clore cette runion de famille avant que chacun ne retourne chez soi.
70
Conclusion
Il ne nous a pas t facile de rsumer en quelques pages l'histoire d’une Eglise qui
cl.bre cette anne ses 514 ans d’existence, depuis le bapt.me d'un roi Kongo, Nzinga Nkuvu
en 1491. Cependant, nous avons tenu . faire ce parcours dense en nous efforant de discerner
les traits caractristiques qui marquent cette vanglisation aux multiples facettes. Tout en
restant sur la ligne de notre problmatique de base, nous avons essay d’analyser certains
comportements qui ont d favoriser la naissance des communauts sectaires dont les
fondateurs sont pour la plupart, les anciens collaborateurs des missionnaires. Nous ne sommes
pas rests indiffrents devant certaines autres attitudes lies . la politique coloniale. Attitudes
qui ont compromis la collaboration troite entre l’Eglise catholique et l’Eglise protestante, et
qui continue . lui faire obstacle.
Il nous reste . porter ce m.me regard rtrospectif, sur les Eglises protestantes, avant de
prsenter les Eglises afro-chrtiennes et l’islam. Ce tableau nous aidera . comprendre les
enjeux du dialogue oecumnique et interreligieux qui est une piste . baliser pour l'volution de
la thologie de l'inculturation.
71
II. 2. 2. Les Eglises protestantes au Congo
Les premi.res missions protestantes au Congo furent l’oeuvre de la Livingstone Inland
Mission (L.I.M.), cre . Londres en 1877. "Livingstone" est le nom que Stanley avait donn
au fleuve que les autochtones appelaient "Nzadi" (Za.re), redevenu aujourd’hui "le fleuve
Congo". La L.I.M. sera rejointe plus tard par la Baptist Missionary Society (B.M.S.) dj.
implante au Cameroun depuis 1844.
Coince par les possibilits financi€res, la L.I.M. cda ses postes de mission au Congo .
une entreprise amricaine, l’American Baptist Foreign Mission Society, qui lui succda . partir
de 1912. L’ide de continuer l’oeuvre de la L.I.M. dans la partie ouest du Congo donna
naissance . une nouvelle communaut qui prendra le nom de Communaut€ Baptiste du Congo-
Ouest (CBCO). Au sud-est du Congo, notamment au Katanga, c’est une autre communaut
qui s’occupa de l’vanglisation: la Communaut€ M€thodiste Unie au Sud-Congo (CMUSC).
D’autres communauts na.tront apr€s, mais celles-ci sont reconnues comme pionni€res de
l’vanglisation au Congo.
A l’instar de l’Eglise catholique, aucune de ces Eglises protestantes n’chappera au
virus de "l’africanisation" qui naissait en m.me temps que le mouvement de l’indpendance.
L’volution politique du Congo-Kinshasa avait russi . jeter un conflit entre les pasteurs
europens et congolais. La solution du conflit passait par une nouvelle structure de toutes ces
Eglises. Ce sera la cration de l’Eglise du Christ au Congo (ECC), toutes en une. Trois aspects
de ce protestantisme au Congo ont particuli€rement retenu notre attention :
1. L’implantation difficile des missions protestantes sous Lopold II (Etat
Indpendant du Congo).
2. La stratgie de maintien des missions protestantes au Congo belge.
3. L’africanisation des structures d’Eglise au Congo Indpendant.
Nos sources sont les tudes de E. M. Braekman89, celles de Ph. Kabongo-Mbaya90 et
celles de Munongo Bananga91.
89 E.M. Braekman, Histoire du protestantisme au Congo, Bruxelles, 1961, 2 vol.
90 P. Kabongo Mbaya, L’Eglise du Christ au Zare. Formation et adaptation d’un protestantisme en situation de
dictature, Paris, Karthala, 1992.
72
II. 2. 2. 1. L’implantation "difficile" des missions protestantes sous L.opold II
Le professeur Ndaywel crit : . l’implantation du protestantisme au XIXe si.cle, plus
ancienne que celle du catholicisme, a connu un tout autre rythme. Non seulement elle n’a pas
b.n.fici. de l’appui politique du Souverain de l’E.I.C., mais elle a m.me .t. combattue, tout
en n’.tant pas . l’abri de dissensions internes. (...), la diversit. de charisme religieux venait
s’ajouter . la diversit. des nationalit.s des missionnaires en pr.sence .92.
Nous essayerons de comprendre, en deux points, les raisons profondes de cette
politique anti-protestante du souverain-roi des Belges:
1. La gen€se de la politique anti-protestante de Lopold II.
2. L’astuce "lopoldienne" pour exclure les protestants.
II. 2. 2. 1. 1. La gen.se de la politique anti-protestante de L€opold II
De 1885 . 1890, soit les cinq premi.res annes de L’Etat Indpendant du Congo, la
politique gnrale du roi Lopold II tait sans quivoque pour les deux types de mission,
protestante et catholique. Elle consistait . accorder de vastes concessions aux entreprises
commerciales pour l’exploitation des richesses naturelles et aux missions pour l’vanglisation
et l’ducation de la population congolaise.
La "trilogie coloniale" : Etat-Eglises-Entreprises ne souffrait aucune discrimination en
mati.re de politique fonci.re. L’exploitation abusive des richesses par les entreprises ne tenait
plus compte des r.gles morales qu’enseignaient les glises. Cela ne pouvait que dstabiliser
l’harmonie au sein de la "trilogie coloniale". Alors que les missionnaires catholiques, en
majorit belges, ne pouvaient dire mot, les missionnaires protestants, se mirent, quant . eux .
dnoncer dans les revues missionnaires qu’ils publiaient, tous ces abus de l’exploitation des
richesses du Congo. Une campagne "anti-congolaise" ou "anti-lopoldienne" fut inaugure .
Londres, patrie de la plupart des missionnaires protestants qui oeuvraient au Congo. C’est dans
ce contexte que naquit la politique anti-protestante de Lopold II. Celui-ci commena par une
contre-offensive qui consistait . encourager des congrgations catholiques anglophones .
91Munongo Bananga, Aspects du protestantisme dans le Congo-Za.re ind€pendant, Th€se de doctorat en
Histoire, soutenue en juin 2000 devant le jury de l’Universit Charles De Gaule, Lille III.
92 Isidore Ndaywel, Histoire g€n€rale du Congo, p. 348
73
s’installer au Congo. Ensuite, pour ne pas donner l’impression d’.tre contre l’Angleterre et les
protestants de faon gnrale, Lopold II sanctionna tout le monde en supprimant le droit du
propritaire de terres. Les missions, catholiques et protestantes, n’taient plus que locataires
des terres. Toute nouvelle expansion missionnaire dpendait dsormais du bon vouloir de la
souverainet royale.
Cette mesure visait, on peut s’en douter, . emp.cher l’expansion des missions
protestantes. Les protestants avaient eux-m.mes compris qu’il s’agissait d’une nouvelle
offensive destine . les dstabiliser.
Les missionnaires catholiques avaient fini par faire bloc avec leur roi, non seulement
parce qu’ils taient "sujets du souverain des belges", mais surtout parce que la dnonciation
par les protestants dans leurs revues de Londres visait aussi les mthodes utilises dans les
"fermes-chapelles" des jsuites. Ils critiquaient la faon dont on traitait les personnes recueillies
dans des missions catholiques93
II. 2. 2. 1. 2. L’astuce "l.opoldienne" pour exclure les protestants
La franc-ma.onnerie belge, qui devenait tr€s influente aupr€s du monarque avait aussi
sa part dans cette politique de dstabilisation des missions au Congo. C’est en tablissant le
lien entre les diffrentes dcisions du roi que les congrgations missionnaires s’en taient rendu
compte.
Embarrass par la vigoureuse raction et l’organisation des missionnaires catholiques
belges autour de Mgr Camille Van Ronsl, vicaire apostolique de l’E.I.C., Lopold II et ses
collaborateurs furent obligs de trouver une astuce pour ne dcourager que l’expansion des
missions protestantes au Congo.
La logique de dpart, d’apr€s les analyses du professeur Ndaywel, est la suivante :
. Conc€der des terres aux catholiques signifiait en conc€der aux "€trangers" protestants qui,
d’apr.s eux, risquaient d’envahir l’Etat. Il fallait trouver une astuce pour privil€gier les
compatriotes tout en €chappant aux protestations €ventuelles de l’Angleterre et des autres
93 Pour plus de prcisions, lire Philippe Kabongo-Mbaya, op.cit. et Isidore Ndaywel, Ibidem ,
pp. 348-351
74
Etats signataires de l’Acte g.n.ral de Berlin. La seule solution fut de mettre au point un
programme que les Anglais protestants n’accepteraient pas et ne pourraient .tre en mesure
d’accepter et de faire de cette acceptation la condition n.cessaire pour avoir droit . des
concessions de terres. .94.
L’astuce n’tait pas difficile . trouver. La langue fran.aise pouvait et devait dj.
constituer une barri€re pour les anglophones. Il suffisait de l’instituer exclusivement et
imprativement pour que les anglophones reculent. Dans cet ordre d’ide, Lopold II fit de
l’cole, la condition pour avoir acc€s au privil€ge de l’Etat. Il fallait donc que les missionnaires
s’occupent de l’ducation et de l’instruction des indig€nes exclusivement en langue fran.aise.
Malgr leur bonne volont, les Anglais taient incapables d’apprendre le fran.ais aux
indig€nes. Ils furent ainsi effectivement exclus. Cela pourrait .tre, . notre avis, la raison pour
laquelle le nerlandais n’a pas pu .tre appris aux indig€nes du Congo. Les protestants auraient
trouv une raison pour exiger du roi et de ses collaborateurs, l’acceptation de l’anglais comme
troisi€me langue.
Afin de trouver une couverture . son astuce, Lopold II avait russi . convaincre le
Saint-Si€ge de signer avec le gouvernement de l’E.I.C. une convention qui assurerait aux
missions catholiques la possession des terres en change de l’instruction donne en langue
fran.aise aux indig€nes95. Cette convention signe effectivement le 26 mai 1906 tait devenue
la base de l’histoire scolaire du pays. C’est elle qui a donn aux missionnaires catholiques, plus
qu’aux protestants, beaucoup de facilit pour s’panouir au Congo. Ils avaient en plus la
possibilit d’amorcer des travaux linguistiques et ethnologiques, moyennant les subsides
octroys par l’Etat colonial. Ce . quoi ne pouvaient prtendre les missionnaires protestants
devenus orphelins. Cette convention fut m.me annexe . la charte coloniale de 1908 et a
continu . rgler les rapports entre les missions et le gouvernement colonial en mati€re scolaire
jusqu’au moment o. Lopold II lguera le Congo . la Belgique.
94 Ibidem., p. 351
95 Voir ce que le professeur Ndaywel crit . ce sujet : . (...) en revanche, les missionnaires €taient tenus
d’assurer l’instruction et l’apprentissage des langues "nationales belges" (le fran.ais) par la cr€ation d’€coles
; ils s’engageaient aussi pr.ter leur concours l’Etat, par l’ex€cution de travaux d’ordre scientifique,
g€ographique et linguistique.
75
Les missions protestantes ont donc d. mener leur action missionnaire, dans ce climat
d’hostilit royale. Cependant, beaucoup d’historiens pensent apr€s coup que cette situation
prsentait aussi des avantages : . L’€vang€lisation, d€nu€e de toute prise en charge politique,
serait moins ambigu, tout comme l’abn€gation et la g€n€rosit€ des missionnaires .96. Ce qui
est aussi notre avis, compte tenu de l’indpendance, de la libert d’action et de l’efficacit
qu’ont les Eglises aujourd’hui par rapport . la politique, que ce soit en France ou au Congo.
Si pendant les premi€res heures de l’vanglisation, une certaine prise en charge
politique tait ncessaire pour des raisons logistiques, l’action missionnaire elle-m.me n’en est
pas sortie grandie, car les chrtiens catholiques, ne serait-ce que dans le cas du Congo, sont
rests longtemps de grands enfants, attendant tout de l’apport financier de l’Etat et des Eglises
d’Europe. Pendant le m.me temps, les chrtiens protestants et ceux des autres Eglises afro-
chrtiennes issues du protestantisme ont pu tr€s vite se prendre en charge, m.me si, sous le
rgime de M. Mobutu, ils se sont finalement laisss normment aider par le gouvernement qui
voulait les utiliser pour mieux combattre la suprmatie et l’hgmonie de l’Eglise catholique.
II. 2. 2. 2. La strat€gie de maintien des missions protestantes au Congo belge.
La diversit des charismes religieux et celle des nationalits des missionnaires97, au sein
des missions protestantes ne faisaient que favoriser l’miettement des Eglises existantes. Plus
elles s’miettaient, plus elles s’affaiblissaient et tendaient . dispara.tre dfinitivement. Il fallait
donc trouver . temps une stratgie forte pour juguler la disparition qui les mena.ait.
Nous allons, en deux points, essayer de comprendre comment les missions protestantes
ont russi contre vents et mares . se maintenir au Congo :
1. L’organisation d’une "Confrence des Missionnaires".
2. L’adoption de la langue fran.aise et la traduction de la Bible en langue Kongo.
96 Ibidem ., p. 348
97 Au sujet de la diversit des charisme religieux et de la diversit des nationalits, nous notons qu’en 1940, le
Congo abritait une quarantaine de socits missionnaires protestantes, notamment l’American Baptist Foreign
Mission Society (ABFMS), la Garenganze Evangelical Mission (GEM), la Baptist Missionary Society (BMS),
la Svenska Missions Frbundet (SMF), l’American Presbyterian Congo Mission, l’Africa Inland Mission
(AIM), la Congo Balolo Mission (CEM), la Heart of Africa Mission (HAM), la Mission Libre Sudoise (MLS),
La Congo Evangelistic Mission (CEM), l’Assemblies of God (AG)... (Voir Ndaywel Isidore, p. 348 ).
76
II. 2. 2. 2. 1. L’organisation d’une "Conf.rence des Missionnaires".
D€s 1900, une dcision tait prise par les reprsentants lgaux de plusieurs missions
d’organiser une "Confrence des Missionnaires" afin de juguler le danger de disparition qui
mena.ait l’Eglise. Ils se runirent pour la premi€re fois . Lopoldville (Kinshasa) en janvier
1902.
Le professeur Ndaywel pense . ce sujet que le succ€s de cette rencontre de janvier
1902 a fortement encourag l’organisation d’autres rencontres pour travailler en commun .
l’installation au Congo d’une Eglise locale en dehors de tout clivage provenant des Eglises
m€res98.
En l’espace de 32 ans, ils russirent . se rencontrer 7 fois pour arriver . mettre au point
une unit organique capable de faire face aux probl€mes lis aux impratifs du terrain, hostiles
. la survie des communauts protestantes. La derni€re rencontre qui verra na.tre l’ "Eglise du
Christ au Congo", apr€s l’laboration des statuts d’un "Conseil Protestant du Congo" a eu lieu
. Luebo, dans le Kasa., en 193499.
II.2.2.2.2. L’adoption de la langue franaise et la traduction de la Bible en kikongo
Deux p.les marqueront dsormais l’action missionnaire protestante au Congo belge :
* Ils adopteront la langue franaise devenue le vhicule officiel, de par l’enseignement
tenu par les missionnaires catholiques suivant la convention lopoldienne de 1906.
* La proccupation de mettre la Bible . la disposition des peuples congolais. De ce fait,
il fallait qu’elle soit traduite, non pas en franais, mais plut.t en kikongo.
Les prcurseurs en ce domaine furent le Rvrend Nils Westhings de la Svenska
Missions F.rbundet (S.M.F.) qui avait dj. en 1891, traduit le Nouveau Testament en kikongo
; et le Rvrend Bentley qui, aid par son compagnon congolais, M.D. Nlemvo Don Zoao,
avait dj. aussi compos un Dictionary and Grammar of the Congo Language. Ils finirent par
publier . Londres en 1893, leur traduction du Nouveau Testament en kikongo. Bentley mourut
Quant aux diverses nationalits des missionnaires en prsences, nous citerons de mmoire, les Anglais, les
Amricains, les Ecossais, les Irlandais...
98Ibidem, p. 350
99 Pour plus des dtails, lire R.Beekmans, "Le Centenaire protestant au Za.re (1878-1978)", dans Za.re-Afrique,
1978, 130, pp. 589-600.
77
avant d’achever sa traduction de l’Ancien Testament. Son oeuvre sera continue par d’autres
missionnaires, toujours avec l’aide de Nlemvo. Finalement, la premi.re grande dition
compl.te de la Bible kikongo fut publie . Londres en 1926. Cette nouvelle orientation aura
permis aux missions protestantes de survivre jusqu’. la fin de la colonisation belge.
Eveille par le travail admirable de ses a.ns dans la traduction de la Bible en langues
locales, la nouvelle gnration de pasteurs et thologiens m.nera la mission . l’tape de
l’africanisation du message vanglique.
II. 2. 2. 3. L’africanisation des structures d’Eglise au Congo ind.pendant.
L’instabilit politique et les rebellions qui ont suivi l’indpendance du Congo ont
beaucoup jou en faveur des changements de structures au sein des communauts protestantes
du Congo. Les dparts inattendus et prcipits des missionnaires europens, d’importants
dommages matriels causs par les diffrents mouvements rebelles, le courage des catchistes
congolais et le vent de l’africanisation qui a secou le pays . la veille et au lendemain de
l’indpendance sont autant de facteurs qui faonneront les structures actuelles de l’Eglise du
Christ au Congo.
Nous allons, en trois points essayer de dfinir les contours de ces vnements qui ont
abouti . une africanisation des structures de base de l’Eglise :
1. Les retours massifs des missionnaires dans leurs pays respectifs.
2. Les conflits entre missionnaires revenus au Congo et chrtiens congolais.
3. La fusion des "Missions" et "Eglises" en activit au Congo.
II. 2. 2. 3. 1. Les retours massifs des missionnaires dans leurs pays respectifs
La nouvelle idologie politique, au lendemain de l’indpendance, accusait les missions
religieuses d’.tre les propagatrices et continuatrices des idaux colonisateurs. D€s l’assassinat
du "premier" Premier ministre congolais, Patrice-Emery Lumumba, en 1961, ses partisans, qui
ont pris le maquis deux ans apr€s, dont feu le prsident Kabila, accusaient les missionnaires
d’.tre les commanditaires de ce crime. D€s le 13 fvrier, date de l’annonce officielle de sa
mort, . les r.actions, .taient d’une extr.me violence en de nombreux pays. (...) A Stanleyville,
78
(...) et en de nombreux endroits des manifestations d’hostilit. eurent lieu . l’.gard des
missionnaires. Des blancs et des missionnaires (...) furent frapp.s et arr.t.s. (...) Des
missions durent .tre .vacu.es provisoirement .100.
En effet, s’il tait possible d’vacuer "provisoirement" les missionnaires catholiques -
clibataires sans enfants - pour les mettre quelque part . l’abri en attendant des jours meilleurs,
il n’tait par contre pas facile de faire de m.me pour les missionnaires protestants maris avec
des enfants et d’autres charges familiales. La solution pour eux n’tait que le rapatriement
immdiat et massif. Cette situation n’a pas laiss indiffrents les chrtiens protestants qui, du
jour au lendemain, se retrouvaient sans pasteurs. L’vangliste Makanzu Mavumilusa, dcrit la
dsolation des chrtiens en ces termes: . Depuis toujours, les missionnaires nous pr.chent
qu’il ne faut pas fuir devant un danger ou une menace, mais pers€v€rer dans la foi au p€ril
de notre vie. Nos cat€chistes et nos pasteurs furent envoy€s dans des endroits dangereux pour
t€moigner de leur foi et aujourd’hui que l’heure est difficile, les missionnaires nous
quittent. . 101. Comme pour dire : o. est passe leur foi ? Faut-il encore croire . leurs
prdications ? Ces lignes tmoignent de leur tonnement devant la distance sparant parole et
actes.
Avec courage, les chrtiens et les catchistes congolais se runirent pour envisager la
possibilit de sauvegarder l’oeuvre missionnaire de l’Eglise. Certains d’entre eux furent
nomms aux postes des missionnaires partis et occup€rent aussi les maisons laisses vacantes.
Mis au courant des dclarations des missionnaires rapatris selon lesquelles, "m.me si
la situation politique s’arrangeait, ils n’y retourneraient plus", les pauvres catchistes qui
taient devenus pasteurs de fortune perdirent tout espoir de les voir revenir un jour. Ils
organis€rent l’Eglise . leur mani€re et avec les moyens du bord, africanit oblige !
100Lon de Saint Moulin, Eglise et Soci€t€, p. 63
101M. Makanza, cit par Munongo Bananga, Aspects du Protestantisme, p. 105
79
II. 2. 2. 3. 2. Les conflits entre missionnaires revenus au Congo et chr€tiens congolais
Les missionnaires europens qui avaient tout investi au Congo oubli€rent leurs
dclarations de la priode des troubles. Prfrant retrouver leurs ouailles, beaucoup prirent la
dcision de revenir au Congo apr€s la pacification faite par le Gnral Mobutu qui avait pris le
pouvoir le 24 novembre 1965. A leur arrive, ils ne pouvaient s’imaginer voir tr.ner . leurs
postes les petits catchistes qu’ils avaient eux-m.mes forms. Ils revendiqu€rent aussit.t leurs
droits en demandant aux Congolais de dguerpir pour retrouver leurs postes de subalternes.
Du m.me coup, ils refusaient de reconna.tre les Congolais ordonns pasteurs en leur absence.
Ils niaient publiquement la validit de leur sacerdoce. Toutes les conditions taient runies pour
un dclenchement de conflits interminables.
Munongo Bananga rapporte que les pasteurs congolais . rappelaient constamment aux
missionnaires qu’une assembl€e d’Eglise €tait aussi importante que leurs conf€rences et avait
autant d’autorit€ en mati.re de doctrine et de foi. Personne ne pouvait donc venir annuler ce
qui avait €t€ d€cid€ et vot€ par une assembl€e (...). De m.me, toutes les ordinations de
pasteurs consacr€s par les Za.rois en l’absence de missionnaires restaient valables [valides et
licites], et les cat€chistes choisis apr.s leur d€part devaient eux aussi continuer faire le tour
des villages .102.
Ces conflits plongeaient l’Eglise protestante dans une crise sans prcdent. Deux blocs
opposs s’taient constitus et empoisonnaient l’atmosph€re missionnaire . travers le pays.
Le dossier fut soumis pour tude au Conseil Protestant du Za.re prsid par un Za.rois,
le Rvrend Shaumba. Celui-ci prconisa la rconciliation entre les deux blocs. La proposition
se heurta au refus catgorique du bloc des missionnaires Blancs. L’affaire fut porte finalement
devant les instances de l’Etat za.rois car elle mena.ait dsormais la scurit de la nation. Le
gouvernement du Za.re qui avait entrin la solution prconise par le Conseil Protestant du
Za.re (C.P.Z.) lui retournait le dossier pour un compromis interne. Le C.P.Z. opta pour la
cration d’un comit excutif national qui serait charg de rsoudre les conflits d’Eglises. Ils
taient arrivs . cette proposition parce que le C.P.Z. en tant que tel n’avait t investi d’aucun
102 Ibidem, p. 107
80
pouvoir juridique lui permettant d’arr.ter une dcision imposable . toutes les communauts
protestantes du Congo.
La cration du comit excutif au sein du C.P.Z. fut adopte et le comit fut reconnu
publiquement et investi du pouvoir juridique national en 1968. Un autre pasteur congolais, le
Rvrend Bokeleal, fut lu prsident secrtaire gnral du C.P.Z. C’est . lui que reviendra la
lourde charge de trouver une solution durable au probl.me qui divisait les Eglises protestantes
au Congo.103
II. 2. 2. 3. 3. La fusion des " Missions" et "Eglises" fonctionnant au Congo
Depuis le dbut des conflits entre missionnaires et pasteurs congolais, les Eglises
protestantes fonctionnaient dans une bipolarit "missions"-"Eglises".Toutes les communauts
dont les responsables taient europens ou partisans des europens se dnommaient "missions
protestantes", par contre celles diriges par les pasteurs congolais et partisans se dnommaient
"Eglises protestantes".
Le premier objectif du nouvel Ev.que Bokeleal fut donc d’obtenir par tous les moyens
la fusion de toutes les Missions et Eglises. C’est en 1969 que fut vot, par l’assemble gnrale
du C.P.Z., l’article qui dcida la fusion des deux entits rivales. L’article 6 relatif aux
rsolutions de conflits stipulait : . Pour faire cesser les conflits honteux divisant nos Eglises et
nos Missions, il importe que celles-ci fusionnent et qu’elles n’aient qu’une seule et m.me
personnalit€ civile, la Mission l€guant la sienne l’Eglise .104.
L’acte final de cette assemble de rconciliation fut une dclaration de foi unitaire
proclame par les chrtiens protestants za.rois : . Il n’existe qu’une seule Eglise, celle de
J.sus-Christ en laquelle le monde entier est uni par la foi .105.
103En dpit des solutions intermdiaires qui ont t apportes par les hautes autorits de l’Eglise et du pays,
cette crise avait occasionn beaucoup de dfections qui sont . l’origine de la prolifration des sectes et . la
naissance de beaucoup d’Eglises de Rveil qui sont en majorit de tendance protestante. Il y a au Congo tr€s
peu d’Eglises indpendantes dont les fondateurs sont d’anciens collaborateurs des catholiques. Ces derniers,
particuli€rement les rescaps des sminaires, se sont plut.t lancs dans la politique active plut.t que dans la
cration d’Eglises. Les analyses approndies que nous faisons plus loin ( point IV.1.4.) donnent beaucoup de
lumi€re sur cette situation particuli€re du Congo.
104 Voir MUNONGO BANANGA, Ibidem, p. 109
105 Ibidem
81
Il nous faut cependant prciser que la fusion de ces deux blocs n’avait pas entra.n la
suppression des diffrentes dnominations existant dans l’Eglise. Elle impliquait juste une
volont d’unit dans une confiance rciproque visant tous les domaines de la vie de l’Eglise,
une volont de parler le m.me langage dans la perspective de l’oecumnisme dj. engag.
Certains pasteurs nationaux qui n’avaient pas accept la fusion s’taient retirs pour
constituer des communauts indpendantes, plus proches des chrtiens et plus adaptes aux
soucis quotidiens de la vie : exorcismes et gurisons. On peut de ce fait, dj. voir venir ce qui
deviendra, avec le vent du pentec.tisme amricain, les Eglises indpendantes dites de rveil.
La conclusion de ce rapide parcours des Eglises protestantes au Congo peut se rsumer
en trois mots : l’histoire se rp€te. De l’astuce du roi Lopold II dsireux d’en dcoudre avec
les missionnaires "trangers" jusqu’aux tentatives des pasteurs congolais d’en finir avec les
missionnaires "trangers", la survie des Eglises protestantes au Congo passe toujours par le
m.me tunnel, celui de la fusion des communauts miettes ou rivales en une Eglise
protestante harmonise : l’oecumnisme interprofessionnel.
Ce qui para.t intressant pour notre problmatique de dpart est l’attitude des pasteurs
mcontents de la derni€re fusion entre les missions et les Eglises. Leurs dfections les am€nent
. changer de mthodes d’vanglisation. Une vanglisation qui ne se limite plus . annoncer la
parole du Christ, mais qui incite . passer comme lui, aux gurisons et aux exorcismes.
L’exorcisme ayant beaucoup de succ€s dans une chrtient africaine o. la sorcellerie demeure
la ralit quotidienne de leurs souffrances.
Avant eux, Simon Kimbangu, lui aussi ancien catchiste des missionnaires protestants,
avait compris que le salut de ses fr€res passait par l’alliance entre les deux croyances :
africaines et chrtiennes. C’est lui le fondateur de la premi€re Eglise afro-chrtienne que nous
allons analyser dans la section suivante.
82
II. 3. Les Eglises afro-chr€tiennes au Congo.
Sont regroupes sous ce vocable, toutes les communauts religieuses chrtiennes
crant des cultes syncrtiques ou messianiques, fondes par des proph€tes africains . charisme
souvent politico-religieux. De fa.on gnrale, elles reconnaissent Jsus-Christ comme
Seigneur, affirment leur "africanit" et rejettent la domination religieuse et politique des Eglises
missionnaires (catholique et protestantes).
La plupart d’entre elles se sont regroupes au sein de l’Alliance Rforme
Mondiale (A.R.M.) ou de l’Organization of African Institued Churches (O.A.I.C.). Certaines
autres sont membres du Conseil OEcumnique des Eglises (C.O.E.). Leur importance est
tellement grandissante qu’on ne peut s’emp.cher de dire, toute proportion garde, que 50 %
des chrtiens africains appartiennent aujourd’hui . ces Eglises.
A partir de 1990, on a vu na.tre une nouvelle tendance, moins politique, plut.t
socio-conomique, issue des Eglises fondamentalistes et pentec.tistes d’origine amricaine.
Bien qu’indpendante et afro-chrtienne, elles se dnomment quant . elles "Eglises de rveil"106
Dans ce chapitre, nous nous limitons . une de ces Eglises afro-chrtienne, la plus
rpandue en Afrique, bien reprsente en Europe et membre du Conseil OEcumnique des
Eglises depuis 1969 : le kimbanguisme.
Nos sources sont les tudes faites par Susan Asch107, Jules Chom108, Martial
Sinda109, et Diangienda Kuntima110.
106 Voir La Croix, mardi 2 mai 2000, p. 13 et Actualit des Religions n.41 – Septembre 2002 : Etant le fil
rouge de notre th€se, nous leur consacrons le dernier chapitre.
107 Susan Asch, L’Eglise du Proph.te Kimbangu, Op. cit.
108 Jules Chom, La passion de Simon Kimbangu (1921 - 1951), Prsence africaine, Bruxelles, 1959
109 Martial Sinda, Le messianisme congolais et ses incidences politiques. Payot, Paris, 1972
110 Diangienda Kuntima, L’histoire du Kimbanguisme, ditions Kimbanguistes, Kinshasa, 1984
83
II. 3. 1. L’Eglise Kimbanguiste au Congo.
II. 3. 1. 1. L’histoire du proph.te Simon KIMBANGU (1885-1921)
L’anne 1885 est celle o. le bassin du Congo tournait une page de son histoire antique
pour s’ouvrir . une nouvelle .re historique. Nous l’avons dit plus haut, l’homme qui avait
permis . Lopold II de devenir propritaire du bassin du Congo, Henry Morton Stanley fut un
citoyen britannique de confession protestante. Avec des missionnaires qui l’accompagnaient,
Stanley avait russi . implanter dans la rgion des Cataractes, entre Lopoldville et Boma six
missions protestantes dont celle de la British Missionary Society (B.M.S.) . Ngombe-Lutete.
Cette mission protestante tait situe . 12 km d’un village de cultivateurs bakongo appel
Nkamba.
C’est . Nkamba que naquit, le mercredi 12 septembre 1887, Simon Kimbangu dont le
nom signifie "celui qui rv€le le sens des choses caches"111.
Intelligent, et dou d’un remarquable talent oratoire112, il n’eut aucune peine .
collaborer avec les missionnaires, d’abord comme valet de chambre, puis comme catchiste
dans son village natal. Ses propres parents, Luezi sa m.re et Kuyela son p.re, n’taient pas
chrtiens. Son p.re tait par contre un "nganga nkisi"113 c’est-.-dire un gurisseur qui, d’apr.s
111 Diangienda Kuntima, ibidem p. 17
Bien que ces informations soient de son propre fils et hritier spirituel, on peut mettre quelques rserves quant
au jour, . la date et . l’anne prcise de la naissance de Simon Kimbangu. D’autres sources . notre disposition
donnent d’autres dates et d’autres annes, avec un cart de 2 . 6 ans :
*Martial Sinda crit : "Il nous a .t. difficile d’.tablir de faon pr.cise la date de naissance de Kimbangu.
Certains auteurs avancent la date de 1881, mais nous lui pr.f.rons cependant celle de 1889" Op.cit.p. 61.
*De son c.t Susan Asch crit : " Lorsque la soeur de Kinzembo, Luezi, donna naissance un fils, le 24
septembre 1889, il fut nomm€ Kimbangu : " celui qui r€v.le la v€rit€ cach€e" Op.cit.p. 16.
* Ndaywel crit : " Le kimbanguisme a .t. le fait d’un homme, d’un proph.te : Simon Kimbangu. N. .
Nkamba, . quelques kilom.tres de la mission de Ngombe-Lutete de la B.M.S., vraissemblablement en
septembre 1889 (...) Op.cit.p. 416 ).
112Tmoignage fait par un missionnaire catholique rput antikimbanguiste, le p€re Van Wing S.J. : . Le
Kimbanguisme vu par un tmoin ., dans Revue Congolaise, vol. XII, 6. 1958, p. 566, cit par Diagienda
Kutima, op.cit.., p. 18
113 "Nganga nkisi" : ce terme dsigne celui qui sait comment faire intervenir les gnies de la terre, de l’eau et
du ciel . l’aide des ftiches (nkisi), dous de pouvoirs surnaturels pour combattre les forces
malfiques(Kindoki) dcha.nes par le sorcier (ndoki) ou celui qui provoque le malheur. Ce qui fait qu’en
langage courant, le terme "nganga nkisi" se traduit souvent par fticheur, devin, magicien ou gurisseur, tandis
que le terme "ndoki" se traduit par la notion de sorcier. Il est curieux de voir que le pr.tre catholique soit aussi
appel Nganga Nzambi ou nganga Nzamb… De quoi attendre de lui autre des choses plus mysterieuses… .
suivre .
84
S. Asch, . savait neutraliser les "ndoki" (sorciers) et gu€rir leurs victimes par une m€thode
f€tichiste comprenant des tremblements .114.
Apparemment, la situation concr€te dans laquelle se trouvait le jeune Simon Kimbangu
pouvait .tre la suivante : la journe, il tait assistant et servant des missionnaires . l’glise et .
domicile, le soir, il tait le fils et assistant de son p€re dans les pratiques de la religion
traditionnelle qu’il ne pouvait pas abandonner. Cette derni€re assistance ne durera pas
longtemps car apr€s la mort de sa m€re, le jeune Simon Kimbangu sera adopt par sa tante
Kinzembo qui se trouvait parmi les premiers convertis au christianisme. Elle pratiquait, quant .
elle, la mdecine traditionnelle base sur l’utilisation des plantes mdicales.
Chez sa tante chrtienne et gurisseuse, Kimbangu apprendra aussi les amers souvenirs
des souffrances qu’avaient endures ses grands parents . l’poque du glorieux royaume Kongo
que les Portugais avaient vanglis au XV€me si€cle. On lui avait racont les preuves des
razzias de la traite. Il vivait lui-m.me les mfaits des travaux forcs, la virulence des pidmies,
le portage et la construction du chemin de fer. Associer toutes ces preuves . la connaissance
de la Bible qu’il approfondissait en autodidacte, tait pour lui l’occasion de faire le
rapprochement avec les Hbreux . l’poque de l’esclavage en Egypte.
Kimbangu se mariera, suivant la loi coutumi€re, avec une veuve, Mwilu, qui lui donnera
trois fils : Damien-Charles Kisolekele (n le 16-2-1914), Salomon Dialunguna (n le 25-5-
1916) et Joseph Diangienda (n le 22-3-1918), celui qui deviendra pendant de tr€s longues
annes son hritier spirituel.
Le couple Kimbangu-Mwilu s’tait fait baptiser et s’tait mari religieusement dix sept
mois apr€s la naissance de leur premier fils. Ces crmonies avaient lieu dans leur paroisse
d’origine "Ngombe-Lutete", le 4 juillet 1915. Kimbangu y devint catchiste de la B.M.S. et y
pr.cha l’vangile selon les principes fondamentalistes des protestants baptistes. Susan Asch
cite le p€re Van Wing qui crit : . La Bible est (pour ces Eglises) la seule autorit€ que chaque
croyant interpr.te selon l’inspiration qu’il re.oit directement du Saint-Esprit .115.
114 Susan Asch, op.cit., p. 16
115 Van Wing, Cit par Susan Asch, Ibidem, p. 19
85
Pendant ce temps, l’Europe est paralyse par la premi.re guerre mondiale.
L’administration coloniale belge est affaiblie. Sur place, au Congo, la maladie du sommeil, la
grippe, la fi.vre typhode et la variole font de nombreuses victimes. La mdecine europenne
est impuissante devant ces pidmies virulentes et meurtri.res. Les corves ne cessaient pas
pour autant de meurtrir ces pauvres malades. Et cela dura tout le temps qu’a dur la premi.re
guerre mondiale. C’est donc dans ce contexte que commence l’histoire extraordinaire du
proph.te Simon Kimbangu.116 Un parcours hro.que maill de perscutions et
d’emprisonnements.
II. 3. 1. 2. Des pers€cutions aux reconnaissances officielles (1921-1969).
Le mouvement spirituel que venait de dclencher Simon Kimbangu tait d’une tr.s
grande porte. Toute la rgion y tait sensible . tel point que le petit village de Nkamba tait
devenu en peu de temps, le lieu de convergence des grandes foules117.
Si le mouvement spirituel avait fait l’affaire de la compagnie du chemin de fer, on peut
imaginer les rpercussions civiques et conomiques que cela pouvait engendrer . d’autres
niveaux. Parmi les personnes qui allaient . Nkamba il devait y avoir des employs d’autres
compagnies belges. Avaient-ils besoin d’attendre la permission de leurs chefs Blancs pour
dserter le travail ? Combien de temps passaient-ils . Nkamba pour attendre la gurison ou
l’exorcisme d’un membre de la famille ? Comment ragissait l’administration coloniale? Quelle
fut la raction de ses anciens ma.tres, missionnaires protestants et catholiques ? Quelle valeur
avait cette oeuvre prophtique du catchiste Simon Kimbangu ?
116 *Le professeur Ndaywel crit : . (...) le 18 mars 1921, d’apr.s le t.moignage qu’il fit lui-m.me . un ami(...)
Kimbangu vit en songe un .tranger qui lui apportait la Bible, lui recommandant de la lire et de pr.cher ; il lui
demanda de se rendre dans le village voisin o. se trouvait un enfant malade afin de prier pour lui et de le
gu.rir. Il s’ex.cuta le lendemain, trouva effectivement un enfant malade et il pria pour lui. L’enfant fut gu.ri.
Ce fut le d.but de tout (...) . Voir op.cit., p. 416
*Martial Sinda de son c.t crit : . Rapidement, Kimbangu obtient l’adh.sion de ses fr.res de race (...) La
religion traditionnelle ne peut emplir un vide affectif dont aucune formulation politique n’est encore
concevable. Kimbangu catalyse autour de son exp.rience mystique toutes les .nergies vacantes (...) D.j., ses
fid.les le nomment N’Gounza, proph.te, h.raut, il unit, il est le Messie (...) Il abandonne son emploi et gagne
le village de N’Kamba qu’il baptise : "Nouvelle J.rusalem". . Voir Martial Sinda. Le messianisme congolais
et ses incidents politiques, p. 63
117Jules Chom crit : . D€s mars 1921, d’interminables caravanes sillonnent les routes qui conduisent au
village de Nkamba. De toutes les directions les foules accourent vers le gurisseur.(...) Les gens bien portants
viennent aussi pour voir ou pour intercder en faveur de leurs parents malades et intransportables. Entre Matadi
et Lopoldville - Kinshasa, les trains sont bonds. La compagnie du chemin de fer doit mettre en service des
voitures supplmentaires(...) . Voir La passion de Simon Kimbangu (1921-1972), p. 11
86
A toutes ces questions de fond, les analyses des historiens montrent qu’il y a eu un
premier moment o. l’action de Kimbangu avait m.me re.u les encouragements des
missionnaires protestants et catholiques qui taient au dbut, fascins par la vigueur de son
enseignement, car il russissait facilement l. o. l’vanglisation "classique" ne rcoltait que de
maigres fruits.
Ce premier moment d’admiration et de fascination ne pouvait pas durer longtemps,
parce que son succ€s embarrassait les missionnaires et les administratifs. Nkamba arrivait .
recevoir, par jour, environ quatre mille p€lerins qui venaient chercher la gurison et couter la
parole de Dieu aupr€s de Kimbangu. Les catchumnats et les h.pitaux protestants et
catholiques taient progressivement dserts.
D’autre part, la rupture avec la religion traditionnelle que pratiquait son p€re tait
totale elle aussi. La polygamie tait condamne et les ftiches taient br.ls. Les premiers
indices qui obligeront le pouvoir colonial . trouver un prtexte pour lancer un mandat d’arr.t
contre Simon Kimbangu taient ceux de la dsobissance civile. Les populations qui
dsertaient les entreprises d’Etat pour Nkamba ne payaient plus l’imp.t. Il n’tait pas facile
non plus de mettre la main sur Kimbangu, tant les gens devenaient agressifs en face de
quiconque disait du mal du proph€te. Trois mois apr€s le mandat d’arr.t, il continuait . pr.cher
et . gurir les malades, mais dans la clandestinit.
Pour inciter la population . crer une forte ceinture de scurit autour lui, sa
prdication se teinta de xnophobie et d’hostilit . l’gard des colonisateurs. Il commen.ait .
pr.cher ouvertement la dsobissance civique car, disait-il "Le Christ ne tarderait plus venir
renverser le pouvoir des Blancs" ; il ne fallait donc plus payer l’imp.t aux Blancs, ni se
soumettre aux cultures obligatoires118. La drive tait dsormais compl.te. Il l’avait sans doute
senti en se livrant lui-m.me pour .tre jug et condamn.
Apr.s sa condamnation . mort, il fut transfr . Stanleyville (Kisangani), puis .
Elisabethville (Lubumbashi) o. il passa une trentaine d’annes avant de mourir en 1951. Son
118Voir Susan Asch, op.cit., pp. 27ss ; Ndaywel, op. cit., pp. 416ss ; Jules Chom, op.cit. , pp. 10ss
87
arrestation et sa condamnation avaient dclench une nouvelle €re de perscutions sans
merci119.
En 1921 toute la rgion des Cataractes sud tait sous occupation militaire. 126
kimbanguistes furent perscuts et dports loin de leurs familles et isols dans des centres de
relgation. L’pouse du proph€te et l’un de ses fils, Salomon Dialungana, furent mis en
rsidence surveille . Nkamba. Les autres enfants furent interns dans une cole catholique .
Boma.
On estime . 37.000, les perscutions et dportations qui ont suivi l’arrestation et la
condamnation du proph€te entre 1921 et 1958. A la veille de l’indpendance, il n’y eut que
2.685 survivants librs. Pour immortaliser ce chiffre, les chrtiens kimbanguistes ont construit
. Nkamba un Temple comptant 37.000 places assises, inaugur le 6 avril 1981.
L’pouse du Proph€te mourut le 27 avril 1959, huit mois avant la reconnaissance
officielle du kimbanguisme par la chambre des Reprsentants et du Snat de Belgique. En effet,
tous les Belges en mission au Congo n’taient pas contre le kimbanguisme. Pour preuve, lors
de son proc€s et de sa condamnation en 1921, il n’y avait pas d’unanimit dans les rangs des
colons belges. C’est la raison pour laquelle il y eut un recours en grce introduit par
l’administration civile et les missionnaires baptistes. Le ministre de la colonie, Franck, n’hsita
pas . le transmettre au roi Albert qui commua la sentence de mort prononce . l’encontre du
proph€te en peine d’emprisonnement . vie. Simon Kimbangu meurt prisonnier [h.pital Prince
Lopold de Lubumbashi] le 12 octobre 1951.
A partir de 1958, une certaine tolrance tait acquise. Les dirigeants kimbanguistes
en profit€rent pour adresser une lettre au gouverneur gnral Ptillon, lui demandant le libre
exercice du culte sur la base de la Dclaration des Droits de l’Homme (art. 18, 19), de la charte
coloniale (art. 2) et de la constitution belge (art. 5, 14, 15). La lettre fut crite le 24 janvier
1958. Un mois apr€s, l’autorisation provisoire d’exercer fut tacitement accorde, . condition
119Susan Asch crit : . pour ceux qui suivirent le Proph.te Kimbangu, l’€poque coloniale €voque le
douloureux souvenir des pers€cutions : arrestations, rel€gations, occupations militaires, d€portations et camps
de travail. En vertu des lois r€gissant la colonie, les administrateurs appliqu.rent ces mesures contre tout
individu troublant la tranquillit€ publique par d€lit judiciaire ou politique : "non-paiement d’impt",
88
que les runions ne troublent pas l’ordre public et qu’elles ne dpassent pas une limite de 1.000
personnes.
C’est finalement le 24 dcembre 1959 que la reconnaissance officielle de l’Eglise
kimbanguiste fut accorde, apr.s une demande solennelle adresse aux prsidents de la
chambre des Reprsentants et du Snat de Belgique120. Cette reconnaissance officielle sera
suivie du rapatriement de la dpouille du proph€te . Kinshasa, le 2 avril 1960. L’inhumation de
ses restes aura lieu dans le mausole de Nkamba.
La derni€re tape dans la srie des reconnaissances de l’Eglise fut celle de son
entre au Conseil Oecumnique des Eglises (C.O.E.).
En effet pendant toute une dcennie, le chef spirituel et le secrtaire gnral de
l’Eglise kimbanguiste, Diangienda et Luntadila, se battront durement aupr€s des responsables
de l’organe de rassemblement des Eglises protestantes (C.O.E.) pour obtenir leur adhsion. La
tche n’tait pas facile pour eux car au Congo, le kimbanguisme venait de rompre
dfinitivement avec l’Eglise protestante121.
La rupture sera suivie de l’organisation des structures de la nouvelle Eglise
indpendante qui publiera aussit.t sa "Dclaration des principes" qui la distancie des affaires
politiques et du pouvoir temporel. Tout en laissant les adeptes libres d’adhrer aux partis
politiques de leur choix, l’Eglise prconisait aux responsables hirarchiques de rester . l’cart
de la vie politique. Cela n’emp.chera pas, malgr tout, que l’un des fils du proph€te, Damien-
Charles Kisolokele, devienne ministre de l’intrieur du gouvernement de Lumumba et de celui
d’Ilo.
L’opportunit de la demande d’adhsion au C.O.E. se prsentera lorsque
Diangienda sera invit par M. Moshe Isshem, charg d’affaires de l’ambassade d’Isra.l, .
"insoumission . l’autorit. administrative", ou "pour cause de kimbanguisme". Ce dernier fait constitua un
motif politique suffisant pour justifier l’application de ces mesures de 1921 . 1958 . Voir op. cit. p. 27
120 Voir Susan Asch, Ibidem , p. 40
121 Susan Asch note que . la rupture effective entre kimbanguistes et protestants sera consomm€e avec la
modification de l’article 2 des "Statuts" : "le kimbanguisme est un d€riv€ direct du christianisme", rempla.ant
le mot "protestantisme" . Voir Ibidem p. 54/55
89
visiter Jrusalem. Le r.ve se ralisera entre le 30 octobre et le 25 dcembre 1961. C’est le
premier voyage officiel de la dlgation kimbanguiste . l’tranger. Apr.s Isra.l, elle passera en
Belgique, en France, en Hollande et en Allemagne. C’est au cours de cette visite que
Diangienda rvlera son souhait de rencontrer M. Visser’t Hoof, secrtaire gnral du Conseil
oecumnique des Eglises . Gen.ve, pour discuter avec lui de la possibilit de l’admission de
l’Eglise kimbanguiste au sein du C.O.E. Les contacts se multiplieront entre 1966 et 1969 .
cette fin. En mars 1969, le pasteur William Crane sera charg par le C.O.E. d’une mission au
Congo, afin de tenter de rconcilier l’Eglise kimbanguiste avec le Conseil Protestant du Congo.
Le pasteur souhaitait toujours la rintgration des kimbanguistes dans le Conseil Protestant du
Congo (C.P.C.). La conclusion du pasteur William Crane tait catgorique : . (...) L’Eglise
kimbanguiste doit d’abord collaborer avec le Conseil Protestant du Congo et les autres
Eglises, avant d’.tre admise comme membre du Conseil oecum.nique .122.
La raction de Luntadila, le secrtaire gnral de l’Eglise, sera aussi catgorique,
montrant que si telle tait la condition, les kimbanguistes prfraient retirer leur candidature et
faire leur chemin comme toutes les autres glises indpendantes123. Cette fermet du secrtaire
gnral de l’Eglise kimbanguiste fera comprendre aux autorits du C.O.E. que cette Eglise
n’entendait plus se rapprocher du C.P.C.
Le 16 ao.t 1969, la dlgation de l’Eglise kimbanguiste sera enfin invite aux
assises du C.O.E. . Canterbury pour le vote final. Elle tait compose du chef spirituel
Diangienda, du secrtaire gnral Luntadila, du directeur du Cabinet du chef spirituel Bena-
Saphary et de l’Amricain Mark Schomer qui fut professeur au coll€ge kimbanguiste de
Nkamba, et dont le p€re fut, par chance, prsident du comit central des dlibrations du
C.O.E. Ce fut un atout important pour cette candidature qui avait dur toute une dcennie. Le
vote leur fut favorable. Il y eut 260 voix pour, 1 seule voix contre et 9 abstentions.
122 William Crane, cit par Asch, Susan, Ibidem , p. 65
123Luntandila, secrtaire gnral de l’Eglise kimbanguiste dira: . Nous avons pu constater avec regret et
indignation que l’admission d€pendait surtout de l’avis et de l’attitude de Conseil Protestant du Congo, ce qui
est une d€cision inadmissible pour nous, €tant donn€e que la coop€ration E.J.C.S.K.-C.P.C. (Eglise de Jsus
Christ par le proph€te Simon Kimbangu) n’est encore qu’. ses d.buts... Face . cette situation, l’E.J.C.S.K.
vous demande de prendre une d.cision d.finitive sur sa candidature... L’E.J.C.S.K. ne verrait aucun
inconv.nient, le cas .ch.ant, . ce qu’elle retire sa candidature du C.O.E.... .
cit par Susan Asch, ibidem, p. 66
90
Apr.s le 24 dcembre 1959, date de la reconnaissance officielle de l’Eglise, le 16
aot 1969 sera dsormais inscrit dans les annales de l’Eglise kimbanguiste comme date
historique de son adhsion au conseil oecumnique international.
Qu’. cela ne tienne, les exigences du C.O.E. pour que cette Eglise soit admise ont
cr une sorte de bipolarit en son sein : un kimbanguisme originel tel qu’il est vcu et pratiqu
. la base par les adeptes et un kimbanguisme adapt aux normes oecumniques du Conseil des
Eglises. Ces exigences du C.O.E. et les consquences qui s’en sont suivies prsentent, . notre
avis, le risque de voir t.t ou tard les adeptes revenir . leur foi fondamentale en ce qui concerne
le r.le du fondateur par rapport au myst.re de la trinit. L. se posera . nouveau la question de
leur lgitimit dans le C.O.E.
II. 3. 1. 3. Les deux visages de la religion kimbanguiste au Congo
Les formalits administratives et officielles qui avaient conditionn l’entre de
l’Eglise de Jsus Christ sur terre par le proph.te Simon Kimbangu dans le C.O.E. avaient en
m.me temps oblig ses responsables . laborer un double discours sur le contenu de la
doctrine de l’Eglise124. Depuis ce temps, deux visages se dessinent clairement au sein de
l’E.J.C.S.K. (Eglise de Jsus Christ sur terre par le proph€te Simon Kimbangu) :
* Un visage du kimbanguisme officiel "christo-centrique", celui des responsables
obligs de rformer l’Eglise pour la faire accder . des instances officielles et internationales.
* Un visage du kimbanguisme traditionnel, celui du commun des croyants : le
kimbanguisme des kimbanguistes "Kimbango-centrique", pour qui Simon Kimbangu est le
proph€te des Noirs comme Mo.se l’est pour les Juifs et Mohammed pour les Arabes. Il est le
consolateur que Jsus-Christ avait annonc. Le paraclet qui devait venir accomplir toutes les
paroles que Jsus avait dites.
124 D’apr.s Susan Asch, l’opposition s’articule autour du r.le spirituel attribu au Proph.te Simon Kimbangu :
appui des Africains aupr.s du Christ ou incarnation du Saint-Esprit. Simple en apparence, ce concept cl est
fondamental, puisqu’il est rvlateur du vritable foss qui spare les orientations christo-centristes du cercle
dirigeant rformiste, d’une part, et des traditions kimbango-centristes de la majorit crasante des adeptes
kimbanguistes, d’autre part. En m.me temps, ce concept cl est au coeur du dbat entre l’E.J.C.S.K. et le
C.O.E.; il est rvlateur des concessions faites au cours des ngociations sur l’admission de l’E.J.C.S.K. au sein
de la communaut protestante internationale. Il refl.te, en outre, les concessions faites . l’administration
coloniale et . l’Etat mobutiste sur le plan politique. Ibidem pp. 95 et 100
91
II. 3. 1. 3. 1. Le kimbanguisme officiel
Deux points particuliers nous aideront . mieux comprendre le caract€re officiel de
ce kimbanguisme :
L’ossature des documents rdigs en fonction des exigences administratives.
Le contenu de la rforme du kimbanguisme.
II. 3. 1. 3. 1. 1. L’ossature des documents administratifs
Lorsque le proph€te Simon Kimbangu meurt en prison, le 12 octobre 1951, apr€s
trente ans de dtention, son fils Joseph Diangenda est fonctionnaire (commis) dans
l’administration coloniale belge. Cinq ans apr€s la mort du Proph€te, un cercle de jeunes
intellectuels cre l’association des jeunes adeptes kimbanguistes (A.J.A.K.) Elle est anime
principalement par Lucien Luntadila, le futur secrtaire gnral de l’Eglise kimbanguiste,
moteur de toute la rforme et de l’avenir du kimbanguisme officiel.
Pour asseoir et lgitimer ses revendications, l’association fera appel . l’un des fils
du proph€te, Joseph Diangenda. Il est investi comme hritier spirituel par l’association qui
l’aidera . avoir le titre juridique de "reprsentant lgal" du mouvement. C’est alors qu’elle
entamera avec son appui toutes les dmarches qui aboutiront aux trois piliers du
Kimbanguisme officiel :
1. Le 24 dcembre 1959 : rassemblant la plupart des mouvements kimbanguistes
clandestins de l’poque coloniale, le mouvement obtient la reconnaissance officielle dcrte
par l’administration belge. Il se nommera dsormais : . Eglise de J€sus Christ sur terre par le
proph.te Simon Kimbangu, en sigle E.J.C.S.K. ..
2. le 16 ao.t 1969 : l’E.J.C.S.K. est admise au sein du Conseil OEcumnique des
Eglises (C.O.E.) . Gen.ve.
3. Le 31 dcembre 1971 : l’E.J.C.S.K. est reconnue de facto comme troisi€me
force religieuse au Za.re, grce au dcret du prsident Mobutu interdisant les sectes
indpendantes en dehors de l’Eglise catholique, de l’Eglise du Christ au Za.re (E.C.Z.) et de
l’E.J.C.S.K.
92
Parmi les documents officiels rdigs par ce noyau constitu de jeunes intellectuels
de l’A.J.A.K. autour du reprsentant lgal et chef spirituel de la future E.J.C.S.K., on pourra
citer :
- La "Mise au point sur le kimbanguisme" en 1957
- La "Charte constitutive de l’Eglise" en 1958
- La " Constitution de l’E.J.C.S.K. base sur les Principes et les mthodes" en 1958125
- La "dclaration de Principes" en 1959. Ce dernier document donne presque l’ossature
de tous les documents qui prc€dent, car il est un condens des exigences imposes par le
gouverneur gnral Ptillon, pour la leve de l’interdiction du kimbanguisme126.
II. 3. 1. 3. 1. 2. Le contenu de la r€forme kimbanguiste
Depuis le 24 novembre 1959, le kimbanguisme devenu religion officielle prend le
statut d’Association Sans But Lucratif (A.S.B.L.). Toute rforme . venir devait tenir compte
de ce statut sous lequel l’Eglise tait officiellement reconnue.
125 Le premier document pr€sente le contenu du kimbanguisme en fonction des conditions €tablies par
l’administration belge et ses alli€s missionnaires, afin de mettre un terme la pers€cution des adeptes pour
cause de kimbanguisme et pour obtenir la libert€ du culte. Le second document pose le base du kimbanguisme
partir de la D€claration des Droits de l’Homme (art.18, 19), la Charte coloniale ( art. 2) et la Constitution
belge (art. 5,14, 15) en vue d’obtenir la reconnaissance officielle de l’Eglise kimbanguiste : . Art. 18. –
Toute personne a droit la libert€ de pens€e, de conscience et de religion ; ce droit implique la libert€ de
changer de religion ou de conviction ainsi que la libert€ de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en
commun tant en public qu’en priv€, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.
. Art. 19. – Tout individu a droit . la libert d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas .tre
inquit pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de rpandre sans considration de fronti€re, les
informations et les ides par quel que moyen que ce soit . D.claration des Droits de l’Homme
Art. 5. – Le gouverneur g.n.ral veille . la conservation des populations indig.nes et . l’am.lioration de
leurs conditions morales et mat.rielles d’existence. Il favorise l’expansion de la libert. individuelle, l’abandon
progressif de la polygamie et le d.veloppement de la propri.t.. Il prot.ge et favorise sans distinction de
nationalit. ni de cultes, toutes les institutions et entreprises religieuses, scientifiques ou charitables cr..es et
organis.es . ces fins ou tendant . instruire les indig.nes et . leur faire comprendre et appr.cier les avantages
de la civilisation. Art. 14. – La libert. des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la libert. de
manifester ses opinions en toute mati.re sont garanties, sauf la r.pression des d.lits commis . l’occasion de
l’usage de ces libert.s. Art. 15. – Nul ne peut .tre contraint de concourir d’une mani.re quelconque aux
actes et aux c.r.monies d’un culte, ni d’en observer les jour de repos. . Constitution belge
126 Voir Susanne Asch, op. cit., p. 104. Elle les rsume en huit points : l’engagement politique de l’E.J.C.S.K.
; l’anti-ftichisme de l’E.J.C.S.K. ; l’attitude xnophobe des kimbanguistes ; l’obissance aux lois civiles de
l’Etat et aux lois morales et familiales des religions chrtiennes ; les objectifs de l’E.J.C.S.K. dont la recherche
de la richesse matrielle doit .tre exclue ; la hirarchisation de l’E.J.C.S.K. ; la non-violence ; la base
chrtienne de l’E.J.C.S.K. dont les croyances, les pratiques et les doctrines sont assimiles par les Eglises
missionnaires . l’hrsie depuis les dbuts du kimbanguisme
93
La premi€re clause de rforme concerne son engagement dans la voie "apolitique"
et "non violente". Cette nouvelle voie de la rforme ne pouvait pas convenir . tous les vieux
pivots du mouvement qui luttaient dans les partis politiques . un niveau lev ; notamment,
dans l’ABAKO (Alliance des Bakongo), parti du premier prsident de la Rpublique du
Congo. La plupart des cadres de ce parti taient en m.me temps responsables du mouvement
spirituel de Simon Kimbangu.
En se dissociant des mouvements politico-religieux, la rforme marginalisait tous
ceux qui avaient encore des ambitions politiques. N’taient dsormais reconnus comme "vrais
kimbanguistes" que ceux qui acceptaient d’abandonner leurs ambitions politiques et ceux qui
continuaient . entourer l’pouse du Proph€te ainsi que ceux qui, depuis les centres de
relgation de l’intrieur du pays, restaient en contact avec elle.
L’option "apolitique" et "non-violente" engageait aussi l’Eglise sur la voie de
l’obissance aux autorits civiles. Elle tra.ait une ligne de dmarcation entre le pouvoir
temporel et le pouvoir spirituel, tout en se rservant le droit moral de s’occuper des oeuvres
sociales, telles que l’enseignement ou la mdecine.
.
Quant . l’adoption de la hirarchie, la rforme, dans son document intitul
"l’Etablissement et l’Organisation de l’Eglise", inscrit cet ordre dcroissant des responsabilits
: les sages ou princes des pr.tres, pasteurs ou chefs de Rgion, catchistes et croyants. Dans le
document intitul "Constitution de l’E.J.C.S.K. base sur les Principes et les Mthodes", la
rforme adopte la hirarchie suivante : Chef spirituel, Conseil des douze (les fr€res et les
sacrificateurs), l’assemble gnrale du Conseil mondial (forme des Conseils nationaux), le
Secrtaire international, le Coll€ge des Conseillers rgionaux, les Conseils des sections ou
territoriaux, les Conseils de sous-section ou paroissiaux, les catchistes, les sympathisants...
En ce qui concerne le contenu thologique du kimbanguisme il y a d’une part la
morale et de l’autre la doctrine kimbanguiste.
Sans trop entrer dans les dtails nous retenons essentiellement que pour la morale,
la rforme engageait l’Eglise dans l’obissance . la morale chrtienne et au respect de l’ordre
94
familial, la tolrance envers les autres religions chrtiennes, ainsi que l’observance de toutes les
lois de l’Ancien et du Nouveau Testament.127
Quant . la doctrine, la rforme kimbanguiste se proclamait, dans un premier temps,
"d€riv€e direct du protestantisme", ses mthodes d’vanglisation et sa doctrine taient
conformes au protestantisme. C’est par la suite que les kimbanguistes supprimeront "drive
direct du protestantisme" pour le remplacer par "d€riv€e direct du Christianisme" : de
l’Eccl€sio-centrisme au Christocentrisme.
Dans tous les cas, le probl€me de fond de la doctrine kimbanguiste est celui de la
place et du r.le de l’Esprit Saint : Il y a, jusqu’ . aujourd’hui, une forte ambigu.t entre le r.le
du Saint-Esprit et celui du proph€te Simon Kimbangu. Susan Asch crit . ce propos :
. L’ambigu.t. du r.le du Saint-Esprit et de celui du Proph.te Simon Kimbangu sera au coeur
des d.bats entre l’E.J.C.S.K. et le Conseil oecum.nique des Eglises, puisqu’il semblait que
Simon Kimbangu .tait assimil. au Saint-Esprit, et qu’il supplantait J.sus-Christ en tant que
personnage central de la Sainte Trinit.. Cette question sera .galement une des principales
raisons des conflits au sein de l’E.J.C.S.K.; elle occasionnera la cr.ation de sectes
dissidentes d’une part, et le d.veloppement d’un double discours, r.formiste et traditionaliste,
d’autre part .128.
Cette ambigu.t sur le "Saint-Esprit", terme traduit en kikongo par les catholiques
par "Mpeve Santu", tandis que les protestants l’ont traduit par "Mpeve ya Nlongo",
respectivement "Esprit-Saint" et "Esprit du Sacr", est l’un des points majeurs de la doctrine
qui renforce le foss entre le kimbanguisme officiel et le kimbanguisme traditionnel. Pour ce
dernier, le Saint-Esprit est le proph€te Simon Kimbangu. Jsus a promis qu’il nous enverrait un
consolateur : pour nous les Noirs, notre consolateur c’est Simon Kimbangu. C’est la preuve
que par sa mort et par sa rsurrection, Jsus a sauv toute l’humanit sans distinction de races.
Nous avons un appui aupr€s du Christ, c’est Simon Kimbangu.
127 Pour plus des prcisions, lire Susan Asch, Ibidem , pp. 109 -135
128Ibidem , p. 113
95
II. 3. 1. 3. 2. Le kimbanguisme traditionnel
Les simples croyants kimbanguistes dans les villages n’ont su que faire de la
rforme qui tient davantage compte de l’administration officielle, plus tourne vers l’extrieur
que vers l’intrieur. Le kimbanguisme des kimbanguistes est le "noyau" pur et non corrompu.
Ils le vivent scrupuleusement au quotidien, dans le spirituel et dans le social. Susan Asch nous
aide . saisir ce qu’il en est, par le biais de trois lments cls : "Les principes et les m€thodes ;
la foi ; la vie collective".
Nous nous limitons quant . nous aux deux premiers lments, sans pour autant
amoindrir la valeur "la vie collective" qui est l’aspect fondamental du social, par la solidarit, le
partage et l’assistance au quotidien.
II. 3. 1. 3. 2. 1. Les principes et les m€thodes
C’est l’ensemble des r.gles de conduite et de bien .tre dans la socit : un vritable
code de comportement pour chaque fid.le kimbanguiste. Ne pas fumer de tabac ou de chanvre,
ne pas boire d’alcool, ne pas danser dans les bo.tes de nuit. M.me . l’poque du rgime fort de
Mobutu o. l’animation politique consistait . s’exhiber impudiquement en public, les fid.les
kimbanguistes savaient encore tenir compte de leur code de comportement. Les pratiques
animistes sont strictement interdites. Les femmes portent des signes distinctifs, tel le foulard
sur la t.te etc. Les hommes ne portent pas de longs cheveux...Le "vrai" kimbanguiste est celui
qui respecte scrupuleusement ces prceptes dcrits dans "Les principes et les mthodes".
II. 3. 1. 3. 2. 2. La foi
. Si le comportement quotidien de l’adepte est r€gi par les principes et les
m€thodes, crit Asch, la base de la foi s’articule autour d’un concept cl., . savoir le r.le de
Simon Kimbangu. D’apr.s de nombreux t.moignages recueillis (...), il s’av.re que la majorit.
des "vrais" kimbanguistes, et un bon nombre de "faux" kimbanguistes, persistent . croire que
96
Simon Kimbangu fut l’incarnation du Saint-Esprit, troisi.me composante de la Sainte Trinit.,
Consolateur promis par la Bible. .129.
Diangienda qui a hrit du pouvoir spirituel de son p€re est aussi considr par les
croyants comme l’incarnation de l’Esprit Saint. C’est ce qui lui donne autorit sur les forces du
mal qu’il exorcise sans qu’elles lui rsistent. Le culte (pri€re et aum.ne "nsisana"), la retraite,
et le p.lerinage . Nkamba-Jrusalem sont les trois principaux piliers de la foi du commun des
kimbanguistes.
Depuis que la Sainte-C€ne a t introduite le 6 avril 1971, la communion est prise
trois fois par an : le 6 avril en commmoration de la premi€re manifestation du Saint-Esprit
descendu en Simon Kimbangu, le 12 octobre en souvenir de l’arrestation et du martyre du
Proph.te et le 25 d€cembre en l’honneur de la naissance du Christ (No.l), ou, pour le noyau le
plus dur, le 25 mai, date probable de la naissance de Dialungana Salomon, le dernier fils du
Proph€te.130
En dfinitive, le fil rouge qui para.t asseoir le kimbanguisme au Congo part de la
logique selon laquelle Kimbangu est pour les Noirs ce que Mo.se est pour les juifs et Mahomet
pour les musulmans. Si le christianisme s’est impos en tout point de vue, avec l’aide de la
civilisation judo-chrtienne, l’islam par sa position minoritaire, son adaptation culturelle au
Congo et son autonomie par rapport au christianisme, est un contre poids qui a beaucoup
inspir les Eglises afro-chrtiennes.
Nous allons voir dans la section qui suit comment l’islam s’est implante et
panouie au Congo.
129 Ibidem , p. 140
130 Depuis juillet 2004, les nouvelles qui nous parviennent de la R.D. Congo font tat de la rupture des relations
entre les catholiques et les kimbanguistes et de l’exclusion de l’Eglise kimbanguiste de la communion
OEcumnique d’avec les Eglises chrtiennes. Pour les v.ques catholiques du Congo, l’volution rcente de
l’Eglise kimbanguiste fait tat d’un drapage par rapport . la doctrine chrtienne d€s lors qu’il y a une nette
identification des 3 fils du proph€te Simon Kimbangu, aux trois personnes de la Sainte Trinit. De ce fait, le
kimbanguisme qui ne se reconna.t plus au travers du grand myst€re chrtien de la tr€s sainte Trinit, en
manifestant l’idoltrie et la divination, prouve . suffisance qu’il n’est plus une religion chrtienne.
97
II. 4: La religion musulmane au Congo
Introduction.
La rpublique dmocratique du Congo est l’un des rares pays du continent africain
o. l’islam est rest longtemps tr.s minoritaire131. L’influence des musulmans, depuis le XIV€me
si.cle, s’est cantonne sur la c.te est o. ils s’adonnaient plus au commerce d’esclaves et de
pointes d’ivoires ; l’implantation de la religion n’tant pas, . cette poque, leur objectif
principal. C’est seulement vers le milieu du XIX€me si.cle, apr.s l’abolition de l’esclavage, qu’a
commenc l’implantation de l’islam comme religion au Congo, dans sa partie orientale.
Nous divisons cette section en trois points qui pourront, un tant soit peu, nous
aider . situer la prsence et l’action de l’islam en R.D. Congo :
1. L’introduction . la connaissance de l’islam au Congo Oriental.
2. L’panouissement de l’islam au Congo . partir des annes 1980.
3. La place de l’islam dans le concert des religions au Congo.
Nos sources sont principalement les tudes de Armand Abel132 , Adnan Haddad133,
Bulaimu Abemba134, et Lon Anciaux135.
II. 4. 1. L’introduction . la connaissance de l’islam au Congo oriental.
Le sultan de Mascate et Oman avait tabli sa domination commerciale dans les .les
de Zanzibar et Pemba sur la c.te est de l’Afrique depuis le XIV€me si€cle. Les descendants
metisss de ces Arabes et les autochtones acculturs connus sous le nom de swahilis (gens de
la c.te) continueront, pendant longtemps encore, l’entreprise des ma.tres de ces .les de la c.te
orientale. C’est de ces derniers que viendra l’initiative, apr€s l’abolition de l’esclavage,
131 Nous faisons allusions . d’autres pays au sud de l’quateur o. les musulmans sont tr€s peu nombreux :
Angola, Zimbabwe, Zambie, Namibie etc.
132Armand Abel, Les Musulmans noirs du Maniema, publications du Centre pour l’Etude des Probl.mes du
Monde Musulman Contemporain, Bruxelles, 1960.
133Adnan Haddad, Recueil de Rflexions sur Lopold II et les Arabes, Linguistique et religions, Islam et
Authenticit..., Presse Universitaire Lubumbashi, 1994.
134Abamba Bulaimu, Pouvoir politique traditionnel et Islam au Congo Oriental, Cahier du CEDAF, 1971, 2,
srie 1.
135 Lon Anciaux, Le probl.me musulman dans l’Afrique belge, Bruxelles, ARSOM, 1949
98
d’introduire l’islam comme religion populaire, . l’intrieur du continent Oriental. C’est donc
vers 1820 que commence l’introduction de la connaissance de l’islam dans l’arri.re pays.
Ndaywel crit: . (...) Ils parlaient un dialecte bantu m€lang€ l’arabe. On les appellera plus
tard des "Arabis€s" ou plus correctement des "swahili" parlant une langue qui finira par .tre
qualifi€e de Kiswahili .136.
Pendant toute la priode de l’E.I.C. ils eurent beaucoup de difficults . s’implanter,
en raison de l’influence des rsolutions de la Confrence de Berlin qui venait de confier le
territoire . Lopold II. Il en fut de m.me pendant la colonisation.
La priode qui nous intresse le plus est celle qui co.ncide avec l’implantation de
l’islam par les "arabiss" en qualit de citoyens protgs par l’article 6 de l’acte de Berlin.
Cette priode ne commence que vers la fin de la colonisation belge : 1956 - 1957.
A partir des tudes menes par Armand Abel, nous allons en quatre points essayer
de dfinir les contours de l’islam dans ses dbuts . l’est du Congo :
1. La rpartition des groupements musulmans et leur importance relative
2. La religion des arabiss
3. Le droit coutumier et le droit musulman
4. Les croyances relatives . la magie et . la sorcellerie.
II. 4. 1. 1. La r€partition des groupements musulmans et leur importance relative
Armand Abel crit dans l’introduction de son rapport de mission ces mots qui nous
donnent une ide sur l’appartenance exacte de la souche d’Arabes qui est . l’origine de
l’islamisation du Congo Oriental : . Les Zanzibarites, quelquefois Arabes de souche
omanienne ou y€m€nite, mais le plus souvent m€tiss€s, du fait que leurs p.res, prenaient pour
€pouses des femmes indig.nes, €taient, au sens propre du mot, des arabis€s. Des Arabes, en
effet, ils avaient re.u la religion musulmane, avec la langue arabe pour idiome liturgique et
pour source de culture. C’est d’eux qu’ils tiraient les 72 % des mots de leur langue, le
136 Isidore NDAYWEL, Histoire g€n€rale du Congo, p. 235
99
Swahili, langue des hommes de la cte, de structure bantoue par sa grammaire, intens€ment
arabis€e par ses mots de culture .137.
De leurs a.eux, infatigables voyageurs, nous pouvons dire que ces arabiss avaient
hrit l’habitude de se sentir partout chez eux. En pntrant . l’intrieur du pays, ils n’avaient
aucun mal . btir de grandes cits telles que Kasongo, Kabambare, Kirundu, Nyangwe, etc.
Leur mtissage favorisait leur intgration facile avec les populations indig€nes. Le mariage
avec les femmes locales ajoutait un plus . leur installation.
Le 18 janvier 1957, suivant le rapport de A. Abel, le gouvernement gnral de la
colonie avait amorc un recensement gnral des musulmans dans les territoires o. leur
prsence tait connue. Ces territoires sont :
* Ruanda-Urundi : Kisengi, Usumbura, Kitega, Astrida, Bururi, Kigali ;
* Province de Lopoldville (Kinshasa) : ville de Lopoldville, o. figurent de
nombreux immigrants des territoires fran.ais ;
* Province de l’Equateur : Banzyville (Lisala), Bolobolo, Libenge ;
* Province Orientale : Stanleyville (Kisangani), Ponthierville, Bunia ;
* Kivu : Massissi, Goma; Walikale, Bukavu, Uvira, Fizi, tous les territoires du
Maniema ;
* Katanga : Albertville (Likasi), Kongolo, Kabalo, Elisabethville (Lubumbashi) ;
* Kasa. : Katako-Kombe.
Le commentaire d’Abel est le suivant : . Un coup d’oeil sur une carte montre tout
de suite que, mise . part la r.gion de L.opoldville, les groupements musulmans se sont
constitu.s essentiellement dans les r.gions atteintes au XIX.me si.cle par les Zanzibarites, et
dans lesquelles, soit au cours de leur p€n€tration, soit apr.s leur dispersion, ils se sont
r€pandus. Tous les endroits o. ils se sont install€s €taient ceux qui jalonnaient les routes
cr€€es par leurs caravanes, ou se situaient dans leurs environs imm€diats .138.
Dans l’ordre de l’importance historique et numrique, la rgion de Kasongo, venait
en t.te :
137 Armand ABEL, op.cit., p. 9
138 Ibidem , pp. 10/11
100
- Historiquement, c’est . Kasongo que les troupes de l’E.I.C. s’taient violemment
affrontes avec les Zanzibarites, successeurs du grand marchand d’esclaves afro-arabe : Tippo-
Tip139, surnom cl€bre donn . Ahmed ben Muhamed El-Murjebi.
- Numriquement, le recensement de 1955 avait dj. donn, pour le territoire de
Kasongo, une proportion de 48 % de musulmans.
En 1957, 43 % d’habitants reconnaissaient appartenir . la foi islamique.
- Quand Lopold II cdait le Congo . la Belgique, les groupements musulmans
reconnus comme chefferies se rpartissaient autour de Kasongo de la mani€re suivante :
Kasongo : Lusangi, Kalibwe, Kanyoe ; Vieux Kasongo : Tongoni (chef Farhani), Mwezi (chef
Makonga), Biliki (chef Kapaya) ; Le groupe dit des "arabiss" avait . sa t.te le chef
Moyenga ; Lufubu : Biali (chef Mongobo), Tulungu (chef Yamba Yamba), Nyangwe (chef
Pene Muzu), Milongo (chef Milongo), Nyangwe (chef Pene Sanga).
En 1954, pour le seul territoire de Kasongo, on comptait
- 40 . Arabes . gnralement en provenance de Mascate et de l’Oman,
- 7.000 mtis ou "arabiss"
- 40.000 . 45.000 musulmans indig€nes.
Par rapport . la population totale de la rgion de Kasongo, le recensement de 1957
donnait 77.600 musulmans sur 120.325 habitants140.
Ce qui est intressant pour nous dans cette tude chiffre d’Armand Abel c’est le
fait de comprendre pourquoi, malgr l’accroissement apparent du nombre des musulmans, leur
proportion dans l’ensemble du pays est reste la m.me. Deux raisons, en fait, semblent en .tre
. l’origine : d’abord, les populations non-musulmanes taient pauvres et tr€s fcondes ;
ensuite, la raison d’impratifs politiques nationaux o. la colonie belge confiait tout
139 Au sujet de Tippo-Tip, le professeur Ndaywel pense que l’influence arabe au Kasa. fut son oeuvre . . Ce
personnage dont le souvenir reste fort heureusement encore vivace, est le seul traitant swahili qui soit parvenu .
donner . son action commerciale une expression politique . Originaire du Zamb€ze, d’une m€re arabe et d’un
p€re mtis, Tippo-Tip fut form sur le tas, il n’avait pas dpass, sur le plan de l’instruction, le niveau de
l’cole coranique . ( op.cit., p. 237).
140A. ABEL, op.cit., p. 11.
101
l’enseignement aux missionnaires catholiques (p.res blancs), supprimant du m.me coup les
enseignements officiels et musulmans.
D’autre part A.Abel nous prsente les initiateurs de l’islam au Congo non pas
comme des professionnels mais des simples apprentis. D’o. notre intr.t de voir ce qu’est cet
islam des apprentis par rapport aux fondements de l’islam dans le reste du monde.
II. 4. 1. 2. La religion des arabis.s ou "l’islam noir"
Le terme "d’islam noir" nous am.ne certainement . nous souvenir de ce qui s’est
pass aux Etats-Unis d’Amrique vers les annes 1920. Sans reprsenter exactement la m.me
ralit, on peut en passant, relever quelques traits communs entre "l’islam noir" au Congo
Oriental, implant, non pas par les musulmans de souche, mais par les mtis biculturels; et
"l’islam noir" des USA, qui est une revendication des Noirs devant la violence des Blancs
chrtiens (catholiques et protestants).
En effet, les arabiss qui n’avaient pas d’autres patries que le Congo, et dont la
plupart comme le grand Tippo-Tip, n’avaient pour niveau d’instruction que le minimum de
l’cole coranique, devaient malgr eux, persvrer dans la religion de leurs aeux qui leur
donnait un statut de noblesse au pays. Mais qu’en savaient-ils du point de vue de la doctrine,
eux qui taient plus marchands d’or, d’ivoire et d’esclaves qu’imams forms? Ils n’ont pu
implanter que ce qu’ils savaient : un islam mtiss qui n’avait du vrai islam des musulmans que
la langue arabe comme idiome liturgique et les pratiques rituelles comme nous les dcrirons
dans les lignes qui suivent.
Au cours de la m.me poque naquit aux Etats-unis d’Amrique un mouvement de
combat et de rsistance aux violences infliges par les Blancs, le F.O.I. (Fruit Of Islam). Des
jeunes noirs dus du christianisme s’initiaient aux arts martiaux (karat et judo tr.s violents)
pour se dfendre contre les traitements inhumains qu’ils subissaient de la part des Blancs
"chrtiens", ou rputs tels (employeurs et policiers).
102
Le journal "Univers Match" de 1963, rapporte le tmoignage de Gordon Parks,
romancier, journaliste, photographe, au sujet de "l’islam noir" aux USA141.
Pour revenir . la religion des "arabiss" au Congo Oriental, les analyses d’Armand
Abel nous rv€lent que les Zanzibarites qui avaient pntr l’Afrique Orientale relevaient de la
tradition que l’on qualifie parfois de "mystique" (Souffie), se rattachant au syst€me des
confrries religieuses, "Tariqa" (plur. "Turuq"), notamment celles de "Qadiriyya". Il crit :
. Les Tar.qua furent, de la mani.re la plus g€n€rale, l’orientation et la forme populaires que
rev.tit, d.s le XIII.me si.cle, l’islam des masses, entr. en d.cadence. En Afrique, comme aussi
dans les territoires soumis aux Ottomans, cette orientation fut domin.e avant tout par la
r.gle, reue sous sa forme originale, ou enrichie d’apports successifs, formul.e par le
mystique de Bagd.d, le Cheikh Abd al Q.dir al Gil.n.. Le mouvement qui remonte . lui se
caract.rise avant tout par l’adoption d’une liturgie fort complexe, profond.ment marqu.e
d’habitudes analogues . celles de la liturgie chr.tienne .142.
Quant . la confrrie qadrites ou qadirites (QADIRIYA), c’est . la fin du XIX€me
si.cle qu’elle se constitue au sein de l’islam comme une sorte d’Etat religieux dans l’Etat. Elles
consistaient . vnrer la personne du Cheikh Abd al Q.dir Gil.n. dont la lecture de la
biographie faisait le pendant de celle du Proph.te ("sirat an-Nabi") ; toutes deux taient
introduites dans l’enseignement qadirite. M.me alors, ceux qui avaient propag la doctrine de
ces confrries religieuses au Congo Oriental n’taient, semble-t-il que des "mulidi' ou "muridi"
(mourides), qui dsigne en swahili . la fois l'association et le membre de celle-ci. L’tymologie
de ce mot vient de l’arabe "mur.d" qui dsigne, d€s la priode classique et en arabe, l’aspirant,
celui "qui dsire" pratiquer la vie mystique.
141 . La seule chose que les N€gres ont toujours eue en abondance, ce sont les glises - les grandes, les petites,
celles en bois, en brique, en pierre : des grises, des rouges, des vertes, des roses et des bleues. Dieu a toujours
t la seule puissance vers laquelle nous pouvions nous tourner. Celui qui pouvait nous apporter des jours sans
haine.
Mais maintenant, il existe des gens parmi nous qui pr.chent qu’Il nous a abandonns. Les jeunes perdent la foi,
pensant que le christianisme a failli . ses enseignements. Ils sont unis ; ils sont de plus en plus nombreux ; ils
s’appellent les "Musulmans noirs" ; leur Dieu c’est Mahomet ; leur idal : la sgrgation absolue. Et bien que
leur audace nous choque, nous autres, des anciennes gnrations, nous admirons leur confiance dans la force
qu’ils ont en eux. Dans les tn.bres de notre chec, nous admettons en nous-m.mes que maintenant ce sont
eux qui nous dirigent. Nos espoirs reposent en eux, ceux de promesses meilleures et de r.ves impossibles, d’un
courage nouveau et d’un manque de respect impressionnant vis-.-vis de la peur. Ils dclarent carrment : "Nous
ne continueront pas . souffrir tandis que les Blancs essaieront de faire des transactions, en comptant sur le
temps et sur les lois".Nous, les plus .gs, nous leur parlons des Blancs qui sont bien intentionns . notre gard
et ils nous rpondent : "S’ils sont sinc.res, ils l.veront leurs voix au-dessus de celles des racismes." Nous leur
disons que les temps sont en train de changer, et ils nous rpondent : "C’est nous qui changeons les temps." ..
103
D’apr.s A. Abel, l’islam au Congo tait propag par les membres de la collectivit,
qui taient des "aspirants", des apprentis . la vie religieuse. Ils n’avaient bnfici que d’une
initiation de base, parfois tr.s sommaire. Ce qui lui fait dire que . Si l’on songe au r.le que les
traditions d’initiation jouent dans la vie du Noir bantou, au niveau du chasseur, de
l’agriculteur, ou dans les .ges successifs de l’homme, on voit tout de suite combien la
tradition mystique de la secte qadirite s’est heureusement rencontr.e avec les besoins affectifs
et les orientations religieuses des populations indig.nes .143.
En ce qui concerne les pratiques rituelles de la religion des arabiss, M.
Vandevelde144, administrateur territorial auxiliaire du Congo belge, tout en reconnaissant qu’il
lui tait difficile de contr.ler l’exactitude de chaque renseignement, note ces quelques points
remarquables en prliminaires de sa contribution : . (...) Ce qui suit ne concerne nullement des
renseignements sur un islam th€orique et orthodoxe. (...), au cours des temps, des adjonctions
para-orthodoxes se sont ajout€es et ont m.me supplant€ l’islam orthodoxe. Les populations
musulmanes, et qui le sont leur intime conviction, ne sont souvent que superficiellement
islamis€es quant leurs croyances r€elles et quant au rituel qu’ils observent. A beaucoup de
points de vue, elles diff.rent peu de leurs anc.tres pa.ens et chez les arabis€s de la Province
Orientale, la religion de l’islam est venue se superposer aux croyances et aux superstitions
africaines. Il faut donc bien distinguer entre la th€orie : l’islam orthodoxe et la pratique ;
l’islam des musulmans et en particulier des arabis€s. (...) .145.
II. 4. 1. 2. 1. Le fondement de la religion islamique des arabis€s :
* Le Coran, en swahili Korani : aux dires de Vandevelde, . les arabis€s le comparent
l’€vangile et c’est m.me plus, puisque c’est €galement une source de droit, de philosophie, de
morale (...), il est souvent nomm€ Kitabu (de l’arabe Kitab = livre) .
* La Sunna : c’est la somme des actes du Proph€te recueillis et nots dans les deux
si€cles qui ont suivi sa mort. C’est cette tradition qui sert d’exemple aux fid€les, qui ont
142 Armand ABEL, op.cit., pp. 17/18
143 Ibidem. , p. 20
144VANDEVELDE, M., "La religion des arabiss de la Province Orientale" , dans Correspondance d’Orient ,
n. 2, Bruxelles, 1960, pp. 127-149.
145 Ibidem, p. 127.
104
l’obligation de l’imiter... Les musulmans qui suivent la Sunna sont des Sunnites, en swahili
(Suni). Ils se rpartissent en quatre groupes suivant les rites ou plut.t les coles juridiques :
rite Hanefite, (Hanafi) ; rite Mal€kite (Maliki) ; rite Shaf€ite (Shafi), et le rite Hanbalite
(Hanbali).
En dehors de ces quatre rites "orthodoxes", il y a ceux qui sont considrs comme
hrtiques, par exemple les Shi’ites et d’autres considrs comme dissidents, par exemple les
Ibadites, en swahili (Ibazi). Les Ibadites sont des kharidjites. Ils sont la seule branche du
kharidjume actuellement survivante.
Les arabiss du Congo Oriental sont des Sunnites appartenant au rite Shafeite. En
revanche les originaires de l’Afrique Occidentale francophone, (Sngalais, Maliens et autres)
nombreux dans les milieux commer.ants de la capitale et des grandes villes, sont galement
sunnites, mais rel€vent de l’cole malkite. Ils sont souvent affilis . la confrrie Tidjaniya ou,
pour les Sngalais, . la confrrie des Mourides (Murid.ya).
II. 4. 1. 2. 2. Le contenu de la foi musulmane des arabis€s :
Comme chez tous les musulmans, la pratique repose sur les cinq piliers
traditionnels : la profession de foi (Shahada), la pri€re, l’aum.ne, le je.ne et le p€lerinage.
Les six principes fondamentaux sur lesquels s’articule l’expos de la foi, en swahili
"Nguzo sita ya imani" sont : la foi en Dieu, en ses anges, aux proph€tes, au jugement dernier,
aux livres sacrs et . la prdestination. En gnral, les six principes sont bien connus et bien
appliqus par les arabiss, du moins dans leurs grandes lignes. La vie du Proph€te est connue
dans le dtail, m.me celle de ses pouses.
II. 4. 1. 2. 3 .Le contenu de la loi musulmane ("Sheria" ):
Elle comprend les r€gles relatives au culte (Ibada / Ibadat) et celles relatives au
droit et . la morale (hukumu)
105
II. 4. 1. 3. Le droit coutumier et le droit musulman
Dans les normes gnrales musulmanes, les actes humains sont classs
- du point de vue religieux, suivant qu’ils sont n€cessaires (Wajib), par exemple prier ;
recommand€s (Suna), par exemple faire aum.ne ; indiff€rents (Halali), par exemple bien
s’habiller ; peu recommand€s (Makuruhu), par exemple fumer ; ou d€fendus (Haramu), par
exemple boire du vin.
- du point de vue juridique, suivant qu’ils sont corrects (Sahilu) ; nuls (Batilti) ; permis
(Djaisi) ou obligatoires (Lazimi)
Il est ainsi intressant de constater que pour les arabiss du Congo Oriental, l’acte
"matrimonial" est d’une tr.s grande porte. Issus eux-m.mes de mariages mixtes, ils ont
tellement intgr les deux coutumes et les deux religions qu’il est difficile d’tablir la ligne de
dmarcation.
Armand Abel rapporte qu’en 1956, le 23 aot, le gouverneur Gnral Ptillon avait
adress aux agents des Territoires de la Province Orientale l’instruction suivante : . S’il ne
peut .tre question de tol.rer que les tribunaux indig.nes r.guliers fassent application de
certaines r.gles coraniques en se r.f.rant express.ment au droit coranique, nous pouvons
cependant admettre qu’il soit fait application de certaines r.gles de droit coutumier
unanimement admises, dans un milieu d.termin., alors m.me qu’elles sont inspir.es d’un
droit coranique adopt. et consacr. par la coutume r.v.l.e. (...) On admettra cependant, avec
prudence, des juges et assesseurs musulmans, pourvu qu’ils soient d’une loyaut€ assur€e..146.
Cette instruction du gouverneur gnral voudrait concr€tement dire que la colonie
belge qui ne pouvait pas tolrer l’panouissement de "l’islam pur" au Congo, acceptait
cependant les coutumes des groupements reconnus comme appartenant aux mtis arabiss,
descendants des musulmans venus du sultanat de Zanzibar et des rgions littorales du
Tanganyika.
Il faudra noter en passant, que vers 1956, d’autres musulmans immigrs de
l’Afrique Occidentale francophone tentaient de relayer l’islam des Zanzibarites du Congo
146 Armand ABEL, op. cit., p. 44
106
Oriental. C’est cette seconde vague d’islamisation que l’autorit coloniale belge redoutait. A
Stanleyville (Kisangani), les musulmans zanzibarites possdaient des traits de droit chafite,
tardifs. Armand Abel dit qu’il avait pu se procurer une brochure en swahili sur l’hritage tr.s
caractristique, par sa forme et son inspiration, de la tradition chafite et marchande propre
aux populations zanzibarites. Il crit : . De toute mani.re, on peut dire : les musulmans
appartenant la classe marchande semblent suivre pour les r.gles de la vente, l’achat, de
l’h€ritage, et sans doute du mariage, les usages traditionnels de l’islam .147 .
Ce droit "islamo-coutumier" des groupements d’arabiss s’est rpandu, sans doute,
dans d’autres rgions dont on ne peut dire, absolument, qu’elles sont islamises. Armand Abel
rel€ve le cas du Manima et, en gnral de tout le reste de la Province Orientale du Congo au
sein de laquelle se trouvent les groupements des arabiss. Il proc€de . une tude comparative,
partant du recueil de J. Sohier148 sur la jurisprudence et la doctrine coutumi€re du Congo et du
Rwanda-Urundi pour voir quelle place occupent certains aspects du droit musulman dans la
jurisprudence des rgions limitrophes des groupements des arabiss.
Tout en reconnaissant la grande difficult d’arriver . une conclusion vidente .
partir de l’analyse du seul recueil de Sohier, A. Abel s’arr.te au cas le plus probant : celui des
liens matrimoniaux.
Partant du terme "muhari", d’origine arabe qui dsigne le don nuptial qui ouvre
solennellement la srie des matrimoniaux, Armand Abel crit qu’. on ne peut s’emp.cher de
croire qu’il doit y avoir eu, sur ce point, une indiscutable influence islamique dans les
repr.sentations locales, avec le l.ger d.calage de sens qu’impliquent normalement ces formes
d’assimilation .149. Ce terme est employ m.me en dehors des communauts musulmanes,
dans les langues bantu autres que le swahili pour dsigner le plus solennel des engagements
matrimoniaux. En swahili, il a le sens fort de pacte scell, d’engagement.
A travers une tude comparative sur les actes matrimoniaux tels que les conditions
de l’engagement au mariage, les fian.ailles, la dot, la sparation de lit en cas de maladie
147 Ibidem , p. 45
148 SOHIER, J., Rpertoire Gnral de la Jurisprudence et de la Doctrine coutumi€re du Congo et du Rwanda-
Urundi, Bruxelles, 1954.
149Ibidem, p. 46
107
contagieuse comme la l.pre, l’adult.re, le divorce, la polygamie, le statut des enfants, etc.
Armand arrive . la conclusion que . dans la vaste r.gion o. l’islam s’est .tendu, non
seulement les musulmans ont g.n.ralis. chez eux le recours . la tradition de la "Sharia",
mais encore que, par l’effet du voisinage, la coutume islamique a d.bord. dans les
groupements voisins et a plus ou moins profond.ment p.n.tr. leur coutume .150.
Concr€tement, c’est cet aspect sociologique qui a maintenu solidement l’islam au
Congo Oriental, malgr la ferme volont de la colonisation belge, inspire de l’aversion
traditionnelle pour la "religion des infid€les", de le rayer de la carte. Au-del. de l’aspect
matrimonial, les croyances relatives . la magie et . la sorcellerie sont un autre aspect devant
lequel la colonisation belge a but dans sa volont de combattre l’islam au Congo.
II. 4. 1. 4. Les croyances relatives la magie et la sorcellerie
Nous disions prcdemment que quand un muntu tombe malade ou se trouve
devant une situation qui dpasse ses forces physiques, il fait recours immdiatement au devin
par une magie "blanche" ou "noire". La magie blanche est dfensive et licite, tandis que la
magie noire est offensive et illicite, c’est cette derni€re qu’on appelle communment
"sorcellerie".
M. Vandevelde151 rapporte qu’au Congo Oriental, principalement dans les
communauts arabises, c’est le "Mufumu" (devin) qui indique l’origine de la maladie et qui
dirige le malade chez le mdecin "Nganga"qui donne les mdicaments (dawa) appropris. Ces
dawa consistent en des "charmes" qui sont gnralement des versets du Coran (en arabe,
HIRZ, pluriel AHRAZ ; et en swahili, Hilizi ya Kartasi). Il crit : . Des arabis€s se prom.nent
l’int€rieur de village en village, en possession d’un cahier afin d’y noter des signes
magiques qu’ils vendent aux indig.nes. Ils sont g€n€ralement en possession de quelques
coupons d’€toffe destin€s la vente, mais cette activit€ ne constitue qu’un paravent pour leur
v€ritable activit€ : la vente de talismans. La grande majorit€ de ces arabis€s ne comprend
nullement la signification des mots €crits. Ces gens ont suivi pendant quelques temps
l’enseignement d’une €cole coranique, y ont appris lire et €crire l’alphabet arabe, et l
150 Ibidem ,p. 55
151 VANDEVELDE, M., "La religion des arabis€s de la Province Orientale", op.cit., p. 149
108
s’arr.tent leurs connaissances de la langue arabe. Souvent ils ont avec eux une page
arrach.e . l’un ou l’autre livre arabe et en copient tout . fait au hasard quelques signes sur
une feuille de papier.152.
Tout porte . croire qu’tant de m€res indig€nes, ces arabiss qui voyaient leurs
p€res pratiquer la religion musulmane, l’assimilaient . "la sorcellerie" qui leur donnait du
succ€s et les rendait invulnrables. Il suffisait donc pour les arabiss, de rpter ce rite et
d’avoir ces quelques versets du Coran imprims sur une feuille de papier pour devenir . leur
tour invulnrables et rendre les autres aussi invulnrables, . coup d’argent. Des talismans
imprims en Inde (Bombay), au Kenya (Mombasa) et dans les colonies fran.aises taient
vendus chez les arabiss. Ces imprims reprenaient, pour .tre plus en vogue chez eux, des
personnages de l’islam (Ali ; les deux fils d’Ali, Hasan et Husani ; Abd el Kader, etc.) ou des
lieux saints (tombeau d’Abd el Kader ; mosque de la Mecque, etc.) Dans certains cas, les
amulettes s’accompagnent de tabous alimentaires. Ce qui n’est pas loin des pratiques typiques
et totmiques des religions traditionnelles africaines.
Cependant, il faudra bien noter, comme l’crit M. Vandevelde dans sa conclusion
que : . Toute cette magie est proscrite par l’islam, mais comme dans tous les pays du
monde, elle fleurit au moins aussi vivace que les religions r€v€l€es. Elle est plus ancienne et
r€pond bien mieux la structure mentale des indig.nes .153.
L’islam des arabiss, la sorcellerie, la magie et certaines autres coutumes africaines
faisaient dj. bon mnage, mais ils taient touffs par la pression coloniale. Le vent de la
politique de l’authenticit pr.ne par le rgime de Mobutu viendra donner un coup de pouce .
son panouissement dans les annes 1980.
Cette histoire de l’introduction . la connaissance de l’islam au Congo Oriental telle
que nous la tenons des missionnaires et administrateurs belges n’est pas exempte de critiques.
Dj. dans les annes 1980, un citoyen libanais install au Congo, le professeur Haddad
Adnan154 prtendait que l’histoire de la pntration arabe dans l’est du Zare tait . rcrire
152 Idem
153Ibidem p. 150
154 Voir Adnan HADDAD, Recueil de R€flexions, p. 7
109
pour plus d’objectivit. Nous allons, dans la section qui suit, essayer de suivre son
raisonnement pour comprendre ce qui est rectifiable ou non, dans cette histoire.
II. 4. 2. L’.panouissement de l’islam au Congo . partir des ann.es 1980.
Le paragraphe sur la rpartition des groupements musulmans et leur importance
relative nous a rvl qu’en dehors de la province orientale du Congo, l’islam n’tait
perceptible qu’. Lopoldville (Kinshasa), o. figuraient de nombreux immigrants des territoires
fran.ais.
Dans les lignes qui suivent, nous voulons au travers de deux vnements capitaux,
voir comment l’islam est arriv . percer le rideau qui emp.chait son plein panouissement en
R.D. du Congo. Ces deux vnements sont notamment :
1. La vague de la politique de l’authenticit pr.ne par le rgime de Mobutu.
2. L’amiti Mobutu - Hassan II, roi du Maroc.
Nos sources pour cette analyse sont, une fois encore, les tudes des professeurs
Isidore Ndaywel, Paul de Meester et Adnan Haddad.
II. 4. 2. 1. La vague de la politique de l’authenticit..
Paul de Meester155 nous dit qu’au dbut de la colonisation du Maniema, comme
partout en Afrique sub-saharienne o. l’islam tait en train de pntrer, l’administration avait
tendance . s’appuyer sur les musulmans, qu’elle trouvait apparemment plus ouverts, car plus
habitus . traiter avec les trangers. Elle leur confiait des responsabilits de chefs coutumiers,
de chefs de cits, etc. D.s qu’ils se mirent . remplacer progressivement les droits classiques et
coutumiers par des droits de prrogative religieuse, les colons ont vu en cette pratique une
duplicit d’allgeance envers le pouvoir colonial. Ce dernier devint alors beaucoup trop dur .
leur gard en ordonnant de supprimer toutes les coutumes musulmanes et m.me les coles
musulmanes. Cette situation avait fait qu’au lendemain de l’indpendance du pays en 1960,
tous les postes administratifs taient occups par des chrtiens.
155 Paul de MEESTER, L’Eglise de Jsus Christ au Congo-Kinshasa, p. 300
110
La premi€re revanche des musulmans de Maniema viendra au moment de
l’clatement des remous au sujet de la mort de Lumumba dont les chrtiens taient accuss
d’avoir commandit l’assassinat, et lors de la rbellion Muleliste de 1964 qui a suivi cet
assassinat. Les musulmans de Kasongo, Kindu et Kisangani multipli€rent les dnonciations de
notables chrtiens et de missionnaires qui prirent en grand nombre.
La seconde revanche prendra racine dans la m.me rgion quand la politique du
retour . l’authenticit fut pr.ne. Cette politique constituait une raction contre l’imprialisme
des Europens et accusait la religion catholique de vouloir perptuer cet imprialisme. La
revanche des musulmans est bien prsente dans le recueil de rflexion que publie le professeur
Adnan Haddad notamment sur le th€me "Islam et Authenticit".
En gros, Haddad prsente l’islam comme une religion qui s’adapte aux traditions
de tous les peuples. Elle conserve, . l’tat primordial, la rvlation antrieure . toutes les
religions tablies, la tradition commune . toute l’humanit. Quant . l’Eglise catholique, il la
prsente sv€rement, comme condamne . plonger l’Afrique dans la pauvret, . cause de sa
sujtion . l’v.que de Rome et son existence subordonne . la tutelle europenne. Elle n’est
d’apr€s lui qu’un v.tement d’emprunt port par les Noirs. Il fallait donc que les Za.rois
retrouvent leur authenticit culturelle et religieuse en se dbarrassant d’une religion qui est
loigne de leur culture pour adopter l’islam qui, . tout point de vue, est adapt aux moeurs et
coutumes ngro-africaines.
Haddad met . contribution le grand philosophe Hegel. Il crit : . Oui, "l’islam est
plus adapt. . la vie africaine" et . la mentalit. africaine aussi. Hegel le pr.cise clairement
en affirmant que : "l’unique voie qui approche dans une certaine mesure le N.gre de sa
culture semble .tre l’islam" .156.
Du c.t des moeurs, la polygamie, admise par l’islam, refuse par le christianisme,
a t un des points de l’offensive qui a fait changer de camp beaucoup de Za.rois-chrtiens,
dboussols par la nouvelle idologie politique de l’authenticit. Malgr tout, ils n’ont plus pu,
compte tenu des exigences du genre de vie moderne qui s’imposait inexorablement, entretenir
156 Adnan HADDAD, op.cit., p. 83
111
toutes ces femmes sous le m.me toit. C’est alors qu’est n le syst.me famili.rement dsign
sous nom de "bureaux" : premier bureau, deuxi.me bureau, troisi.me bureau, etc. pour
signifier la nouvelle forme de polygamie.
Un chant populaire, compos par un musicien zarois bien connu, Kiamwangana
Mateta (Verkys) et intitul "Na komitunaka - Je me demande souvent", venait . ce m.me
moment condamner le christianisme en tant que religion des Blancs. Il traduisait l’tat d’me
du Za.rois en cette priode o. il cherchait . dcouvrir son authenticit. Nous donnons en note
la traduction qu’en fait le professeur Ndaywel157 .
L’islam avait profit de cette fragilit pour percer le rideau de fer qui bloquait son
panouissement dans l’ensemble du pays. Il faut ajouter . cette fragilit idologique, des
perturbations internationales et nationales, notamment la guerre de "Kippour" au Moyen Orient
et celle du Shaba, qui avaient forc le gouvernement de Mobutu . choisir de fa.on nette, la
fraternit avec le monde musulman plut.t que l’amiti lgendaire avec l’Occident judo-
chrtien.
157 Voir Isidore NDAYWEL, op.cit., p. 708 : Les couplets
Je me demande souvent Je me demande souvent
Oh Dieu ! je me demande si souvent Oh Dieu! Je me demande souvent
La peau noire d’o. est-elle venue ? La peau noire d’ou vient-elle ?
Notre premier anc.tre qui est-il ? Les . oncles . (les colonisateurs) nous ont donc tromps.
Puisque Jsus le fils de Dieu est Blanc. Les statuettes de nos anc.tres, ils les rejettent
Adam et Eve sont aussi des Blancs. Mais que voyons-nous . l’glise ?
Tous les saints sont aussi des Blancs. Nous prions le chapelet . la main.
Pourquoi, Seigneur, tu as fait ainsi ? Les statuettes ornent l’ensemble de l’glise.
Je me demande souvent Mais ces statuettes reprsentent des Blancs.
Oh Dieu! Je me demande si souvent. Pourquoi Seigneur ? Je me demande souvent
Dans les livres sacrs, nous constatons Oh Dieu ! Je me demande si souvent.
Que les images des saints sont celles des Blancs… Les proph€tes . eux les Blancs nous les acceptons,
Lorsqu’il s’agit du diable lorsqu’il s’agit d’un N€gre, ils n’y croient pas
On lui donne une t.te de N€gre, une t.te toute noire. Pourquoi Seigneur nous as-tu crs ainsi ?
D’o. vient cette injustice ? Notre anc.tre . nous les N€gres o. serait-il ?
L'Afrique a maintenant les yeux veills
L'Afrique ne fera pas marche arri€re.
112
II. 4. 2. 2. L’amiti. Mobutu - Hassan II du Maroc
Tout est parti de la prise de position que le prsident Mobutu devait adopter dans
son intervention aux Nations Unies le 04 octobre 1974, apr€s la prise du Sina. par Isra.l.
Mobutu avait annonc la rupture des relations diplomatiques avec Isra.l "pays ami", par
solidarit avec l’Egypte "pays fr€re". Sa formule est reste cl€bre au Congo : . Entre un
fr.re et un ami, le choix est clair .
L’islam qui tait au Congo dans une situation moins florissante mergeait d€s ce
moment dj. parmi les populations za.roises de la partie ouest du pays. Lorsqu’en 1976 le pays
fut attaqu . l’est par les gendarmes "ex Katangais", les hommes de l’arme royale marocaine
taient venus au secours de l’arme dfaillante de Mobutu. C’est grce . eux que ce dernier
s’tait tir d’affaire. En retour, l’islam tait promu au rang de quatri€me grande confession
reconnue officiellement au Congo apr€s les Eglises catholique, protestante, kimbanguiste.
Paul de Meester crit : . (...) Certains se demandaient pourquoi cette faveur une
religion dont on ne connaissait la pr€sence que de quelques adeptes, surtout des €trangers
ouest-africains commer.ants en mati.res mini.res. C’€tait le roi du Maroc qui avait exig€
cela du Pr€sident Mobutu en €change des quelques soldats qu’il avait envoy€ au Katanga.
Depuis lors le nombre des disciples de Mohammed s’est enrichi de Congolais, de sorte qu’en
10 ans il y a, gr.ce aux p€tro-dollars, plus de quatre mosqu€es Kinshasa. Le nombre des
adh€rents l’islam est pass€ de 1.200 8.000 selon l’estimation de l’Imam Kapuluta de
Kinshasa (Barumbu) et actuellement ils sont 3.790.000 soit 10 % de la population .158. Cela
contrairement aux prcdentes estimations qui ne lui donnaient que 1,4% de la population.
158 Paul DE MEESTER, op.cit., p. 299
113
II. 4. 3. La place de l’islam dans le concert des religions au Congo
Avec son prorata de 10 %159 de la population, chiffre bien s.r, contest par
beaucoup d'islamologues congolais, l’islam marginalis hier, est actuellement une religion
incontournable dans la vie politique et sociale du pays.
Du point de vue politique, on a vu avec le multipartisme, aux c.ts du Parti
Dmocratique et Social Chrtien (PDSC), du Parti Libral Chrtien (PLC) et de l’Union
Chrtienne pour le Renouveau de la Justice (UCRJ), les Partis musulmans regroups sous la
plate forme AFIC (Alliance des Forces Islamiques pour le Changement) : Parti Dmocrate
Islamique (PDI), Parti de la Protection d’Allah et Son Proph€te Mohammed Roi Souverain
(PAPRA-HODORE), Rassemblement Politique Islamique (RPI), Front Islamique
Dmocratique du Salut National (FIDSN). De concert avec toutes les autres confessions
religieuses, l’islam s’est impliqu dans la voie de la recherche de la paix et la promotion
humaine . travers les appels lancs aux gouvernements et aux chefs de l’Etat. Nous donnons
en annexe quelques photocopies des lettres et dclarations signes par les chefs spirituels du
Congo dont le reprsentant des musulmans du Congo.
Au niveau de l’enseignement, il fut un moment, . l’poque du rgime fort de
Mobutu, o. toutes les coles taient nationalises, jusqu’aux Universits. A partir de 1978, des
conventions furent signes entre l’Etat et les Eglises pour la gestion de certaines coles.
L’islam est parmi les gestionnaires des coles conventionnes au Congo. Il g€re aussi un
certain nombre d’oeuvres sociales pour le bien .tre de sa population croyante.
En dpit de toute cette collaboration apparente autour d’une cause commune
qu’est la paix nationale et le bien-.tre des individus, il existe quelques tensions entre
musulmans et chrtiens. L’image de la guerre civile qui divise le Congo en Est / Ouest, est l’un
des lments qui sont parfois lus comme une ni€me revanche de l’islam sur le christianisme.
Longtemps marginalis et minoritaire, l’islam a trouv toute sa place dans le concert des
religions au Congo. On ne peut plus parler du dialogue interreligieux aujourd’hui dans ce pays
sans compter avec l’islam. D’o. l’opportunit de relire l’histoire de son implantation et de son
159 Voir quelques extraits chiffrs du livre de Paul de Meester, s.j., annexe 22.
114
volution pour mieux comprendre les enjeux de sa cohabitation avec les autres religions et
communauts religieuses du Congo.
En rsum, l’islam introduit au Congo par les fils des Zanzibarites depuis plus d’un
si€cle a connu un dveloppement tr€s lent. Il s’est focalis pendant toute la priode coloniale .
l’est du pays, de fa.on tr€s fragmentaire dans les groupements des arabiss de la rgion de
Maniema et de Kasongo. Les raisons de ce lent dveloppement sont de deux ordres :
- Les mtis arabiss qui l’ont introduit n’taient pas en mesure de la propager
correctement car ils n’en savaient que peu de choses eux-m.mes et en comprenaient encore
moins. Ils ne connaissaient m.me pas l’arabe, la langue de leurs p€res zanzibarites et leur
instruction n’allait pas au-del. de la formation de l’cole coranique, c’est-.-dire de l’acquisition
de quelques formules coraniques mmorises, mais dont le sens leur chappait. L’islam des
arabiss tait donc, au dpart, un syncrtisme islamo-traditionnel.
- Les colons belges, inspirs par l’ancienne aversion de la religion des infid€les ne
pouvaient permettre l’expansion de l’islam . l’intrieur du Congo. Ils l’ont bloque en
supprimant ses coles et ses coutumes en dehors des groupements arabiss reconnus.
Il a fallu donc attendre l’apr€s colonisation, avec la vague de la nouvelle politique du
retour/recours . l’authenticit et les amitis du prsident Mobutu avec le Roi Hassan II du
Maroc pour voir l’islam participer . la vie nationale du Congo. En l’espace de deux dcennies,
sa population croyante est passe de 1,4 % . 10 %. Ce qui le met en position de revendiquer
un dialogue quilibr avec les autres confessions religieuses qui l’ont devanc au Congo.
115
Conclusion et Bilan du deuxime chapitre
Implantes dans "l’espace Congo" depuis le dbut de notre .re, les religions
traditionnelles africaines font aujourd’hui bon mnage avec, d’une part, les religions
chrtiennes, notamment avec l’Eglise catholique et les Eglises protestantes; et d’autre part avec
la religion musulmane qui franchit son premier si.cle d’implantation au Congo.
De ces rencontres interculturelles et religieuses sont nes des religions mi-chrtiennes,
mi-africaines. Elles sont appeles religions afro-chrtiennes. Elles pullulent de plus en plus .
travers toute l’Afrique. Elles reconnaissent Jsus-Christ comme Seigneur, affirment leur
africanit et rejettent la domination religieuse et politique des Eglises missionnaires (catholique
et protestantes) De nos jours, 50 % des chrtiens africains appartiennent . ces Eglises. C’est
dire leur importance et cela mrite qu’on leur accorde une attention toute particuli€re.
Cependant, nous ne nous sommes arr.t dans ce second chapitre de notre th€se que sur l’une
d’elles : le Kimbanguisme, membre du Conseil OEcumnique des Eglises ; en attendant d’en
savoir plus,- dans le quatri€me chapitre -, sur ce que sont les Eglises de rveil qui posent
question dans la problmatique actuelle du dialogue oecumnique et interreligieux au Congo.
En rsum, l’vanglisation catholique a connu, au Congo deux moments : le premier
est situ entre 1482 et 1835, le second a dmarr vers 1880.
- La premi€re vanglisation limite . la zone c.ti€re occidentale a connu un
cuisant chec pour deux raisons majeures :
1. Le manque de mthode dans l’vanglisation qui a fait que le christianisme
n’a pas pu prendre racine en terre Kongo. Le roi Nzinga Nkuvu baptis dans la
prcipitation a apostasi quatre ans apr€s, le temps qu’aurait dur une bonne catch€se
pr-baptismale.
2. Le manque de financement des missionnaires par la couronne portugaise qui
tait bnficiaire du "Padroado" de Rome. Cette situation avait conduit les missionnaires
Capucins . vendre des esclaves d’Eglise qui taient mis . leur disposition pour des
services locaux.
116
- La seconde vanglisation commen.a avec les missionnaires fran.ais du Saint-
Esprit qui se virent confier cette mission par un dcret de la Sacre Congrgation de la
Propagation de la foi, dat du 9 septembre 1865. Ils n’entr€rent effectivement au Congo qu’en
1880, cinq ans avant que Lopold II, le Souverain Roi des Belges ne se voit octroyer tout le
bassin du Congo comme proprit prive par la confrence de Berlin. L’article 6 du trait de
Berlin, protgeait tous les citoyens et garantissait la libert de culte. Cette seconde tape a vu
dfiler des mthodes d’vanglisation partant du salut des mes jusqu’. l’inculturation de
l’vangile en terre africaine par les africains eux-m.mes. Elle fut une priode de croissance, de
rayonnement et d’enracinement de l’vangile dans l’ensemble du territoire congolais.
Les missions protestantes menaient une action semblable, crant des postes de mission,
se dpensant pour assurer l’instruction et l’vanglisation des populations. Leur implantation
au Congo, plus ancienne que celle des catholiques de la seconde vanglisation, a connu un
tout autre rythme. Prives de l’appui politique du souverain de l’Etat Indpendant du Congo,
combattues par les socits commerciales belges, tout en n’tant pas . l’abri des dissensions
internes, elles eurent une implantation plus difficile que celle des catholiques. La raison
principale de ces hostilits tant la dnonciation par leur journal . Londres, des pratiques
commerciales abusives et inhumaines. Elles ne doivent leur maintien au Congo qu’. un
regroupement autour de la Confrence des Missionnaires qui cra l’Eglise du Christ au Congo
(ECC) C’est en partie . cause de leur manque de cohsion interne que commenceront . na.tre
les Eglises africaines dites indpendantes ou Eglises afro-chrtiennes.
Le kimbanguisme, l’une de ces Eglises afro-africaines, est ne d’un proph€te congolais:
Simon Kimbangu, ancien catchiste des missionnaires protestants de la BMS. Il aurait re.u de
Dieu les dons de gurison et de prdication qui firent de lui un grand proph€te. Accus
d’inciter les foules . la dsobissance civique et de propager des ides blasphmatoires, il fut
condamn . mort le 3 octobre 1921, peine commue en rclusion perptuelle par la grce du
roi de Belges, Albert I. Le kimbanguisme s’est panoui rapidement apr€s la mort du Proph€te
dans une prison d’Elisabethville (Lubumbashi), apr€s 30 ans de rclusion. En 1959, il fut
reconnu officiellement comme religion par la Belgique et en 1969 il fut admis au Conseil
Oecumnique des Eglises (C.O.E.). Il prsente actuellement deux visages : le kimbanguisme
officiel et le kimbanguisme des kimbanguistes. Tout se joue sur le r.le du proph€te par rapport
117
. l’Esprit-Saint. Comme proph€te, Simon Kimbangu est align derri€re Mo.se et Mohamed. Il
est pour les noirs, ce que Mo.se est pour les juifs et Mohamed pour les arabes.
Quant . la religion musulmane, elle est un mtissage entre l’islam et les religions
traditionnelles africaines. Son introduction comme religion fut l’oeuvre des fils mtis des arabes
de Zanzibar, venus du sultanat arabe de Mascate.
Pendant toute l’poque coloniale, elle est reste cantonne dans quelques groupements
bien connus de la rgion de Maniema. Elle a trouv son plein panouissement pendant les trois
dcennies du pouvoir de Mobutu. Aujourd’hui elle passe, selon toute probabilit, de 1,4 % de
la population . 10 %, et joue bien son r.le dans le concert des religions congolaises.
118
TROISIEME CHAPITRE :
L’EGLISE CATHOLIQUE ET
LE DIALOGUE OECUMENIQUE ET
INTERRELIGIEUX :
ETAT GENERAL DE LA QUESTION
119
Introduction.
Apr€s la prsentation de la situation actuelle des religions en Rpublique Dmocratique
du Congo, nous voulons analyser dans ce troisi€me chapitre de notre th€se, la position
officielle rcente de l’Eglise catholique sur les religions non chrtiennes et son volution dans
le monde depuis Vatican II. Nous analysons aussi les rflexions et actions concr€tes des
confrences piscopales particuli€res et les dbats des thologiens sur le pluralisme religieux.
Trois tapes de ce qu’on appellerait "un nouveau regard sur les religions non
chrtiennes" vont retenir notre attention :
1. Avant le concile Vatican II : Le Parlement des religions de Chicago (du 11 au 23
Sept.1893)
2. Vatican II : la doctrine conciliaire sur les religions non chrtiennes.
3. L’volution de l’Eglise dans le monde depuis Vatican II et le Magist€re
postconciliaire.
Nos sources pour cette analyse sont les tudes effectues . ce sujet par Julien Ries160,
Th.Rey-Mermet161, Jacques Dupuis162, Louis Derousseaux163et Rana Sabra Ben-Omar164.
160Julien RIES, Les Chr€tiens parmi les religions. Des Actes des Aptres Vatican II, Descle, Paris 1987
161Th.,REY-MERMET, Croire. Vivre la foi avec le Concile Vatican II, Tome 3, Droguet&Ardant, Limoges
1979
162Jacques DUPUIS, Vers une th€ologie chr€tienne du pluralisme religieux, Cogitatio Fidei, Cerf, Paris 1997.
163 Louis DEROUSSEAUX, Thologie des Religions, Cours de Thologie fondamentale(module 211), Facult
de Thologie de Lille, 1994,112p.
164 Rana Sabra Ben-Omar, L’.volution de la pens.e r.cente de l’Eglise catholique . la rencontre des religions
depuis le Concile VaticanII, Th€se de doctorat en histoire des religions, Lille 3, Octobre 1999.
120
III. 1. Le dialogue Interreligieux avant Vatican II.
Introduction
Avant le concile Vatican II, aucune instance officielle de l’Eglise catholique n’avait
trait, de fa.on judicieuse, des religions non chrtiennes. Toutes les mentions occasionnelles
qu’on en faisait ne consistaient qu’. les condamner sans proc€s, se basant sur la maxime de
saint Cyprien, v.que de Carthage au III€me si.cle, selon laquelle "hors de l’Eglise, pas de salut"
(Extra ecclesiam nulla salus). Replace dans son contexte historique, cette maxime qui puise
certes ses origines dans le Nouveau Testament (Mt.XXVIII, 19ss), a t prononce dans le
cadre d’un conflit avec les hrtiques. Sortie de ce contexte prcis, cette affirmation qui s’est
installe dans l’histoire a accentu le rigorisme de l’Eglise et sa surestimation par rapport aux
religions non chrtiennes165.
Vatican II est le premier et seul concile de l’histoire o. il n’y a eu aucun "anath€me"
jet . l’gard de telle ou telle autre religion, ni une condamnation prononce . l’intrieur m.me
de l’Eglise.
III. 1. 1. Initiatives positives des mystiques catholiques
Quelques facteurs non ngligeables qui ont amen l’Eglise . finalement poser un regard
nouveau sur les religions, mritent d’.tre rappels pour la bonne comprhension des enjeux. Ils
s’talent entre le XII€me et le XX€me si€cle. Il y a en premier, les rencontres et les
rapprochements avec l’islam, qui sont l’oeuvre de quelques grands mystiques catholiques,
notamment Pierre le Vnrable, abb de Cluny (+ 1156), qui fit traduire le Coran en latin ;
Fran.ois d’Assise qui envoya des fr€res en Palestine et Raymond Lulle (1235-1315) un la.c
catalan qui, . trente ans, quittait sa famille pour organiser des coll€ges de langues et
vangliser les musulmans. Ces premi€res initiatives courageuses venaient dfier une
conception qui s’tait solidement enracine dans l’Eglise depuis pr€s de dix si€cles.
165 Pour plus de dtails, voir la rcente publication de Bernard SESBO.E, Hors de l’Eglise pas de salut.
Histoire d’une formule et probl.me d’interpr.tation, Descl.ee de Brouer, 2004. Apr.s avoir replac. cette
121
III. 1. 2. Eclosion des sciences des religions
Apr€s les initiatives des mystiques catholiques, il y eut diffrents v€nements : au
XVI€me si€cle la Renaissance, puis au XVII€me et surtout au XVIII€me si€cles les philosophes dits
"des Lumi€res" qui ont amen une certaine scularisation et ont incit les Eglises . s’intresser
aux religions non chrtiennes. Les milieux intellectuels proches des philosophes des Lumi€res
ont alors cr une nouvelle discipline qui jetait de fa.on dcisive, un nouveau regard sur les
religions : l’histoire ou les sciences des religions qui paraissent devoir remplacer la thologie166.
En Italie, Giovanni Batista Vico (+ 1744), historien et philosophe. Dans Principes de la
philosophie de l’histoire (1725), il distingue trois ges dans l’histoire de chaque peuple : l’ge
divin, l’ge hro.que et l’ge humain. Il essaie de comprendre les civilisations par leurs mythes
religieux167. En Allemagne, Friedrich Von Schelling (+1854), philosophe, auteur d’un syst.me
d’idalisme subjectif dans la ligne des romantiques, fait une hermneutique positive du mythe
qui est pour lui un message de vrit.
En France, Quinet, Michelet et Renan crent maintes thories . partir des prjugs
positivistes, "lacistes", volutionnistes. Les premiers historiens des origines, Taylor, Frazer,
Tiele, Chantepie de la Saussaye, Rville, excellent dans les sciences des religions pour
comprendre autrement les phnom.nes religieux168.
III. 1. 4. Wold’s Parliament of Religions
L’Eglise ne pouvait pas rester trop longtemps . l’cart de ces enjeux, ni trop impassible
devant cette monte des sciences profanes des religions. Cette ascension des sciences des
religions a peu . peu orient l’Eglise vers une nouvelle approche. Le dbut de cette nouvelle
approche est . situer . Chicago en 1893. Sa primeur est du c.t de l’Eglise presbytrienne o.
Nathan Soderblom (+ 1931), v.que d’Upal voit l’histoire comme une exprience de Dieu par
l’humanit. De son c.t, Rudolf Otto (+ 1937) fait des tudes sur le sacr qu’il consid.re
formule dans son contexte historique, l’auteur propose une autre formule qui va dans la ligne des d.bats
actuels autour du pluralisme religieux : Le salut par l’Eglise ..
166Voir Louis DEROUSSEAUX, op.cit., module 211/1994.
167 Voir Dictionnaire encyclop€die 2, Larousse, slection du reader’s, Brepols, 1994, p. 1744.
168 Louis Derousseaux, Ibidem
122
comme . lieu d’une exp.rience irr.ductible du divin : sous sa forme de "lumineux" . la fois
tremendum et fascinosum .. Cette entre en jeu des hommes d’Eglise dans le carr des
sciences des religions a fait que l’histoire des religions renonce . expliquer et rduire. Elle
adopte une attitude "plus phnomnologique". C’est cette attitude qui caractrisera dsormais
les tudes de G. Van der Leeuw (1950) et surtout de Mircea Eliade (+ 1986)169.
L’engagement courageux de Nathan Soderblom et Rudolf Otto dans les sciences des
religions s’est vu couronn au World’s Parliament of Religions tenu du 11 au 23 septembre
1893 . Chicago. Convoqu par l’Eglise presbytrienne et la hirarchie catholique des USA, le
Parlement des religions de Chicago fut une rencontre pacifique de savants et de chefs religieux
o. l’on souhaitait donner une le.on de tolrance religieuse. Seize religions taient
repr€sent€es, plus particuli.rement les religions indiennes. Bien que les temps ne fussent pas
encore m.rs, cette rencontre ajoutait son poids d’or . l’histoire de l’Eglise, car elle est la
premi€re o. l’Eglise hirarchique a trait d’gal . gal avec les reprsentants d’autres religions
et . un haut niveau scientifique.
Conclusion
Ce petit survol rapide et synthtique nous permet de comprendre ce qui avait le plus
motiv les instigateurs du concile Vatican II . porter un nouveau regard sur les autres religions
et . tourner dfinitivement l’Eglise catholique vers un dialogue interreligieux dans le respect, la
dignit et la tolrance. C’est ce nouveau regard de l’Eglise, exprim officiellement dans les
constitutions et les dcrets du second concile de Vatican, que nous analysons dans la section
qui suit.
169 Voir Ibidem mod. 211
123
III.2. Vatican II et la doctrine conciliaire sur les religions non chr€tiennes.
Trois points du document de l’Eglise sur les religions non chrtiennes retiendront notre
attention :
1. Les circonstances de la naissance difficile de "Nostra Aetate".
2. La doctrine conciliaire sur les religions non chrtiennes.
3. L’enseignement de "Nostra Aetate".
III. 2. 1. Les circonstances de la naissance difficile de NOSTRA AETATE
Outre l’vnement du Parlement de Chicago o. la hirarchie officielle de l’Eglise
catholique des USA a donn le ton . une rencontre positive avec les religions non chrtiennes,
les grandes dcouvertes technologiques du XXme si€cle et les grandes organisations
internationales de l’apr€s guerre (1940-1945) ont beaucoup fait en sorte que l’Eglise
catholique porte un nouveau regard sur les autres religions.
La premi€re phrase de la dclaration "Nostra aetate" (N.A.) semble traduire cette ralit
flagrante : . A notre €poque, le genre humain devient de jour en jour plus €troitement uni et
les relations entre les divers peuples se multiplient... .170.
Il faut quand m.me attribuer cette intuition . la volont courageuse d’un pontife qui
voulait en dpit de tout, ramer . contre courant de la pense traditionnelle de l’Eglise. Angelo
Roncalli, le futur pape Jean XXIII, avait t diplomate du Saint-Si€ge en Bulgarie puis en
Turquie pendant la seconde guerre mondiale. Dlgu apostolique . Sofia de 1925 . 1934,
puis . Istanbul de 1935 . 1944. Pendant ces deux dcennies il avait appris . conna.tre les
autres religions "de l’int.rieur", notamment la religion orthodoxe et l’islam. Pendant la guerre
qui l’avait surpris . Istanbul, il avait touch du doigt la dtresse de beaucoup de Juifs qui
170 N.A. n.1. Nous voudrions aussi noter que dj. dans la bulle d’indication du Concile Vatican II, . Humanae
Salutis . publie le 25 dcembre 1961, le pape Jean XXIII dclarait : . L’Eglise, aujourd’hui, assiste . une
grave crise de la soci.t. humaine qui va vers d’importants changements. Tandis que l’humanit. est au
tournant d’une .re nouvelle, de vastes t.ches attendant l’Eglise, comme ce fut le cas . chaque .poque difficile.
Ce qui lui est demand. maintenant, c’est d’infuser les .nergies .ternelles, vivifiantes et divines de l’Evangile
dans les veines du monde moderne ; ce monde qui est fier de ses derni.res conqu.tes techniques et
scientifiques, mais qui subit les cons.quences d’un ordre temporel que certains ont voulu r.organiser en
faisant abstraction de Dieu ..
124
fuyaient devant leurs bourreaux. Th. Rey-Mermet confirme . qu’. nombre d’entre eux, il
sauva la vie .171.
Fallait-il qu’apr€s toutes les atrocits et les injustices de la guerre, l’Eglise continue .
faire peser sur ce peuple le fardeau de la culpabilit morale ? Les pri€res de l’Eglise catholique
pour le peuple juif, jusqu’. la formule du sacrement de bapt.me pour les juifs qui devenaient
chrtiens, fr.laient le sadisme. Jean XXIII commencera par dbarrasser l’Eglise de toutes ces
petites pines qui faisaient le plus mal, avant m.me de penser au concile qui apportera une
grande rvolution dans l’Eglise. Il ordonnera d€s son lection . la papaut, qu’on change
l’oraison du Vendredi Saint172 et qu’on recouvre les tableaux et inscriptions antismites de
l’glise de Deggendorf, en Bavi.re. Il ordonnera aussi qu’on supprime de la crmonie du
bapt.me des juifs la formule d’abjuration.
C’est dans cette volont de Jean XXIII de remettre les choses dans l’ordre qu’il faut
chercher . comprendre l’esprit de la dclaration "Nostra Aetate".
De ce qui prc€de, on peut comprendre qu’au fond, Jean XXIII, tmoin compatissant
de la dtresse des Juifs et rsolu . amliorer leur sort, souhaitait une parole officielle de
l’Eglise, runie en concile oecumnique. Comme le note L. Derousseaux, . on ne parle pas
encore de la Shoah .173, mais le pape souhaitait en outre que cette parole officielle de l’Eglise
enterre dfinitivement la hache des guerres politico-religieuses qui dtruisent l’Eglise depuis
presque deux mille ans. Le mandat de rdiger un projet de "Decretum de Judaeis" fut donn au
cardinal Bea qui le prsentera pour la premi€re fois en juin 1962. Malheureusement ce projet
ne put pas passer . sa premi€re prsentation, en raison de l’opposition farouche des v.ques
des pays arabes qui voulaient conna.tre le "pourquoi" de ce statut spcial officiel pour les juifs
171 REY-MERMEY Th, op. cit. , p. 390
172 Dans la liturgie du Vendredi Saint, la pri€re, avant le pontificat de Jean XXIII disait ceci : . Prions pour les
juifs perfides : que le Seigneur notre Dieu .te le voile de leurs coeurs afin qu’ils reconnaissent avec nous Jsus
Christ notre Seigneur : " Dieu ternel et tout puissant, tu n’exclus pas de ta misricorde la tra.tresse des juifs ;
coute nos pri€res en faveur de ce peuple aveugl, afin qu’il reconnaisse la lumi€re de ta Vrit, le Christ, et
qu’il soit libr de ses tn€bres. Amen" . Depuis Jean XXIII, elle dit ceci : . Prions pour les juifs . qui Dieu a
parl en premier : qu’ils progressent dans l’amour de son Nom et la fidlit . son alliance : " Dieu ternel et
tout puissant, toi qui as choisi Abraham et sa descendance pour en faire les fils de ta promesse, conduis . la
plnitude de la Rdemption le premier Peuple de l’alliance, comme ton Eglise t’en supplie. Amen". Parmi les
raisons qui ont les plus motiv Jean XXII . faire rdiger un projet de "Decretum de Judaeis", il faudra noter le
r.le jou par l'historien fran.ais Jules Isaac (un Juif) qui avait eu plusieurs entretiens avec le pape dont il s'tait
fait un ami.
173 L. Derousseaux, op.cit., p. 12
125
seuls. Etait-ce une fa.on pour l’Eglise de reconna.tre officiellement l’Etat d’Isra.l ? Comment
seraient traits les chrtiens minoritaires des pays arabes ? L’Eglise accepterait-elle de
cautionner les reprsailles qui s’en suivraient ? Autant de questions de fond qui ont bloqu le
projet dans l’tat o. l’a prsent le cardinal Bea en premi€re session.
Le pape meurt avant l’aboutissement du projet qui lui tenait tant . coeur. Th. Rey-
Mermet crit : . Contre les opposants, le cardinal Bea d€fend en personne son projet en
appelant la rescousse la m€moire du bon pape Jean. La commission centrale d€cide, pour
faire passer ce texte sur les juifs, d’en att€nuer les ar.tes vives et de l’enrober en faisant
place aux autres religions .174.
L’Equation paraissait complique car les autres religions n’entendaient pas devenir des
marionnettes soumises au bon plaisir de l’Eglise catholique. Le successeur du "bon pape Jean",
le pape Paul VI, se devait de prendre le dossier en main. Il devait pour cela tablir, au
pralable, les contacts ncessaires avec les autres religions et inventer de nouvelles structures
au sein m.me de l’Eglise. Cette mission le conduira respectivement en Terre Sainte en janvier
1964 o. il fut re.u par les autorits politiques et religieuses d’Isra.l et par le Roi Hussein de
Jordanie. Il cra . la Pentec.te 1964, le "Secrtariat pour les religions non chrtiennes". En
ao.t, il publie la premi€re Encyclique sur le th€me du dialogue, y compris avec les religions
non chrtiennes. "Ecclesiam Suam". En dcembre 1964, il va, en personne, au congr€s
eucharistique de Bombay et prend contact avec les reprsentants religieux de l’Inde. Malgr
tous ces contacts pour tenter "d’enrober" la cause juive, en faisant place aux autres religions,
les oppositions tenaces venant surtout du monde arabe, ne furent compenses que par la
. chaleur des paroles de Paul VI, lors de la promulgation du 28 octobre 1965 .175.
Il a donc fallu trois ans de tractations difficiles pour qu’enfin soit accepte et approuve
la dclaration de l’Eglise sur les relations avec les religions non chrtiennes dont l’objectif
central tait la question juive.
Dans l’intervalle des annes 1964 et 1970, le Pape Paul VI aura effectu neuf voyages .
travers les cinq continents, dans un but spcifiquement religieux, caractris par le seul dsir de
rencontrer les diffrentes familles religieuses non chrtiennes. Pendant le concile, il fera trois
174 Th. Rey-Mermet, op.cit, p. 376
126
voyages : le p€lerinage en Terre Sainte du 4 au 6 janvier 1964 ; Le p€lerinage – voyage .
Bombay, du 2 au 5 dcembre 1964 ; Puis sa visite . l’ONU, le 4 octobre 1965, et la messe au
"Yankee Stadium" au cours de laquelle il a salu . tous ceux qui appartiennent . d’autres
religions ..
Il accompagne ces voyages de gestes humains tr€s significatifs pour marquer . la fois sa
solidarit avec les peuples souffrants de ces nations visites : le 18 novembre 1964 dans l’aula
conciliaire au cours d’une messe clbre par le patriarche Maximos IV et autres
archimandrites grecs melchites, il fait don de sa tiare papale pour les pauvres. Lors de son
dpart pour l’Inde, il fait embarquer sa limousine blanche "Lincoln" qui lui avait t offerte
auparavant par les fid€les du dioc€se de New-York et ce, dans l’intention de la vendre et
d’utiliser l’argent pour acheter des mdicaments pour les Indiens. Cette voiture aura t
finalement remise . M€re Trsa pour ses oeuvres en faveur des pauvres de l’Inde.
Apr€s le concile, il ira en Turquie du 25 au 26 juillet 1967, o. il fera deux tapes :
Istanbul et Eph€se. Il fera son premier voyage en Afrique, . Kampala, en Ouganda du 31 juillet
au 2 ao.t 1969, et le dernier voyage du pape, le neuvi€me, le conduira en Asie et en Australie,
du 26 novembre au 4 dcembre 1970. C’est un premier record dans l’histoire de la papaut et
le symbole d’une Eglise qui s’ouvre enfin au monde, dans sa diversit sociale, conomique et
religieuse.
III. 2. 2. La doctrine conciliaire sur les religions non chr€tiennes
La Dclaration "Nostra Aetate" n’est pas le seul endroit o. le Concile traite des
religions non chrtiennes. Il nous para.t donc ncessaire de prsenter sommairement la
structure des textes conciliaires avant d’essayer de rsumer la doctrine sur les religions non
chrtiennes.
En bref les documents du concile Vatican II sont regroups en trois rubriques qui ont
chacune une valeur juridique approprie : Les Constitutions dogmatiques, les D€crets et les
175 L. Derousseaux, op.cit., p. 13
127
D€clarations. Sur les seize documents qui constituent les actes du concile Vatican II, il y a
quatre (4) constitutions dogmatiques, neuf (9) dcrets et trois (3) dclarations.176
En parall€le avec le texte de la Dclaration Nostra Aetate, d’autres passages dans les
constitutions, dogmatiques ou pastorales, parlent des religions non chrtiennes. Nous en
relevons trois qui font autorit.177
176 * les Constitutions sont les condenss de la doctrine officielle de l’Eglise.
1. La doctrine de l’Eglise . Sur l’Eglise . : "Lumen Gentium"
2. La doctrine de l’Eglise . Sur la Liturgie . : " Sacro Sanctum Concilium"
3. La doctrine de l’Eglise . Sur la Rvlation . : " Dei Verbum"
4. La doctrine de l’Eglise . Sur l’Eglise dans le monde de ce temps .: "Gaudium et Spes "
* les D€crets sont des lois, des obligations, que l’Eglise impose pour sa bonne marche dans la discipline,
l’ordre et la paix.
5. . Sur la charge pastorale des Ev.ques . : "Christus dominus"
6. . Sur le minist€re et la vie des pr.tres . : " Presbyterorum Ordinis"
7. . Sur la formation des pr.tres . : " Optatam Totius"
8. . Sur la rnovation et adaptation de la vie religieuse . : "Perfecte caritatis"
9. . Sur l’apostolat des la.cs . : " Apostolica Actriositatem"
10. . Sur l’activit missionnaire de l’Eglise .: "Ad Gentes"
11. . Sur l’oecumnisme . : "Unitatis redintegratio"
12. . Sur les Eglises Orientales . : "Orientalum Ecclesiarum"
13. . Sur les moyens de communication sociale . : "Inter Mirifica"
* les D€clarations sont des actes de reconnaissance faits par l’Eglise pour les domaines o. elle s’engage au
respect dans la collaboration entre partenaires.
14. . Sur la libert religieuse . : "Dignitatis humanae"
15. . Sur l’Eglise avec les religions non-chrtiennes . : "Nostra Aetate"
16. . Sur l’Education Chrtienne . : "Gavisimum Educationis momentum’
177 1. L’galit de tous les hommes (Gaudium et Spes 29) . Tous les hommes, dou€s d’une .me raisonnable
et cr€€s l’image de Dieu, ont m.me origine; tous, rachet€s par le Christ, jouissant d’une m.me vocation et
d’une m.me destin€e divine ; on doit donc, et toujours davantage, reconna.tre leur €galit€ fondamentale ..
2. Le respect et l’amour dus . tous, le dialogue (Gaudium et Spes 28) . Le respect et l’amour doivent aussi
s’.tendre . ceux qui pensent ou agissent autrement que nous en mati.re sociale, politique ou religieuse.
D’ailleurs plus nous nous efforons de p.n.trer de l’int.rieur, avec bienveillance et amour, leurs mani.res de
voir, plus le dialogue avec eux deviendra ais. ..
3. Le Salut universel, en corps, par l’Alliance et par "ordination" au peuple de Dieu. (Lumen Gentium 8
et 16) ; (Gaudium et Spes 92)
* Salut universel, en Corps (Lumen Gentium 8) : . En tout temps et toute nation, est agr€able Dieu celui qui
le craint et pratique la justice. Cependant il a plu Dieu de sanctifier et de sauver les hommes, non pas
individuellement et l’exclusion de tous liens mutuels, il a voulu faire un Peuple qui le conn.t dans la v€rit€
et le serv.t saintement. Il a donc choisi le Peuple d’Isral pour en faire son peuple, il a €tabli une Alliance
avec lui... .
* "Ordination" . l’Eglise de tous (Lumen Gentium 16) : . Enfin ceux qui n’ont pas reu l’Evangile sont
ordonn.s de diverses mani.res au Peuple de Dieu.Et en premier lieu, ce peuple auquel ont .t. donn.es les
alliances et les promesses, et d’o. est issu le Christ selon la chair, peuple ch.ri selon l’.lection et . cause des
P.res car les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance. .
* L’islam et tous les autres (Lumen Gentium 16 et Gaudium et Spes 92):
. Mais le propos du salut embrasse aussi ceux qui reconnaissent le Cr€ateur, et en premier lieu les
musulmans, qui professant avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, mis€ricordieux, qui
jugera les hommes au dernier jour. Et Dieu lui-m.me n’est pas loin de ceux qui cherchent travers les ombres
et les images un Dieu inconnu, puisqu’il donne tous vie et souffle et toutes choses, et que, Sauveur, il veut
que les hommes soient sauv€s. Car ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l’Evangile du Christ et son
Eglise, et cependant cherchent Dieu d’un coeur sinc.re, et s’efforcent sous l’influence de la gr.ce,
128
L’importance de cette note rcapitulative est de montrer la place qu’ont occupe les
religions non chrtiennes dans l’ensemble des travaux du concile. L’intr.t qu’on y porte
aujourd’hui est de loin beaucoup plus grand que la place minime qu’elles occupent dans
l’ensemble des actes. Ces quelques citations de "Lumen Gentium" et "Gaudium et Spes" qui
sont des Constitutions dogmatique et pastorale, ne sont pas des doublets de la Dclaration
N.A. Elles montrent, en dpit de la contestation dont a fait l’objet N.A., la nouveaut du concile
Vatican II par rapport . l’attitude traditionnelle de l’Eglise.
Aucun autre concile auparavant n’a t aussi ouvert en accordant une place positive
aux autres religions. Vatican II a ralis sur ce point une grande rvolution. Le fait de
consigner les passages concernant ces religions, dans les "Constitutions", qui sont les
condenss de la "doctrine" de l’Eglise, donne un cachet plus officiel . ce nouveau regard de
l’Eglise sur les religions non chrtiennes, longtemps relgues aux "oubliettes".
Pour la premi€re fois, on voit qu’il n’y a aucune hsitation sur le salut universel.
L’Eglise, par la voix du concile prconise une attitude nouvelle : dialogue, respect et estime
des autres religions, particuli€rement du juda.sme et de l’islam qui croient au Dieu crateur.
L’Eglise reconna.t qu’il y a des valeurs dans d’autres religions, mais qu’elles ne sont qu’une
"prparation . l’Evangile". Elle reconna.t que Dieu agit dans la conscience de chaque homme,
quelles que soient son origine, sa race, sa culture et sa croyance. Cependant, le concile dans
cette phase n’est pas assez clair sur une question tr€s fondamentale : celle de savoir si les
religions sont une voie de salut. Cette question primordiale est presque laisse en jach€re,
donnant ainsi libre cours aux spculations et dbats entre thologiens et spcialistes des
religions.
III. 2. 3. L’enseignement de Nostra Aetate
d’accomplir dans leurs oeuvres la volont. de Dieu telle qu’ils la connaissent par la dict.e de leur conscience,
ceux-l. peuvent obtenir le salut .ternel.
La divine Providence ne refuse pas les secours n.cessaires pour leur salut . ceux qui sans faute de leur part ne
sont pas encore parvenus . une connaissance explicite de Dieu, et s’efforcent, non sans le secours de la gr.ce,
de mener une vie droite.
Tout ce qui se trouve chez eux de bon et de vrai, l’Eglise l’estime comme une pr.paration . l’Evangile et un
don de Celui qui illumine tout homme pour qu’il ait enfin la vie. .(LG 16)
. Nous tournons aussi notre pens€e vers tous ceux qui reconnaissent Dieu et dont les traditions rec.lent de
pr€cieux €l€ments religieux et humains, en souhaitant qu’un dialogue confiant puisse nous conduire tous
ensemble accepter franchement les appels de l’Esprit et les suivre avec ardeur. . (GS 92).
129
La Dclaration N.A. comporte 5 paragraphes : Prambule ; Les diverses religions non-
chrtiennes ; La religion musulmane ; La religion juive ; La fraternit universelle, excluant
toute discrimination.
De son titre exact "De Ecclesiae habitudine..." : L’attitude de l’Eglise face aux
religions non chrtiennes, le concile n’entend pas dfinir une position dogmatique sur les
relations de l’Eglise avec ces religions. Mise devant l’vidence des choses, notamment le
rapprochement extraordinaire des hommes par la technique (transport et multimdias) et par
les organismes internationaux ns apr.s la seconde guerre (O.N.U, O.I.T., O.M.S.,
UNESCO...), l’Eglise ne peut continuer . ignorer les autres religions, ni . les combattre, ni
moins encore . les adopter, ni . se taire trop longtemps.
Par la voix du concile, l’Eglise manifeste sa volont de promouvoir le dialogue avec le
monde actuel. N.A. commence par souligner ce que les hommes (les chrtiens et les autres) ont
en commun, sans chercher . nier les divergences et les oppositions qui distinguent et sparent
les cultures, les idologies, les croyances. On sent dans la premi€re partie du texte conciliaire,
tout le poids des sciences des religions . travers les thories de Soderblom sur l’exprience du
Sacr, celles de Mircea Eliade sur l’exprience de l’homo religiosus ou encore celles de W.
Schmidt, qui fut conseiller de Pie XII, sur la reconnaissance d’un Monothisme primitif avant
les juifs : . Les hommes attendent des diverses religions la r€ponse aux €nigmes cach€es de la
condition humaine, qui, hier comme aujourd’hui, troublent profond€ment le coeur
humain… .178
Ceci sous-entend que l’Eglise reconna.t que tous les peuples forment une seule
communaut ; tous les peuples ont une seule origine ; tous les peuples ont aussi une seule fin
derni€re. Bref tous les peuples cherchent dans leurs religions la rponse . la m.me srie de
questions.
Le concile se demande en second point si les rponses qui sont donnes . cette unique
et m.me question de fond sont toutes aussi vraies et acceptables. En d’autres termes : est-ce
178 N.A., n.1
130
que, en dehors de la Rvlation chrtienne, les rponses des religions aux questions de
l’homme ne sont que tn€bres et mensonges ? La rponse du concile, apr€s un bref expos du
syst€me de base de chacune des religions, notamment l’animisme africain, l’hindouisme, le
bouddhisme et les autres religions, se rsume dans ce message pascal de Paul VI : . Toute
religion poss.de un rayon de lumi.re que nous ne devons ni m€priser ni €teindre, m.me s’il
ne suffit pas donner l’homme la clart€ dont il a besoin. Toute v€rit€ religieuse
authentique est une aube de foi, et nous nous attendons ce qu’elle s’€panouisse en aurore et
dans la radieuse splendeur de la sagesse chr€tienne .179.
Le point central de la dclaration N.A. est dans le jugement de valeur que fait le concile
sur toutes ces religions voques. En effet, contrairement au jugement habituel de l’Eglise sur
les religions qui n’taient mentionnes que comme lments culturels, plut.t que comme
religion en tant que telle, Nostra Aetate est le premier document dans lequel l’Eglise parle des
religions non chrtiennes en tant que voies vers Dieu, vers le salut, tout en maintenant
fermement l’annonce du Christ qui est la Voie, la Vrit et la Vie. (Jn 14, 6). Les religions non
chrtiennes ne sont pas les autres voies directes du Salut, mais des voies plus au moins directes
vers la Voie du Salut. Elles devront toutes trouver leur accomplissement dans le Christ.
L’Eglise s’engage donc sur le plan du respect, du dialogue et de la collaboration.- Tout
ce qui va vers le sens de relativisme religieux pouvant prtendre que "toutes les religions se
valent" reste absolument condamn, sans que l’Eglise ne prononce d’anath.me comme avant.
En ce qui concerne l’islam, le concile n’en parle que comme religion monothiste et
rvle. Louis Derousseaux fait remarquer que le concile supprime expr.s la mention"par les
proph.tes" (qui a parl€ aux hommes par les proph.tes), mention que les musulmans auraient
entendue selon leur habitude comme une reconnaissance de Muhammad, sceau de la
proph€tie .180. Le concile exhorte les chrtiens . oublier le pass belliqueux, . avoir une
attitude de comprhension et de collaboration dans les probl€mes de socit.
179 Message pascal 1964 du Pape PAUL VI, cit par Th. REY-MERMET, op. cit., p. 383
180 Louis DEROUSSEAUX, op. cit., , p. 63
131
Quant . la religion juive, faut-il rappeler que c’est elle qui fut . l’origine m.me de cette
Dclaration ? Elle occupe la place d’honneur en cl.turant la dclaration. Le concile insiste sur
la prsence de ce peuple dans le myst€re m.me de l’Eglise. La dclaration N.A. commence par
cette phrase qui dit tout : . Scrutant le myst.re de l’Eglise, le concile rappelle le lien qui relie
spirituellement le peuple du Nouveau Testament avec la lign.e d’Abraham ..
Le mot qui cl.ture la Dclaration ne pouvait .tre autre qu’un vibrant rappel de la
fraternit universelle excluant toute discrimination. L’antismitisme, le racisme, l’esclavage
sous toutes ses formes sont des comportements contraires . la foi au Dieu Unique qui a cr
tous les hommes . son image.
A notre avis, la faiblesse de cette Dclaration, qui est pourtant une base de discussion
solide pour les thologiens, rside dans le fait qu’il n’a t question des religions non
chrtiennes que par opportunisme. En effet, rien dans le projet du concile, que ce soit dans le
questionnaire initial ou dans les suggestions envoyes par les v.ques, dans les commissions
mises en place, ou dans les soixante-dix schmas prparatoires du concile, rien n’tait prvu ni
sur les Juifs, ni sur les autres croyances. C’est uniquement suite . l’opposition farouche faite au
projet prsent par le cardinal Bea sur le judasme que les autres religions trouvent leur place
dans les documents du concile. Etait-ce une stratgie bien approprie ?
Enfin, quelles que soient les circonstances dans lesquelles est ne l’ide de la
dclaration Nostra Aetate, quelles qu’en soient ses faiblesses sur l’approfondissement des
valeurs des religions non chrtiennes, il nous faut reconna.tre que les bases poses sont solides.
Le concile, de faon gnrale, a provoqu l’volution de l’Eglise dans le monde ; et le
magist.re postconcilaire a ouvert, . travers des documents "guide" du dialogue interreligieux,
une possibilit pour les thologiens d’largir et d’approfondir les orientations . donner au
dialogue vritable entre toutes les religions. Nous allons, dans la section qui suit, analyser les
rflexions et les orientations du magist.re postconciliaire et les dbats qui s’en suivent.
132
III. 3. L’€volution de l’Eglise dans le monde et le magistre postconciliaire
III. 3. 1. L’.volution de l’Eglise dans le monde apr.s Vatican II
Nous venons de montrer que le concile Vatican II a rsolument tourn l’Eglise vers le
monde moderne. Ce nouveau regard a boulevers du m.me coup la gopolitique du monde en
trois domaines :
Primo : Le d€placement du centre de gravit€ du monde.
Depuis l’poque des grandes conqu.tes, le nombril du monde politique, social,
conomique et religieux s’est toujours situ en Occident. Dans les dcennies qui suivent
Vatican II, le centre de gravit du monde se dplace de l’Atlantique vers le Pacifique et la
Mditerrane. L’Asie, l’Afrique et l’Amrique latine, considres comme sous-dveloppes,
s’affirment et retrouvent la place de leurs cultures dans l’volution religieuse du monde.
L’intuition de ce dplacement du centre de gravit du monde est dj. perceptible au
travers de la bulle d’indiction du concile : "Humanae Salutis" et du "Message tous les
hommes", publis respectivement le 25 dcembre 1961 et le 20 octobre 1962181.
En octobre 1999, soit vingt cinq ans apr€s Vatican II et treize ans apr€s la rencontre
d’Assise, Odon Vallet crivait : . Dieu a chang. d’adresse ! .182 Nous entrons dans les dtails
de ce dplacement du centre de gravit du monde dans les pages qui suivent.
181 Dans la bulle d’indiction . Humanae Salutis . du Concile Vatican II, du 25 dcembre 1961, le pape Jean
XXIII dclarait : . L’Eglise, aujourd’hui, assiste . une grave crise de la soci.t. humaine qui va vers
d’importants changements. Tandis que l’humanit. est au tournant d’une .re nouvelle, de vastes t.ches
attendent l’Eglise, comme ce fut le cas . chaque .poque difficile. Ce qui lui est demand. maintenant, c’est
d’infuser les .nergies .ternelles, vivifiantes et divines de l’Evangile dans les veines du monde moderne… .
D’un autre c.t, l’assemble conciliaire avait publi, le 20 octobre 1962, un . Message . tous les hommes .
dans lequel les P.res conciliaires faisaient savoir qu’ils compatissaient avec . toutes les d€tresses mat€rielles et
spirituelles de la terre, ainsi qu’avec les souffrances et les aspirations des peuples qui nous sont confi€s (…).
Aussi, dans nos travaux donnerons nous une part importante tous ces probl.mes terrestres qui touchent la
dignit€ de l’homme et une authentique communaut€ des peuples. . Gaudium et spes est la concrtisation de
ce projet.
182 Odon Vallet enseigne aux universits Paris-I et Paris-VII ; Voir son article dans Le Monde du 26 octobre
1999. Il crit : . Treize ans apr.s la rencontre d’Assise, l’assembl.e interreligieuse de Rome (25-28 octobre)
montre combien l’apparente stabilit. des religions mill.naires masque leurs .volutions g.ographiques,
d.mographiques et th.ologiques. Avec 1,7 milliard de baptis.s, le christianisme demeure la premi.re religion
mondiale ; le nombre de chr.tiens progresse parall.lement . la population de la plan.te. La bonne
implantation du christianisme dans les r.gions . forte natalit., ( Asie, Afrique, Am.rique latine) compense son
d.clin en Europe. La seule confession chr.tienne ayant relativement r.gress. au XXe si.cle, l’orthodoxie, est
d’ailleurs la plus centr.e sur le Vieux Continent, ses pays d’origine (Gr.ce et Russie) n’ayant jamais .t. de
grandes puissances coloniales. Le red.ploiement du christianisme est spectaculaire. En 1939, les premiers
pays catholiques du monde .taient la France, l’Italie et l’Allemagne (qui avait annex. l’Autriche).
Aujourd’hui, ce sont le Br.sil, le Mexique et les Philippines. Le premier pays protestant du monde (les Etats-
Unis .tant le premier) est d.sormais le Nigeria, . .galit. avec l’Allemagne et l’Angleterre. Et la majorit. des
133
Secundo : La division du monde et l’engagement social de l’Eglise.
Le dplacement du centre de gravit a chang, mutatis mutandi, la division du monde
qui ne se fait plus selon une ligne Est – Ouest, mais selon une ligne Nord – Sud, c’est-.-dire
entre pays riches et pays pauvres. Cette ralit dfinira aussi l’orientation des grands axes de
l’enseignement social de l’Eglise.
Dans l’encyclique du 26 mars 1967 : "Populorum progressio", Paul VI, . la suite de
Gaudium et spes, voit dans le dveloppement intgral un devoir issu du droit fondamental
qu’est le droit . la vie. . Le d€veloppement, dit-il, est le nouveau nom de l’.vang.lisation qui
vise tout homme et tout l’homme .. Jean-Paul II synthtise l’enseignement social du concile
(GS) en un corps doctrinal plus labor dans l’encyclique de 1981 : "Laborem Exercens" o. le
pape montre que la personne humaine constitue le centre de la doctrine sociale de l’Eglise. La
pauvret et la mauvaise distribution des richesses tant l’une des sources de conflits dans le
monde.
Tertio : La situation conflictuelle de la soci€t€ internationale.
Les diffrents conflits . travers le monde n’ont pas laiss l’Eglise indiffrente : guerres
du Vietnam, Isralo-Arabe, du Biafra, du Pakistan, etc. Au travers des messages de justice et
de paix aux organisations internationales et aux belligrants, le magist.re postconciliaire a
assur une meilleure prsence de l’Eglise au monde. Les confrences piscopales locales ont
tent . leurs mani.res, de prendre position sur ces diffrents probl.mes du monde moderne.
Plusieurs de ces conflits ayant . la base, entre autres causes, l’intolrance religieuse, la
question du dialogue interreligieux est revenue au premier plan des dossiers brlants pour
l’Eglise dans sa mission . la lumi.re de l’Evangile. Les voyages apostoliques entrepris . travers
le monde par les papes Paul VI et Jean-Paul II ont finalement ouvert des perspectives nouvelles
pour le dialogue interreligieux et oecumnique. Les premi.res structures continentales pour la
promotion du dialogue furent cres dans l’Eglise catholique.
C’est aussi dans le cadre de cette grande mutation qu’. vcu l’Eglise de l’apr.s concile
que le probl.me de l’inculturation de la foi s’est pos avec une acuit particuli€re, obligeant le
anglicans sont des Noirs (d’Afrique, d’Am.rique ou d’Oc.anie) : une confession n.e d’un conflit purement
europ.en (le remariage du roi Henri VIII refus. par le pape Cl.ment VII) est pr.sente sur le 5
continents.[…] .
134
magist.re . se prononcer sur l’usage de ce terme dans le langage officiel de l’Eglise
catholique183. Paul VI, . travers ses voyages et dans son enseignement postconciliaire, a cr
une ouverture sur le chemin de l’inculturation :
- En 1969, lors de son voyage en Afrique, il cre . Kampala (Ouganda), le Symposium
de Confrences Episcopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM) en disant : . Africains,
vous pouvez et devez avoir un christianisme africain (…). C’est maintenant vous d’.tre vos
propres missionnaires ..
- En 1972, en vue de coordonner leurs activits au niveau continental, il autorise les
confrences piscopales d’Asie . former une Fdration des Confrences Episcopales
d’Asie (FABC), avec un Bureau pour les Affaires OEcumniques et Interreligieux
(OEIA). [sigles en version anglaise]
III. 3. 2. PAUL VI, De Ecclesiam Suam . Evangelii Nuntiandi : Une ouverture sur
le chemin de l’inculturation.
III.3.2.1. Ecclesiam suam : base historique et idale de rflexion sur le dialogue
Publie le 6 ao.t 1964, entre la seconde et la troisi€me session du concile Vatican II,
cette premi€re encyclique de Paul VI est considre comme "base historique" du dialogue
interreligieux. . C’est avec ce texte, comme le dira Jozef Cardinal Tomko184, que dans le
183 Au probl.me de la culture et de l’inculturation, le Concile Vatican II a, certes, donn une impulsion et une
attention toute spciale. Le terme d’inculturation dsigne les contacts de la foi chrtienne avec une ou plusieurs
cultures. Mais l’usage officiel de la notion d’inculturation est tr.s rcent dans les documents du magist.re
officiel. C’est dans les textes du pape Jean-Paul II, . partir de 1979 que le terme .inculturation . est
officiellement employ au sens o. l’entendent la FABC et le SCEAM. - Dans l’allocution . la Commission
biblique pontificale, prononce le 26 avril 1979, le pape Jean-Paul II dsigne ce concept thologique comme
tant "l’une des composantes du grand myst.re de l’Incarnation" : . Nous le savons, le Verbe s’est fait chair et
il a demeur. parmi nous (Jean 1, 14) ; ainsi, en voyant J.sus-Christ, ’le fils du charpentier’ (Mt 13, 55), on
peut contempler la gloire m.me de Dieu (Jean 1, 14). . - Dans l’exhortation apostolique Catechesi tradendae
du 16 octobre 1979, le pape Jean-Paul II dfinit l’inculturation comme tant : . une mani.re de proposer la
connaissance du myst.re cach€. . - C’est dans l’encyclique Slavorum Apostoli publi en 1985 que Jean-Paul II
voque le mod€le de ce que la FABC et le SCEAM entendent par inculturation : . l’incarnation de l’Evangile
dans les cultures autochtones, en m.me temps l’introduction de ces cultures dans la vie de l’Eglise. . - Dans
l’encyclique Redemptoris missio du 7 dcembre 1990, Jean-Paul II prcise la notion d’inculturation : . une
intime transformation des authentiques valeurs culturelles par leur int€gration dans le christianisme et
l’enracinement du christianisme dans les diverses cultures humaines. .
184 Jozef Cardinal TOMKO, Le dialogue chemin de la mission, allocution . l’occasion du 30€me anniversaire de
la publication de l’Encyclique Ecclesiam suam. Version site Internet : http://istr-
marseille.cef.fr/Pages/CdD/CdDs/CdD04/tomkotxt.htm, p. 1
135
vocabulaire et dans la mission de l’Eglise, entre explicitement le terme "dialogue" (en latin,
colloquium) ..
Le but principal de cette Encyclique publie avant Nostra Aetate est de montrer la
co.ncidence entre mission et dialogue. Articule en trois parties : La conscience de l’Eglise ;
Le renouveau dans l’Eglise ; Le dialogue avec l’Eglise, Ecclesiam suam fait preuve d’un
cheminement d’ides longuement mries pour aboutir . la conclusion que l’histoire du salut
prend sa source dans l’auto-communication divine. Elle est un dialogue continu entre Dieu et
le genre humain. Le r.le de l’Eglise, pour rester fid.le . sa mission, est de prolonger ce
dialogue suivant une mthode "centrip.te".
L’encyclique dcrit cette mthode en tra.ant quatre cercles autour de l’Eglise, comme
interlocuteurs du dialogue. Premier cercle : l’humanit. comme telle ; deuxi€me cercle : les
croyants en Dieu ; troisi€me cercle : les fr.res chr€tiens s€par€s ; quatri€me cercle : le
dialogue au sein de l’Eglise catholique.
Comme le note Jacques Dupuis, les quatre cercles concentriques du dialogue seront
repris – en ordre inverse – par le concile, dans la conclusion de la constitution pastorale
Gaudium et spes (92), texte qui peut .tre considr comme le Magna Charta du concile au
sujet du dialogue185.
C’est surtout en ce qui concerne le second cercle, les croyants en Dieu, que
l’encyclique Ecclesiam suam nonce clairement une volont de dialogue, en maintenant
cependant, le caract€re exclusif du christianisme comme la seule vraie religion : . […]Nous
faisons allusion aux fils, dignes de Notre affectueux respect, du peuple h€breu, fid.les la
religion que Nous nommons de l’Ancien Testament ; puis aux adorateurs de Dieu selon la
conception de la religion monoth€iste – musulmane en particulier – qui m€ritent admiration
pour ce qu’il y a de vrai et de bon dans leur culte de Dieu ; et puis encore aux fid.les des
grandes religions afro-asiatiques. Nous ne pouvons €videmment partager ces diff€rentes
expressions religieuses, ni ne pouvons demeurer indiff€rents, comme si elles s’€quivalaient
toutes, chacune sa mani.re, et comme si elles dispensaient leurs fid.les de chercher si Dieu
lui-m.me n’a pas r€v€l€ la forme exempte d’erreur, parfaite et d€finitive, sous laquelle il veut
185 Jacques DUPUIS, op. cit., p. 258, note 1.
136
.tre connu, aim€ et servi ; au contraire, par devoir de loyaut€, nous devons manifester notre
conviction que la vraie religion est unique et que c’est la religion chr€tienne, et nourrir
l’espoir de la voir reconnue comme telle par ceux qui cherchent et adorent Dieu. . (E.S. 111)
Dans la mesure o. elle a ouvert de faon claire le chemin de l’inculturation,
l’encyclique Ecclesiam suam a des raisons d’.tre considre comme la base historique et idale
de toute rflexion sur le dialogue dans le cadre de la mission. Elle constitue, comme le dit Jozef
Cardinal TOMKO, . une pierre angulaire sur laquelle doit se fonder le dialogue, bien que
demeurant encore prudente et impr€cise sur certains aspects, que seule une pratique
authentique du dialogue permettra de saisir ou d’approfondir .186.
III. 3. 2. 2. Evangelii nuntiandi : stagnation ou recul ?
L’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, publie le 8 dcembre 1975, dix ans
apr€s Ecclesiam suam, fait suite au Synode des Ev.ques de 1974 sur "L’Evanglisation dans le
monde moderne".
En effet, la profondeur des rflexions et la clairvoyance des opinions mises au cours
du dbat synodal, - notamment par la FABC au sujet du dialogue interreligieux et de la
question de l’inculturation, rflexions qui semblaient aller au-del. de la position officielle du
concile, - a fait que le Synode se soit trouv dans l’impossibilit de publier un document en son
nom187.
Evangelii nuntiandi revient donc sur l’essentiel du synode, en dcrivant la gen.se de
l’vanglisation, de Jsus Christ jusqu’. l’Eglise. L’exhortation affirme que le centre de
l’vanglisation demeure toujours l’annonce du salut en Jsus Christ offert . tous les hommes.
Elle authentifie en suite, le sens global de l’vanglisation qui comprend toute la mission.
Quant . la question des religions non-chrtiennes et du dialogue interreligieux qui avait
mis le Synode devant l’impossibilit de produire un document substantiel en son propre nom, le
pape lui-m.me a fait le choix de prendre du recul par rapport aux opinions exprimes dans
186 Ibidem, p. 2
187 Pour plus de dtails, voir Jacques DUPUIS, Op. cit. , p. 259
137
l’assemble synodale. Il est cependant rest sur la ligne de Ecclesiam suam et des documents
du concile, rappelant l’estime de l’Eglise pour les religions non chrtiennes.
Pour Jacques Dupuis : . le pape le fit d’une mani.re nettement n€gative .. Jozef
Tomko dit que . certains et m.me plusieurs y voient un "punctum dolens" (un manque
douloureux) ignorer ou d€plorer. Le terme "dialogue" n’appara.t pas dans Evangelii
nuntiandi et les religions non-chr€tiennes entrent dans la section consacr€e aux destinataires
de l’Evang€lisation. […] Au regard de cette position, on voudrait voir de la part de quelques-
uns une phase de stagnation dans le chemin du dialogue, un pas en arri.re, justement au
moment o. certains P.res du Synode de 1974 avaient demand€ de promouvoir le dialogue
interreligieux et de le d€clarer r€solument comme faisant partie de la mission de l’Eglise.
Toutefois, Paul VI est perplexe. Il craint qu’une interpr€tation facile et superficielle des
. semences du Verbe . diss€min€es dans le monde et dans l’histoire, et de la libert€
religieuse, finisse par d€former la v€rit€ et cr€er un alibi pour ne pas €vang€liser (E.N.80).
Motivations fond€es ou pr€occupations exag€r€es ? .188
C’est pour ragir . cette stagnation et . ce recul de Paul VI que Jean-Paul II relance
d.s mars 1979, l’enseignement et l’initiative de dialogue qu’il consid.re comme ayant un r.le
primordial . l’intrieur de la mission de l’Eglise dont le devoir fondamental est . d’orienter la
conscience et l’exp.rience de toute l’humanit. vers le myst.re du Christ . [Redemptor
hominis 10].
III. 3. 3. JEAN-PAUL II, De Redemptor hominis . Redemptoris missio : documents
"guide" pour le dialogue entre les religions.
III. 3. 3. 1. Redemptor hominis : L’Esprit de v€rit€ dans la croyance des non-
chr€tiens.
Si dans Evangelii nuntiandi la question du dialogue interreligieux appara.t de fa.on
ngative, la rfrence . l’Esprit Saint qui est prsent de fa.on spectaculaire dans la constitution
pastorale Gaudium et spes, est absente . propos de la vie religieuse des non-chrtiens.
188 Jacques DUPUIS, Ib., p. 260 ; Jozef TOMKO, op. cit., p. 4
138
Evangelii nuntiandi n’a mentionn l’Esprit qu’en tant qu’agent principal de l’vanglisation
qui pousse l’Eglise . accomplir sa mission et l’habilit . la remplir.
La nouveaut de l’Encyclique Redemptor hominis, publie le 4 mars 1979 rside dans
la place donne . l’action de l’Esprit qui parfois m.me, op€re au-del. des fronti€res visibles du
Corps mystique, dans . la fermet€ de la croyance des membres des religions non-
chr€tiennes .. Cette action de l’Esprit qui op.re aussi hors de l’Eglise visible et dans les
religions-cultures non-chrtiennes est tr.s souligne, surtout par rapport . la pri.re. Cette
action devrait faire honte aux chrtiens, si souvent ports . douter des vrits rvles par
Dieu. (RH6).
Deux rfrences bibliques reviennent plusieurs fois dans Redemtor hominis : Jean 3, 8
[L’Esprit souffle o. il veut] et Rm 8, 26. [L’Esprit Saint nous vient en aide, parce que nous
sommes faibles. En effet, nous ne savons pas prier comme il faut ; l’Esprit lui-m.me prie Dieu
en notre faveur avec des supplications qu’aucune parole ne peut exprimer. Et Dieu qui voit
dans les coeurs comprend ce que l’Esprit Saint demande, car l’Esprit prie en faveur des
croyants, comme Dieu le dsire.]
Cette forte confiance en l’action de l’Esprit qui . devrait faire honte aux chrtiens… .,
a fait qu’apr€s Redemptor hominis, Jean-Paul II a repris contact avec la FABC . travers le
message adress de Manille le 21 fvrier 1981. Il parle de l’Absolu . qui s’adressent les
grandes spiritualits orientales. Le pape met l’accent . travers ce message, plus sur l’homme
priant que sur les religions. Il crit : . M.me quand [l’Absolu], pour quelqu’un, est le Grand
Inconnu, lui cependant demeure toujours en r.alit. le m.me Dieu vivant. J’ai donc confiance
que l’esprit humain qui s’ouvre . la pri.re . ce Dieu Inconnu aura peru un .cho de ce m.me
Esprit qui, connaissant les limites et la faiblesse de la personne humaine, priera Lui-m.me en
nous et en notre nom […] L’intercession de l’Esprit qui prie en nous est fruit pour nous du
myst.re de la r.demption op.r.e par le Christ et dans laquelle l’amour universel du P.re a
.t. manifest. au monde .189.
189 Message de Jean-Paul II aux peuples d’Asie (Manille, 21 fvrier 1981), dans DC 78 (1981), p. 281
139
Cette perspective rejoint, dans une certaine mesure, les opinions de dbat du synode
des Ev.ques de 1974190 et am€ne le pape . orienter son enseignement vers la pratique du
dialogue pour vivre l’exprience de l’intrieur.
III. 3. 3. 2. Dominum et vivificantem, Redemptoris missio et Tertio millennio
adveniete : de la thorie . la pratique du dialogue.
La nouveaut de l’enseignement de Jean-Paul II au sujet du dialogue interreligieux
rside aussi dans le fait qu’il passe de la thorie . la pratique du dialogue : d€s le premier
p€lerinage . Jasna Gora et . la rencontre avec les jeunes musulmans . Casablanca (19 ao.t
1085), au voyage en Inde (fvrier 1986), . la visite . la synagogue de Rome (13 avril 1986) et
spcialement . la journe d’Assise (27 octobre 1986), Jean-Paul II indique l’idal et la
mentalit du dialogue par la pratique.
Dans la thorie ou la pratique du dialogue, Jean-Paul II s’exprime de fa.on claire sur la
prsence active de l’Esprit Saint dans la vie religieuse des membres d’autres traditions
religieuses. Cette prsence de l’Esprit Saint dans son action universelle demeure le fil rouge de
tout son enseignement. On le retrouve plus explicitement dans l’encyclique Dominum et
vivificatem du 18 mai 1986 et dans l’encyclique Redemptoris missio du 7 dcembre 1990 o. le
pape prcise que l’action de l’esprit affecte non seulement les personnes individuelles, mais les
traditions religieuses elles-m.mes (RM 28). Cependant le doute au sujet de la valeur salvatrice
de ces traditions demeure toujours.
Ce doute sur la valeur salvatrice des autres traditions religieuses a conduit Jean-Paul II
dans certaines dclarations, notamment dans la lettre apostolique Tertio millennio adveniente
du 10 novembre 1994, . revenir sur la "thorie de l’accomplissement" : . Le verbe incarn€ est
190 Jacques DUPUIS rapporte une intervention de l’archev.que Angelo Fernandes de Delhi (Inde) : . Une
thologie des religions mondiales exige que nous […] reconnaissions pleinement le fait que Dieu a par le pass
oeuvr de mani.res diverses avec les diffrents peuples, et qu’il continue . faire de m.me aujourd’hui. C’est
pour nous une t.che urgente de construire une thologie des traditions religieuses vivantes du monde et de leur
signification aujourd’hui dans le plan divin universel du salut. Cette thologie aura pour t.che de montrer que
le Seigneur Ressuscit, qui est le seul mdiateur entre Dieu et les hommes, et au nom duquel seul ils peuvent
trouver le salut, est par son Esprit, prsent et actif, non seulement dans les esprits et les coeurs de ceux qui
peuvent n’avoir jamais entendu son nom, mais aussi dans les manifestations concr.tes par lesquelles, dans le
cadre de leur tradition religieuse, et au sein de leur communaut religieuse, leur vie religieuse trouve son
expression. Affirmer que les pratiques religieuses des autres, leurs livres sacrs et leurs pratiques
sacramentelles fournissent un canal par lequel le Christ Ressuscit les atteint, ne menacent d’aucune faon
l’unicit du Christ et de son message […] .
140
l’accomplissement de l’aspiration pr.sente dans toutes les religions de l’humanit. : cet
accomplissement est l’oeuvre de Dieu et il d.passe toute attente humaine. C’est un myst.re de
gr.ce. Dans le Christ la religion n’est plus une "recherche de Dieu comme . t.tons", mais
une r.ponse de la foi . Dieu qui se r.v.le. […] De cette faon, le Christ est la r.alisation de
l’aspiration de toutes les religions du monde et par cela m.me, il en est l’aboutissement
unique et dfinitif . [TMA 6]
En dpit de ce retour sur la thorie de l’accomplissement et dans le but de donner les
orientations claires pour la pratique du dialogue entre les religions, Jean-Paul II et le
Secrtariat pour les non chrtiens, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et la
Congrgation pour l’vanglisation des peuples ont publi trois documents "guide" que nous
analysons dans les lignes qui suivent.
III. 3. 3. 3. Redemptoris missio, Dialogue et mission, Dialogue et Annonce.
L’encyclique Redemptoris missio publie entre deux autres documents "guide", .
l’occasion du 25€me anniversaire du dcret conciliaire Ad Gentes, apporte, au sujet du dialogue
interreligieux, de srieuses avances thologiques.
Tout en traitant principalement de l’activit missionnaire, Redemptoris missio consid€re
explicitement parmi les voies de la mission, le dialogue avec les fr€res d’autres religions : . Le
dialogue interreligieux fait partie de la mission €vang€lisatrice de l’Eglise. Entendu comme
m€thode et comme moyen en vue d’une connaissance et d’un enrichissement r€ciproques, il
ne s’oppose pas la mission Ad gentes ; au contraire il lui est sp€cialement li€ et il en est une
expression . [RM 55]
Le premier document "guide" auquel se rf€re Redemptoris missio est l’oeuvre du
Secrtariat pour les non chrtiens. Il est publi . la Pentec.te 1984, intitul "Attitudes de
l’Eglise catholique devant les croyants des autres religions. Rflexions et orientations
concernant le dialogue et la mission". Le second document "guide" publi apr.s Redemptoris
missio (19 mai 1991) est l’oeuvre commune du Conseil Pontifical pour le Dialogue
Interreligieux et de la Congrgation pour l’Evanglisation des Peuples. Il est intitul "Dialogue
141
et Annonce. Rflexions et orientations concernant le dialogue interreligieux et l’annonce de
l’Evangile"
Le premier document "guide" rpond aux questions que posent les v.ques, les
missionnaires et les fid.les au sujet du lien . faire entre la mission, l’vanglisation et le
dialogue dans un contexte diffrent de celui du dbut du si.cle. Beaucoup se demandaient si la
mission conue comme vanglisation et fondation d’Eglise avait encore un sens ! Quelles sont
la nature et la finalit du dialogue ? Comment le situer par rapport . la mission ? Est-il une
ngation, une modification ou un prolongement de la mission ?
Ce premier document comprend trois parties : Mission ; Le dialogue ; Dialogue et
Mission. Il conoit la mission vanglisatrice de l’Eglise dans un sens global et dynamique. Le
dialogue en constitue un aspect et une activit avec des configurations et des caract€res
propres. Il n’y a ni sparation ni opposition entre dialogue et mission, mais une distinction qui
se situe . l’intrieur de la mission m.me pour qu’elle s’accomplisse en des voies et des formes
multiples. Ce ne sont pas deux ralits indpendantes, alternatives ou simplement juxtaposes,
mais profondment enlaces. Elles ont un fondement commun dans le myst€re trinitaire et dans
leur finalit gnrale qui est l’dification du Royaume [Dialogue et mission 11]
Se fondant sur une exprience de vingt ans, depuis l’Encyclique Ecclesiam suam, le
secrtariat a tent, pour guider les pasteurs, de mettre en vidence les . formes-mod€les . de
l’exercice du dialogue vcu soit sparment, soit ensemble. Elles sont au nombre de quatre : le
dialogue de vie, le dialogue des oeuvres, le dialogue des changes thologiques, le dialogue de
l’exprience religieuses. [N.28-35] Cette classification sera reprise par le pape Jean-Paul II
dans l’encyclique Redemptoris missio du 07 /12/1990 au n.57 et par le second document
. guide . publi le 19 mai 1991.
Le deuxi€me document, Dialogue et annonce, sign conjointement par deux dicast€res
dont les attitudes et les stratgies semblent parfois opposes, est publi 25 ans apr€s la
dclaration Nostra Aetate.
En effet, malgr tout l’effort de traiter les questions du dialogue et de la mission apr€s
une exprience de vingt ans [Ecclesiam suam], Dialogue et mission a laiss certains points non
142
clarifis, notamment l’identit et les rapports entre les divers lments de la mission ; quelques
gros probl.mes, comme la thologie du salut et des religions… Cette situation a ncessit
d’autres instances de rflexion dont les deux dicast.res qui ont sign Dialogue et annonce.
Le document contient, comme son titre l’indique, . des rflexions et des orientations
sur le dialogue interreligieux et l’annonce de l’Evangile de Jsus-Christ .. C’est son double but
qui est clairement nonc : Stimuler le dialogue interreligieux tout en raffirmant le devoir de
l’Eglise d’annoncer Jsus-Christ au monde.
La problmatique de ce document est la suivante : Vingt cinq ans apr.s Nostra aetate,
le chemin de la Mission de l’Eglise dans le contexte actuel du dialogue, de l’inculturation, d’un
monde pluraliste est encore parsem d’emb.ches et d’obstacles internes et externes. Quels sont
l’identit et les rapports entre dialogue et annonce ? Sont-ils, l’un et l’autre, les lments de la
mission salvatrice de l’Eglise ?
. Dialogue et Annonce . raffirme que
Primo, dans la mission de l’Eglise, le dialogue est un "lment intgrant" [DA38], qui
a une motivation non seulement anthropologique mais surtout thologique, demande par la
fidlit de l’Eglise . l’initiative divine du salut. "Dialogue et Annonce" met l’accent sur
l’apport de l’un et l’autre dans l’ordre du salut : . c’est dans la pratique sinc.re de ce qui est
bon dans leurs traditions religieuses et en suivant les directives de leur conscience, que les
membres des autres religions r.pondent positivement . l’appel de Dieu et reoivent le salut
en J.sus Christ, m.me s’ils ne le reconnaissent pas comme leur Sauveur . [DA29]
Secundo, dans la mission de l’Eglise, l’annonce est proclame ncessaire,
irrempla.able, urgente [DA66] ; . Un devoir important et sacr. que l’Eglise ne peut
n.gliger . parce que . sans cet €l€ment central, les autres, tout en €tant par eux-m.mes des
formes authentiques de la mission, perdraient leur coh€sion et leur vitalit€ . [DA76]. Cela
implique sa priorit par rapport aux autres lments de la mission, sur un plan objectif et de
principe, et m.me, sinon toujours, au plan subjectif et dans les situations concr€tes : . Le
dialogue interreligieux et l’annonce, sans .tre sur le m.me plan, sont tous deux des €l€ments
authentiques de la mission €vang€lisatrice de l’Eglise. Tous les deux sont l€gitimes et
n€cessaires. Ils sont intimement li€s mais non interchangeables. Le vrai dialogue
143
interreligieux suppose de la part des chr.tiens le d.sir de faire dans l’esprit .vang.lique du
dialogue . [DA77]
144
En conclusion, nous dirons que l’volution du monde apr€s le concile Vatican II et
l’oeuvre du magist€re postconciliaire constitue un tremplin et un appui pour les rflexions
thologiques plus approfondies et nourries au sujet de l’inculturation du message vanglique
dans un monde de plus en plus pluraliste et qui dans la situation actuelle devient, comme on dit
aujourd’hui "un grand village".
Cependant, l’analyse des documents du magist€re postconciliaire montre, que le chemin
du dialogue interreligieux dans le cadre de la mission, bien que dfini par des textes de
l’autorit de l'Eglise, a toujours encore des difficults . prendre son envol, tant au niveau
thorique que pratique. Des srieuses questions subsistent qui peuvent, si elles ne sont pas
soumises . des dbats thologiques ouverts, obscurcir le sens et la porte du dialogue quand
elles ne viennent pas les miner . la base.
Dans ce sens, Dominus Iesus aurait bien trouv sa place dans ce paragraphe. Nous
avons prfr en parler apr€s l’analyse des dbats thologiques dont nous allons faire une
synth€se dans les lignes qui suivent. Nous pensons que Dominus Iesus n’est mieux compris que
situ dans l’ventail d’opinions plus large que prsentent les rflexions thologiques actuelles.
III. 3. 4. L’.tat actuel des d.bats th.ologiques sur le pluralisme religieux
Depuis le concile Vatican II, les dbats sur la thologie des religions occupent l’avant-
sc.ne de la rflexion thologique. . La probl€matique du lendemain du concile, comme le dit
Claude Geffr, a elle-m.me €volu€. Elle d€bouche aujourd’hui sur la recherche du sens, sur
le plan divin, de la pluralit€ religieuse qui caract€rise le monde actuel et ne cessera de
marquer celui de demain…Des positions contrast€es, voire contradictoires, s’affrontent. La
th€ologie des religions devient une th€ologie du pluralisme religieux, voire une th€ologie
interreligieuse .191 et m.me "intrareligieuse" pour certains thologiens.
Nous avons choisi, pour prsenter l’tat actuel de ces dbats, de faire le parcours avec
un certain nombre de thologiens, spcialistes des religions non-chrtiennes.
191 Claude GEFFRE, voir couverture de Jacques DUPUIS, Vers une th€ologie chr€tienne du pluralisme
religieux, ditions du Cerf, Paris, 1997
145
Il sera question notamment de Hans Kung192, Paul Knitter193, Raymond Panikkar194, A.Piers195,
Jacques Dupuis196, Monique Aebischer-Crettol197 et Joseph Ratzinger198.
Le choix de ces six thologiens est command d’une part, par leur libert de penser par
rapport aux limites classiques du magist€re de l’Eglise, et d’autre part pour leur exprience de
l’inculturation du christianisme dans un monde culturellement non-chrtien. Cette exprience
nous intresse pour la lumi€re qu’elle peut apporter . la situation qui est la n.tre o. nous
avons . rflchir sur les possibilits d’un dialogue oecumnique et interreligieux quilibr et
profondment enracin dans la culture afro-chrtienne du Congo d’aujourd’hui.
III. 3. 4. 1. Hans K.NG199
Parler du dbat autour de la question du dialogue entre les religions suppose qu’on ait
lev au pralable, toute quivoque sur le concept m.me de "religion". C’est ce que nous allons
pouvoir faire avec Hans K.ng avant de prsenter les positions des diffrents thologiens et
spcialistes des religions
192 Voir notamment sa position dans Concilium 203 (fvrier 1986) . Le Christianisme parmi les religions du
monde . . Voir aussi dans J. NEUNER (d.), “Christian Revelation and wold Religions” :. The wold
Religions in God’s Plan of Salvaion ., pp. 25-37 ; et dans L.SWIDELER(d.), “Toward a Universal Theology
of Religions” : “What is True Religion?, Towards an Ecumenical Criteriology” pp. 230-250
193 Voir sa position dans Concilium 203 (fvrier 1986) . Le Christianisme parmi les religions du
monde .,article pp. 129-138 : . La th€ologie catholique des religions la crois€e des chemins .
194 Voir sa position dans . Le Dialogue intrareligieux, Paris, Aubier,1985 et dans . The Dialogical
Dialogue ., dans : WHALING(F), d. , . The world’s Religious Traditions ., Edimbourg, T. & T. Clark,
1984, pp. 201-221.
195 Voir sa position dans Concilium 173 (1982/3) pp. 107-115 : . Parler du fils de Dieu dans les cultures non
chr€tiennes ., dans SCHILLEBEECKX (E) et METZ (J.-B.), d. , . J€sus est-il le Fils de Dieu ? ., ; dans
. The Buddha and the Christ : Mediators of Liberation ., dans HICK (J ;) et KNITTER (P.F.), d., . The Myth
of Christian Uniqueness : Toward a Pluralistic Theology of Religions ., Maryknoll, New York, Orbis Books,
1987, p. 162-177 , et dans . Probl.me de l’universalit€ et de l’inculturation au regard des sch.mes
th€ologiques ., dans : GEFFRE (Cl) et JEANROND (W), d., . Pourquoi la Th€ologie ? ., Concilium, n. 256
(1994/6), p. 95-106.
196 Voir sa position notamment dans Vers une th€ologie chr€tienne du pluralisme religieux, Cogitatio Fidei, les
ditions du Cerf, Paris, 1997.
197 Voir son ouvrage intitul Vers un oecumnisme interreligieux, Jalons pour une thologie chrtienne du
pluralisme religieux, Paris, Editions du Cerf, . Cogitatio fidei, 221 ., 2001
198 Voir Dominus Iesus. Sur l’unicit. et l’universalit. salvifique de J.sus-Christ et de l’Eglise, Dclaration de
la congrgation pour la Doctrine de la Foi, 5 septembre 2000. Texte fran.ais dans . La documentation
catholique ., n.2233, pp. 812-821.
199 Hans K.ng est n en 1928 . Sursee en Suisse. Depuis 1960 professeur de thologie fondamentale . la facult
de thologie catholique de l’universit de T.bingen ; depuis 1963, professeur de thologie dogmatique et
oecumnique et directeur de l’institut pour la recherche oecumnique ; depuis 1980, professeur de thologie
oecumnique , indpendant de la facult, et directeur de l’Institut pour la recherche oecumnique . l’universit
de T.bingen. Ses publications les plus importantes sont : La justification, Paris, 1965 ; Concile et Retour
l’unit€, Paris, 1961 ; Structures de l’Eglise, Paris, 1963 ; L’Eglise, Paris, 1968 ; Incarnation de Dieu, Paris,
146
Dans son introduction au cahier Concilium 203 consacr . l’Oecumnisme200, H. K.ng
pose une question fondamentale : "Qu’est-ce que la religion ?". En liminant quelques
arguments classiques et mdivaux, objectifs mais insuffisants, contre le mot "religio", H. K.ng
s’accorde avec Wilfred Cantwell Smith201, un des plus minents spcialistes actuels de la
science des religions, que . la religion est toujours l’affaire d’hommes vivants concrets qui –
bien qu’ils n’en soient souvent que peu conscients – sont concern.s au centre de leur
existence (et pas seulement avec leur intellect). Les hommes, ajoute-t-il, n’ont pas la religion,
ils sont religieux, et sous des formes tr.s diff.rentes .202.
Ceci voudrait dire que la religion pour H. K.ng, est d’abord une question du vcu
inscrit dans le coeur des hommes. Un vcu qui ne peut .tre clairement dfini comme on
dfinirait l’art. Elle est une question qui est toujours actuelle, et qui dtermine absolument la
vie quotidienne. Elle peut .tre vcue de fa.on plus traditionnelle, superficielle, passive, ou au
contraire d’une mani€re plus profondment ressentie, engage, dynamique. 203.
Cette difficult . dfinir clairement la religion est partage par certains sociologues qui
d’apr€s Bruno Duriez, disent qu’ils ne peuvent autrement dfinir la religion sinon d’appeler
"religion" ce que les gens disent .tre leur religion : . Je prends comme d€finition de la
religion, ce que les gens que je rencontre appellent religion .204 .
A ce propos, M. Daniel Dubuisson se demande, si l’ide m.me de "religion" est une
fille du christianisme, car son hgmonie est tellement grande pour l’Occident que la religion
est devenue une notion "constitutive" de la culture occidentale et du monde occidentalis.
Devons-nous dire au contraire que le christianisme est la forme occidentale de "la religion" ?
En parlant de la "religion" comme notion non universelle, la question serait de savoir d’o.
1973 ; Infaillibilit€ ? Une interpellation, Paris, 1971 ; Etre Chr€tien, Paris, 1978 ; Dieu existe-t-il ?, Paris,
1981 ; Vie ternelle, Paris, 1985…
200 . Le Christianisme parmi les religions du monde ., pp. 9-14
201 Voir son livre The Meaning and End of Religion (1962 ; nouvelle dition 1978)
202 Concilium 203, p. 10
203 . La religion est une vision croyante de la vie, consciente et inconsciente, une attitude de vie, une mani.re
de vivre. On peut l’appeler un mod.le fondamental individuel et social englobant les hommes et le monde, par
lequel l’homme (qui n’en a qu’une conscience partielle) voit et ressent tout, pense et sent, agit et souffre : un
syst.me de coordonn€es de fondement transcendant et effet immanent qui permet l’homme de s’orienter
intellectuellement, affectivement, existentiellement .p. 12
204 Voir Bruno Duriez, Notes de cours in€dits et d€bats sociologiques, DEA Sciences des religions et analyse
de phnom€nes interculturels, anne acadmique 1999/2000.l
147
viendrait-elle ? Serait-elle une ide inne dans l’homme ? Si elle est inne, c'est qu’il y aurait
quelque chose au-dessus qui mettrait cette ide dans l’homme. C’est dire alors que l’ide de la
religion surplomberait l’histoire ! On pourrait se demander aussi si l’occident aurait invent
l’ide de religion avec le christianisme, comme elle a invent les sciences humaines ! La preuve
en est qu’avant le deuxi€me si€cle, le mot "religion" n’existait pas avec l’acception qu’il a
aujourd’hui205
Partant de cette considration dfinitionnelle du Concept de "religion", H. K.ng clarifie
la problmatique de la thologie oecumnique des religions en quatre th€ses ou positions
fondamentales qu’il qualifie "d’insuffisantes". Il part d’une question principale : . existe-t-il
une voie th€ologiquement acceptable qui permette aux chr€tiens d’admettre la v€rit€ des
autres religions sans abandonner la v€rit€ de leur religion et par l leur identit€
propre ? .206
1. Aucune religion n’est vraie : position athe
2. Une seule religion est vraie : position absolutiste
3. Chaque religion est vraie : position relativiste
4. Une religion est la vraie et toutes les religions participent de sa vrit. : position
inclusive.
Nous allons essayer de le voir dans les dtails avec diffrents thologiens et spcialistes
des religions, dfenseurs de l’une ou l’autre de ces positions.
Pour Hans K.ng lui-m.me, le dbat et le dialogue qui s’en suit sont une occasion pour
les uns et les autres d’largir les horizons d’information et de comprhension. Ce qui permet
d’viter la mfiance et l’ignorance qui sont souvent sources des tensions religieuses qui
menacent la paix, la libert et la justice dans le monde.
205 D. DUBUISSON, ses hypoth€ses dans . L’Occident et la religion (Mythes science, idologie), Complexes,
Bruxelles, 1998.
206 Concilium 203, 1986, 151-159 ; , . Waht Is True Religion ? Towards an Ecumenical Criteriology ., dans :
L. SWIDLER (d.), Toward a Universal Theology of Religion, p. 231-250
148
III. 3. 4. 2. Paul KNITTER207
Dans No Other Name ?208, P.F. Knitter prsente une division des opinions en 4 mod.les
:
1. Le mod€le vanglique conservateur (une vraie religion)
2. Le mod€le protestant le plus rpandu aujourd’hui (tout salut vient du Christ)
3. Le mod€le ouvert catholique (diffrentes voies, le Christ seule norme)
4. Le mod€le thocentrique (diffrentes voies, avec Dieu comme centre).
Sa position dans le dbat est mieux explique et clarifie dans son article intitul "La
th€ologie Catholique des religions la Crois€e des chemins", o. il dveloppe de fa.on
synthtique, l’volution du dbat depuis le cinqui€me si€cle, "hors de l’Eglise point de salut",
jusqu’. nos jours.
La problmatique de cet article est de savoir o. m€nent tous ces chemins divergents et
polmiques. M€nent-ils . un renouveau de la vie et de la pratique chrtienne ou . une impasse
de l’volution ? Sans chercher . dpartager les diffrents mod€les, P.F. Knitter prconise une
thologie de la libration des religions.
Adoptant en partie les mod€les proposs par H.R. NIEBUHR (Christ and Culture)
pour la relation entre le Christ et la culture, l’auteur distingue quatre pistes de dbat : Le Christ
contre les religions ; Le Christ dans les religions ; Le Christ au-dessus des religions ; Le
Christ avec les religions.
La premi€re piste de rflexion regroupe les thologiens "intgristes": . Hors de l’Eglise
point de salut .. Ce mod€le, bien qu’ayant volu depuis le concile de Trente a cependant
laiss l’ide, chez certains thologiens, que la grce salvatrice reconnue en dehors des limites
de l’Eglise ne peut .tre oprationnelle sans susciter le dsir implicite, subconscient d’appartenir
207 Paul F. Knitter, missionnaire du Verbe divin, a fait ses tudes . l’universit Grgorienne . Rome et .
l’universit de Marbourg (R.F.A.) o. il a obtenu le doctorat en thologie. Il est actuellement professeur de
thologie . la Xavier University, . Cincinnati (Ohio). Il a publi Towards a Protestant Theology of Religions,
1974 ; No Other Name? A Critical Survey of Christian Attitudes Toward the Word Religions, Orbis Books,
1985 et divers articles sur le pluralisme religieux et le dialogue interreligieux.
208 , . No, Other Name ? A Critical survey of Christian Attitudes Toward the World Religions ., Maryknoll,
1985
149
. l’Eglise. Les membres des autres religions sont donc implicitement membres rels de l’Eglise
bien que membres invisibles.
La deuxi.me piste de rflexion regroupe les thologiens du second concile de Vatican,
notamment Karl Rahner pour qui . les autres chemins religieux sont ou peuvent .tre des voies
de salut... positivement inscrites dans le plan de Dieu .. Il faudra, cependant que ces chrtiens
implicites et anonymes qui sont encore sur d’autres chemins religieux, deviennent des chrtiens
explicites, pleinement ecclsiaux. Ceci veut dire que les autres religions n’ont aucune valeur en
elles-m.mes. Leur accomplissement est dans le Christianisme et l’Evangile, autrement dit, elles
ne sont qu’une prparation . l’vangile. Cette rflexion de Rahner est partage et avalise par
des thologiens comme E. Schillebeeckx, P. Rossano, A. Dulles, R. McBrien. Mais ils
n’emploient pas expressment sa thorie des chrtiens anonymes.
La troisi€me piste de rflexion regroupe un certain nombre de thologiens qui depuis
quelques dcennies pensent que le mod€le "Christ dans les religions" ne correspond pas .
l’exprience qu’ils ont eux-m.mes des autres croyants. Chaque religion est authentique . sa
mani€re. On ne devrait pas chercher . insrer, . tout prix, le Christ l. o. il n’est pas concevable
et compatible. Cela para.t .tre une offense que de "prdfinir" un bouddhiste comme chrtien
malgr lui. De m.me, chercher . dfinir comme chrtien ce qui n’est prsent que de mani€re
anonyme para.t .tre une grave violation. Les autres traditions religieuses peuvent et devront
.tre des voies de salut indpendantes. Si Dieu est Dieu, . Il peut avoir plus dire et plus
faire que ce qui a €t€ dit et fait par le Christ .. Cette fa.on de comprendre les choses devra
motiver les chrtiens . un peu d’humilit et d’gard pour les autres
Cependant, Jsus Christ, m.me n’ayant pas besoin d’.tre dans les religions pour les
rendre valides, . est tout de m.me encore au-dessus d’elles, comme la norme selon laquelle
est jug€e leur validit€ et en quoi elles trouvent leur accomplissement ..
Bien qu’ayant une validit indpendante, elle n’est que dficiente et inaccomplie. La
majorit des thologiens catholiques sont actuellement partisans de cette piste qui maintient le
Christ comme tant normativement au-dessus des religions, et non contre ou dans les religions.
Sous diffrentes formes on citera H. K.ng, H.R. Sclette, M. Hellwig, W. B.hlmann, A.
Camps, P. Schoonenberg.
150
La quatri€me piste est plut.t un "rond point", "un carrefour" ou "une croise des
chemins". Quelques thologiens prconisent avec succ€s un mod€le thologique qui ne voit le
Christ ni "contre", ni "dans", ni "au-dessus", mais la "main-dans-la-main" avec les autres
religions et en compagnie des autres figures religieuses. . Qu’avec le Christ et le
Christianisme, les autres religions aient leur validit€ propre, leur ind€pendance et leur place
au soleil .. Sous diffrentes formes et divers cadres thologiques, on citera Paul Knitter lui-
m.me, Maurier, Puthiadam, Thompson, Ruether, Pawlinkowski, Panikkar.
Pour ces thologiens, . Dieu a rellement parl€ en J€sus et ce message doit .tre
entendu par tous. Mais "r€ellement" ne veut pas dire "seulement"... Les chr€tiens peuvent
donc .tre attach€s totalement au Christ J€sus et en m.me temps pleinement ouverts au
message possible de Dieu dans les autres religions ..
Cette considration a conduit P.F. Knitter . prconiser, en fin de compte une th€ologie
de la lib€ration des religions.
III. 3. 4. 3. Raymond PANIKKAR
Faisant partie de la quatri€me piste, R. Panikkar prconise une interfertilisation entre
croyances en vue d’un profond enrichissement rciproque. C’est cela qu’il nomme
"syncrtisme". Au del. de cette problmatique de la "fertilisation mutuelle", Panikkar voque
une autre tape dans laquelle, transcendant l’identit doctrinale statique de leurs traditions
respectives, les partenaires du dialogue seront . m.me de contribuer mutuellement . une
autocomprhension plus profonde. Pour lui, chaque croyant, tout en gardant intgralement sa
propre croyance, devra nanmoins faire un effort pour entrer dans l’exprience de l’autre sans
s’y perdre. Faire un effort pour comprendre l’exprience de l’autre de l’intrieur. Effort
d’atteindre au-del. des concepts, l’exprience elle-m.me. C’est cet effort
d’intercomprhension que Panikkar appelle "dialogue intrareligieux", absolument ncessaire
au dialogue interreligieux. C’est dire qu’il ne suffit pas d’avoir une simple connaissance de la
religion de l’autre, comme le prconise H. K.ng, mais qu’en plus de conna.tre, faire l’effort
d’entrer dans la peau de l’autre, de marcher dans ses souliers, de voir le monde, comme l’autre
le voit, poser les questions de l’autre, pntrer dans le sens que l’autre a, d’.tre un hindou, un
musulman, un juif, un bouddhiste, ou quoi que ce soit.
151
III. 3. 4. 4. A. PIERS
Les analyses de A. PIERS, un des promoteurs du dialogue interreligieux aboutissent .
la conclusion que les traditions chrtiennes et bouddhistes sont deux mod€les religieux non pas
contradictoires mais incomplets chacun en soi. Ils sont complmentaires et mutuellement
correctifs ; l’Agape du christianisme a besoin de la Gnose du bouddhisme pour .tre complet.
A. Piers pense, . l’instar de J.A. Robinson, que les diffrentes traditions religieuses
doivent .tre considres, les unes par rapport aux autres comme les "deux yeux" de la vrit et
de la ralit.
III. 3. 4. 5. Jacques DUPUIS 209
Le livre de Jacques Dupuis sur le pluralisme religieux, intitul . Vers une th€ologie
chr€tienne du pluralisme religieux . a t, . sa parution, contest par le Saint-Si€ge qui
trouvait ses positions dangereuses pour la foi chrtienne. Notamment du fait qu’il affirme de
mani€re tr€s positive que les autres religions peuvent .tre porteuses de salut. Pour la
Congrgation de la doctrine de la foi, cette affirmation para.t .tre contradictoire avec le sens
d’une vanglisation qui a pour objectif de faire de tous les hommes des "disciples du Christ",
selon le commandement explicite que Jsus a donn aux ap.tres et . leurs successeurs (Mt
XXVIII, 18-20). Si les autres traditions religieuses font dj. partie du R€gne de Dieu,
pourquoi devraient-elles .tre appeles . devenir disciples du Christ ?
209 Jacques Dupuis est missionnaire de la Compagnie de Jsus. Il y est entr en 1941 et a vcu en Inde de 1948
. 1984 ou il a enseign la Thologie pendant vingt-cinq ans. D’origine belge, il a beaucoup collabor, - dans la
tradition des jsuites de sa province-, aux travaux pour la rencontre du Christianisme avec l’hindouisme dans
l’Inde du Nord. Depuis 1984, il rsidait . l’Universit grgorienne de Rome o. il tait professeur de la facult
de thologie. Terrass par une hmorragie crbrale, il est dcd le 28 dcembre 2004.
152
III. 3. 4. 5. 1. Aper.u global du livre de Jacques Dupuis
Ce livre sur le pluralisme religieux est divis en deux grandes parties de sept chapitres
chacune. La premi€re partie est "historique ou positive", la deuxi€me est "synthtique et
thmatique" comme il le dit lui-m.me210.
Il ne nous est pas si facile de rsumer en quelques lignes l’essentiel de la mati€re traite
dans cet ouvrage tr€s document. L. n’est pas notre objectif. Notre but est de souligner
quelques th€mes et ides marquants qui faciliteront la comprhension des chapitres qui nous
intressent.
La premi€re partie du livre (pp.45-306) intitule "un aper.u des approches chr€tiennes
des religions" dcrit d’abord l’orientation que les chrtiens donnent gnralement . leur lecture
de la Bible jusqu’. nos jours. Ensuite, dans un parcours historique slectif, l’auteur montre
comment on peut entrevoir positivement l’influence des religions paennes qui y figurent.
En effet, partant de la conception des religions paennes dans la Bible jusqu’au dbat
actuel sur la thologie des religions, Jacques Dupuis. brosse l’histoire qui passe par les P.res
de l’Eglise, le concile de Trente, les papes du XIX€me si.cle, jusqu’aux grands thologiens de
Vatican I et Vatican II. Il prsente . travers cette histoire, une volution ascendante dans la
faon de comprendre les religions non-chrtiennes. Il fait comprendre qu’effectivement Vatican
II a chang le regard catholique sur les religions non-chrtiennes, mais sans qu’il (Vatican II)
prcise les raisons de ce changement et qu’il en mentionne les orientations. Il crit : . Les
anciens pr€jug€s et les jugements n€gatifs devaient .tre €limin€s [...] Le concile ne pouvait se
contenter - (et ne l’a pas fait) - de mentionner l’orientation des non-chr€tiens individuels vers
l’Eglise ; il lui fallait parler - (et il l’a fait de fa.on positive pour la premi.re fois dans
l’histoire conciliaire) - d’un rapport de l’Eglise avec les religions non chr€tiennes en tant que
telles .211.
210 Voir page 38
211 Ibidem, p. 243
153
Dans le chapitre sur "le d€bat actuel sur la th€ologie des religions", Jacques Dupuis
analyse les tudes des thologiens, surtout ceux du monde anglo-saxon insistant sur . Un
changement de paradigme . : de l’eccl.siocentrisme au christocentrisme.
D’autres qui dcouvrent l’importance historique des religions non-chrtiennes, sont
amens . relativiser le r.le du Christ dans le salut : Ils exigent d’abandonner non seulement une
thologie centre sur l’Eglise, mais aussi celle centre sur le Christ, pour passer . une thologie
centr€e sur Dieu : Le th€ocentrisme.
La seconde partie du livre (310-583) est intitule . Un Dieu, un Christ, des voies
convergentes .. L’auteur dmontre dans cette partie que l’Eglise Catholique peut bien .tre
ouverte . d’autres religions tout en restant fid.le . sa propre tradition. Il veut concilier
ensemble la th.se que "Dieu veut sauver tous les hommes" et "le Christ est le seul M€diateur
de ce salut universel".
Nous ne nous attarderons pas sur certaines autres ides ma.tresses de cette partie.
Cependant, nous voulons relever quelques th€mes des chapitres 4 et 6 pour une meilleure
comprhension du chapitre 7 qui nous intresse particuli€rement.
En effet, le quatri€me chapitre intitul "J€sus-Christ, un et universel" semble .tre au
centre du dbat. J.D. revient sur l’attitude des tenants du paradigme th€ocentrique pluraliste.
Le probl€me est que ces derniers mettent en question le r.le de Jsus, m.me pour les chrtiens
: Jsus serait pour eux . une figure salvatrice parmi d’autres .. J.D. quant . lui maintient le
r.le unique et universel de Jsus tout en acceptant une pluralit de "voies de salut" dans
l’unique plan de Dieu.
Dans le sixi€me chapitre intitul "Le R.gne de Dieu, les religions et l’Eglise", Jacques
.Dupuis. montre son ouverture au salut des autres qui ne passe pas forcment par l’institution
Eglise, bien qu’elle soit . le sacrement du Royaume .. Il crit :. Sa n.cessit. n’est pas telle
que l’acc.s au R.gne de Dieu ne soit possible qu’. travers elle ; les autres . peuvent faire
partie du Royaume de Dieu et du Christ sans .tre membres de l’Eglise et sans passer par sa
m.diation .212.
212 Ibidem, p. 537
154
En d’autres termes, Jacques Dupuis. dit que le Royaume de Dieu est plus grand que
l’Eglise. Il y a place pour tous, quel que soit le chemin qu’on a emprunt pour y arriver. Les
religions sont autant de chemins qui m.nent au m.me et unique Royaume de Dieu. Les Eglises-
Institutions sont certes ncessaires pour l’accomplissement du signe (sacrement), mais c’est le
Royaume de Dieu que Jsus annonce. Les exg.tes ne nous dirons pas le contraire, le terme
"Royaume de Dieu" est cit 74 fois dans les vangiles alors que "Eglise" n’est cite que 3 fois.
Si nous pouvions rsumer en trois points la problmatique de l’ouvrage de Jacques
Dupuis., nous dirions que pour l’auteur :
a. Dieu veut sauver tous les hommes. Le pluralisme religieux est voulu par ce Dieu
d’amour qui ne peut vouloir perdre un seul de ceux qu’Il a crs . son image. Le pluralisme
religieux est dans le plan de salut de Dieu.
b. Jsus-Christ, mise . part sa particularit historique, est Unique et Universel . la fois.
Il est "Constitutif" et "relationnel". Son r.le de mdiateur, m.me s’il y a pluralit de "voies de
salut" (autres religions), est . maintenir. Cette position permet de dpasser toutes les solutions,
inclusives (univers christocentrique) et exclusives (univers ecclsiocentrique), en m.me temps
que tout pluralisme qui nierait l’importance de J.sus (univers thocentrique).
c. Il y a une complmentarit des valeurs entre toutes les religions.
Ces prsupposs nous aident . mieux comprendre les enjeux du dbat actuel sur la
thologie des religions et sur le dialogue interreligieux, praxis et thologie.
III. 3. 4. 5. 2. "Le d€bat actuel sur la th€ologie des religions" pp. 227-306
Jacques Dupuis commence ce chapitre par prciser la terminologique usuelle dans les
dbats.
a. Le terme "paradigme" qui est la cl de comprhension est employ
"intentionnellement" en opposition . "mod.le". Les "mod€les" sont descriptifs. Ils ne
s’excluent pas rciproquement mais se compl€tent. Par contre, les "paradigmes" sont des
155
principes ou des cls de comprhension et d’interprtation de la ralit. Ils s’opposent entre
eux et s’excluent mutuellement.
b. Il y a des termes frquemment utiliss pour distinguer Jsus-Christ des autres figures
salvatrices, ou le christianisme des autres traditions religieuses. Il s’agit de "Singularit" et
"Unicit". Ils ont toujours eu deux sens distincts :
- chaque ralit religieuse peut .tre vue en elle-m.me comme unique et singuli€re
dans sa diffrence avec les autres. L’unicit exprime est donc relative.
- Dans le cas du christianisme ou de Jsus-Christ, ces termes prennent
habituellement une signification plus restreinte et se rf€rent . une "unicit exclusive" ou une
"unicit singuli€re".
Dans les dbats actuels, il y a des thologiens qui n’entendent plus faire ces
considrations. Ils donnent . "l’unicit-exclusive"de Jsus-Christ, un sens tout aussi relatif que
celui que prend chaque ralit religieuse.
c. Il en est de m.me pour les termes de "normativit" et "universalit". Jsus-Christ
pour certains thologiens aujourd’hui est seulement un mod€le idal normatif et non le point de
passage oblig pour tous. Universel peut se comprendre aussi de fa.on relative, comme ce qui
veille un intr.t partout ou bien comme ce qui revendique un monopole. Les termes
"centralit" et "finalit", comme tous les autres termes qui impliquent la primaut traditionnelle
du christianisme, donnent lieu au m.me relativisme dans les dbats actuels sur la thologie des
religions.
Apr€s toutes ces prcisions terminologiques, Jacques Dupuis. synthtise l’tat actuel du
dbat sur le pluralisme religieux en reprenant les classifications de Schineller, Knitter et Hans
K.ng.
Il y a en premier lieu, la classification de J.P. Schineller213 qui distingue 4 paradigmes :
1. Univers ecclsiocentrique : christologie exclusive
2. Univers christocentrique : christologie inclusive
3. Univers thocentrique : christologie normative
4. Univers thocentrique : christologie non normative
213 Voir J.P. SCHINELLER, . Christ and Church : A Spectrum of Views ., p. 545-566, JD, op.cit., p. 275
156
Il appara.t . travers cette synth€se que pour Jacques Dupuis, la mdiation universelle de
Jsus-Christ peut .tre relativise.
III. 3. 4. 5. 3. "Le dialogue interreligieux, praxis et th€ologie". pp. 543-582
Ce septi€me chapitre de la seconde partie du livre est divis en deux volets.
Dans le premier, l’auteur traite du dialogue comme vanglisation. Il passe d’abord en
revue les positions rcentes du magist€re de l’Eglise Catholique et laisse parler Redemptoris
missio et Dialogue et annonce214 pour eux-m.mes, tels qu’ils sont, sans une tude critique.
Ensuite, il traite de l’identit entre Mission et Dialogue. Il montre comment le dialogue fait
partie intgrante de la mission. Il termine ce volet en traitant du dialogue interreligieux et de la
praxis de libration.
Dans le second volet, il traite de la th€ologie du dialogue o. il montre que . les fruits
et les d€fis dans le dialogue interreligieux vont de pair ..
Jacques Dupuis part du prsuppos que les chrtiens et les membres des autres
traditions religieuses participent ensemble . la ralit du R€gne de Dieu. C’est l. qu’on trouve,
dans une perspective thologique chrtienne, le fondement le plus profond du dialogue
interreligieux. La perspective rgnocentrique favorise donc le dialogue interreligieux. L’Eglise
est elle-m.me tout enti€re au service de ce R€gne de Dieu, c’est-.-dire qu’il y a plus de place
dans le Royaume de Dieu qu’il n’y en a dans l’Eglise.
Toute la problmatique dans ce chapitre est de montrer, . l’instar des documents
"guide" du magist€re postconciliaire, que le dialogue interreligieux fait partie de la mission
vanglisatrice de l’Eglise.
III. 3. 4. 5. 4. Le dialogue interreligieux et la praxis de lib€ration
Jacques Dupuis confirme ici la ncessit d’unir dialogue interreligieux et praxis de la
libration humaine, comme l’avait soulign A. Piers dans le contexte du tiers monde, et
214 Voir pages prcdentes.
157
spcialement de l’Asie. Il approuve ensuite l’ide forte de Hans K.ng sur l’engagement
interreligieux pour la justice et la paix ; ide selon laquelle . la paix entre les religions ferait la
paix entre les nations. Le dialogue entre les religions est forc€ment tributaire des recherches
des fondements th€ologiques .215. Le crit.re pour tablir de telles valeurs est l’"humanum".
Avec P.F. Knitter, Jacques Dupuis est partisan du mod€le "sot€riologique", centr sur
une thologie de la libration des religions, en continuit et en remplacement partiel du
paradigme "th€ocentrique".
III. 3. 4. 5. 5. D€fis du dialogue interreligieux
Au sujet de dfis du dialogue interreligieux , J.D. s’appuie encore sur la position de
P.F. Knitter qui pense qu’une christologie "constitutive" et "inclusive" ne laisse pas place . un
authentique dialogue. Le dialogue exige qu’il y ait €galit€ entre les partenaires pour qu’il soit
sinc.re. Deux aspects sont ici . prendre en compte : Engagement et ouverture ; croyance
personnelle et exprience de l’autre.
- Engagement et ouverture : l’honn.tet et la sincrit du dialogue interreligieux
exigent qu’on ne mette pas entre parenth.ses sa propre croyance, et qu’on ne gomme pas les
diffrences. Chaque partenaire s’engage dans la puret de sa croyance et s’ouvre . la
diffrence de l’autre sans en exiger des concessions et surtout sans fondre dans le
"syncrtisme"ou l’"clectisme". Il ne faut pas non plus absolutiser ce qui est relatif. La
"plnitude" de la rvlation en Jsus-Christ, par exemple, n’est qualitativement absolue que
pour un chrtien. C’est-.-dire qu’elle n’a pas une extension ni une comprhension universelle,
mais elle a une forte intensit dans une culture particuli€re, relative : la culture occidentale. Elle
n’puise pas tout le myst€re du Divin. Elle ne nie pas non plus l’authentique rvlation divine
faite par l’intermdiaire des proph€tes des autres traditions religieuses.
- Croyance personnelle et exp.rience de l’autre : tout en gardant la puret de sa
croyance et son exprience personnelle, l’attitude digne et respectueuse pour des partenaires
du dialogue interreligieux serait que . chaque partenaire entre aussi dans l’exp.rience de
215 JD, p. 567
158
l’autre, en un effort pour comprendre cette exp.rience de l’int.rieur .. Chercher . atteindre,
au-del. des concepts, l’exprience elle-m.me. Ce que R. Panikkar216 appelle dialogue
intrareligieux, absolument ncessaire . l’interreligieux.
III. 3 .4 .5 .6 Les fruits du dialogue interreligieux
Quant . savoir quelles bases communes admettre, J.D. pense qu’il est difficile et m.me
impossible de le dire, car crit-il . chaque tradition religieuse, constitue un tout dont les
divers €l€ments ne peuvent .tre facilement isol€s .217.
Ce qui est certain et qui doit .tre pleinement reconnu c’est que la question de l’histoire
est pose par les chrtiens ; celle de l’intriorit est pose par d’autres, mais . l’origine, c’est le
m.me Dieu. Il est prfrable de souligner les diffrences et les contradictions que de prtendre
. une "thologie universelle" qui n’harmonisera jamais les communauts religieuses diverses.
Jacques Dupuis. pense en conclusion que les fruits du dialogue sont suspendus . deux branches
- L’agent principal du dialogue interreligieux tant l’Esprit de Dieu qui anime les
partenaires, c’est vers lui que chacun d’eux devra se tourner, pr.t . donner et . recevoir de
l’autre les rayons de la m.me Vrit que l’Esprit, qui est . l’oeuvre, diffuse en chacun.
- Les chrtiens, protagonistes principaux du dialogue, peuvent en tirer un double
avantage s’ils comprennent qu’il s’agit bien d’un dialogue et non d’un monologue et que la
"plnitude" de la rvlation en Jsus-Christ ne les dispense pas d’couter. Ils gagneront ainsi,
d’un c.t un enrichissement de leur foi grce . l’exprience et au tmoignage de l’autre et, de
l’autre c.t, une purification de leur foi.
III. 3. 4. 5. 7. Appr€ciation critique
Jacques Dupuis a le mrite indiscutable d’.tre un thologien . la pointe de l’actualit
sur le pluralisme religieux. Son option historique et sa prsentation font de son livre un manuel
indispensable . tout chercheur intress aux probl€mes du pluralisme religieux et du dialogue
216 Voir JD, p. 578
159
interreligieux. Cependant, il a des limites dues . sa dpendance . l’orthodoxie du magist€re218.
Ainsi les opinions pluralistes qui ne sont pas motives thologiquement sont parfois laisses de
c.t. Tout particuli€rement, le fait qu’il maintienne son postulat de la . m€diation universelle
du Christ qui est constitutive ., bloque quelques perces de rflexion non moins ngligeables
et le dialogue risque de buter toujours sur ce point crucial.
Cette "limite" de l’auteur nous laisse en suspens sur trois points :
Le premier concerne justement la mdiation . la fois constitutive et relationnelle du
Christ. Si nous l’avons bien compris, J.D. veut dire que toute l’humanit, qu’elle soit croyante
en Christ ou pas, est implique dans le salut que Dieu lui accorde . travers l’av€nement-
vnement historique de son Fils qui s’est fait Chair (mdiation constitutive), et que les
"rvlations" connues ailleurs ne sont pas sans relation avec le Christ (mdiation relationnelle).
En d’autres termes, il y a une certaine relation entre les religions non chrtiennes et
l’vnement historique du Christ.
De quelle nature est cette relation entre les religions non chrtiennes et le Christ ? Que
les autres "rvlations" (juda.sme ou Islam) aient quelques relations avec le Christianisme ou
avec la personne du Jsus de Nazareth, tout le monde l’admet.
Quant . la mdiation "constitutive" : Comment faire comprendre . un bouddhiste, . un
hindou ou . un vaudou-animiste qu’ils sont sauvs par le Christ, dans et par leur religion ? De
quelle nature est cette relation implicite entre le Christ-Jsus et un bouddhiste, un hindou ou un
animiste?
Le second point concerne la perspective r.gnocentrique. Si le Christ est celui . qui doit
r€gner (d’abord), jusqu’ ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds, afin que Dieu soit
tout en tous . 1 Co. 15, 25.28 :
217 Ibidem, p. 581
218 On s’en rend davantage compte en lisant en parall.le, Monique Aebischer-Crettol qui suit, . peu pr.s, le
m.me parcours, mais avec plus de recul et d’indpendance par rapport aux orientations classiques du Magist.re
postconciliaire. Voir son ouvrage intitul . Vers un oecumnisme interreligieux. Jalons pour une thologie
chrtienne du pluralisme religieux ., Paris, Cerf (Cogito fidei 221), 2001, 777p. ; Synth€se dans les pages qui
suivent.
160
- Faut-il comprendre que le dialogue interreligieux inaugure l’€re du passage du R€gne
du Christ au R€gne de Dieu ?
- Sinon, comment le chrtien pourra-t-il tablir un dialogue sinc€re et . galit avec les
autres partenaires du dialogue, tout en tant convaincu de cette vrit biblique que "Christ doit
rgner d’abord ?"
Le troisi€me point concerne l’ide de Hans K.ng que partage Jacques Dupuis au sujet
de l’engagement interreligieux pour la justice et la paix, ide selon laquelle la paix entre les
religions ferait la paix entre les nations. Sur quelles bases devra-t-on envisager le dialogue
interreligieux, qui est d’abord un probl€me de "croyance" pour qu’il ait des effets non
seulement socio-religieux, mais aussi et surtout gopolitiques ?
Nous pensons . notre sens, qu’il y a la part de choses qu’il faut nettement faire.
L’intolrance religieuse est certes pour beaucoup dans les conflits internationaux actuels. Mais
la guerre en Palestine, par exemple, n’est pas . l’origine une question du juda.sme contre
l’islam, mais une question de juifs (Isra.l) contre les arabes (Palestine). Question de territoire
et non de religion, d’abord. L’intolrance religieuse n’en est qu’une consquence ! Par contre
la situation est diffrente en Irland du nord, entre catholiques et protestants ou au Pakistan,
entre hindous et musulmans. C’est dire qu’il y a beaucoup d’autres param€tres . prendre en
compte. La paix entre les religions est l’un de ces param€tres, bien qu’elle puisse figurer parmi
les plus importants219.
Vu ces points d’ombre qui nous sont rests dans la t.te, nous pensons qu’un thologien
indpendant pourra nous donner une autre lumi€re sur un parcours parall€le . celui de Jacques
Dupuis.
219 Voir dans cette optique l’opinion de M.Aebischer-Crettol que nous partageons, op.cit. p. 154-164. . Les
religions, "boucs missaires" dans les conflits ? .
161
III. 3. 4. 6. Monique AEBISCHER-CRETTOL
Monique Aebischer-Cretol, suisse catholique marie avec un pasteur luthrien, a crit
Vers un oecumnisme interreligieux. Jalons pour une thologie chrtienne du pluralisme
religieux220. Elle revient sur les principales thories des thologiens engags dans les dbats
autour du pluralisme religieux, comme l’a fait J. Dupuis, mais avec une particularit que lui
inspire ce qu’elle vit elle-m.me au quotidien221.
Publi dans la collection Cogitatio Fidei comme celui de J.D., le livre de Monique
Aebischer-Crettol est prfac par Claude Geffr qui souligne la difficult du sujet qu’elle traite,
apr€s les rcentes polmiques en raction . la publication de la dclaration Dominus Iesus. Il
crit : . Il est en tout cas certainement injuste de soup.onner le relativisme des th€ologiens
qui tout en reconnaissant le caract.re complet et d€finitif de la r€v€lation dont J€sus est le
t€moin, soulignent en m.me temps qu’elle est limit€e dans la mesure o. elle n’€puise pas la
pl€nitude de la v€rit€ qui est Dieu. Refuser une telle limite serait ne plus prendre au s€rieux
la pleine humanit€ de J€sus et tomber dans une forme de doc€tisme […]. Qu’il s’agisse de
dialogue interconfessionnel ou dialogue interreligieux, la premi.re condition de tout dialogue
est de d€passer ses peurs et son autosuffisance pour .tre capable de reconna.tre la pluralit€
des dons de Dieu au-del des fonctions de la religion et de l’Eglise dont nous sommes, par
pure gr.ce, de modestes t€moins .222
Divis en quatre parties qui obissent . la mthodologie universitaire, le livre de M.
Aebischer-Crettol commence par l’tude des sources bibliques et de la tradition chrtienne
(R.v.lation et Tradition support d’un oecum.nisme interreligieux), et finit par des perspectives
de recherche o. elle vite des conclusions dogmatiques pour se placer dans une logique qui en
vient . prconiser une unit dans la diversit qui reste continuellement ouverte (Jalons pour
une th€ologie chr€tienne du pluralisme religieux).
220 M. Aebischer-Crettol, Vers un oecumnisme interreligieux, Jalons pour une thologie chrtiennes du
pluralisme religieux, Paris, Editions du Cerf, . Cogitation fidei, 221 ., 2001,
221 M.Aebischer- Crettol est tr€s active dans les groupes oecumniques, elle accompagne des personnes en
situation de dtresse, en Afrique, en Asie et m.me en Europe. Elle a tudi la thologie en Suisse tant . Berne
(Facult vanglique) qu’. Fribourg (Facult catholique).
222 Voir prface p. V et VI.
162
Entre les deux parties, M. Aebischer fait une tude des auteurs dont la contribution a
t parmi les plus importantes aujourd’hui. Il s’agit de : Ernest Troeltsch, Paul Tillich, W.
Cantwell Smith, auteurs anglophones et germanophones dont les ouvrages ne sont pas tous
traduits en fran.ais (Des explorateurs de nouveaux horizons). Elle prsente ensuite, dans la
troisi€me partie, les quatre grands mod€les de pense, comme nous avons essay de le
synthtiser dans les lignes qui prc€dent, avec J.D223. Mod€les qui prsident au travail de
dialogue interreligieux en rfrence aux rflexions thologiques confrontes . la situation cre
par la mondialisation o. les religions se rencontrent (Des mod.les dans le d€bat actuel).
Tout en restant plus pragmatique que thoricienne, M. Aebischer-Crettol franchit, dans
ses positions, les limites classiques du Magist€re postconciliaire, avec beaucoup plus
d’indpendance et de recul que ne l’a fait J. Dupuis. Elle appelle . s’ouvrir rsolument aux
grandes traditions religieuses du monde en se ressour.ant simultanment : aux textes
fondateurs (fondement biblique), . la tradition chrtienne, et . l’volution de la pense actuelle
(pluralisme de facto) [voir p. 113-206].
M. Aebischer-Crettol plaide pour une thologie chrtienne du pluralisme religieux
d’une christologie qui articule une comprhension adquate et actuelle de Jsus-Christ, une
christologie qui cherche . dnouer le dilemme entre absolutisme et relativisme religieux. Elle
cherche . rendre plausible, au sein d’un pluralisme de thologie correspondant au pluralisme
interconfessionnel, une thologie chrtienne qui accueille les religions comme autant de signes
de la prsence universelle de l’Esprit de Dieu. Elle tente dans son ouvrage, de mettre en
lumi€re les jalons pour l’laboration d’une telle thologie. Ces jalons sont donc ces rep€res
pratiques qui facilitent l’avance sur le chemin de l’oecumnisme interreligieux qui, d’apr€s elle,
est un parcours . vivre et non . lucider intellectuellement.
A dfaut d’un consensus sur la voie . suivre, M. Aebischer-Crettol fait ressortir un
horizon qui implique un dialogue o. les interlocuteurs demeurent vrais et ouverts sans
prjugs, pour une unit dans la diversit qui s’inspire de l’alliance cosmique comme valeur
permanente et du dialogue judo-chrtien comme valeur pragmatique. Elle crit : . En prenant
comme soubassement, d’une part, les propres ressources du christianisme, savoir son
fondement biblique, et d’autre part, la situation de pluralisme du monde actuel, j’ai en r€alit€
223 Voir notre point II.3.4.5.2.
163
compris ma t.che comme €tant de mettre en pr€sence l’€ventail des esquisses et des
perspectives christologiques en d€bat, et de souligner leurs vari€t€s et leurs points communs.
J’ai essay€ de d€couvrir et de faire ressortir, d€faut d’un consensus sur la voie suivre, qui
semble tr.s lointaine, un horizon que l’on pourrait apercevoir au loin, o. les deux grands
principes chr€tiens – la foi en Dieu sauveur universel et la foi en Christ sacrement du salut –
non seulement n’invalident ni ne contredisent, mais pourraient rencontrer les autres fois
religieuses de l’humanit€ .224
Termin avant la publication de Dominus Iesus, ce livre fait preuve de la dtermination
des thologiens, engags dans les dbats sur l’oecumnisme interreligieux, de poursuivre leur
chemin . la recherche des nouvelles voies du dialogue entre les religions225.
III. 3. 4. 7. Joseph RATZINGER, "Dominus Iesus".
Nous ne pourrons terminer cette section sur l’tat actuel du dbat sans faire allusion .
la dclaration de la Congrgation pour la doctrine de la Foi : "Dominus Iesus"226 .
Prsente le mardi 5 septembre 2000, cette dclaration a frustr au plus haut point les
partenaires du dialogue oecumnique et interreligieux. Elle a suscit beaucoup de ractions
chez les rforms ainsi que chez les catholiques eux-m.mes.
La dclaration du cardinal Joseph Ratzinger n’a que la valeur habituelle des documents
manant d’une congrgation, de facto approuvs par le Pape in forma communi. Tout en
rappelant les principes et les ouvertures de Vatican II, elle semble balayer les avances faites
par les commissions paritaires pour les dialogues, en maintenant fortement le principe de
l’unicit et l’universalit du myst€re salvifique de Jsus et l’unicit et l’unit de l’Eglise.
224 Ibidem, p. 740
225 L’ouvrage de M.Aebischer-Crettol bien que publi apr.s Dominus Iesus, ne prend pas en compte ce
document du magist€re romain. Claude Geffr en donne les raisons dans sa prface. Voir p. III-IV.
226 Joseph RATZINGER, . Dominus Iesus ., sur l’unicit et l’universalit salvifique de Jsus-Christ et de
l’Eglise, dans Documentation Catholique, n.2233, pp. 812-821. Texte original latin. Texte italien dans
l’Osservatore Romano du 6 septembre 2000.
(16) Ibidem, p. 818
164
Au sujet de l’unicit et unit de l’Eglise, il dit : . ... Tout comme il existe un seul
Christ, il n’y a qu’un seul Corps, une seule Epouse : une "seule et unique Eglise catholique et
apostolique" (...). Les promesses du Seigneur de ne jamais abandonner son Eglise et de la
guider par son Esprit impliquent, selon la foi catholique, que l’unicit€ et l’unit€, comme tout
ce qui appartient l’int€grit€ de l’Eglise, ne feront jamais d€faut .227.
Au sujet de l’Eglise et des religions face au salut, tout en encourageant les recherches
de la thologie pour approfondir les ides de Vatican II, J. Ratzingzer ne partage pas l’ide de
tous ceux qui consid.rent l’Eglise comme "un chemin de Salut parmi d’autres". Pour lui, les
autres religions ne peuvent .tre que "complmentaires", m.me s’il faut accepter qu’elles
convergent avec l’Eglise vers le Royaume eschatologique de Dieu. . S’il est vrai, €crit-il, que
les adeptes d’autres religions peuvent recevoir la gr.ce divine, il n’est pas moins certain
qu’objectivement ils se trouvent dans une situation de grave indigence par rapport ceux qui,
dans l’Eglise, ont la pl€nitude des moyens de salut .228.
En effet, pour mieux comprendre le sens et les objectifs de cette dclaration, il faut se
rfrer . toutes les positions des thologiens qui animent les dbats actuels sur le dialogue
interreligieux. Par rapport . la position de Paul Knitter, Raymond Panikkar, A. Piers, Hans
Kung ou Jacques Dupuis, Ratzinger vient, en quelque sorte, raffirmer la position classique de
l’Eglise catholique. Sa dclaration vise le relativisme et le mod€le pluraliste prconiss par
ces thologiens du dialogue interreligieux : Dieu sauverait tous les hommes dans et par les
diverses religions, ce qui rendrait inutile la mission de l’Eglise.
Cette perspective avait dj. fait l’objet d’une mise en garde envers ces thologiens du
dialogue interreligieux, notamment les thologiens indiens. Jacques Dupuis lui-m.me avait t
mis . la retraite pour avoir tent de donner une rponse . des questions nouvelles poses par le
dialogue interreligieux229. Les esprits avertis s’attendaient dj. . cette mise au point autorise
227 Idem
228 Idem
229 Jacques Dupuis sj, Vers une th€ologie chr€tienne du pluralisme religieux, Traduit de l’anglais par Olindo
Parachini, Paris, cerf, coll. . Cogitatio Fidei . 200, 1997 ;655p. D.s que ce livre est sorti, il tait violenmment
contest par le Saint-Si.ge. Le cours de christologie que ce thologien jsuite belge donne . l’universit
pontificale grgorienne de Rome tait suspendu et ses th.ses sur le pluralisme religieux mises en examen.(Voir
La Croix du 13 novembre 1998)
165
du magist€re catholique. Joseph Ratzinger rappelle donc avec force les vrits traditionnelles
qui sont les suivantes230 :
- La rvlation de Jsus-Christ est compl€te et dfinitive. Jsus, bien que n’ayant pu ni
voulu livrer un enseignement "dogmatique" complet, est dans notre histoire l’engagement
absolu et la vrit vivante de Dieu. L’intelligence humaine chouera toujours . cerner et .
penser le myst€re du Christ, mais il n’y a pas de complments objectifs . chercher ailleurs.
- L’unicit et l’universalit du myst€re du salut rsident dans le Christ.
- L’Eglise est le sacrement du salut de l’humanit. Dieu a voulu se lier . notre monde et
. notre histoire : il a voulu dpendre de l’homme Jsus et se soumettre . une action de proche
en proche, qui continue par la prdication et les sacrements.
La conclusion logique de la dclaration est qu’on ne peut pas mettre sur le m.me plan
la rvlation particuli€re judo-chrtienne et une rvlation gnrale prsente dans toutes les
religions. On ne peut pas, de ce fait, sparer l’action salvifique du Logos ternel et celle du
Verbe incarn. Cette conclusion vient fustiger la position des thologiens indiens, notamment
celle de Raymond Pannikkar que nous avons essay de synthtiser dans les pages prcdentes.
Dans le cadre des perspectives d’avenir qui nous concernent pour un dialogue
oecumnique et interreligieux quilibr au Congo, nous ne pouvons que recevoir avec
reconnaissance ces rappels et cette nouvelle mise au point du Cardinal Joseph Ratzinger. Bien
qu’inapproprie et malheureuse . plusieurs gards, elle nous oblige . rflchir un peu plus sur
ce . quoi nous nous engageons dans les mouvements de rveil oecumniques et interreligieux
qui pullulent actuellement au Congo.
Loin des intentions que certains lui pr.tent d’.tre oppos au dialogue, le cardinal
Joseph Ratzinger crit dans un de ses ouvrages231 ce qui suit : . Dans le dialogue
interreligieux, ce qu’il faut exiger c’est le respect de la loi de l’autre et la disponibilit€
230 Voir pour plus de dtails l’introduction du cardinal Eyt . l’dition franaise, Centurion-Cerf, pp. III-VIII ; et
les . Quelques €l€ments de r€flexion sur la D€claration Dominus Iesus . de Louis Derousseaux. (Inedit).
231 Joseph Ratzinger, L’Unique Alliance de Dieu et le pluralisme des religions, Paris, Editions du Cerf, 1999,
p. 93. [ Ce qui est en gras est soulign par nous].
166
rechercher, dans les €l€ments €trangers que je rencontre, une v€rit€ qui me concerne et qui
peut me corriger, me mener plus loin. Ce qu’il faut exiger, c’est d’tre prt . rechercher
dans les manifestations peut-tre d.concertantes, la r.alit. plus profonde qui se cache
derri.re elles. Ce qu’il faut exiger, c’est en outre d’.tre pr.t . faire .clater les .troitesses de
ma compr.hension de la v.rit., . mieux me mettre . l’.coute de ce qui est mon bien propre,
en comprenant l’autre et en me laissant mettre sur la voie du Dieu plus grand, dans la
certitude que je n’ai jamais en main la v.rit. sur Dieu et que, devant elle, je suis toujours un
apprenti, que marchant vers elle, je suis toujours un p.lerin dont le chemin ne prendra jamais
fin ..
La dclaration Dominus Iesus vient, dans ce sens, nous rappeler que l’enthousiasme des
ouvertures de Vatican II et l’engouement que provoquent les rencontres entre partenaires de
diffrentes religions ne doivent pas faire courir aux Eglises chrtiennes, le risque d’un
"syncrtisme", d’un "clectisme" et d’un "relativisme" trop spontans et non rflchis qui,
comme nous le verrons dans le chapitre qui suit, sont des drives du dialogue oecumnique et
interreligieux.
167
QUATRIEME CHAPITRE:
LES EGLISES DE REVEIL EN REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO, UNE QUESTION
OUVERTE DANS LA PROBLEMATIQUE DU
DIALOGUE OECUMENIQUE ET INTERRELIGIEUX.
168
€ Pour viter la guerre, il faut commencer par dfinir le sens des
mots . (Confucius, dans Dictionnaire des citations.)
169
Introduction
Parler du dialogue oecumnique et interreligieux aujourd’hui au Congo, au travers de la
situation des religions qui y coexistent, telles qu’elles sont dcrites dans la seconde partie de
notre travail, nous am.ne . limiter les aspects et les domaines de son application en rapport
avec son contour gnral dfini dans les documents officiels de l’Eglise Catholique.
Les religions au Congo ont une histoire qui les ram.ne toutes sur une plate forme
commune qu’est la culture africaine, elle-m.me insparable de ses religions traditionnelles.
L’inculturation qui est la plaque tournante du christianisme au Congo puise normment dans
le terroir des religions traditionnelles. L’islam a t introduit au Congo dans un mtissage
pareil . celui des Eglises afro-chrtiennes. Pendant toute la priode coloniale, il a figur parmi
les 47 sectes rpertories par le gouvernement colonial, au m.me titre que le kintwadisme, le
kimbanguisme, le ngunzisme, etc.
Une rcente tude mene par des spcialistes: sociologues, anthropologues, historiens
et thologiens, montre ce qu’on pourrait appeler le "nicodmisme" des croyants au Congo. Ils
passent indiffremment et facilement d’un culte . un autre, apr.s avoir accompli des rituels
traditionnels le matin de bonne heure chez le fticheur ou le marabout du coin. Allah ou Yahv
ne sont que les noms propres de Dieu, synonyme de Nzambi Mpungu (Dieu tout puissant).
Mundaya Baheta dans son intervention intitule "Des religions traditionnelles aux
sectes : une mutation" crit ceci : . De notre observation des sectes dans notre milieu de vie,
il nous semble que ces mouvements religieux se situent dans la dynamique des religions
traditionnelles qui ne sont pas encore totalement effac€es dans la conscience de l’africain
actuel qui continue, malgr€ sa christianisation, consulter un f€ticheur, un devin ou un
marabout pour obtenir un avantage quelconque dans sa vie. Les sectes semblent r€cup€rer et
restaurer la fonction de r€gulation et la force de vitalisation jadis assur€es par les religions
traditionnelles. En m.me temps elles d€passent et d€naturent ces religions quand elles
empruntent au christianisme des armes spirituelles dont elles usent dans la vie concr.te. .232
232 Mundaya Baheta, dans Sectes, cultures et soci€t€s, Actes du quatri€me Colloque International du C.E.R.A., numro
spcial, Vol. 27-28, n.53-56, Kinshasa 1994, p. 162-163 .
170
Cette fa.on de voir les choses est bien prsente dans la psychologie de beaucoup de
croyants africains. Les gagnants dans cette situation semblent .tre les Eglises de rveil dont
principalement : l’Eglise de la victoire de Fernando Kutino233, l’Eglise de l’arme de l’Eternel
de Sony Kafuti234, la Communaut de l’Eglise Spiritualiste du Congo, l’Eglise des Noirs en
Afrique (ENAF), l’Eglise Mai Mobikisi (Eglise l’eau salvatrice), l’Eglise de Jsus-Bima,
l’Eglise du Christ (Disciples de Jsus) et l’Eglise Spirituelle de Jsus par le proph.te Mose et
autres, Maman Olangi.
Une autre preuve de ce "nicodmisme" des croyants africains est ce qui se passe
aujourd’hui en plein coeur de l’Europe o. se prolonge cet engouement dans ce qu’on peut
appeler "Eglises de rveil de la diaspora". Depuis quelques dcennies, il y a de plus en plus de
jeunes Africains, notamment des Congolais de l’ex-Zare, qui dbarquent en France, . Paris.
Qu’ils soient chrtiens ou musulmans, ce n’est pas dans les glises, temples et
mosques de Paris qu’on les rencontre souvent, mais plut.t au 144 de l’avenue du Prsident
Wilson, entre le Stade de France et la porte de la Chapelle235. C’est l. que, confronts . la dure
233 Fernando KUTINO est le fondateur de l’une des Eglises de rveil de Kinshasa les plus cl€bres et les plus
riches,"Eglise de la Victoire" qui a pour si.ge, un grand hangar ferm par une porte noire o. l’on peut lire en
grand caract.re : . Miracle Center .. D’une quarantaine d’annes, il se fait appeler . Archibishop ., a des
allures top mod.le. Habill avec lgance, il porte des bagouzes, une gourmette en or, des chaussures en
crocodile, poss.de un tlphone portable chrom, dirige des studios de tlvision et de radio gr.ce auxquels il
fait des miracles en direct pour les tlspectateurs et auditeurs. Son bureau est celui d’un pdg, Apr.s avoir
purg une peine de six mois de prison pour avoir brl une page du Coran en public, l’Archibishop est
aujourd’hui en fuite ou en exil quelque part en Europe pour des actions politiques qui ne sont pas du got du
gouvernement en place . Kinshasa.
234 D’une quarantaine d’annes lui aussi, Sony KAFUTI est le grand rival de Kutino. Il dirige l’Eglise de
l’Arm.e de l’Eternel. Comme son rival, il exorcise et fait des miracles, sance tenante ou par la voie des ondes.
Il suffit . ses fervents adeptes, de toucher la tlvision pendant que Sony exorcise en direct pour .tre guris. (
Sic )
Plus proche du gouvernement en place . Kinshasa, il s’est vu nomm . Aumnier G€n€ral des Arm€es ..
235 Deux quotidiens franais s’en sont fait l’cho il y a 4 ans: - Le Monde du mercredi 3 janvier 2001 et
Lib€ration du mercredi 31 Janvier 2001.
*Dans Le Monde, l’article de Xavier Ternisien est intitul . Les Eglises afro-chrtiennes font de la France une
terre d’vanglisation .. L’diteur qui prsente cet article crit : . A la Plaine-Saint-Denis, entre la porte de la
Chapelle et le Stade de France, des anciens locaux industriels accueillent, chaque dimanche, une quinzaine de
cultes afro-chr€tiens. "JESUS SAUVEUR du monde", "Christ l’oeuvre ’ ’, "Nouvelle naissance". Ces Eglises
€vang€liques rencontrent un succ.s grandissant dans les communaut€s africaines et antillaises. Quelques
fid.les blancs commencent .tre s€duits. Si les Eglises d’institution africaine, n€es sur le continent noir, sont
des prolongements en France des cultes locaux, les Eglises d’ "expression" africaine, fond€es en France, ont
fait de l’Europe une terre d’€vang€lisation. Pour Ren€ Luneau, dominicain sp€cialiste de l’Afrique, " ces
Eglises sont un peu comme le miroir dans lequel l’Eglise Catholique prend conscience de ses insuffisances " .
*Xavier Ternisien dnombre cinq groupes importants qui rassemblent la plupart des croyants africains de la
rgion parisienne. Parmi eux, la CEAF (Communaut des Eglises africaines en France) qui compte 25 glises
reprsentant environ 3200 fid€les, des ex Za.rois, mais aussi des Ivoiriens et des Togolais’ et l’EJCSK, (l’Eglise
171
ralit, face . "l’eldorado" dont ils ont r.v, ils retrouvent les rep€res et la force de vivre,
comme rem€de . l’individualisme et . la raideur de la culture occidentale.
A Kinshasa, . Paris, . Londres ou . Bruxelles, le dialogue entre les religions
"congolaises" semble se faire, . sa mani€re, au sein des Eglises de rveil, pour la plupart afro-
chrtiennes !
Notre objectif n’est pas de faire une tude sur ce que sont les Eglises de rveil. Des
enqu.tes srieuses sur ce th€me ont dj. t faites et publies236. Suite . ces enqu.tes,
l’approche de ces Eglises a beaucoup volu dans le sens d’une bauche de dialogue entre les
communauts ecclsiales. Pour que cette bauche de dialogue prenne racine, nous pensons
qu’il est ncessaire de pousser la rflexion autour des facteurs susceptibles de fragiliser ou de
renforcer le dialogue entre les Eglises institues et les nouvelles communauts religieuses.
La problmatique de ce dernier chapitre est la suivante : quels sont les dsirs profonds,
dans la qu.te spirituelle de l’me africaine que les religions institues, c’est-.-dire d’origine
trang€re, n’arrivent pas . satisfaire ? Jusqu’o. peuvent aller les uns et les autres dans la
redfinition des termes clefs qui posent probl€me? Prenant en compte des connotations
pjoratives et les a priori qui am€nent parfois . biaiser les dmarches du dialogue, doit-on
continuer . mettre l’accent sur certains paradigmes absolutistes et inclusifs de l’Eglise
catholique ou opter plut.t pour un certain relativisme au travers des mod€les thocentriques et
sotriologique, dans la complmentarit des valeurs religieuses et culturelles ?
En cherchant . prenniser la conception du catholicisme comme "la" seule religion
.universelle., ne le place-t-on pas, face . la mondialisation, dans un dilemme existentiel ?237
de Jsus-Christ sur la terre par le proph€te Simon Kimbangu ) qui compte 12000 fid€les en France repartis dans
une dizaine de paroisses.
L’article paru dans Lib€ration, sign par Christophe AYAD montre bien l’inquitude de l’Eglise catholique qui
dcouvre ses insuffisances et se retrouve . la remorque de ces Eglises de rveil qui prosp.rent en R D Congo
sur la mis.re et la guerre.
236Voir la bibliographie en annexe 2 et 3.
237 Dans son article intitul . Questions notre Eglise ., Jean Vernette annexe une rflexion suivante de J.P. :
. Le christianisme, une Secte ? Il e.t €t€ inconcevable, nagu.re, qu’une telle question p.t .tre pos€e. La
baisse relativement importante de la pratique religieuse, la rar€faction des pr.tres, le d€sint€r.t des jeunes
g€n€rations l’€gard des enseignements de l’Eglise, conduisent certains esprits se demander si le
christianisme ne sera pas r€duit, demain, la dimension d’une secte ? Qui peut r€pondre une telle
question ? Elle offre du moins l’avantage de souligner la responsabilit€ des chr€tiens dans l’avenir de leur
172
Dans ce cas, quelle valeur et quel sens donner au terme syncrtisme?
Un dialogue quilibr et ouvert ne peut se faire que dans le respect des valeurs propres
et de la diffrence de chaque communaut. Or, ce qui caractrise les Eglises de rveil au
Congo est justement l’absence de la diffrence et des valeurs propres, c’est-.-dire le
"syncrtisme". Doit-on dsormais considrer le "syncrtisme" comme leur diffrence et donc
comme leur valeur propre ?
Dans l’actuelle situation des religions au Congo, et m.me dans la perspective de la
mondialisation, le "syncrtisme", ne s’impose-t-il pas comme la nouvelle voie du dialogue ?
Qu’est-ce, en fait, que "l’inculturation" qui est la plaque tournante de toutes les religions
aujourd’hui au Congo ?238
Nous faisons ce parcours en trois sections :
Dans la premi€re, nous cherchons . comprendre, grce aux tudes de Mirca Eliade, ce
qui pourrait .tre . la base de la qu.te spirituelle de l’me africaine, aux travers des attitudes
fondamentales et des caractristiques gnrales des principales religions du monde et en
particulier dans les mouvements de rveil qui, depuis la nuit des temps, ont toujours exist.239
Eglise. Qu’ils renoncent aux €l€ments essentiels de la foi – leur sp€cificit€ – au profit par exemple de
l’engagement politique, et le christianisme est menac€ de se pervertir en forces politiques rivales et de se
perdre parmi d’autres. Qu’ils y renoncent au profit d’un vaste oecum€nisme avec les grandes religions
porteuses de messages spirituels, et le christianisme est menac€ de syncr€tisme. Qu’ils se durcissent sur des
formulations de foi li€es une culture d€pass€e, sur des positions morales qui ne tiennent pas compte des
conditions r€elles des hommes, et le christianisme est condamn€ en effet devenir sinon une secte du moins un
ghetto. Il faut aujourd’hui beaucoup de lucidit€ pour .tre artisan de l’Eglise de demain . Voir dans 2000 ans
de christianisme, tome V, AUFADI- Paris 1976, p. 193
238 *S’il est vrai que la foi doit avoir le premier et dernier mot dans le dbat autour du dialogue oecumnique et
interreligieux, beaucoup de chercheurs pensent aujourd’hui que les serviteurs de ce dialogue se doivent de
prendre conscience, plus que jamais, des exigences culturelles et linguistiques ainsi que des implications
politiques et conomiques d’un tel dialogue pour que ses limites soient judicieuses (Voir Islamochristiana, 2,
1976, Liminaire, p. V).
*Le document du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux intitul . Dialogue et Annonce ., parle .
juste titre de la culture comme un contexte dans lequel le dialogue interreligieux semble urgent aujourd’hui :
. Le concept de culture est plus large que celui de religion. Selon une certaine conception, la religion
repr€sente la dimension transcendante de la culture et donc son .me . (Voir dans Questions Actuelles (revue),
"Le dialogue interreligieux", Numro 9, Sept.-Oct. 1999, n.45-46, p. 38)
239 H. Ch.CHERY dans les articles intituls : . les mouvements de r€veil, de r€formes en r€formes .et
. Syncr€tismes, gnosticismes et sectes orientales . crit : . Toute religion conna.t ce mal : la ferveur des
origines d€cro.t mesure qu’on s’€loigne[…] La tentation du syncr€tisme est vieille comme le monde, disons,
pour limiter notre propos, vieille comme le christianisme. De tout temps des hommes se sont lev€s, d€.us par
les d€fauts des Eglises chr€tiennes, conscients de la part de v€rit€ contenue dans toutes les religions : ils ont
proclam€ que le temps €tait venu de prendre en chacune ce qu’elle avait de meilleur et d’en cr€er ainsi une
nouvelle .. Voir 2000 ans de christianisme, op. cit., p. 175 et 186
173
Dans la deuxi€me section, nous tentons de dcrire les enjeux spirituels focaliss dans les
Eglises de rveil au Congo, leurs facteurs d’mergence, l’impact qu’elles ont dans
l’environnement social, conomique et politique et le dfi pastoral qu’elles posent aux religions
institues, interlocuteurs actuels et officiels du dialogue oecumnique et interreligieux.
Cette analyse nous permettra de faire, dans la troisi€me section, une apprciation sur les
perspectives d’avenir pour un dialogue quilibr, ouvert et exigeant, bas sur la
reconnaissance, le respect des valeurs et de la diffrence de chaque communaut religieuse.
Nos sources sont principalement nos enqu.tes menes sur le terrain et les travaux de fin
d’tudes, indits sur le th€me des Eglises de rveil. Nous nous appuyons sur les publications
des Facults Catholiques de Kinshasa, notamment le IV€me Colloque International du Centre
d’Etudes des Religions Africaines, CERA en sigle, et le XVII€me Sminaire Scientifique de la
facult d’Economie et de Dveloppement et sur "Le discours socio-politique de l’Eglise
catholique du Congo (1956-1998)"240.
240 *Actes du quatri€me Colloque International du C.E.R.A. en collaboration avec la Fdration Internationale des
Universits Catholiques (F.I.U.C.), Kinshasa 14-21 novembre 1992 : . Sectes, Cultures et Soci€t€s, Les enjeux
spirituels du temps prsent ., dans Cahiers des Religions Africaines, Numro spcial Vol. 27-28, n. 53-56, 1993-1994.
*Joseph Ntedika Konde et alii, Les nouveaux mouvements religieux : €vang€lisation et d€veloppement, Biblioth€que du
Centre d’Etudes des Religions Africaines 15, Facults Catholiques de Kinshasa, 1997
*L’Economie des Eglises de rveil et le dveloppement durable en R.D. Congo, Afrique et dveloppement 15, Facults
Catholiques de Kinshasa 2003
* Le discours socio-politique de l’Eglise catholique du Congo (1956-1998) : . Eglise et Soci€t€ ., Tome 1 :
Textes de la Confrence Episcopale. Textes rassembls et prsents par Lon de Saint Moulin s.j. et Roger
N’Ganzi o.p. ; dans Documents du Christianisme Africain 8, Facults Catholiques de Kinshasa, 1998.
*Pour les travaux de fin de cycle et fin d’tudes, voir la bibliographie.
174
IV. 1. Attitudes et Caract€ristiques fondamentales des principales religions.
IV. 1 .1. La religion et les religions
Dans sa dclaration sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrtiennes, le
concile oecumnique Vatican II prsente de la mani.re suivante la qu.te fondamentale de
l’humanit : . les hommes attendent des diverses religions la r€ponse aux €nigmes cach€es de
la condition humaine, qui, hier comme aujourd’hui, troublent profond€ment le coeur humain :
Qu’est-ce que l’homme ? Quels sont les sens et le but de la vie. […] Quelle est la voie pour
parvenir au vrai bonheur ? […] .241
En effet, jusqu’. une certaine poque, on dfinissait l’homme comme tant l’animal
raisonnable. La raison tant ce qui faisait principalement la diffrence entre l’homme et
l’animal. Avec le dveloppement des sciences humaines et suite aux nombreuses tudes
scientifiques qui sont faites sur les animaux, on s’accorde . ajouter l’pith.te "religieux" . la
dfinition de l’homme. On revient . l’vidence que l’homme est par nature homo religiosus.
Et la dfinition qui correspond aujourd’hui . l’homme est : . un animal rationnel et
insatiable de religiosit€ .. Religiosit tant entendue comme disposition pour les sentiments
religieux en dehors de toute religion particuli€re.
Cette vidence faisait dire . Andr Malraux, au beau milieu du 20€me si€cle : . Le 21.me
si.cle sera religieux ou ne sera pas .242 Cette prophtie paraissait utopique devant
l’effondrement de la foi et de la pit d. au mouvement de la scularisation et au
dveloppement des sciences exactes, avec leur technologie bouleversante. L’actualit semble
pourtant lui donner raison. Plus les techniques de pointe pn€trent les secrets de l’univers, plus
la religiosit s’accro.t243, plus aussi les religions se multiplient . travers le monde.244
241 Nostra Aetate .1, Vatican II : Les seize documents conciliaires. Ed. Fides, Montral,1967, p. 549-551
242 Andr Malraux, Les voix du silence, NRF, 1951, p. 167
243 Au sujet de la religiosit croissante, on peut lire une synth.se dans l’article de Henri TINCQ, dans Le
Monde du 03 mai 2002. intitul N€o-paganisme et id€es d’extr.me-droite : . L’Europe se d.christianise alors
que s’observe une mont.e des id.es de l’extr.me-droite. Mais si les valeurs religieuses s’effondrent, les
idol.tries de type pa.en, sorte de n.o-paganisme, fleurissent. Ce th.me de la "resacralisation pa.enne" de
l’Europe a, pour preuve, .t. expos. lors d’un synode d’.v.ques . Rome . la fin de 1999 …Selon la formule
consacr.e, une forme de r.enchantement du monde serait . l’oeuvre : astrologie, r.incarnation, pratiques
divinatoires… L’.branlement des certitudes anciennes fait le lit de l’irrationnel, d’une religiosit. d.connect.e
175
Parlant des religions autres que le christianisme, P. Teilhard de Chardin, contemporain
de Malraux, crivait : . Tout ce qui monte converge .. Tous les chemins qui montent finissent
par se rencontrer. Thodore Monod illustrait cette pense de Teilhard par un dessin dans
lequel, aux flancs d’une montagne dont le sommet tait cach par un nuage, divers sentiers
grimpaient suivant des pentes et des itinraires diffrents, mais l’on voyait bien qu’ils se
rejoignent au sommet, derri€re le nuage. Au travers de cette image de Monod et de la pense
de Teilhard de Chardin, on peut mieux comprendre le sens qu’on donne au terme "Religion" au
singulier par rapport . "religions" au pluriel. "Religion" comme idal commun ; "religions"
comme divers sentiers pour atteindre l’idal.
Ce sont ces sentiers divers qui convergent vers le sommet que nous appelons avec
Mircea Eliade attitudes fondamentales et caractristiques gnrales propres . chaque culture
face au dsir profond de l’me en qu.te du bonheur supr.me.
IV. 1. 2. Attitudes fondamentales et caract€ristiques g€n€rales des principales
religions du monde
Le propre d’une religion tant de relier l’homme . ce qui le dpasse, les adeptes de
n’importe quelle croyance au monde adoptent des attitudes et caractristiques tributaires de
l’environnement socio-culturel, gographique et historique dans lequel ils se trouvent.
des €glises, exploit€e par les sectes et forte connotation pa.enne. Dans ce n€o-paganisme, co-existent entre
autres une "mystique du chef" et un refus de tout m€tissage culturel et religieux .. Henri Tincq se demande si
une juxtaposition de facteurs comme l’effacement de la culture religieuse, "l’amnsie des valeurs morales" et
"la dchristianisation acclre de l’Europe" ne contribuent pas . la monte des ides d’extr.me-droite.
244 * Sur le site internet htt://www.unadfi.org/actualite/themes/ph_religieux.htm, Dossier : . Du nouveau chez
Dieu ., in Courrier International, Toby LESTER, 05.06.2002, On peut lire ce qui suit : . Mille religions en
concurrence : La th.se de la s€cularisation qui pr€conisait la fin du religieux a v€cu. Sans se tromper, on peut
pr€voir une €mergence accrue de nouvelles religions ou de . nouveaux mouvements religieux .. Il y aurait
ainsi 9900 religions distinctes sur la plan.te, un nombre qui augmente de deux ou trois nouvelles religions par
jour. L’auteur se lance dans des hypoth.ses improbables sur les €volutions des . nouveaux mouvements
religieux .. Ce qui est bien r€el, en revanche, est le basculement du . centre de gravit€ du monde chr€tien du
Nord au Sud o. les €glises ind€pendantes, les pentectistes et m.me les grands mouvements charismatiques
s’€tendent tr.s rapidement[…] La tendance aujourd’hui est dans le syncr.tisme.
* Dans Le Monde du 04 janvier 2000, Henri TINCQ crit : . Depuis Nietzsche et plus r€cemment,
philosophes, sociologues et politologues, pr€voyait la mort de Dieu et le d€senchantement de la soci€t€.
Malraux pour sa part €crivait en 1955, que . le probl.me capital de la fin de si.cle sera le probl.me
religieux. . Actuellement selon le sociologue Fr€d€ric Lenoir, c’est en terme de . d€composition . et de
. recomposition . que se pose la question des relations entre la modernit€ et le religieux. Le ph€nom.ne
religieux conna.t une mutation, se traduisant par le d€clin des croyances dogmatiques et normatives.
176
Les tudes faites par les sociologues et les historiens des religions rv€lent trois attitudes de foi
fondamentales245
IV.1.2.1. Attitude de . convocation .
La premi€re de ces attitudes est celle dite de "convocation". On y regroupe toutes les
religions qui font intervenir majoritairement la croyance en la possibilit de convoquer les dieux
par la force, pour rsoudre les probl€mes poss par une rupture de cohrence dans le syst€me
de fonctionnement du monde auquel se rf€rent les croyants. Par un recours . la magie ou .
d’autres formes de prestidigitation, l’homme cherche . s’accaparer des forces de la nature
auxquelles il accorde une me. C’est l’attitude des religions dites . animistes . en Afrique, en
Amrique, en Australie et m.me en Asie246 Les personnages clefs dans cet univers sont le
gurisseur, le mdium, le devin, le chaman, le pr.tre, le sorcier ou la sorci€re. Certains
chercheurs estiment qu’il y a quelques deux cents millions d’hommes aujourd’hui247. travers le
monde qui font encore partie de ces religions de convocation. Ceci ne veut pourtant pas dire
que les croyants des autres religions n’ont jamais recours . la magie.
IV.1.2.2. Attitude d’ invocation .
La deuxi€me attitude est celle dite d’"invocation". On y regroupe toutes les religions o.
le croyant fait intervenir la possibilit d’atteindre le bonheur par une asc€se et une purification
de tout ce qui l’enferme dans le fini. Le croyant, dans cette attitude, cherche des voies de
libration, de transmigration et de dlivrance mystiques. C’est l’attitude inverse de la magie.
Au lieu de tenter d’accaparer son dieu, le croyant tente au contraire de se purifier de tout ce
qui, dans le dsir, enfermerait l’homme sur lui m.me. On veut m.me en arriver . vaincre tout
dsir, et donc toute souffrance, pour se fondre en un dieu que l’on refuse de nommer car ce
serait encore le ramener . soi. Cette attitude de purification mystique peut parfois demander
plusieurs vies pour atteindre la perfection. Il y a dans cette attitude, le . refus du monde, la
r€alit€ €tant essentiellement spirituelle, et lib€ration de l’.me du cycle interminable de
naissances et renaissances auquel elle est assujettie dans ce monde .248 C’est l’attitude des
245 Voir notamment les tudes de Mirca Eliade, La ph€nom€nologie de la religion, Paris, Payot, 1948 ;
Langlet Myrtle, Le livre des religions, d. Brunnen Verlag , Ble, Brepols, 1994...
246 Pour l’Asie, le shinto japonais et les religions ancestrales chinoises font partie de cette attitude dite de
. convocation .. Religions spontanes d’origine immmoriale.
247 Voir Ren Girault et Jean Vernette, Croire en dialogue, Chr€tien devant les religions, les Eglises, les
sectes, Droguet-Ardant, Paris 1979, p. 27.
248 Myrtle Langley, Le livre des religions, d. Brunnen Verlag Ble, Brepols, 1994, p. 7.
177
religions orientales d’origine indienne : l’hindouisme, le bouddhisme et leurs ramifications.
Elles sont appeles religions d’invocation ou mystiques parce qu’elles mettent l’accent sur une
recherche de Dieu par l’homme, dans le cheminement intrieur de l’esprit humain.
IV. 1.2.3. Attitude d’ .vocation .
La troisi.me attitude est celle dite d’"vocation". On y regroupe les religions o. le
croyant fait intervenir la croyance en un Dieu qui intervient dans l’histoire et appelle l’homme .
un partage de responsabilit qui le fait quitter en partie ses cohrences naturelles pour entrer
dans une familiarit nouvelle avec Lui. Cette attitude consiste . voquer les souvenirs d’un
dieu qui s’est rvl aux hommes en se faisant leur partenaire, leur compagnon du chemin de
vie. Les croyants gardent en mmoire les hauts faits historiques de ce dieu qui manifeste
extrieurement sa volont par la parole du Proph.te. C’est l’attitude des religions d’origine
smitique, judasme, christianisme et islam o. la figure du proph.te charismatique est centrale,
non pas comme rfrence absolue, mais comme instrument par lequel Dieu rv.le sa volont.
La rvlation se fait dans l’histoire de ce monde et dans l’acceptation de la mati.re comme
essentiellement bonne. Le monde est bon mais pcheur. Il faut chercher sa rdemption et sa
transformation.
L’approfondissement fait par R.C. Zaehner249 montre d’une part que ces trois attitudes,
en apparence opposes, se trouvent . l’tat latent dans toutes les religions. Il y a dans le
christianisme qui est une religion d’origine smitique, des attitudes populaires magiques
relevant de la convocation, et chez certains sujets mystiques, des attitudes relevant de
l’invocation bien relles alors que le christianisme est une religion dont l’attitude dominante est
l’vocation.
D’autre part, du fait de l’universalisation, ou plut.t de la "mondialisation" actuelle des
religions, des croyants culturellement lis . une attitude donne se trouvent convertis . une
religion lie . une autre attitude. Il se produit tout naturellement en eux un effet de "rveil" de
l’attitude endormie en eux. C’est ce "rveil" de l’attitude rcessive qui pousse le croyant .
chercher son quilibre spirituel dans l’effort de l’inculturation au travers d’une synchronisation
des valeurs spirituelles et des rites cultuels.
249 R.C. Zaener, Inde, Isral, Islam ; religions mystiques et r€v€lation proph€tiques, DDB, 1965.
178
Cette recherche aboutit . ce qu’on appelle "syncrtisme", avec un sens qui prend de
plus en plus une nuance pjorative250.
Inculturation, synchronisation, harmonisation ou syncrtisme s’av€rent .tre des voies
obliges qui s’ouvrent au dialogue entre les religions de matrices diffrentes, pourvu cependant
que les penseurs de chacune de ces matrices sachent canaliser par un discernement persuasif et
par une lente prise de conscience, ce qui n’est pas possible de changer, ce qui l’est difficilement
et ce qui peut l’.tre sans aucun probl€me ; c’est-.-dire : ma.triser les drivs et les amalgames
trop faciles, dus souvent au z€le et . l’ignorance des fondateurs d’Eglises et . leur recherche
du prodigieux, l’essentiel tant de toujours se situer dans la vrit et en fidlit.
C’est . partir du moment o. cet effort de canalisation et de discernement persuasif est
fait dans l’incomprhension et avec un complexe de supriorit que les mouvements
syncrtiques de "rveil" aboutissent souvent . de nouvelles sparations, . de nouvelles
sectes251, bref, au rejet de ce qu’ils auraient d assimiler et incorporer de faon dfinitive s’il y
avait discernement, comprhension et canalisation.
250 De son tymologie, le mot . syncrtisme . vient du grec sugkr.tismos, . union des Crtois .. Il appara.t
chez le philosophe grec Plutarque (vers 50-120 apr. J-C.) pour montrer que les diffrents pouvoirs rgnant en
Cr€te parvenaient . s’unir contre des menaces trang€res . l’.le. Il fut adopt par le Hollandais Erasme (vers
1469-1536), le grand philosophe humaniste, pour appeler ces m.mes humanistes . se fdrer afin d’affronter la
svrit pr.ne par la Rforme protestante ne en 1517, et, du m.me coup, la raction de l’Eglise catholique,
qui se concrtisera par la Contre-Rforme, au concile de Trente (1545-1563). Le syncrtisme abandonna
ensuite sa signification pour devenir synonyme de la fusion de plusieurs croyances en une seule religion. Il
diff€re donc de l’oecumnisme, qui dsigne la runion de toutes les Eglises chrtiennes autour de leur foi
commune, universalit voulue par Jsus lui-m.me. Dans l’Antiquit, le syncrtisme fut en action, par exemple,
au sein de la religion grecque, qui se nourrit d’apports trangers, et de la religion romaine, qui s’en inspira tout
en assimilant aussi des dieux venus d’Orient. En revanche, si le juda.sme, le christianisme et l’islam ont repris
des lments . pa.ens . (terme chrtien) issus de leur longue histoire et de leurs traditions culturelles
anciennes, ils ne peuvent accepter l’irruption de toute autre foi… De m.me, le christianisme, en tant que
premi€re religion du monde, s’est tendu sur toute la plan€te. Ceci a eu pour consquence, en Afrique noire et
en Amrique du Sud, par exemple (notamment le Candombl du Brsil), la naissance de cultes syncrtiques
reprenant des traits ancestraux propres . chaque population concerne. (Voir Pierre CHAVOT, Le dictionnaire
de DIEU. Juda.sme, Christianisme, Islam, Editions de la Martini€re, Turin, 2003. )
251 Jean Delumeau crit : . L’irr.el du pass. est un temps qu’on ne conjugue que lorsqu’il est trop tard. Si
L.on X et Luther avaient connu l’avenir, auraient-ils l’un excommuni. le moine allemand, l’autre continu. le
combat contre Rome ? N’auraient-ils pas r.ussi . trouver un terrain d’entente ? . dans 2000 ans de
christianisme, op. cit., p. 5 . Un divorce d€solant ..
179
IV. 1. 3. Le processus d’"assimilation-rejet".
Le phnom€ne des nouveaux mouvements religieux au Congo, y compris les
circonstances dans lesquelles est ne, au sein de l’Eglise catholique, la thorie de
l’"inculturation" nous porte . trouver son explication profonde dans l’hypoth€se d’une
structure sociologique naturelle que Jacques Bernard appelle "assimilation-rejet"252, mais dans
un renversement de r.le.
En effet, bien qu’. l’origine l’hypoth€se du processus d’"assimilation-rejet" s’applique
aux immigrs, le probl€me de fond est plut.t, . notre avis, dans le rapport de forces. Dans le
cas des immigrs arrivs d’Egypte en terre cananenne ou de ceux qui aujourd’hui viennent du
tiers monde en terre fran.aise, les autochtones sont en position de force et imposent leur
culture et parfois leur religion . certains immigrs qui s’assimilent, puis sont rejets.
En revanche, dans le cas de la colonisation des pays de mission, c’est l’immigr
europen qui dbarque en position de force, et c’est l’autochtone qui doit s’assimiler . la
culture et . la religion de l’occupant qui l’oblige . rejeter sa propre culture et ses religions
traditionnelles, pour assimiler par la force, sa culture et sa religion. "La religion du plus fort
tant parfois la meilleure", le processus sociologique dans ce cas se fait en trois temps : le
premier temps est celui du rejet forc de sa religion, le second temps est celui de l’assimilation
de la religion de l’occupant et le troisi€me est ce que nous vivons aujourd’hui, le rejet de ce qui
252 Pour expliquer la catch€se sous-jacente au livre des Juges, concernant le regroupement et l’unification de
tribus d’Isra.l encore embryonnaires jusqu’. leur . crdo ., Jacques Bernard fait intervenir, en plus du syst€me
de gnalogie, l’hypoth€se d’ . assimilation-rejet . dont il vrifie le fonctionnement en France chez les
minorits d’immigrs. La structure fonctionne en sept temps : 1) apr€s un premier temps, durant lequel le
nouvel immigr fait l’impossible pour s’assimiler, vient un second temps, o. il se rend compte qu’il porte en lui
quelque chose d’irrductible. Ce quelque chose, li gnralement . une composante religieuse, lui interdit de
mener jusqu’au bout le processus d’assimilation. 2) Par ailleurs, les autochtones, voyant qu’il ne sera jamais de
leurs, peuvent prendre ses efforts d’assimilation pour un dsir de les supplanter. Il se produit alors, dans la
logique m.me du phnom€ne sociologique, un processus de rejet du nouveau venu. 3) Celui-ci, pour se
dfendre, peut faire appel . ses fr€res de race, ou . ceux qui partagent la m.me irrductibilit que lui. 4) La
prise de conscience du facteur d’irrductibilit qu’ils portent ensemble s’accro.t et prend progressivement la
force d’un . credo ..5) L’immigr passe alors insensiblement d’un sentiment de culpabilit d. au fait de son
incapacit . s’assimiler, . un sentiment de fiert, engendr par son . credo .. En corollaire, le dsir de
s’assimiler malgr tout est compris comme une transgression du . credo .. Ainsi na.t la conscience du pch
(de la trahison). 6) Des liens de fraternit se tissent . nouveau autour de ce . credo . renforc de m.me que les
mises en garde contre une trop grande assimilation se renforcent. Les deux allant de pair, car il faut des liens de
fraternit nouveaux pour pouvoir vivre une marginalisation plus grande. 7) Enfin les marginaux deviennent les
ma.tres de la situation et imputent . leur dieu le succ€s du processus d’autant plus facilement que le caract€re
180
a t assimil par la force pour retrouver son credo authentique ; un credo qui ne pourra plus
jamais .tre celui des origines, mais bien marqu des empreintes allog€nes.253.
Dans le cas du Congo, le "rejet" de la culture et de la religion de l’immigr europen
"assimiles" par imposition, s’est manifest tr€s t.t . travers les diffrents mouvements de
rsistance que le gouvernement colonial belge rprimait par la rclusion et l’emprisonnement
de certains leaders charismatiques. Ce fut le cas de tous les mouvements syncrtiques ns au
Congo belge entre 1921 et 1959 dont le kitawala, le ngunzisme, le kimbanguisme, le nzambi
wa malamba, le bwanga bwa nkuba, le mouvement wazungu watutsi, etc. 254.
Que ce soit pour les tribus semi-nomades d’Isra.l ou pour les tribus autochtones
d’Afrique, le rejet n’a jamais t une ngation totale de ce qui vient de l’extrieur. Le "credo"
d’Isra.l n’a jamais t constitu que du noyau pur et dur des tribus immigres. Il est un
mlange des valeurs spirituelles des tribus immigres et des valeurs temporelles et agraires des
cananens. C’est un "syncrtisme" primaire autour duquel chaque tribu fdre retrouve ses
propres valeurs enrichies de l’apport des valeurs extrieures.
L’inculturation au Congo qui est une thorie ne d’un dbat scientifique entre les
thologiens africains et leurs ma.tres occidentaux rpond dans une certaine mesure . ce
processus de "rejet-assimilation-rejet", notamment en son tape 5 : . L’immigr. passe alors
insensiblement d’un sentiment de culpabilit., d au fait de son incapacit. . s’assimiler, . un
sentiment de fiert., engendr. par son "credo". En corollaire, le d.sir de s’assimiler malgr.
tout est compris comme une transgression du "credo". Ainsi na.t la conscience du p.ch. ..
La conscience du pch, dans le cas de l’inculturation se manifeste dans la prise de
conscience unanime des thologiens africains de trahir leurs propres valeurs africaines en
assimilant compl€tement le christianisme sous sa forme occidentale. D’o. ce mot d’ordre qui
dfinit l’inculturation : . Chr€tien sans trahir l’Afrique, Africain sans nier le Christ ..
C’est aussi cela, . notre sens, la motivation profonde des Eglises de rveil au Congo ou
ailleurs : assimilation-rejet et syncr€tisme unificateur. On recherche ce qui a t une grande
irrductible qui l’a guid tait li . l’originalit de son culte. Les semi-nomades arrivs d’Egypte ont pu vivre
un processus similaire.(Voir Jacques BERNARD, La catch.se des adultes, IFAC, 1999.)
253 Voir aussi ce qui s’est pass en Inde, dans l’article de Jean DELUMEAU, L’offre et la demande dans
l’histoire chr.tienne, in 2000 ans de christianisme, op.cit., Tome X, pp. 243-247
181
assimilation et qui appara.t maintenant comme pch (trahison), en m.me temps que se tissent
de nouveaux liens de fraternit avec des congn€res d’autres rgions soumises par la m.me
force extrieure. Les nouveaux venus devant jouer la solidarit avec tous ceux qui disent
partager la m.me foi au Christ et les m.mes valeurs anthropologiques et culturelles.
Il appara.t clairement que ce processus sociologique d’assimilation-rejet permet de
comprendre les motivations des mouvements religieux, au Congo et ailleurs et tout
particuli€rement l’histoire des Eglises afro-chrtiennes, indpendantes et de rveil. La
conscience de la "trahison" fait partie des motivations profondes qui poussent les leaders
charismatiques . fonder ces Eglises dites de rveil, comme jadis, au sein m.me de la vieille
chrtient occidentale.
IV. 1. 4. Les mouvements de r.veil dans l’histoire des religions.
De prime abord, l’expression "mouvement de rveil" renvoie aux initiatives
"marginales" des chrtiens des Eglises rformes qui leur reprochent leur torpeur et leur
sclrose dans l’annonce de la Parole de Dieu. C’est dire que le terme "rveil" est peu courant
dans le catholicisme, m.me si en remontant l’histoire du christianisme en gnral, nous arrivons
. des ralits proches de ce qu’on entend aujourd’hui par "mouvement de rveil".
La raison pour laquelle ce terme est peu courant dans le catholicisme peut .tre
comprise en lisant Yves M.-J. Congar, "Vraie et fausse r.forme dans l’Eglise"255. Dans la
seconde partie de son livre, il parle de . Conditions d’un r.formisme sans schisme .. Dans
tout mouvement rformiste, voire dans tout ce qui reprsente un dpart, un dynamisme, il y a
une possibilit de bien ou de dviation. Une rforme sans dviation et sans schisme est lie .
quatre conditions : primaut de la charit et du pastoral ; rester dans la communion du tout ; la
patience, viter les mises en demeure ; un vrai renouvellement par un retour au principe et . la
tradition, non l’introduction d’une "nouveaut" par une adaptation mcanique. C’est le chemin
qu’ont suivi beaucoup de rformes catholiques qui, plut.t que de devenir des entits
indpendantes, ont aid l’Eglise . se reformer de l’intrieur.
254 Voir la liste exhaustive en annexe 4
255 Yves M.-J. Congar, Vraie et fausse r.forme dans l’Eglise, Editions du Cerf, Collection Unam Sanctam 20,
Paris, 1950, pp. 231-347.
182
Restant dans la ligne de Y.M-J. Congar, H. Ch. Chry, dans un article intitul Les
mouvements de r€veil, de r€formes en r€formes256 fait remonter le terme "rveil" plus loin dans
l’histoire des religions et pense que le phnom€ne qu’il dsigne est de tout temps et de toute
religion. . Toute religion, crit-il, conna.t ce mal: la ferveur des origines d€cro.t mesure
qu’on s’en €loigne. De temps en temps surgissent des hommes de foi qui se proposent d’
.€veiller. leurs fr.res. Certains le font en demeurant dans leur famille religieuse ; d’autres
en en cr.ant de nouvelles […] L’histoire d’Isra.l est faite tout enti.re des appels de Dieu .
un peuple .lu qui s’endort dans la facilit., dans l’erreur. Les proph.tes sont les premiers
pr.dicateurs de r.veil, envoy.s pour secouer les somnolents, les rappeler . leur vocation…..
La sociologue Dani€le Hervieu-Lger257 parle, elle, de deux modes de socialisation
religieuse qui bousculent et ont tendance, de tout temps, . succder aux religions
traditionnelles : . l’un plut.t soft, l’autre plut.t hard ..
A travers toute l’histoire du christianisme, le premier mode, plut.t "soft (souple)"
int€gre la priode qui va de l’appel au rveil qui constitue le leitmotiv de la prdication de
l’ap.tre Paul, premier "prdicateur de rveil" de l’Eglise chrtienne, jusqu’aux rseaux
charismatiques actuels, en passant par tous les "ordres apostoliques" en divers temps de
l’Eglise.
Tous ces mouvements, au dpart "marginaux", mais intgrs dans la douceur du
dialogue avec les p€res fondateurs ou les initiateurs, font la longue histoire des rveils dans le
catholicisme. . Il est remarquable, crit H.Ch. Chry, que la plupart des r€veils catholiques
ont abouti la cr€ation d’Ordres religieux, congr€gations, soci€t€s. Travaill€s par le m.me
d€sir de retrouver la puret€ des origines et de r€veiller les endormis, des chr€tiens
s’associent, forment un groupe de ferveur et d’€vang€lisation. C’est exactement le m.me
ph€nom.ne que nous observons dans le protestantisme. La diff€rence est que, chez les
catholiques, dans la plupart des cas, m.me quand le r€veil rencontre des obstacles et re.oit
256 Voir 2000 ans de Christianisme, Tome V, op.cit., pp. 175-180
257 Ne en 1947, Dani€le Hervieu-Lger est sociologue des religions. Elle est actuellement prsidente de l’Ecole
des Hautes Etudes en Sciences sociales, rdactrice en chef de la revue . Archives des Sciences Sociales des
Religions ., directrice du Centre d’Etudes Interdisciplinaires des faits religieux, 54 boulevard Raspail, 75006,
Paris. Voir sa rcente publication : Catholicisme, la fin d’un monde , Bayard culture, Paris, 2003.
183
des coups de la part des eccl.siastiques qu’il d.range, il n’y a pas s.paration de l’Eglise
m.re, qui finalement s’en trouve enrichie… . 258
Pour la sociologue Dani€le Hervieu-Lger, l’avenir du christianisme n’est plus dans des
croyances dogmatiques et normatives, il est plut.t dans le mode "soft" comme les rseaux
charismatiques, les communauts vangliques et pentec.tistes, les rassemblements comme les
J.M.J., les p€lerinages, etc.259
Jean Vernette dans "Question notre Eglise" fait remarquer que l’ensemble de rveil
religieux qui surgit dans ce dernier quart de si€cle trouve le plus souvent ses voies en dehors
des Eglises. . On note en effet une v€ritable prolif€ration de religions "sauvages"
parall.lement la d€saffection pour les religions "officielles". Beaucoup de jeunes en
particulier sont spontan€ment religieux sans la foi. Tout se passe comme si la dimension
"mystique" de l’homme occidental, qui trouvait depuis des si.cles son expansion privil€gi€e
au sein du christianisme, s’en dissociait peu peu .260.
Le second mode, plut.t "hard (tendance dure)", se fonde sur des besoins de certitudes
et de sens, de cohrence et de discipline dans un monde dstabilis. C’est ici que se situent les
sectes qui pour la plupart sont issues du protestantisme et qui ne s’ouvrent plus . aucun
dialogue.
H.C. Chry dit que . Dans le protestantisme, certes, le m.me mouvement n’a pas
toujours engendr. des sectes s.par.es de la confession o. il .clatait, mais ce fut souvent le
cas. Pour r.former, pour r.veiller une Eglise endormie, on alla au-del. de
l’approfondissement spirituel, au-del. d’une exhortation . la conversion ; on remit en
question les positions disciplinaires ou m.me les positions doctrinales. Et, une fois le r.veil
pass., on s’est retrouv. simplement avec une secte de plus, quelques coutumes originales,
l’attachement un peu .troit . un point particulier de la doctrine, une "d.nomination"
suppl.mentaire qui s’endort un jour comme les autres dans le souvenir de sa ferveur pass.e,
et, . son tour, a besoin d’un r.veil. .261
258 Henri-Ch. Chry, op. cit., p. 176.
259 D. Hervieu-Lgier, op.cit.
260 Voir 2000 ans de christianisme, op. cit. p. 193
261 H. C. Chry, Ibidem.
184
Entre la tendance souple et la tendance dure telles que filtres dans les mailles de
Dani€le Hervieu-Lger et H. Ch. Chvy, il y a, selon notre observation, une catgorie
intermdiaire : celle des Eglises et assembles qui n’ont pas compl€tement rejet les
communauts-m€res, mais qui s’panouissent dans un syncrtisme262 de juxtaposition, favoris
par la mondialisation des religions. Elles restent ouvertes au dialogue tout en maintenant
l’indpendance et la libert de crer leur chemin en s’inspirant de ce qui, dans les diffrentes
religions institues, rpond le mieux . leur qu.te spirituelle. Cette catgorie n’a rien . voir avec
la nbuleuse du type Nouvel Age : une religion . la carte o. Dieu serait absent, ou tout au
moins, o. il ne subsisterait qu’incognito.263
Sont plut.t . classer dans cette catgorie intermdiaire, au niveau international, les
religions comme le cao dai au Vietnam, le sikhisme en Inde et au Pakistan, le candombl du
Brsil, le vaudou d’Ha.ti-Bnin et d’autres encore.
Ne d’un message du Tr€s-Haut . Ng. Van Chi.u, dans la nuit de No.l 1925, le cao
dai ("le palais supr.me") est une religion syncrtique qui combine les enseignements du
confucianisme, du tao.sme, du bouddhisme tout en s’inspirant d’lments du juda.sme, du
christianisme et du gniisme (croyance aux gnies…). Elle se distingue par un symbolisme
labor, o. le yin et le yang, les cycles du karma et le spiritisme jouent chacun un r.le. Sa
structure institutionnelle est calque sur celle de l’Eglise catholique. Le caoda.sme compte plus
de deux millions de fid€les dans 50 pays. La plupart des fid€les sont regroups surtout au
Cambodge et au Vietnam, mais aussi en France et aux Etats-Unis264.
Le sikhisme en Inde et au Pakistan est une religion d’inspiration musulmane et hindoue,
ne dans un environnement politique et religieux perturb par une domination trang€re : les
armes turques dominent l’Inde depuis deux si€cles et y imposent la religion musulmane . c.t
de la religion hindoue. Avec son exprience de six si€cles, le sikhisme qui est aujourd’hui une
262 Syncr€tisme dans le sens o. le dfinit Xavier de SCHUTTER dans Les m€tamorphoses du divin : essai de
th€ographie, prface de Jacques Riffet, aux ditions Espace de Liberts, "La.cit", Bruxelles, 2002. . Le
syncrtisme est l’assimilation et l’identification des divinits les unes par rapport aux autres : Les divinits
s’empruntent mutuellement noms et attributs et finissent par se confondre ..
263 L’historien des religions Xavier de Schutter note . ce propos que dans la littrature New Age, Dieu n’est pas
peru . comme un .tre mtaphysique extrieur . l’homme… mais comme un tat . intrapsychique . qu’il
convient de raliser en soi . Idem. Un r.ve d’occident sous influence bouddhique.
264 Pour plus d’informations, lire Gerhard J. Bellinger, Encyclop€die des religions, prface de Pierre Chaunu,
de l’Institut, La Pochoth€que, Edition 2, Varese (Italie), 2001, pp. 131-133…
185
religion . part enti€re, "quatri€me religion monothiste", figure parmi les russites du
syncrtisme interreligieux avant la mondialisation265.
Dans la plupart des cas traits dans le cadre du syncrtisme africain, l’influence
religieuse et culturelle vient toujours d’ailleurs, d’Europe, d’Asie ou du monde arabe. Les cas
du syncrtisme des candombls brsiliens266 et des vaudous hatiens montrent qu’. son tour,
l’Afrique, par sa culture et ses croyances, a provoqu des mutations chez d’autres peuples du
monde.
Les candombls du Brsil appartiennent . divers peuples africains victimes de
l’esclavage. Dports en Amrique latine, ils ont perptu leurs traditions et religions
respectives. La fusion des ces cultures, traditions et religions diffrentes, d’origine africaine,
mais en dehors de l’Afrique, a donn naissance . une religion syncrtique afro-africaine au
Brsil appele macumba. Mais il se fait qu’avec la "mondialisation" actuelle des religions, le
"macumba" est en train d’.tre repens en termes chrtiens.
Paraphrasant Roger Bastide, le professeur Nange Kudita wa Sesemba crit : . Il y a
aujourd’hui, deux types d’influences : interne et externe. Le candombl€ n’ayant pas une
structure fixe, obligatoire, il subit des transformations de tout genre. Ainsi par exemple,
l’influence que le catholicisme peut avoir sur les membres du candombl€ est soit positive soit
n€gative. Mais il n’est pas surprenant d’entendre certains membres du candombl€ comparer
Oixa au saint, atteste R. Bastide. En r€alit€ le vrai changement qui s’op.re dans le
candombl€ doit s’expliquer partir de la fonction et du rle qu’il remplit ou joue dans la
soci€t€ afro-br€silienne. .267
Le Vaudou qui peut .tre considr comme un autre exemple dmonstratif du
syncrtisme afro-chrtien, c’est-.-dire runion d’une ou plusieurs croyances ou religions en
265 Pour plus d’informations, lire Louis FREDERIC, Dictionnaire de la Civilisation Indienne, Robert Laffont,
1987, pp. 1005-1006/sikh ; L.R. KRISHNA, Les Sikhs. Origine et d.veloppement de la communaut. jusqu’.
nos jours (th.se de doctorat), Paris, 1933 ; http:// www.remp-learning.org/french/docs/ppcd1287.htm.
266 Voir les tudes de Roger BASTIDE, notamment Les religions africaines au Br€sil. Vers une sociologie des
interpr€tations de civilisations, P.U.F., Paris, 1960 ; Le candombl€ de Bahia, Mouton, Paris,1958 ; et celles de
David SAINT-CLAIR, notamment Macumba. Enigmes et Myst.res du Br€sil. Ed. E.P. Deno.l, Paris, 1972.
267 Voir son article dans Cahiers des religions Africaines (1993-1994), p. 197-219 : . Les survivances
religieuses africaines dans les candombl€s br€siliens :le cas du candombl€ de Bahia .,p. 217.
186
une seule, est n en Hati par la fusion des religions africaines entre elles d’abord, et puis avec
le christianisme impos aux esclaves par leurs ma.tres268.
C’est, tout compte fait, dans cette catgorie intermdiaire entre la tendance souple et la
tendance dure que nous situons aussi les Eglises indpendantes du Congo telles que l’Eglise du
proph€te Simon Kimbangu, et certaines Eglises de rveil parmi les plus influentes ; plus
proches de la tendance souple parce que issues pour la plupart des communauts vangliques
et pentec.tistes. Sans doctrine prcise, elles versent dans le syncrtisme au sens de Xavier de
Schutter, en puisant l’essentiel de leurs rites dans les religions traditionnelles, dans le
christianisme et dans l’islam . travers le "maraboutage" pour satisfaire le "nicodmisme" des
croyants congolais.
Ceci explique mutatis mutandis, le fait que les Eglises institues ne dsemplissent pas,
bien que des foules immenses soient draines vers ces "Eglises de rveil", en vue semble-t-il
d’y dcouvrir une nouvelle religiosit, marque par la vitalit, l’actualit, les gurisons, les
miracles . la carte, la pastorale de proximit, bref des rponses aux multiples besoins socio-
religieux.
Les reconna.tre est, . notre avis, la premi€re condition pour ouvrir les possibilits
d’largir les limites du dialogue oecumnique et interreligieux au Congo. Contrairement . ce
que dit le professeur Flicien Lukoki Luyeye269, . travers quelques unes de ses expressions,
268 Pour Pierrot, op.cit. , Le vaudou n’est pas n . Hati (o. l’on crit vodou), mais en Afrique, o. il est toujours
vivant, prcisment au Dahomey, l’ancien royaume du Bnin, et au Togo…Cette religion, qui n’est pas de la
sorcellerie, comme on l’affirme trop souvent, se caractrise par les lwa, les esprits, invoqus lors de crmonies
impressionnantes, individuelles ou collectives. Ces lwa forment un vritable panthon, dont le sommet est
occup par le Grand Ma.tre…Chaque lwa est associ . un arbre, habite dans un dcor naturel (cimeti.re, grotte,
rivi.re…), poss.de sa couleur, son jour, ses offrandes favorites, son r.le spcifique, et un double catholique…
Un exemple qui illustre parfaitement le syncrtisme : Ezili ou Erzulie, lwa de l’amour, est f.te les mardis et
jeudis ; prsente comme une mul.tresse sduisante et lascive…associe . la Vierge Marie, elle est f.te le 16
juillet (f.te de Notre-Dame du Carmel dans la calendrier catholique) et le 26 juillet (jour de la Sainte-Anne, sa
m.re et bien sr celle de Marie).
269 Doyen de la facult d’Economie et Dveloppement, Facults Catholiques de Kinshasa. Voir son Avant-
Propos dans L’Economie des Eglises de r.veil et le d.veloppement durable en R.D.C., op.cit. pp5-8 et p. 159
*Cependant, en dehors de ces deux expressions que nous trouvons malencontreuses pour un colloque de cette
valeur auquel ont rpondu des dlgations des Eglises de rveil, nous sommes plein d’admiration pour
l’initiative combien louable du doyen, et pour la qualit scientifique des interventions. Nous aurions souhait
une expression comme . canaliser . qui irait mieux avec la pertinence de son intervention dont nous
partageons largement les rflexions sur les perspectives d’avenir pour une cohabitation entre les Eglises de
rveil et les Eglises traditionnelles en R.D.Congo. Monsieur le doyen a d. prsenter des excuses aux dlgus
de ces Eglises pour certains exc€s qui n’taient pas du genre . les encourager . rpondre . des invitations
futures.
187
nous pensons que les rflexions approfondies que nous avons . faire sur ce fait social et
religieux ne doivent pas, en priorit, .tre orientes vers la recherche des stratgies pour
"arr.ter d.s maintenant" cette "m€gabombe sociale".
Ce phnom€ne n’tant ni d’aujourd’hui270, ni exclusif . la situation actuelle du Congo,
nos tudes approfondies devront plut.t nous amener . fournir aux Eglises institues des
raisons d’avoir une politique d’ouverture . l’gard de ces mouvements, en leur proposant des
voies et mthode d’approche qui canaliseraient les drives actuelles, provoques par les chefs
charismatiques et pasteurs de ces Eglises qui rcup€rent . leur profit, les aspects essentiels
socio-culturels et conomiques que le christianisme officiel traite encore trop . la mani€re
occidentale. C’est l. que ces nouvelles spiritualits deviennent un dfi pour un christianisme
trop occidental dans un environnement culturel et cultuel africain.
Comme l’crivait Mgr Vernette en 1999, . Que l’on soit pour ou contre,
mondialisation oblige, il faut compter avec cette nouvelle spiritualit. si l’on veut comprendre
notre .poque .. Le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux oriente actuellement ses
directives dans le sens de cette ouverture dans l’exigence.271
Nous allons dans la section qui suit, prsenter cette situation et ses enjeux spirituels tels
qu’analyss par les experts locaux, au cours du Colloque et Sminaire Scientifique tenus aux
Facults Catholiques de Kinshasa, avec le soutien de la Fdration Internationale des
Universits Catholiques (F.I.U.C.) et celui du Conseil Pontifical pour le dialogue
interreligieux.272
* L’largissement des limites du dialogue oecumnique et interreligieux que nous prconisons dans notre th.se
passe justement aussi par ces genres de colloques scientifiques, o. toutes les composantes du monde religieux se
retrouvent dans le respect de la diffrence culturelle, cultuelle et intellectuelle.
270 Les mouvements syncrtiques au Congo-Za.re datent dj. de l’poque coloniale. Ils ont toujours t touffs
par la force rpressive sans jamais russir . les enrayer compl€tement. Voir pour plus de dtails, l’article de
Modio Zambwa Stanislas que nous reprenons en annexe 4.
271 En avril 1991, la cardinal Francis Arinze, alors prsident du Conseil pontifical pour le dialogue
interreligieux, dclarait : . On ne devait pas condamner les mouvements religieux sans discrimination. Les
catholiques devaient .tre toujours pr.ts identifier ou €tudier les €l€ments et les tendances qui sont en soi
bons et nobles. .
272 *Du 14 au 21 novembre 1992, aux Facults Catholiques de Kinshasa, quatri€me colloque International du
Centre d’Etudes des Religions Africaines. Th€me : Sectes, Cultures et Soci€t€s. Les enjeux spirituels du temps
pr€sent
*Du 8 au 11 mai 2002, aux Facults Catholiques de Kinshasa, XVII€me semaine scientifique de la facult
d’Economie et Dveloppement. Th€me : . L’.conomie des .glises de r.veil et le d.veloppement durable en
R.publique D.mocratique du Congo ..
188
IV. 2. Les Enjeux spirituels et les aspects actuels du dialogue oecum€nique et
interreligieux au Congo.
IV. 2. 1. Clivage des enjeux spirituels actuels et int€r.t de la hi€rarchie catholique
Il est un fait indniable que depuis plus d’une dcennie, les enjeux spirituels, actuels au
Congo-Kinshasa, sont focaliss dans les mouvements de rveil, sectes religieuses et autres
mouvements occultes qui naissent, se dveloppent de par le monde, et laissent perplexes les
socits politiques et les religions institues. Les lites et hommes politiques de haut niveau en
sont eux-m.mes parfois fondateurs, sinon parrains273.
La spiritualit populaire est sortie d’glises institutionnalises pour des assembles et
des cultes dans lesquels il n’y a ni dogme ni diffrence entre les religions. Seule compte, "la
relation avec une transcendance" capable de rsoudre les probl€mes des croyants. Que Dieu ait
un fils dnomm Jsus-Christ, "Messiya" par qui tout salut nous est procur, cela ne trouble
personne. Que Dieu ait envoy des proph€tes pour parler aux hommes : Mo.se, Mahomet ou
Kimbangu, cela va de soi. Bref, les enjeux de la spiritualit actuellement au Congo-Kinshasa
vont dans le sens du paradigme thocentrique et sotriologique o. toutes les religions se
valent.
La hirarchie des Eglises chrtiennes n’est pas reste indiffrente face . ce phnom€ne.
En 1988, une vaste enqu.te sur le terrain au sujet des sectes religieuses dans la ville de
Kinshasa avait t initie par le Centre d’Etudes des Religions Africaines (CERA) dont le but
tait d’entreprendre des recherches pour une connaissance scientifique des religions, croyances
et coutumes africaines traditionnelles et modernes.
Intress par le probl€me des perspectives d’avenir pour un dialogue interreligieux au
Congo, le Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux a soutenu les travaux du CERA en
encourageant les Facults Catholiques de Kinshasa . organiser un Colloque o. seraient
exposs les rsultats de l’enqu.te, tout en les confrontant aux travaux d’autres chercheurs
(sociologues, anthropologues, psychologues, historiens, etc.) intresss par le sujet, qui
viendraient de diffrents centres de recherche et universits du Congo.
189
Pendant une semaine, du 14 au 21 novembre 1992, les chercheurs et spcialistes des
questions religieuses se sont runis . Kinshasa pour exposer les rsultats de leurs recherches.
Aux yeux du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux (CPDI), cette tude est avant
tout, un document de base pour toute perspective d’avenir concernant le dialogue
interreligieux au Congo-Kinshasa.
Nous en prsentons le rsum dgag par le rapport gnral du Colloque274, avant
d’aborder quelques questions de fond concernant les enjeux spirituels.
IV. 2. 2. Les nouveaux mouvements religieux, €vang€lisation et d€veloppement.
IV. 2. 2. 1. Pr€sentation
La question fondamentale qui est . l’origine de la vaste enqu.te qui a prcd le
Colloque est de conna.tre les raisons profondes de la constitution de ces communauts et les
circonstances de leur gen.se. On voulait conna.tre, par ailleurs, les raisons du recours au
religieux pour fournir des rponses aux multiples besoins socio-conomiques.
En d’autres termes, les enqu.tes des chercheurs du CERA avaient comme objectif :
prciser les conditions d’mergence des sectes, leur enracinement, . Kinshasa et dans la culture
africaine, circonscrire leur impact sur la vie sociale et les possibilits d’un dialogue entre elles
et les grandes Eglises institutionnalises.
Pr.s d’une quarantaine d’interventions taient faites par des spcialistes des sciences
humaines et religieuses pour pouvoir cerner cette problmatique de base.275. Le professeur
Ntedika Konde synthtise toutes les interventions en huit rubriques qui ont t les points forts
sur lesquels ont converg les apports des diffrents intervenants. Nous retenons, pour ce qui
273 Voir l’ouvrage de Ndaywel, . Nziem, Isidore, La transition politique au Za.re et son proph.te Dominique
Sakombi Inongo. Kinshasa, les Editions de la Voie de Dieu, 1995.
274 Le rapport gnral du Colloque a t fait par le professeur Malembe-N’Sakila de l’Universit de
Lubumbashi. Il est repris dans Cahiers des religions africaines ( 1993-1994), op. cit. pp. 591-594. Le
professeur Ntedika Konde Joseph, directeur du Centre d’Etudes des Religions Africaines en fait ce qu’il a
intitul . Lecture et Considrations ., publi dans Les nouveaux Mouvements religieux : €vang€lisation et
d€veloppement. Op. cit. pp. 7-31
275 Voir la liste des textes des actes de ce Colloque, annexe 1.
190
nous intresse, cinq points : la terminologie, la classification, les causes, la thologie des
nouveaux mouvements religieux au Congo et les le.ons . en tirer.
IV. 2. 2. 2. La terminologie
Deux difficults ont t . l’origine des diffrents termes employs pour dsigner ce
phnom.ne religieux au Congo:
- Tellement perplexes, les observateurs ont eu du mal . trouver une terminologie qui
traduise exactement la richesse et la signification profonde de ces manifestations extrieures,
d’une vitalit intrieure aujourd’hui encore insuffisamment explore.
- Partant de l’tymologie du mot secte (saqui, sectari, secta, secari, secedere), plusieurs
orateurs ont d annoncer leur intention d’utiliser dans leurs exposs le terme secte au sens o.
chacun le dfinit par rapport aux phnom.nes et manifestations observs.
Ainsi donc, en dehors du terme "secte", les vocables qui ont t le plus souvent utiliss
par les orateurs, selon qu’ils sont thologiens, philosophes, sociologues, anthropologues ou
psychologues, sont : Eglises (Eglises indpendantes, Eglises nouvelles par opposition . Eglises
institutionnalises, Eglises tablies, Grandes Eglises…) ; Mouvements (nouveaux mouvements
religieux, mouvements revitalisants, messianiques, syncrtiques, prophtico-salvifiques,
prophtiques, eschatologiques, asctiques, millnaristes, non-conformistes, mystiques,
charismatiques, sotro-occultistes) ; Communaut€s (communauts religieuses, qui englobent
. la fois les sectes nouvelles et les Eglises tablies) ; Assembl€es (une des appellations que les
sectes prf€rent de nos jours) ; Cultes ( nouveaux cultes qui se distinguent des sectes
historiques d’Europe et d’Amrique) ; Associations, Soci€t€s, Groupes (pour dsigner les
sectes lucifriennes et sataniques) ; Nouvelles religions (pour dsigner les communauts
d’origine plus rcente que les grandes religions).
En rsum, les intervenants ont prconis l’abandon du terme pjoratif de secte, ou
ressenti comme tel, l’abandon aussi des adjectifs ngatifs et mprisants tels que : mouvement
anti-chrtien, syncrtiste, exalt, nativiste, no-pa.en, sectaire, sparatiste, dissident, magico-
religieux. Avec le mouvement oecumnique promu par le concile Vatican II, on a mis ou remis
en honneur des termes tels que : nouveaux mouvements, mouvements prophtiques,
communauts, nouveaux groupes religieux…
191
Le raisonnement qui est . la base de l’abandon de ces termes est : . ce qui distingue
une Eglise d’une secte n’est certes pas le dogmatisme de celle-l et le syncr€tisme de celle-ci.
La raison en est que pour peu qu’on y r€fl€chisse, aucune communaut€ religieuse n’€chappe
au syncr€tisme, dans la mesure o. l’originalit€ et l’authenticit€ totales des croyances, des
usages, des rites, des paroles, des signes, et des symboles, qui sont compt€s aujourd’hui
parmi les €l€ments du patrimoine de telle Eglise, ne peuvent .tre d€montr€s .276.
IV. 2. 2. 3. La classification
Comme pour la terminologie, la classification des "sectes" en Rpublique Dmocratique
du Congo, n’a pas fait l’unanimit des chercheurs. Nanmoins, en fonction de leurs traits
caractristiques et de leur attitude vis-.-vis du monde, elles ont t classes soit suivant leur
typologie, soit suivant des raisons pratiques et chronologiques277.
En gros, tous ces crit€res particuliers se sont retrouvs dans deux grandes catgories
qui nous paraissent intressantes pour la perspective d’ouverture des limites de l’oecumnisme :
La premi€re catgorie se rapporte aux nouvelles religions, plutt Soft, issues des
missions chrtiennes ou de l’initiative d’un proph€te-fondateur qui s’empare de la Bible pour
une libre interprtation des circonstances et des attentes des adeptes. Elle reprsente plusieurs
courants : pentec.tistes, prophtiques, messianiques, nativistes, etc. La plupart des sectes
chrtiennes africaines entrent dans cette catgorie.
Dans le second grand groupe, on classe les mouvements, plutt hard, qui proviennent
d’autres religions, surtout orientales (hindouisme, bouddhisme, tao.sme etc.) et de plusieurs
courants de pense philosophique ou mtaphysique. Ils se caractrisent par l’appropriation
d’une gnose, c’est-.-dire d’une connaissance spciale . tendance sotrique et mystique. Il y a
dans ce groupe : le mahikari, la rose-croix, le brahmanisme, la foi ba’hai, la mditation
transcendantale, l’Eglise de l’unification internationale de la conscience de Krishna, l’Eglise de
276 Voir dtails dans Ntedika Konde Joseph, Ibidem, p. 25
276 Ibidem, p. 13
277 Ibidem, p. 12-13
192
la scientologie, etc. Ce sont les "nouvelles sagesses", des "gnoses rnoves" . tendance litiste,
qui sduisent surtout les jeunes et les classes moyennes en qu.te d’utopies et d’un nouvel ordre
de chose278.
IV. 2. 2. 4. Les causes
Les causes principales de la prolifration des sectes au Congo ont trois origines :
l’intransigeance des missionnaires occidentaux dans l’implantation d’un christianisme universel,
au mpris des cultures et traditions locales279, l’implantation industrielle et urbaine, avec pour
effets l’exode rural, dstabilisateur des scurits existentielles280 et la situation de crise post
coloniale : crise personnelle, ecclsiale, conomique ou politique281. Ces situations de crise
rv€lent les besoins varis, les aspirations et les questions br.lantes qui rclament des rponses
concr€tes et appropries.
Les sectes exploitent avec opportunisme ces situations concr€tes que les Eglises
institutionnalises rel€guent souvent au second plan, parfois de fa.on trop systmatique.
IV. 2. 2. 5. La th€ologie dans les mouvements de r€veil au Congo
La thologie dans les mouvements de rveil au Congo se limite pratiquement . ce que
le chanoine Alfred Vanneste qualifiait d’.tapes inf.rieures ou niveaux secondaires282. Tout est
fonctionnel et motionnel, c’est-.-dire, pri€re, prdication, cantiques chants . tout rompre,
action thrapeutique et/ou thaumaturgie. Il n’y a pas de place pour une spculation abstraite ou
278 Ibidem, p. 13
279 Voir plus haut : II. 2 et II.3
280 Le m.me phnom.ne se rp.te dans l’exode "outre-mer". Les Eglises de rveil de la diaspora rpondent .
ces m.mes proccupations o. les "mikilistes (immigrs congolais)" dracins de leurs anciennes units sociales
et collectives, n’ont plus de point de rfrences, plus de ressorts communautaires sur lesquels ils s’taient
toujours appuys. Ils se retrouvent projets et obligs de tenir dans un monde nouveau qui ne leur prsente
aucun abri protecteur, aucun lieu o. ils peuvent se raccrocher . de nouveaux mod.les, aucun cadre pour trouver
des solutions aux multiples probl.mes que pose leur nouvelle situation. Ils se trouvent plongs tout . coup dans
un monde sans merci, sans concession, et qui exige des solutions urgentes et immdiates. Les adeptes des
nouveaux mouvements religieux, immigrs de l’Afrique vers l’Europe comme du village vers la ville, vivent
leur adhsion comme l’exprience d’une solidarit retrouve, comme la libration de leur personnalit
individuelle et comme l’clatement de leur isolment et de leurs limites, linguistiques, culturelles,
intellectuelles…
281 Voir plus haut : I.1 et I.2
282 Lors du dbat historique autour de la thologie africaine, A. Vanneste, protagoniste de la thologie
universelle disait que l’africanisation ne pouvait toucher de la thologie que les tapes infrieures, les niveaux
secondaires c’est-.-dire la catchtique, la pastorale, la morale, l’homilitique, etc.
193
une rflexion scientifique, critique et organise en un corps de doctrine. Le pasteur agit en
fonction du besoin immdiat des croyants283
Le compte rendu du Colloque scientifique du C.E.R.A. prsente quelques analyses
thologiques des lments principaux de la liturgie des sectes : notamment l’utilisation de la
Bible, la foi en la Sainte Trinit, Le Christ, l’Esprit-Saint et la morale.
En ce qui concerne l’utilisation de la Bible, les nombreuses rfrences sont faites sans
tenir compte de leur contexte. La dimension humaine et historique de cette parole de Dieu est
tr€s peu prise en compte. C’est dire que l’exg€se est une discipline qui ne trouve pas sa place
dans la thologie biblique des sectes. La Bible elle-m.me devient un objet "magique" qu’il
suffit d’avoir au chevet ou en poche pour avoir toute la protection contre les mauvais esprits,
contre les sorciers et contre les attaques de microbes. Il suffit de rpter . haute voix quelques
passages bibliques pour devenir invulnrable : . Au nom de J.sus… sans effet… ..(sic.)
A l’instar de beaucoup d’occidentaux qui, aujourd’hui, avant de sortir de chez eux ou
avant de prendre une dcision importante, consultent les astres, les voyants ou leur
horoscope…, les adeptes des mouvements de rveil au Congo ouvrent au hasard la Bible et
tombent sur n’importe quel verset qui leur prdit la journe. La Bible ne donne lieu . aucune
lecture scientifique, mais . une lecture essentiellement fondamentaliste et littrale. Bref, pour
ces Eglises, tout ce qui vient de la Bible est sacr, est Parole de Dieu, et peu importe
l’interprtation qu’ils en tirent. Cette parole est interprte d’apr€s les situations et le recours .
la Bible consiste souvent . chercher des passages adapts . la situation du requrant.
En ce qui concerne la foi en la Sainte Trinit, disons que la notion de "P€re" et de "Fils"
n’a fait que renforcer et confirmer la conception familiale et celle de la force vitale de la
cosmogonie "bantu"284 L’Etre est force, et la force se transmet de p.re en fils. La thorie de la
283 Pour mieux comprendre cette absence de spculation abstraite, voir plus haut, IV.1.2. : . Les attitudes
fondamentales des religions du monde : la convocation ., L. Senghor disait : . La raison est hell.ne, l’.motion
est n.gre . et Ntedika Konde Joseph crit : . Certaines sectes ont gard€, malgr€ la r€demption apport€e par le
Christ, une vue plus pessimiste des choses, celle d’un monde qui resterait domin€ par Satan et autres forces du
mal. Cette vision du monde appara.t manifestement dans leur acharnement pour arracher Dieu la gu€rison,
le salut et la d€livrance de l’.me et du corps et pour .tre d€livr€ du p€ch€, de la maladie, des soucis et Satan,
cet Esprit mauvais, cet Ennemi qui rde autour de nous et inspire la sorcellerie par son influence malfique et
malveillante. Cette hantise obsessionnelle de la pr€sence et de l’action satanique est pratiquement un oubli de
la victoire salvatrice du Christ . op. cit, p. 25
284 Voir le point II.1.3.3.
194
"Trinit" comme communion de force et d’amour entre le P.re et le Fils, par l’Esprit-Saint,
figure parmi les thories abstraites de la thologie occidentale qui passe sans probl.me dans la
vision du monde "bantu". A ce niveau, les mouvements prophtiques fondent leur vie sur la foi
en Dieu le P.re, Crateur du monde, la foi en Jsus-Christ notre Sauveur et en la puissance
(force) du Saint-Esprit.
Tous les mouvements de rveil et les autres Eglises afro-chrtiennes au Congo croient
fortement en la Sainte Trinit. L’Eglise kimbanguiste en arrive m.me . l’identification des 3 fils
du proph.te Simon Kimbangu, aux trois personnes de la sainte trinit. Ce qui fait qu’elle ne
soit plus reconnue, par l’Eglise catholique, comme une religion chrtienne.
C’est . la charni.re de la cosmogonie bantu et la thologie chrtienne occidentale que les
fid.les des Eglises prennent tr.s au srieux les consquences du dogme de la rdemption et du
salut apport par le Messie.
Ce qui rsulte de cette jonction cosmo-thologique, pour les croyants africains qui ont
une peur bleue de toute force du mal susceptible de diminuer la vie, est une double conviction :
. la victoire du Christ a mis en d€route, pour nous, toutes les forces du mal, et le Seigneur
nous a ainsi apport€ une joie sans limite et imprescriptible .285.
Quant . la morale, l’unanimit des enqu.tes sur le terrain a montr qu’en dpit de
l’esprit de haine, de dnigrement, de dissidence et d’agressivit qu’ils cultivent dans leurs
pri€res . l’gard de l’Eglise catholique, beaucoup de ces mouvements religieux, . l’instar de
l’Eglise kimbanguiste, suivent les dix commandements tels qu’ils sont contenus en Exode XX,
1-7, auxquels ils en ajoutent d’autres inspirs de la Bible ou de la tradition africaine, dont
l’obissance aux autorits (Romains XIII,1-13), l’amour mutuel et l’amour des ennemis
(Matthieu V, 43-45), l’abstention des boissons alcoolises, du tabac et surtout des drogues,
l’interdiction des danses, l’interdiction de nager ou de dormir nu, l’interdiction de se m.ler .
des litiges, l’abandon du culte des ftiches, le paiement des imp.ts, le renoncement . la
vengeance, la confession des pchs en prsence des membres de l’assemble dsigns pour
cela (en cas de scandale provoqu par un membre), l’abstention de viande de porc et de singe
et pour certaines communauts, l’obligation de la monogamie.
285 Voir Ntedika, ibidem
195
Au-del. de ces points forts, le bilan du colloque a t rsum autour de six points :
1. La propension, dans les sectes, . rechercher une pit intense, . engager les
membres dans l’effort de dveloppement en les amenant . l’assurer collectivement ; mais aussi
la tendance . retourner subtilement . la sorcellerie, au ftichisme, au charlatanisme et .
l’obscurantisme.
2. La ncessit d’tablir un dialogue entre les adeptes des dites sectes d’un c.t et les
fid€les des grandes Eglises et religions universelles de l’autre.
3. L’opportunit d’une redfinition du concept de secte et la ncessit de laisser
la question ouverte pour des recherches ultrieures.
4. Les conditions d’mergence des sectes dont notamment :
a. Les frustrations socio-culturelles lies aux effets d’une acculturation, d’une
industrialisation et d’une urbanisation rapides.
b. L’insatisfaction des aspirations religieuses dans la rencontre avec Dieu et dans la qu.te
de solutions adaptes aux probl€mes socio-existentiels.
c. La revendication plus grande des espaces de libert et de participation, au niveau des
fid€les.
5. La consistance de la r€alit€ secte en tant que lieu d’€changes entre la religion
chr€tienne et les traditions culturelles africaines, au niveau du culte, des sacrements, des
formulations doctrinales et de la cr€ation artistique.
6. L’impact de la pratique religieuse des sectes sur les diffrents paliers de la socit :
pouvoir, famille, milieu professionnel, environnement, etc.
196
IV. 2. 2. 6. Les le.ons tirer
IV. 2. 2. 6. 1. Au niveau des sectes
Au sujet des le.ons . tirer au niveau des sectes, le colloque a tenu . distinguer les
aspects positifs et les lments ngatifs.
Du c.t des aspects positifs, nous retenons qu’il existe au sein des sectes au Congo,
des innovations qui ne devront pas laisser les Eglises institues indiffrentes : la promotion de
la femme, l’autonomie, la solidarit, la proximit, l’effort de repenser la doctrine en mettant
plus en valeur la figure du Christ Sauveur, Rdempteur, Gurisseur, etc.
Du c.t des aspects ngatifs, nous retenons la forte propension vers des drives
d’intolrance et de refus de dialogue, recherche de gurisons illusoires et de solutions
immdiates aux probl€mes existentiels les plus divers.
IV. 2. 2. 6. 2. Pour les grandes communaut€s institutionnelles
Pour les diffrents spcialistes des sciences humaines et religieuses, il faudrait que les
Eglises chrtiennes et les communauts non chrtiennes institues fassent preuve d’humilit
pour s’approprier le meilleur de l’exprience positive des sectes. Elles devraient aussi
dvelopper davantage des attitudes de respect et de dialogue face aux sectes et aux nouveaux
mouvements religieux, philosophiques et para-religieux. Cette derni€re recommandation a
motiv, une dcennie plus tard, la facult d’Economie et Dveloppement . organiser un
Sminaire Scientifique o. taient invits les diffrents reprsentants des nouveaux mouvements
religieux, notamment ceux des Eglises de rveil.
Nous analysons dans la sous-section qui suit, les interventions qui ont marqu, . notre
sens, une avance dans la problmatique du dialogue oecumnique et interreligieux face . la
question de ces mouvements "marginaux" 286.
286 Voir l’intgralit des intervention dans L’.conomie des Eglises de r.veil et le d.veloppement durable en
R.D.C. , Afrique et Dveloppement 15, Etudes publies par la facult d’conomie & dveloppement, Facults
Catholiques de Kinshasa, 2003, Annexe 2.
197
IV. 2. 3. Les Eglises de r€veil au Congo, une interpellation.
La terminologie "Eglise de rveil" mise . l’avant-plan du XVII€me sminaire scientifique
n’est nullement reprise dans le vocabulaire (terminologie) du Colloque de 1992 qui constitue,
par la profondeur de ses recherches et de ses analyses, un vritable observatoire du phnom€ne
religieux au Congo-Kinshasa.
En effet, . la diffrence des sectes classiques et des autres Eglises indpendantes issues
du protestantisme, une chose saute aux yeux quand on regarde les Eglises de rveil au Congo,
Gabon, Cameroun, C.te d’Ivoire : leur lien flagrant avec les Etats-Unis d’Amrique. D’aucuns
soup.onnent les Amricains de s’en servir, comme en Amrique du Sud, pour s’infiltrer en
Afrique. Des pasteurs amricains dbarquent toutes les semaines en Afrique et en sens inverse,
beaucoup de pasteurs africains re.oivent des bourses amricaines pour se former aux Etats-
Unis. Si la facult d’conomie et dveloppement a choisi comme th€me de sminaire
scientifique : l’conomie des Eglises de rveil et le dveloppement durable en Rpublique
Dmocratique du Congo, il n’y a qu’un pas . franchir pour comprendre la nouveaut qui
n’apparaissait pas beaucoup dans le Colloque de 1992.
La nouveaut de ce sminaire est d’ajouter . l’tude du prcdent colloque, un maillon
important de la vie sociale qui n’chappe pas . l’impact des nouveaux mouvements religieux au
Congo : . La religion €tant une dimension de la vie, crivent deux des intervenants
principaux, elle ne peut en .tre isol€e et elle a donc toujours aussi une dimension socio-
politico-€conomique (…). Quelle est, ces niveaux, la signification des nouveaux
mouvements religieux? .287
La problmatique est la suivante : les Eglises de rveil, en pr.nant une "pastorale de
proximit" rpondent-elles rellement aux besoins de leurs fid€les ? Quelle place ces Eglises
accordent-elles . la dimension matrielle du message du salut en vue de la libration intgrale
de l’homme c’est-.-dire "de tout homme et de tout l’homme" ? (Paul VI – Populorum
Progressio, n.14). Les Eglises de rveil, sont-elles "rsultat", "moteur" ou "vecteur" d’un
environnement social, conomique et politique favorable ? A qui profitent les soutiens
287 Ibidem, p. 7 et p. 14
198
intrieurs et extrieurs dont bnficient certaines de ces Eglises de rveil ? On pense
notamment . la main mise des Eglises amricaines.
Si par dveloppement, il faut entendre l’amlioration des conditions de vie des
populations, de tout homme et de tout l’homme, les experts du XVII€me Sminaire Scientifique
de Kinshasa sont arrivs . la conclusion que dans la situation actuelle du Congo, cette tche ne
doit pas rester l’oeuvre de seules Eglises traditionnelles : catholique, protestantes, orthodoxe et
kimbanguiste. Les Eglises de rveil, au jour le jour, runissent des fid€les au sein de leurs
assembles pleines de vitalit et de dynamisme. Elles re.oivent un soutien financier et un statut
lgal des diffrents gouvernements du pays en plus du soutien des Eglises des U.S.A., et
peuvent constituer avec les autres, le socle du dveloppement intgral.
C’est aussi par ce canal que peuvent s’ouvrir pour ces Eglises des perspectives
d’intgration dans le processus de dveloppement social et conomique durable du pays. Il
s’agit pour elles de se joindre aux efforts des Eglises traditionnelles et de l’Etat qui, en retour
leur transmettront leur exprience sculaire.
C’est dans cette perspective qu’on pourra cesser de considrer les Eglises de rveil
comme un mal que l’on devrait effacer . tout prix. Si l’on rencontre Dieu . travers l’autre
(Matthieu XXV, 31-46), on souscrit . ce qu’crit le cardinal Coffy dans la revue Chemins de
Dialogue, . l’occasion de l’anniversaire de la publication des deux dclarations conciliaires
Nostra aetate et Dignitatis humanae : . Le dialogue interreligieux n’est pas qu’ deux termes.
Il est trois termes, et le troisi.me terme c’est Dieu que nous confessons tous, quoique de
mani.re diff€rente, comme Cr€ateur, comme Seigneur, et comme notre b€atitude, notre fin
ultime. Parler de Dieu comme troisi.me terme du dialogue, ce n’est pas le situer comme un
partenaire parmi les autres au m.me rang que les interlocuteurs. Il est en effet le Tout Autre,
le Trois fois Saint, le Transcendant. C’est pr€cis€ment sa transcendance qui permet le
dialogue interreligieux. .288
288 Extrait du n.6 de la revue Chemins de Dialogue pp. 183-199, publication de l’Institut de Science et
Thologie des Religions de Marseille.
199
Cet effort de collaboration a ncessit un certain nombre de recommandations envers les
Eglises de rveil, les Eglises traditionnelles, l’Etat et les organisateurs du sminaire289.
Au coeur de ce Sminaire Scientifique de Kinshasa, quatre interventions parmi d’autres ont
particuli€rement retenu notre attention pour cibler les perspectives d’avenir d’un dialogue
oecumnique et interreligeux quilibr dans la situation actuelle des religions au Congo :
1. Le contexte de la mondialisation et la main-mise des Etats-Unis d’Amrique sur les
Eglises de rveil en Rpublique Dmocratique du Congo,
2. L’impact de ces Eglises sur le corps social . Kinshasa,
3. Le r.le politique des Eglises de rveil en Rpublique Dmocratique du Congo, . l’instar
des Eglises traditionnelles,
4. Les perspectives de cohabitation entre les Eglises de rveil et les Eglises traditionnelles,
289 Ibidem, p. 305-306 : . Envers les Eglises de r€veil : encourager les fid.les . l’esprit de travail et
d’entreprenariat, promouvoir les actions de formation, d’information et de sensibilisation des fid.les dans
divers domaines favorisant l’auto prise en charge, crer des activits . caract.re social telles que les coles, les
h.pitaux, les centres de rinsertion sociale,… faire participer activement les fid.les aux travaux
d’assainissement de leurs milieux de vie, dvelopper des activits secondaires d’auto-financement, proscrire les
pratiques d’exploitation financi.re des fid.les, mettre au premier plan le message vanglique librateur plut.t
que d’insister sur les miracles, se doter des structures organisationnelles adquates qui prviennent les conflits
de comptence et de leadership entre Pasteurs d’une m.me Eglise, se regrouper en plate-formes et se doter des
r.glements rgissant la corporation, s’ouvrir au dbat constructif avec les Eglises traditionnelles, promouvoir la
formation scientifique et notamment thologique des pasteurs, promouvoir la formation intgrale des fid.les
afin de les rendre utiles . l’Eglise et . la Nation, se conformer . la loi en vigueur rgissant l’exercice des cultes
dans le pays. Envers les Eglises traditionnelles : promouvoir la collaboration et le dialogue avec les Eglises de
rveil, considrer les probl€mes poss par les Eglises de rveil comme une interpellation et y rflchir en vue
d’y apporter des solutions, tendre la commission oecumnique nationale aux Eglises de rveil, s’impliquer
dans le processus d’laboration de la loi sur l’exercice des cultes, recourir aux moyens de communication de
masses (TV, Radio) dans l’vanglisation en vue d’atteindre aussi les fid€les des Eglises de rveil. Envers
l’Etat : veiller . l’application stricte de la loi rgissant l’exercice des cultes, modifier la loi actuelle dont le
caract.re trop permissif est source de beaucoup de maux dnoncs, protger les citoyens contre toute forme de
manipulation psychologique des fid.les par les Eglises de rveil, favoriser la cration d’un Conseil National des
Eglises qui l’aiderait . faire respecter la loi en vigueur sur l’exercice des cultes ainsi que la dontologie en la
mati.re, poursuivre, . travers le Conseil Permanent de la Comptabilit, l’laboration du plan comptable
sectoriel applicable aux ASBL parmi lesquelles les Eglises de rveil, relever le niveau intellectuel de la
population afin de l’armer contre les diverses manipulations doctrinales. Envers les Organisateurs du
S€minaire : multiplier les occasions d’changer sur le th.me des Eglises de rveil et le dveloppement de la
nation, associer de mani.re active les leaders de grandes Eglises de rveil aux changes lors de prochains
sminaires.
200
IV. 2. 3. 1. En ce qui concerne la mondialisation
Le professeur Mukendi wa Meta290 commence par mettre au point la question de la
terminologie. Mondialisation ou internationalisation ? A l’instar de Pierre Vilain291, il spcifie
que le terme mondialisation dans sa conception actuelle se ram€ne plus exactement . ce que les
anglo-saxons appellent "globalisation". Ce terme concerne le probl€me de l’extension d’une
dynamique conomique qui atteint le globe entier, et ce mouvement touche tous les secteurs de
l’activit humaine : production, consommation, technique, science, culture, religion. Alors que
"l’internationalisation" s’applique dans un cadre conventionnel entre diffrents Etats qui
conviennent des r€gles qui organisent leurs changes. Contrairement . l’internationalisation, "la
mondialisation" s’impose aux Etats sans qu’ils l’aient voulue, dcide et rglemente.
Cette mise au point nous permet de comprendre que, plus que jamais, la mondialisation
s’impose . nous comme un fait qui nous oblige . remettre en question toutes nos certitudes
habituelles en nous confrontant . des activits, des opinions et des croyances qui ne sont pas
les n.tres. Dans ce contexte et celui de la rapidit de communication actuelle - mdias et
internet - le monde est devenu un grand village o. personne ne peut prtendre ignorer ce que
font les autres. Les religions vivent ainsi, de moins en moins, dans des sph€res autonomes. Il y
a une accentuation de l’interpntration des croyances qui tend . dboucher, quand elle n’est
pas canalise, sur des attitudes de relativisme, de syncrtisme et de tensions.
Touchant . cette ralit, le professeur Mukendi essaie de faire comprendre qu’.
l’chelle mondiale, le dferlement du religieux cache une dynamique de manipulation qui a
trouv un moyen d’action . travers les canaux idologiques. Ceci pour dire que les Eglises de
rveil dans le cadre de la mondialisation deviennent des vecteurs irrsistibles d’un certain esprit
"entreprenarial" d’obdience amricaine.
La conclusion du professeur Mukendi est que, . Confront€es aux bouleversements
profonds que le ph€nom.ne de la mondialisation impose notre continent et toutes les
sph.res d’existence, nos Eglises d’Afrique vivent aujourd’hui une nouvelle €tape dans leur
290 Voir son intervention intitule Les Eglises de r€veil, quelle transformation dans le contexte de la
mondialisation, pp. 139-147
291 Voir son livre intitul Les chr€tiens et la mondialisation, DDB, 2002, p. 131
201
croissance spirituelle et leur pr€sence dans la soci€t€. Si nous r€fl€chissons sur le destin du
christianisme chez nous, nous scrutons le besoin d’un dynamisme nouveau. C’est en cela que
nous voyons l’apport des Eglises de r€veil […] Ces Eglises nous invitent un effort
d’encadrement et d’organisation mais aussi .tre dans l’inventivit€..292
La question, dans le cadre des perspectives d’avenir est de savoir comment canaliser cette
main-mise des Eglises d’Amrique pour que le maillon conomique, tout en servant les intr.ts
pastoraux, aide au dveloppement du pays, . l’instar de ce que font les Eglises traditionnelles.
IV. 2. 3. 2. Concernant l’impact de cette situation dans la seule ville de Kinshasa
Le professeur Albert Muluma293 identifie dans son enqu.te 70 dnominations des
mouvements religieux. Il pense, de prime abord, que ces nouvelles formes de religiosit sont
censes .tre capables d’apporter des solutions . certaines questions qui semblent ne pas
trouver de rponses satisfaisantes ailleurs. Elles tentent d’apporter leur contribution aux
angoisses existentielles se rapportant . la vie quotidienne de la population, notamment :
gurison, faim, mort, checs de la vie, scolarit, voyage, etc.
Cette fonction sociologique, si elle est prouve, nous interdit de rflchir, non plus en
terme d’arr.t immdiat de la mgabombe, mais plus en terme de canalisation des drives,
trouver les terrains d’entente, car comme l’crit Jean Delumeau : . L’irr.el du pass. est un
temps qu’on ne conjugue que lorsqu’il est trop tard. Si L.on X et Luther avaient connu
292 Avant d’arriver . cette conclusion, on peut lire ce qui suit : . Le Dieu dont elles font la promotion coup de
grandes c€l€brations risque fort d’.tre le dieu super-capitaliste. Et lors d’un colloque tenu Los Angeles,
William Wagnes, livrait une grande d€couverte facile dans la Bible. "Pour cinq cents versets consacr€s la
pri.re, il y en a plus de deux mille concernant l’argent et les biens mat€riels. Dans cet esprit, on ne
s’€tonnerait plus de voir l’organisation de manifestations religieuses grandioses dans les grandes capitales
africaines, le matraquage m€diatique ou l’essor de radio et des t€l€visions religieuses, la distribution des
macarons payants et les miracles distance, l’envo.tement hypnotique, l’affairisme. Les pasteurs chasseurs de
millions et aguerris devant les d€m.l€s fiscaux et judiciaires ont de grands mod.les aux Etats-Unis comme
l’entreprise g€ante qu’est le Christian Broadcasting Network. Les minist.res audacieux comme celui du
R€v€rend Oral Robert, l’Oeuvre Missionnaire de la Nouvelle Cit€ ou l’entreprise du R€v€rend Moon, sont
encore d’autres exemples de l’impact de l’activisme religieux sur la vie sociale des citoyens et l’€volution
politique de la soci€t€ . (Mutunda M., Alternative n.3. 2001), pp. 144-145.’
293 Voir son intervention intitule Les Eglises de r€veil et la vie quotidienne Kinshasa : Vision anthropo-
sociologique, pp. 119-138
202
l’avenir, auraient-ils l’un excommuni. le moine allemand, l’autre continu. le combat contre
Rome ? N’auraient-ils pas r.ussi . trouver un terrain d’entente ? .294
En effet . travers son diagnostic des motivations profondes d’adhsion aux Eglises de
rveil et des consquences qui s’en suivent pour le corps social . Kinshasa, le professeur Albert
Muluma montre que la dtrioration du tissu socio-conomique . laquelle on assiste et les
signes d’essoufflement qu’affiche la socit n’ont pas d’autres consquences logiques que la
cration d’un palliatif socio-psychologique qui permet aux croyants de survivre. A ce stade, la
religion devient une stratgie sociale pour crer du consensus dans le dchirement qu’on vit en
soi. Chaque socit comme chaque organisme, . besoin de trouver un point d’quilibre autour
de valeurs partages, de visions du monde communes.
Quitte . crditer les th.ses de Marx, Freud et Nietzsche sur la religion295, c’est dans
cette situation qu’on trouve les raisons profondes de l’closion des Eglises de rveil : la
prcarit et l’illusion de l’homme qui a "assimil", par la force, une structure socio-conomique
trang.re qui ne lui donne pas la stabilit espre. Le "rejet" de cette structure, base sur
l’effort personnel au travail et sur l’individualisme, lui permet de trouver refuge dans une
nouvelle structure qui recre la solidarit, le partage, l’abandon . la providence divine et la
protection quasi aveugle du leader charismatique, considr comme un chef de tribu
intouchable.
A notre avis, les effets des Eglises de rveil sur le corps social . Kinshasa, tels que
dcrits par le professeur Mulumba, trouvent leur motivation profonde dans le processus
sociologique "d’assimilation-rejet" que nous avons dvelopp plus haut [IV.1.3.].
La question des perspectives d’avenir est de savoir comment tenir compte de cette
ralit sociologique pour trouver un terrain d’entente entre les confessions religieuses dont les
adeptes partagent tous les m.mes valeurs anthropo-sociologiques.296
294 Jean Delumeau, dans 2000 ans de christianisme, tome 5, p. 5
295 Cf. la religion comme "illusion", "opium du peuple" ou "invention d’une crature maladive"…
296 Au sujet des effets des Eglises de rveil sur le corps social . Kinshasa, le professeur Albert MULUMA
crit : . Sur le plan social d’abord, toutes les vertus des adeptes de ces .glises concourent . la formation d’une
famille o. il n’y a que des fr.res et des soeurs… Sur le plan politique, tout en reconnaissant l’autorit. .tablie
avec le principe rendre . C.sar ce qui est . C.sar ., les fid.les la minimisent car, consid.rent-ils toute
autorit. vient de Dieu .. Par cons.quent, elle lui est naturellement d.pendante. Ainsi, les Eglises paraissent
comme des groupes potentiels de pression sur l’autorit. temporelle surtout dans le cas o. les int.r.ts de leurs
leaders sont menac.s. Sur le plan socio-.conomique, la plupart des dirigeants de ces Eglises ont mis sur pied
des sources financi.res encourageantes : les d.mes, collectes, cotisations mensuelles et aum.nes sans oublier
les adeptes qui sont une main d’oeuvre gratuite pour la production…Les Eglises de r.veil sont consid.r.es
comme des entreprises commerciales, trafiquant des discours religieux en utilisant la Bible comme
couverture… De l., . se perdre vers la recherche du bien .tre mat.riel et la r.alisation des ambitions
politiques du fondateur de ces Eglises et des responsables, le pas est vite franchi. . pp. 133-135
203
IV. 2. 3. 3. Concernant le rle politique des Eglises de r€veil
Partant du sens m.me de ce terme "rveil", le professeur Mubiala Mantumba297 pense
que l’action des Eglises de rveil est minemment politique. Le mouvement de rveil au Congo
se prsente comme une instance critique de la passivit des Eglises classiques. La
problmatique de son texte est claire : le religieux, revient-il au dtriment du politique ou,
investit-il la sph€re politique, en se nourrissant du politique ?
Bien que les Eglises traditionnelles aient toujours jou un r.le politique dans le pays, le
phnom€ne d’action politique qu’on observe dans les Eglises de rveil ne para.t pas avoir les
m.mes vises que le r.le jou par les Eglises institutionnelles. Le parrainage de certaines de ces
Eglises par les membres de gouvernements dchus et les soutiens financiers des USA sont des
signes qui font na.tre quelques suspicions. C’est cela que Mabiala tente de dmontrer dans son
intervention.
Mabiala fait voir qu’il y a principalement trois raisons qui justifient le soutien financier
des U.S.A.:
- Permettre . leurs services secrets de pntrer et influencer l’opinion publique sur
l’idologie de la domination amricaine298
- Contrecarrer l’expansion de l’islam dans le monde299.
- Emp.cher le renouveau des religions non occidentales, authentiquement africaines
qui vhiculeraient le message du nationalisme et de l’anti-occidentalisme. Emp.cher aussi
que les gouvernements dmocratiquement lus ne puissent devenir hostiles . l’Occident.
297 Voir son intervention intitule : . Les Eglises de r€veil et le pouvoir politique en R€publique D€mocratique
du Congo ., pp. 259-274
298 Partant de l’exprience franaise, Mabiala crit : . …Les services fran.ais ont mis sur pied une commission
interminist€rielle de lutte contre les sectes parce qu’ils estimaient que les sectes €taient… un instrument de
domination charismatique, utilis€ par les services secrets am€ricains pour p€n€trer et influencer l’opinion
publique fran.aise. L’Am€rique aurait, selon le constat de ces services, mis sur pied une industrie de
persuasion, entra.nant la complicit€ passive des domin€s en cherchant la domination de l’imaginaire par des
techniques d’oppression affables ou mieux par un "d€licieux despotisme" .
299 Mabiala justifie la peur des Amricains par les statistiques concernant la courbe de la population religieuse
dans le monde entre 1900 et 2000. Au cours du dernier si€cle, la population chrtienne est passe de 26,9% en
1900 . 30,9% en 1980 et . 29,9%en 2000 ; la proportion de l’islam, par contre a vari de 12,4% en 1900, .
16,5% en 1980 et . 19,2% en 2000 (source : Samuel P. Huntington : Le choc des civilisations, Paris, Odile
Jacob, 2000, p. 82) Face cette r€surgence de l’islam, €crit-il, impliquant aussi des activit€s extr€mistes
fondamentalistes, et aux traumatismes psychologiques, affectifs et sociaux li€s la modernisation et la
globalisation, il faut encourager des mouvements d’€veil chr€tien rivalisant avec les mouvements islamistes,
utilisant intens€ment les canaux modernes de communication et recourant aux techniques de management
moderne pour r€pandre leur message, comme on le voit, de plus en plus, avec le succ.s des t€l€-€vang€listes.
204
Au sujet des raisons du soutien des Amricains, nous n’avons aucun commentaire .
faire. Par contre, au sujet de la reconversion et du parrainage des anciens membres de
gouvernements dchus, nous pensons qu’ils ont une double vise : d’une part, bnficier du
pardon du peuple qu’ils ont meurtri, en changeant de discours (cas de Bofossa et autres) ;
d’autre part, reconqurir le pouvoir par un calcul politique et maintenir l’action discr.te de la
franc-maonnerie et d’autres groupes laques de libre pense. Ils comprennent que les Eglises
de rveil constituent un espace intressant de socialisation politique ou mieux, de mobilisation
ou de propagande politique (cas de Ngbandi et Sakombi et autres)300
IV. 2. 3. 4. Concernant les perspectives de cohabitation entre les Eglises
traditionnelles et les "Eglises de R€veil",
Le professeur Flicien Lukoki301 commence par situer ce "phnom€ne" dans l’espace et
le temps. Il analyse dans un second temps la nature de ces Eglises avant d’opter pour leur
classification parmi les mouvements religieux " plutt soft" - pour reprendre ici l’expression de
la sociologue des religions Danielle Hervieu-Lger -. Il tente enfin de dfinir les domaines de
cohabitation possible, selon ceux fixs par les documents officiels du magist€re de l’Eglise
catholique.
En effet, le phnom€ne "Eglises de rveil" fait partie du triple phnom€ne qui
caractrise l’Afrique noire contemporaine. Sous ce terme, il y a un amalgame de toutes sortes
de mouvements religieux, marchands de Dieu par les moyens les plus modernes possibles
(radio-TV, meeting au stade, internet…). D’ou l’intr.t d’une analyse de la nature de chacune
de ces Eglises afin d’.tre en mesure de les classifier au cas par cas.
Aid par les classifications faites par diffrents sociologues dont Ernest Troltsch, B.
Wilson et R. Bergeron, le professeur Lukoki est arriv . la conclusion que . beaucoup de
Ces derniers utilisent la religion non pas comme l’opium du peuple mais plutt comme la vitamine du faible. .
Ibidem p. 273
300 Voir pour plus de prcisions, les analyses du professeur Isidore Ndaywel, La transition politique au Za.re et
son proph.te Dominique Sakombi Inongo, Kinshasa, les Editions de la voie de Dieu, 1955.
301 Voir son intervention intitule Cohabitation entre les Eglises de r€veil et les Eglises traditionnelles en
R€publique D€mocratique du Congo, pp. 149-160. [L’Exhoration Apostolique post synodale, Ecclesia in Africa
205
groupes dits "Eglises de r€veil" pr€sents Kinshasa peuvent .tre class€s dans les deux grands
ensembles de Bergeron ., . savoir, les groupes inspirs du fond doctrinal judo-chrtien, se
rfrant essentiellement . la Bible (Ex. : Mormons…) et les groupes offrant des amalgames
syncrtistes fort varis de la Bible, mais en la relisant . la lumi€re de leurs propres
interprtations. Deux consquences majeures de ces mouvements religieux apparaissent : la
monte des syncrtismes dans les groupes et la double appartenance religieuse chez les
personnes (le nicodmisme).
Pour le professeur Lukoki, le crit€re de cohabitation possible ou non entre les Eglises
traditionnelles et les Eglises de rveil est recherch dans la distinction entre . celles qui sont
dangereuses pour les Droits de l’Homme comme pour la foi chr€tienne, et celles qui ne sont
que simple manifestation d’un €clatement du "religieux" aujourd’hui, comme en toute p€riode
de transformation sociale sur fond de crise... Si la cohabitation est difficile avec celles de la
premi.re cat€gorie, elle est par contre possible et doit m.me .tre recherch€e avec celles de la
deuxi.me cat€gorie pour tendre plus d’unit€ .302.
Ce crit.re l’am.ne au cas par cas, apr.s discernement : il y a les Eglises de rveil avec
lesquelles le dialogue est possible, il y a celles qui refusent clairement le dialogue et celles vis .
vis desquelles on doit .tre nettement rserv. La conclusion logique . laquelle il arrive est que
. le dialogue avec les "€glises de r€veil" est difficile, mais non incontournable […]. La
cohabitation doit .tre une ouverture, mais dans la v€rit€, la compr€hension mais sans
d€mission .303
C’est dans les perspectives de ces analyses de la Semaine Scientifique de Kinshasa, aid
par celles des diffrents experts des sciences des religions qui ont apport leur contribution
scientifique au Colloque de 1992, que nous allons aborder dans la derni.re section de notre
travail, la problmatique de l’intgration des Eglises de rveil dans l’oecumnisme
interreligieux.
(E.A.) que Lukoki cite aux pages 157/158 n’est pas de Paul VI comme il le dit, mais de Jean-Paul II ( 14
septembre 1995).]
302 Ibidem,p. 154
303 Ibidem p. 156
206
Avant d’en arriver l., nous jugeons opportun de prciser les aspects et les limites dans
lesquels s’exerce actuellement le dialogue oecumnique et interreligieux au Congo. Cela nous
permettra de rflchir, avec des rep.res prcis, sur les possibilits et les conditions de leur
largissement, en tenant compte des enjeux et difficults actuels.
IV.2.4. Aspects et limites actuels du dialogue oecumnique et interreligieux au Congo
Suivant les normes des documents officiels du magist.re de l’Eglise catholique et
les orientations des dbats entre thologiens, le dialogue officiel entre les religions et les
communauts chrtiennes au Congo est rest limit au niveau du "dialogue des discours
audacieux et courageux". Les responsables des Eglises chrtiennes n’ont l’opportunit de
rencontrer les autres (afro-chrtiens et musulmans) que quand il est question d’une situation
socio-politique menaant la vie sociale des croyants.
En parcourant "Le discours socio-politique de l’Eglise catholique du Congo, de
1956-1998"304, nous nous sommes rendu compte que, mis . part l’effort des Eglises
chrtiennes pour le dialogue oecumnique, l’interreligieux se limite . des rencontres
sporadiques entre responsables pour signer des messages collectifs . l’intention des instances
politiques305 et . des discours audacieux de diffrents responsables des confessions religieuses,
manifestant leurs bonnes intentions de dialoguer avec les autres religions du pays. Cette limite
peut s’expliquer par le fait que la religion musulmane qui aurait pu faire le contrepoids dans le
dialogue interreligieux est reste, jusqu’aux annes 80, tr€s faiblement reprsente et
cantonne . la seule partie orientale du pays. Les thologiens et pasteurs des Eglises
chrtiennes au Congo ne trouvaient aucune raison de s’investir dans un dossier qui ne posait
pratiquement pas de probl€me majeur.
Si nous y revenons avec insistance aujourd’hui, c’est parce que la situation a
normment chang ces deux derni€res dcennies. L’alerte a t donne par un article paru
dans la revue "Telema", 3-4/96 (n.87-88) sur "l’implantation chiffr.e de l’islam en Afrique" :
. Le nombre des adh.rents . l’islam est pass. de 1 200 . 8 000. Actuellement ils sont
3 790 000 soit 10 % de la population congolaise .. Le professeur De Meester qui avait pris au
304 Voir . Eglise et Socit ., Tome 1 .
207
srieux cette monte de l’islam au Congo crivait ce qui suit, pour sensibiliser les Eglises
chrtiennes . trouver l’opportunit d’un dialogue interreligieux quilibr : . ... Il y va encore
d’une minorit€ sociale, mais en tout €tat de cause quand on conna.t la d€termination de
certains pays re-dynamiser par tous les moyens, par le biais de l’€conomie, l’islamisation
de l’Est de l’Afrique, on ne peut pas rester indiff€rent cette pr€sence qui est un d€fi
dangereux. En effet, l’islam a €vinc€ le christianisme au Proche-Orient, il l’a balay€ en
Afrique du Nord. Seule une r€sistance et survie furent possibles en Espagne, en Ethiopie et
dans l’Egypte copte, gr.ce la qualit€ de la vie familiale et une liturgie incultur€e. Celles-ci
seront au Congo aussi la meilleure parade contre l’invasion de l’islam et la meilleure
pr€paration du dialogue .306
Si les responsables des Eglises chrtiennes n’ont pas pris au srieux cette alerte de
Paul de Mester - . notre avis un peu exagre - , les Amricains, eux, en ont tenu compte pour
justifier leur investissement rapide dans le dveloppement des Eglises de rveil. La
consquence de ce dclenchement est qu’en moins d’une dcennie, les Eglises de rveil ont pris
normment de terrain sans pour autant dstabiliser les Eglises chrtiennes institues. La
double appartenance religieuse (nicodmisme), tant la r.gle admise.
Pendant ce temps le dialogue oecumnique est rest uniquement social et
pragmatique au sein du carr des Eglises et communauts institues. Christophe Ayad dans un
article paru dans Lib€ration307, crira : . L’aspect uniquement social et pragmatique du
dialogue oecum.nique et interreligieux et ses limites aux seules religions institu.es font
d.couvrir leurs insuffisances aux Eglises chr.tiennes qui se retrouvent . la remorque des
Eglises de r.veil ..
Ces multiples alertes et la ralit elle-m.me sur le terrain de la pastorale au Congo
font prendre conscience aux Eglises institues, notamment . l’Eglise catholique, de
l’opportunit de repenser de fa.on urgente les aspects et les limites d’un dialogue oecumnique
et interreligieux quilibr.
305 Nous avons rpertori 6 messages signs par les Eglises catholique, orthodoxe, protestante, kimbanguiste et
l’islam, adresss aux chefs de l’Etat (Mobutu ou Kabila), entre 1991 et 1997. Voir annexes 14.
306 Paul De Meester, s.j., L’Eglise de J.sus Christ au Congo-Kinshasa, ...,1997, pp. 299/300
307 Voir le quotidien Lib€ration du mercredi 30 janvier 2001
208
IV. 3. Perspectives d’avenir pour un oecumnisme interreligieux quilibr
Introduction
Apr€s ce long parcours qui nous a amen . relire l’histoire des religions au Congo,
depuis la seconde vanglisation jusqu’. la situation actuelle, le mrite n’tant pas de dnoncer
a posteriori les erreurs passes, nous estimons qu’il nous est possible, bnficiant du recul du
temps, de proposer quelques r€gles de conduite et une mthode d’vanglisation pour le
prsent et pour l’avenir.
Certes, l’vanglisation n’aurait jamais d. se faire par l’imposition de la foi chrtienne
au mpris des cultures locales. Si le message de l’Evangile dans sa puret est destin . toute
l’humanit, cela signifie qu’il doit .tre formul de mani€re . .tre propos . toutes les cultures.
C’est, nous semble-t-il, l’itinraire qu’a suivi l’ap.tre Paul, premier missionnaire du
christianisme. Comme l’crit Philippe Louveaux dans Port St Nicolas308, St. Paul, dans ses
voyages, tait dj. amen . rendre compte de la foi chrtienne sur le pourtour du bassin
mditerranen o. se c.toyaient les religions traditionnelles de la Gr€ce et de Rome, les mythes
et cultes initiatiques, les religions . myst€res ainsi que diverses gnoses. Et quelques si€cles plus
tard, saint Augustin prenait la peine de rdiger un petit trait intitul "De vera religione"…
Par la suite, le christianisme export en pays de mission n’a pas t celui des premiers
chrtiens d’Antioche ou de Jrusalem. C’est dj. un "syncrtisme judo-greco-romain", .
travers la liturgie, la morale et m.me la doctrine enrichie des prceptes de la philosophie
aristotlico-thomiste.
Au point o. nous en sommes aujourd’hui, nous voulons faire du chemin dans la
direction de la demande religieuse actuelle des fid.les Africains, en prenant appui d’une part,
sur les th.ses des premiers thologiens africains309, notamment celle de M. Hebga qui pense
que l’av€nement d’un christianisme africain suppose que les africains s’mancipent de la
308 Voir sur le site internet : http://www.portstnicolas.org/article.php3?id_article=903 : . Un point de vue
catholique . propos du dialogue interreligieux ., p. 1
309 Voir plus haut, II.2.1.4.1.: M.Hebga part de la th.se selon laquelle le christianisme dans son essence, n’est
pas une religion occidentale, mais orientale, smitique. Seulement, l’Occident s’en est appropri au cours de
l’histoire, et lui a imprim le sceau indlbile de sa philosophie, de son droit, de sa culture. C’est son droit le
plus lgitime. Pourquoi cet Occident doit-il prtendre imposer aux autres peuples du monde tard venus . la foi
en Jsus Christ cet emballage culturel et historique du christianisme occidental comme constitutif du noyau ?
N’est-ce pas la une entreprise indue ?
209
"tutelle" et du cadre culturel du christianisme par l’Occident, qu’ils retournent au noyau
oriental originel et lui impriment . leur tour le sceau indlbile de leur "africanit".
Ce faisant, nous pensons que l’histoire tant irrversible, nous ne pouvons pas
prtendre dbarrasser le christianisme de tout l’hritage historique grco-romain, lusitanien,
espagnol, allemand, mais le considrer comme une richesse que nous pouvons relativiser tout
en la faisant cohabiter pacifiquement avec d’autres valeurs religieuses, us et coutumes qui
rpondent mieux aux besoins de l’.me africaine. Ces autres valeurs culturelles et religieuses
sont mieux exploites aujourd’hui par les Eglises indpendantes et celles de rveil qui posent
question dans la problmatique du dialogue oecumnisme et interreligieux au Congo.
Tenant compte d’autre part, des conclusions des travaux scientifiques des Facults
Catholiques de Kinshasa sur l’impact de ces nouveaux mouvements sur la socit congolaise
en particulier et africaine en gnral, nos propositions pour asseoir ce dialogue - quitte .
enfoncer certaines portes entrouvertes, pourvu que nos diffrents arguments nous donnent des
raisons solides de les enfoncer - reposent sur trois vises : repenser le sens des termes et les
valeurs des paradigmes thologiques trop survalus ou mprisants du christianisme
occidental. S’ouvrir . la "diffrence" des Eglises de rveil, en cherchant . s’approprier leurs
techniques de proximit. Les ouvrir elles-m.mes aux exigences scientifiques de l’interprtation
de la Bible par des sessions de formation et dbats autour de la pratique pastorale.
Nous considrons qu’en les laissant faire leur chemin en marge des Eglises institues, le
risque est plus grand de les voir devenir dangereuses pour la socit. Leur navet notoire qui
veut faire croire aux adeptes qu’il suffit de prier ou de lire un verset biblique pour sortir de
toute situation difficile, n’aidera jamais . lutter pour l’amlioration des conditions de vie en
Afrique.
La manipulation psychologique des pasteurs laisss . leur libre arbitre et davantage
mens par l’esprit du lucre et la recherche du prodigieux, ne fera qu’augmenter le nombre de
dg.ts impunis : l’escroquerie, les homicides, les dislocations familiales, l’exclusion sociale et
l’alination mentale qui sont monnaie courante dans les sectes classiques. C’est alors qu’elles
210
deviennent "mgabombe sociale". Une bombe, on ne "l’arr.te" pas par la violence, on la
dsamorce avec prcaution et surtout avec mthode.
IV. 3. 1. Le sens des termes classiques et la valeur des paradigmes th€ologiques
IV. 3. 1. 1. Le sens des termes classiques
Les dbats thologiques actuels autour du dialogue oecumnique et interreligieux nous
engagent . aller avec honn.tet, sincrit, humilit et . .tre, somme toute "raisonnables".
Raisonnable, non pas compris dans son sens littral de "modr" et "tolrant", mais compris
dans son sens tymologique, c’est-.-dire, ordonn, rflchi et sachant mettre chaque chose . sa
place, avec respect ; "raison/ratio" tant comprise comme la facult par laquelle l’esprit devient
adquat au rel, au bon sens et . la sagesse.
Tolrance, rigueur, raideur sont des termes et attitudes qui n’ont plus, . notre sens,
leur place dans le processus actuel du dialogue. A cause d’une certaine surestimation du
christianisme en particulier310, le terme "tolrance religieuse" a cess de signifier respect pour
la croyance d’autrui, pour n’.tre compris que comme indulgence pour ce qu’on ne peut pas ou
ne veut pas emp.cher. Accul par les mfaits physiques de "l’intolrance" et pour couper court
aux dbats raisonnables, on a tendance aujourd’hui . pr.cher la tolrance comme le contraire
de l’intolrance, c’est-.-dire : "j’accepte l’autre avec et malgr ses erreurs et ses dfauts, je
reste vrai et parfait".
A ce propos, certaines anciennes encyclopdies chrtiennes dfinissent la tolrance
comme . disposition d’esprit par laquelle on donne . l’erreur autant de droits qu’. la
310 Comprise en dehors du cadre de la surestimation du christianisme, la tolrance est en elle m.me source de
paix et prsente beaucoup de bienfaits dans le dialogue. Pierre Bayle, dans Commentaire philosophique…crit :
. Pour montrer .videmment l’absurdit. de ceux qui accusent la tol.rance de causer des dissensions dans les
Etats, il ne faut qu’en appeler . l’exp.rience. (Le paganisme est une preuve que la tol.rance ne nuit point aux
soci.t.s.) Le paganisme .tait divis. en une infinit. de sectes, et rendait . ses dieux des cultes fort diff.rents les
uns des autres, et les dieux m.me principaux d’un pays n’.taient pas ceux d’un autre pays ; cependant je ne
me souviens point d’avoir lu qu’il y ait jamais eu de guerre de religion parmi les pa.ens, si ce n’est contre des
gens qui pillaient le temple de Delphes, par exemple […] Partout ailleurs grand calme, et grande tranquillit. ;
et pourquoi ? Parce que les uns tol.raient les rites des autres. Il est donc vrai que c’est la non-tol.rance qui
cause tous les d.sordres qu’on impute faussement . la tol.rance. […] C’est donc la tol.rance qui est la source
de la paix, et l’intol.rance qui est la source de la confusion et du grabuge. . Voir Daniel Dubuison (Textes
runis par), Dictionnaire des grands th.mes de l’histoire des religions. De Pythagore . L.vi-Strauss, Editions
complexes, Bruxelles, 2004, p. 448
211
v€rit€.311, l’accent tant mis sur "erreur" d’une part et "vrit" de l’autre. Cela am.ne .
adopter forcment des attitudes de raideur et de fausse rigueur qui biaisent le vrai dialogue312.
Aujourd’hui, dialogue est synonyme d’engagement et d’ouverture. Il exige qu’on n’ait
ni sous-estimation a priori des valeurs - les siennes et celles des autres -, ni surestimations
mprisantes. C’est dire qu’on s’engage . ne pas mettre entre parenth€se sa propre croyance, ni
. gommer les diffrences. Chaque partenaire devra s’engager dans la puret de sa croyance et
s’ouvre . la diffrence de l’autre, avec respect, sans en exiger des concessions et sans fondre
dans le syncrtisme, ni dans l’clectisme. 313
Philippe Louveaux, dans l’article cit prcdemment, prsente un triple inconvnient .
l’attitude qui consiste pour chacun . puiser dans les diverses traditions religieuses de
l’humanit les lments qui lui conviennent. Chacun tant pouss par un rflexe de
consommateur dans ce qui peut appara.tre comme le grand supermarch des religions : il y a
primo, l’ignorance de ces religions ou syst.mes de pense qui ont chacun leur cohrence et
dont les lments ne sont pas interchangeables, secundo, ces mlanges multiformes ns des
fantaisies de chacun ne font pas progresser le dialogue entre les religions, un dialogue qui
suppose au contraire des partenaires bien conscients de leurs identits respectives ; tertio, elle
offre une rponse drisoire aux besoins religieux de l’humanit en prtendant placer la
dmarche croyante sur le registre de la possession, voire de la consommation 314.
Quel sens donner, en effet aujourd’hui, au terme "syncrtisme"?
311 Voir TOUT EN UN, Encyclopdie illustre des connaissances humaines, librairie Hachette, 1921, p. 592
312 Voir les analyses de Michel SOUCHON, Les religions r€v€l€es sont-elles par nature intol€rantes ? dans
Croire aujoud’hui n.24 (1er avril 1997)
313 Voir Nostra Aetate .1-2 et Dignitatis humane, .3-4.
314 . Au rayon religions orientales, il empruntera la croyance en la r.incarnation (qu’il confondra avec ce
qu’on lui avait dit de la r.surrection dans le cat.chisme de son enfance !) et peut-.tre un abr.g. de yoga
vulgaris. (qu’il associera sans probl.me avec de la tradition jud.o-chr.tienne). De l’islam, il prendra
probablement l’expression de l’unicit. et de transcendance divine, et pour faire bonne mesure, en passant
devant le rayon des sectes, il glissera dans son panier quelques curieuses approches bibliques propos.es par
les t.moins de J.hovah […] Le Dala.-Lama n’h.site pas . dire que se pr.tendre bouddhiste-chr.tien ., c’est
vouloir greffer une t.te de yak sur le corps d’un mouton . […] On ne choisit pas une religion – ni m.me les
.l.ments .pars puis.s dans diverses sources – au terme d’une comparative sur le rapport qualit./prix .. (P.
Louveaux, op. cit., . Pourquoi ne pas se fabriquer soi-m.me sa croyance ? ., p. 3.
212
Au travers des diffrentes dfinitions auxquelles nous avons fait allusion dans les pages
prcdentes315, il est clair qu’aucune religion au monde n’a pu chapper au syncrtisme. Le
christianisme lui-m.me qualifi . ses dbuts de "secte"316 est pass par la matrice du juda.sme,
fcond par le "gentilisme" grec et romain, avant de se forger l’identit qu’il a transporte .
travers le monde avec l’expansion de la civilisation occidentale par la colonisation.
Joseph Ntedika Konde l’exprime bien quand il crit : . Si l’on interroge le temps et
l’espace "syncr.tiques et .clectiques", toutes les Eglises et les sectes le sont ; mais elles le
sont seulement . des degr.s divers. L’imputation de syncr.tisme est une argumentation
id.ologique et une surestimation des doctrines et des pratiques de certaines communaut.s,
visant . d.pr.cier la pratique des autres. Le syncr.tisme ne peut donc pas .tre .tabli comme
crit.re objectif de la classification des communaut.s religieuses .317
Raymond Panikkar, qui affirme avec insistance que les diverses traditions religieuses
diff€rent et doivent garder leur identit distincte, rejette l’clectisme qui dtruit les identits
respectives. Il prconise une "fertilisation mutuelle" qu’il nomme "syncrtisme"318
Cette vidence nous am€ne . la considration que le "syncrtisme", dpouill du sens
pjoratif que lui donne la surestimation et le mpris des grandes religions, est la matrice de
toutes les doctrines religieuses. Il est cependant critiquable s’il reste aux degrs infrieurs ou
aux tapes primaires que nous appelons "syncr€tisme de juxtaposition", un peu au sens ou le
dfinit l’historien des religions Xavier Schutter : . assimilation et identification des divinit€s
les unes par rapport aux autres. Les divinit€s s’empruntent mutuellement noms et attributs et
finissent par se confondre .. C’est le degr le plus infrieur, spontan et non rflchi.
Il se trouve, malheureusement, que beaucoup de sectes et Eglises de rveil au Congo
pataugent encore dans cette tape infrieure, se focalisant sur le culte du leader, la recherche
du thaumaturge et des excitations de transe. S’il s’av.re que le dialogue oecumnique et
interreligieux trouve un terrain aujourd’hui dans ces Eglises, ce qu’il y . faire, . notre avis,
315 Voir note217, page132; note 226, page 137
316 Voir Henri Cazelles, La naissance de l’Eglise. Secte juive rejet€e? Paris, Ed. du Cerf, 1968, 128p.
317 Ntedika Konde Joseph, op. cit., p. 10
318 Voir J. Dupuis, op.cit., pp. 578-579
213
n’est pas de chercher . dissuader les croyants en s’arr.tant . la critique de ce syncrtisme de
bas tage, mais c’est d’aider ces Eglises . dpasser le niveau primaire pour atteindre les tapes
suprieures du syncrtisme. Celles de la "synchronisation" et de "l’harmonisation" penses et
rflchies, par l’intgration intelligente des cultures religieuses allog€nes dans les cultures
religieuses indig€nes.
C’est cela, nous semble-t-il, l’inculturation que pr.nent les thologiens africains depuis
le grand dbat historique qui a dur 20 ans. Les ides fondamentales de la th€se du professeur
Oscar Bimwenyi319 vont bien dans le sens du dpassement de ces surestimations allog€nes qui
rendent pjoratif le sens de certaines ralits, tremplin d’une vraie thologie africaine, et
mutatis mutandis, d’un vrai dialogue oecumnique et interreligieux au Congo.
L’inculturation ne peut .tre qu’une intgration intelligente des valeurs africaines dans le
christianisme occidental, c’est-.-dire un "syncrtisme d’harmonisation". Le vrai dialogue
oecumnique et interreligieux au Congo peut bien se faire sur la base du principe
d’inculturation : "Chrtiens sans trahir l’Afrique, Africains sans nier le Christ".
Parmi les vises fondamentales du discours de l’inculturation, il y a cette dnonciation
de l’alination culturelle africaine, due principalement . l’intrusion de l’Europe en Afrique et .
la domination de la culture occidentale impose sans mnagement aux Africains. L’auteur de la
th.se cite affirme la validit des principes culturels africains et dclare sur le plan religieux que
la culture occidentale ne peut .tre "l'unique vhicule valable du christianisme".
Toute la problmatique du dialogue oecumnique et interreligieux au Congo est sous
jacente et fortement lie . celle de l’inculturation. Comment intgrer les forces "marginales"
des Eglises de rveil pour faire cause commune. Les thologiens ont les mthodes
scientifiques, les leaders charismatiques ont les mthodes d’approche et de proximit, les uns et
les autres agissant au nom du m.me Christ : cette considration nous conduit aux paradigmes
thologiques.
319 Th.se de doctorat soutenue . l’Universit Catholique de Louvain sous le titre : . Discours th€ologique
N€gro-africain. Probl.me des fondements, 1979 .
214
IV. 3. 1. 2. La valeur des paradigmes th€ologiques
Le premier paradigme survalu est celui de la supriorit de la culture occidentale,
unique vhicule valable du christianisme, c’est-.-dire universelle. Partant de cette universalit
de la culture occidentale on en vient . mettre l’accent sur l’Eglise plut.t que sur le Christ qui
est annonc au travers de la culture et de l’Eglise. D’o. la suprmatie de l’ecclsiocentrisme
sur le christocentrisme, comme si "l’nesse" sur laquelle tait mont Jsus pour entrer .
Jrusalem (Mt 21, 1-11) prenait plus d’importance que Jsus lui-m.me.
D’autre part, avec l’impulsion donne par le concile Vatican II, notamment dans la
dclaration Nostra Aetate, les chrtiens dcouvrent l’importance historique des religions non-
chrtiennes et certains sont amens . relativiser le r.le du Christ dans le salut. Exigeant, non
seulement d’abandonner la thologie centre sur l’Eglise (ecclsiocentrisme), mais aussi celle
centre sur le Christ, adoptant la thologie centre sur Dieu vu sous plusieurs angles regroups
autour des trois attitudes fondamentales auxquelles nous avons fait allusion plus haut : c’est le
thocentrisme pluraliste, sous le label de la mondialisation.
En effet dans les dbats actuels sur le dialogue oecumnique et interreligieux, les
interlocuteurs vitent volontiers les expressions qui enferment les dbats dans un syst.me
donn et qui tendent . s’exclure les uns les autres. Ainsi, plut.t que de parler de "paradigme"
expression qui a pris le sens de "postulat" c’est-.-dire, principes premiers dont l’admission est
ncessaire pour tablir la dmonstration, on parle de "mod.les" en tant qu’ils sont plus
descriptifs, ne s’excluent pas rciproquement mais se compl.tent.
La tendance d’aujourd’hui est focalise sur deux mod.les : le "mod.le thocentrique
pluraliste" - Dieu au centre de notre recherche, nos pistes de recherche sont diffrentes
(interreligieux) - et dans le "mod.le christocentrique" - Christ seule norme, confesse de
mani.res diffrentes (oecumnisme).
De plus en plus, la mondialisation prend le dessus sur l’universel qui est le sens de
catholique. Cela ne signifie pas que "catholique" soit devenu indsirable. C’est plut.t une fa.on
de l’aider, dans ses surestimations historiques, . s’ouvrir . la diffrence des autres. Cela
suppose aussi que les Eglises historiques aient l’humilit de reconna.tre qu’au-del. de la Parole
215
qu’elles interpr.tent avec beaucoup de comptence, il y a la mthode d’approche et de
transmission qui fait souvent dfaut.
Il se pose ainsi un probl.me de psychologie d’approche que les Eglises naissantes
ma.trisent par rapport . l’exg.se de la Parole. Un effort pour maintenir cet quilibre est exig
aux uns et aux autres. C’est dans cette perspective que nous pensons qu’il est impratif que les
Eglises institues apprennent . relativiser certains "paradigmes classiques" sans les nier, pour
adopter des "mod.les" qui les aident . s’ouvrir . l’exprience psychologique des Eglises de
rveil et les ouvrir . l’exprience thologique et exgtique. C’est ce que nous entendons par
"complmentarit mthode-Parole, psychologie-exg.se".
IV. 3. 2. Psychologie et ex€g.se [m€thode et Parole]
IV. 3. 2. 1. S’ouvrir . la diff.rence des Eglises de r.veil
Le parcours des enjeux spirituels actuels et les conclusions auxquelles sont arrivs les
spcialistes des questions religieuses au Congo, nous ont persuads que le probl€me de
l’oecumnisme interreligieux tient . une attitude responsable des Eglises chrtiennes qui, d’une
part sont protagonistes et de l’autre, victimes des rcuprations qu’en font les Eglises de rveil.
Parmi les recommandations et rsolutions du IV€me Colloque international de Kinshasa, deux
d’entre elles paraissent . notre avis, urgentes et capitales pour l’avenir d’un dialogue
interreligieux quilibr au Congo : la troisi€me recommandation et la quatri€me rsolution du
Colloque qui proposent qu’on "ins.re dans les programmes des institutions d’enseignement
l’.tude des sectes et des nouveaux mouvements religieux" et qu’on "d.veloppe l’.change avec
les sp.cialistes des autres pays d’Afrique et des autres continents"320.
Nous pensons qu’il faut aller plus loin en structurant autrement la formation de base de
futurs pr.tres et pasteurs. Sachant que dsormais sur leur terrain pastoral, ils seront forcment
confronts au phnom€ne "Eglise de rveil" et au dialogue oecumnique et interreligieux, il
vaut mieux qu’ils approfondissent la connaissance des autres religions et communauts
320 Voir Sectes, Cultures et Soci€t€s, p. 595
216
chrtiennes au travers des autres sciences humaines, telles que l’histoire des religions, la
psychologie, la sociologie des religions qui les ouvrent . la diffrence des autres.
Jusque l., pour l’Eglise catholique qui suit les instructions de Rome, la formation d’un
pr.tre s’tale sur sept annes dont trois de philosophie classique et quatre de thologie
thomiste. A l’instar du CER321, nous pensons que . si en Occident, le pr.tre peut se permettre
de n’.tre qu’un religieux dans la soci€t€, le pr.tre en Afrique doit .tre avant tout un
sociologue de la religion. Etre un sociologue de la religion exige d’abord une connaissance
profonde de la soci.t., de son pass., de son pr.sent et de ses probl.mes, de ses compositions
sociales, de ses anomalies et surtout de ses besoins ..
Pour l’avenir de l’oecumnisme interreligieux au Congo, les autorits des Eglises
chrtiennes locales devront peut-.tre penser . augmenter le volume d’heures pour les cours de
sociologie, de psychologie et d’histoire du pays, dans le premier cycle de la formation, instituer
un cours d’histoire et de sociologie des religions au second cycle, aux c.ts de l’histoire de
l’Eglise ; donner l’occasion aux futurs pasteurs d’tudier l’histoire des Eglises et des religions
locales ; approfondir les orientations sur les dialogues oecumnique et interreligieux aux
niveaux national et international. Cet aspect de la formation de base est, . quelques exceptions
pr.s, tr.s peu exploit dans les institutions des formation de futurs pr.tres et pasteurs.
Ne devront-ils pas suivre la sagesse de Saint Franois de Sales qui disait dj. au
XVII€me si€cle que la science pour un pr.tre est le huiti€me sacrement322. Sur sept ans de
formation, les candidats pr.tres n’ont, . notre connaissance, que trente heures d’introduction .
l’enqu.te sociologique, trente heures d’introduction . la psychologie et quarante-cinq heures
d’histoire du pays au premier cycle. Le programme ne prvoit, jusque l., pas grand-chose ni
sur l’islam, ni sur le bouddhisme, ni sur l’hindouisme ou sur les autres religions du monde, ni
m.me sur le kimbanguisme qui est une religion afro-chrtienne, ne au Congo. Pas grand-
chose sur l’oecumnisme, ni, . plus forte raison, sur l’interreligieux.
321 CER : Cercle d’Etudes et de Rflexion, prsid par Mgr A. Nsolotshi.Voir ses rflexions sur . L’Eglise
Chrtienne facteur de sous-dveloppement en Afrique. Les musulmans agents de subversion dans le monde .
dans Adnan Haddad, Recueil de R€flexions...,pp. 103.
322 . Mes tr.s chers fr.res, je vous conjure de vaquer s.rieusement . l’.tude, car la science, pour un pr.tre,
c’est le huiti.me sacrement de la hi.rarchie de l’Eglise . ( Opuscules vers 1603-1605 ).
217
Spcialistes d’Aristote et de Thomas d’Aquin ou de Martin Luther, etc. les jeunes
pr.tres et pasteurs arrivent sur le terrain avec un bagage intellectuel qui ne leur permet pas de
faire face aux ralits profondes de leurs ouailles. Cette lacune est entre autres, la raison pour
laquelle les Eglises chrtiennes se retrouvent . la remorque des sectes qui exploitent et
semblent mieux comprendre sociologiquement et psychologiquement les besoins des chrtiens
africains. La drive des Eglises de rveil vers un syncrtisme de juxtaposition est une suite
logique de la rcupration d’un phnom.ne "d’assimilation-rejet" que les pasteurs et les pr.tres
ne peuvent ni ma.triser ni canaliser. Il est une ncessit urgente que les Eglises chrtiennes
connaissent mieux les aspirations des chrtiens et des non chrtiens en m.me temps que
l’impact des sectes dans la socit congolaise.
C’est dans ces conditions, pensons-nous, que les chrtiens et pasteurs des Eglises
institues enrichiront eux-m.mes leur propre croyance en cherchant . atteindre, au-del. des
concepts, l’exprience elle-m.me. Celle que le p.re Raymond Panikkar323 appelle dialogue
intrareligieux, absolument ncessaire . l’interreligieux. C’est-.-dire qu’il ne suffit pas d’avoir
une simple connaissance de la religion ou des probl.mes de l’autre, mais en plus de cette
connaissance, il faut faire l’effort d’entrer dans la peau de l’autre, de marcher dans ses souliers,
de voir le monde comme l’autre le voit, de poser les questions de l’autre, et de pntrer dans le
sens qu’a l’autre, d’.tre ce qu’il est dans sa foi et ses probl.mes au quotidien. Entendons par l.
qu’il est ncessaire d’entrer dans la psychologie de l’autre pour mieux le comprendre et
dialoguer avec efficacit et sincrit. L’efficacit en religion . d€pend, comme l’crit Aldous
Huxley, des m€thodes employ€es et non pas des doctrines enseign€es. Ces derni.res peuvent
.tre vraies ou fausses, saines ou pernicieuses, peu importe. Si l’endoctrinement est bien fait
au stade voulu de l’€puisement nerveux, il r€ussira. Dans des conditions favorables,
pratiquement n’importe qui peut .tre converti n’importe quoi .324.
Nous savons par ailleurs que les Eglises chrtiennes ont franchi beaucoup de pas pour
tenter de rpondre aux aspirations des chrtiens. Nous pensons notamment . l’inculturation
telle que nous l’avons dveloppe plus haut, aux efforts que font les Eglises chrtiennes pour
sortir le peuple du sous dveloppement et de la pauvret . travers les oeuvres caritatives, la
323 Raymond Panikkar est un thologien catholique indien, promoteur du dialogue intrareligieux. Voir son
ouvrage Le Dialogue intrareligieux, Paris, Aubier, 1985 Voir la synth€se de sa thologie au point III.3.4.3.
324 Aldous Huxley, Retour au meilleur des mondes, cit par Chantal Tokatlian, Esclaves du XX .me si.cle : les
enfants dans les sectes, Jacques Grancher (diteur), Paris 1995, p. 8
218
construction des h.pitaux, des coles secondaires et universitaires, etc. Cependant, beaucoup
reste . faire du c.t de la psychologie, de la sociologie et de l’histoire… bref, du c.t des
sciences humaines, bien qu’aux Facults Catholiques de Kinshasa, il y ait dj. un dpartement
de thologie et sciences humaines. La "ratio studiorum" des sminaires a t con.ue pour
rejoindre cette proccupation. Quitte pour les responsables des Eglises chrtiennes . l’exploiter
au maximum pour donner aux futurs pasteurs tous les atouts dont ils ont besoin pour
comprendre au mieux la situation des religions locales et les possibilits d’un dialogue
oecumnique et interreligieux quilibr.
Nous sommes, en outre, convaincu que ce qui donne de la valeur . une religion
aujourd’hui, ce n’est, ni son anciennet et son aptitude . traverser diffrents rgimes politiques,
ni le nombre de croyants qui y adh€rent, ni m.me la rationalit de son message. La valeur
d’une religion rside dans sa capacit de dialoguer avec le monde contemporain et de
collaborer avec les autres institutions qui proposent des rponses . la question fondamentale de
la Vrit et du bonheur des hommes. La foi quant . elle, restera toujours un don de Dieu et, du
c.t de l’homme, une dmarche libre.
C’est l. la diffrence fondamentale entre religion et foi : la religion est un besoin de
l’homme qui attend des rponses d’un Dieu . ses questions de rupture de cohrence. La foi est
une initiative gratuite de Dieu qui invite l’homme . rpondre . son appel. Le dialogue de Jsus
avec Marthe . l’occasion de la mort de Lazare est, . notre sens, une belle illustration de cette
diffrence entre religion et foi (JnXI, 20 – 26)325
Ceci voudrait dire que la vraie question pour les religions n’est pas tellement, celle de la
v€rit€, mais plut.t celle de l’utilit€. Cette ralit impose aux religions et communauts
traditionnelles institues, un double mouvement : s’ouvrir pour montrer en quoi elles sont
utiles aux questions que se posent les hommes ; et ouvrir les autres interlocuteurs . ce qu’elles
tiennent de vrai et de beau comme initiative gratuite de Dieu.
325 Aux versets 21-22, Marie dit . Jsus : . Seigneur, si tu avais t ici, mon fr€re ne serait pas mort. Mais
maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas . Dieu, Dieu te l’accordera. . C’est .a la religion. Le
besoin de Marthe devant la mort de son fr€re. Elle attend la rponse de Dieu . cette question de rupture de
cohrence. Aux versets 23, 25, 26, Jsus lui dit : . Ton fr€re ressuscitera. . - Moi, je suis la rssurection. Qui
croit en moi, m.me s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Le crois-tu ? . C’est la
foi en tant qu’initiative gratuite de Dieu qui invite . rpondre . son appel.
219
IV. 3. 2. 2. Ouvrir les Eglises de r€veil aux exigences scientifiques de la Parole de
Dieu
Une des grandes lacunes de tous les nouveaux mouvements religieux qui naissent au
Congo, est la lg€ret avec laquelle leurs leaders interpr€tent la parole de Dieu. Certains
prdicateurs prouvent un profond mpris pour la formation classique destine au personnel
religieux. Leur argument principal tient en deux phrases : . J.sus n’a pas .t. . l’universit. .
ou . Il n’est .crit nulle part qu’il faut aller . l’.cole pour enseigner la parole de Dieu ..
A nombre d’entre eux, la dcouverte tardive de la Bible fait prendre conscience que
beaucoup de choses leur taient caches par les catholiques qui voulaient garder pour les initis
(pr.tres) les secrets pour oprer des miracles. D’o. leur rejet de tout ce qui est formation et
information sur la Bible qu’ils consid€rent comme une fa.on de canaliser l’oeuvre de l’Esprit
Saint qui souffle o. il veut et quand il veut.
Pour eux, la Bible est . dcouvrir sur le tas grce au souffle de l’Esprit Saint qui a
imprgn les ap.tres le jour de la Pentec.te. Pierre, le p.cheur pauvre et inculte, a, sous la
puissance de l’Esprit, fait un discours qui a donn naissance . l’Eglise du Christ. Dans quelle
universit est-il all apprendre l’exg€se ? L. aussi il y a lacune de culture religieuse et
d’histoire des religions. De lacunes en lacunes, la Bible qui est le livre essentiel et irrempla.able
dans la clbration du culte religieux des Eglises de rveil devient un outil qui justifie toutes les
drives qu’on dplore aujourd’hui. Chacun y cherchant des passages adapts . la situation du
requrant, elle donne lieu non pas . une lecture rationnelle, pour ne pas dire scientifique, mais .
une lecture essentiellement fondamentaliste et littrale. Peu importe l’interprtation qu’il faut
en tirer, tout ce qui vient de la Bible est sacr€.
Cette na.vet dans l’interprtation ne peut prtendre sauver "tout homme et tout
l’homme" et constitue une grande interpellation pour les Eglises institues si l’on veut que le
dialogue avec les Eglises de rveil soit possible et quilibr.
Il est dplorable, en ce XXI€me si.cle de se voir oblig de convaincre de l’importance
d’une initiation exgtique et thologique . la lecture de la Bible. Dj. dans la Bible elle-m.me,
en ne lisant que le passage de 2 Pierre III,16 on comprend que lire et interprter la Torah
220
n’tait pas . la porte des analphab.tes. Jsus a d compter sur de grands intellectuels de la
trempe de saint Paul, hritier du judasme, meilleur thologien sorti de l’cole de Gamaliel
(Actes XXII,3), pour annoncer son Evangile . travers le monde. Faut-il faire comprendre aux
leaders hostiles . toute formation et information exgtique que la Bible qu’ils ont entre les
mains exige pour sa meilleure comprhension, de longues tudes de thologie, d’archologie,
d’histoire, d’hermneutique, bref, de hautes tudes scientifiques ?
D’autre part, mondialisation oblige, ouvrir les Eglises de rveil . la critique de tout ce
qui est propos par le "church business", est une de meilleures fa.ons de ragir . temps contre
la triple vise de l’imprialisme amricain326.
Cette ouverture aux exigences scientifiques va des simples confrences dbats
hebdomadaires jusqu’aux cursus universitaires sanctionns par des dipl.mes acadmiques,
passant bien s.r aussi par des colloques et sminaires scientifiques o. sont reprsentes toutes
les composantes de la vie religieuse et politique du pays.
Nous pensons que les bases solides d’un oecumnisme interreligieux dans la situation
actuelle du Congo passe par cette ouverture aux exigences scientifiques. Cela a, . notre avis,
deux avantages primordiaux:
- Resserrer les liens entre les Eglises et communauts religieuses institues qui
saisiraient l’occasion pour redfinir et prciser les aspects et domaines de leurs dialogues
initiaux, avant de dfinir ensemble les limites ad quem et les conditions . remplir par les
nouveaux mouvements religieux pour participer au dialogue oecumnique et interreligieux.
326 Le professeur Flicien LUKOKI dans son adresse de bienvenue au XVIIe Sminaire Scientifique crit ce qui
suit : . Le phnom€ne "Eglise de rveil", comme tous les autres phnom€nes sociaux, est atteint par la peste ou
la pandmie de la mondialisation. Ne voit-on pas dans nos stades et autres lieux de culte des faiseurs de
miracles dbarquant comme des extra-terrestres pour semer la prosprit ? Ne voit-on pas, . longueur de
journe, de nuit, des prdicateurs, des vanglisateurs, singeant leurs ma.tres venus d’ailleurs, les uns parlant
en langues, les autres traduisant en dialectes, sans que les uns et les autres soient srs de la fidlit du message,
de l’interprtation, semant parfois ainsi le doute chez les fid.les.[…] Devant l’essor de cette industrie nouvelle
que nous pourrions appeler . church-business ., de pasteurs magnats de l’entreprise miracle qui s’enrichissent
sur le dos d’une population pauvre et conomiquement exsangue, mais qui ne se fatigue pas de . semer . dans
une entreprise sans fonds et dont elle esp.re rcolter le centuple, il nous faut ragir et vite ., op. cit. p. 310-311
En ce qui concerne la triple vise de l’imprialisme amricain, voir l’intervention du professeur Mabiala
Mantuba, op.cit. p. 271-273, notre point IV.2.3.3.
221
Les trois grandes Eglises chrtiennes (catholique, protestante et kimbanguiste) en ont
les moyens car elles disposent chacune de facults universitaires et de centres appropris pour
organiser . tour de r.le des rencontres scientifiques et proposer un cursus universitaire aux
futurs pasteurs des Eglises de rveil qui seront convaincus de la ncessit d’une bonne
formation scientifique, thologique et exgtique. Cette formation-information les aidera .
comprendre que Jsus n’est pas que "gurisseur" et "exorciste", mais qu’Il va au plus profond
de l’homme (Luc V,17ss). Il est le Sauveur de tout homme et de tout l’homme.
- Cette ouverture, pourra .tre soutenue par le gouvernement, en vertu de l’article 18 de
la charte internationale des Droits de l’Homme, de l’article 31 de la charte Congolaise des
Droits de l’Homme et du Peuple ainsi que du dcret-loi n.195 du 29 janvier 1999, portant
rglementation des associations sans but lucratif et des tablissements d’utilit publique,
spcialement la section II sur l’exercice du culte327. Cela permettrait aux Eglises de rveil qui
acceptent le dialogue de se grouper en plate-forme et de se doter ainsi de r€glements rgissant
leur corporation, comme le recommande le XVII€me Sminaire Scientifique de la facult
d’conomie et de dveloppement de Kinshasa.
IV. 3. 3 Ouverture et exigences : pour quel dialogue en perspective ?
D’aucuns le savent, rien ne sert mieux l’action que la rflexion. Ce qui caractrise
jusque l. l’action pastorale des Eglises de rveil au Congo est souvent la spontanit, que ce
soit dans la liturgie, la prdication de la parole ou dans les principes thologiques. Or pour
envisager un dialogue quilibr, il est ncessaire de partir sur des bases tablies et stables. Dans
cette perspective, les avantages de l’ouverture et des exigences scientifiques sont de deux
ordres :
* Du point de vue religieux : Les Eglises africaines indpendantes en gnral et celles de
rveil en particulier, nes les unes comme les autres pendant les priodes de transition
politique, se sont toujours montres tr€s hostiles envers les missionnaires et ennemis acharns
de la doctrine thologique classique, en m.me temps aussi adversaires irrductibles de
certaines croyances et pratiques de la religion ancestrale. Cette situation qui les place entre
deux eaux ne leur a pas encore donn l’opportunit de se constituer un corps doctrinal propre.
327 Voir annexe 21
222
Les Eglises de rveil pataugent encore dans un syncrtisme de juxtaposition sans une thologie
clairement formule. Or pour avoir une thologie clairement formule, il faudra qu’elles aient
leurs propres thologiens, capables de dialoguer avec les autres . partir de m.mes bases
anthropologiques, en rfrence avec la Bible. L’ouverture aux Eglises institues, - qui
dveloppent dj. une thologie de "l’inculturation" plus proche des motivations des Eglises de
rveil -, prsente, . notre avis, un grand avantage pour les uns et pour les autres dans la
perspectives d’un dialogue oecumnique quilibr.
Cet avantage permet aux Eglises institues d’largir les limites du dialogue actuel, non pas
seulement en y insrant dignement les Eglises de rveil "plutt soft", mais aussi en largissant
le domaine du dialogue qui passerait du domaine des simples discours audacieux et abstraits au
domaine d’action commune et concr€te que Ren Girault328 appelle "dialogue s€culier", en
passant bien s.r par le dialogue spirituel et le dialogue de pens€e th€ologique.
En effet, l’oecumnisme interreligieux bas sur l’ouverture et l’exigence devra conduire les
diffrents interlocuteurs . gravir ensemble les marches de la complmentarit et de l’unit qui
passent par ces trois paliers de la "catharsis" que sont : le dialogue spirituel, le dialogue de
penses thologiques et le dialogue sculier.
IV. 3. 3. 1. Le dialogue spirituel
Le dialogue spirituel est celui o., dans la simplicit, les croyants prient ensemble pour
l’unit, la justice et la paix, sachant cependant que l’agent principal dans ce premier palier est
l’Esprit Saint qui anime les partenaires. C’est vers lui que chacun d’eux devra se tourner, pr.t .
donner et . recevoir de l’autre les rayons de la m.me Vrit que l’Esprit qui est . l’oeuvre
diffuse en chacun. De ce premier palier, les Communauts institues, principales protagonistes
de l’oecumnisme interreligieux, peuvent tirer un double avantage si elles comprennent qu’il
s’agit d’un dialogue et non d’un monologue et que la plnitude de la rvlation en Jsus-Christ
et/ou leur antriorit historique ne les dispensent pas d’couter, d’apprendre, de respecter, de
discerner et d’.tre quand m.me aussi prudentes. Elles gagneront ainsi, un enrichissement de
leur foi grce . l’exprience et au tmoignage des autres.
328 Voir Ren GIRAULT et Jean VERNETTE, Croire en dialogue, chr€tien devant les religions, les Eglises,
les sectes, op.cit., p. 244.
223
Ce premier palier correspond, en fait, . ce qui a toujours t organis et programm de
fa.on unilatrale par l’Eglise catholique, une fois l’an, pendant la semaine de pri€re pour l’unit
des chrtiens. Bien que l’initiative soit louable, son organisation et ses mthodes ne rpondent
plus aux normes d’un vrai dialogue spirituel entre partenaires tourns, sans recherche
d’uniformit, vers l’Esprit Saint comme agent principal de l’unit. Le mod€le . ce stade est .
chercher dans l’organisation et la mthode de la rencontre d’Assise, d’octobre 1986.
En effet, l’initiative d’une runion en vue de la paix entre les nations tait prise par le
pape Jean-Paul II, le 25 janvier 1986. Accueillie positivement par les responsables des Eglises
et communauts chrtiennes, tout comme par ceux d’un grand nombre d’autres religions, elle
ne verra cependant sa date fixe que le 6 avril o., apr€s consultation, on opta pour le jour de la
f.te de Saint Fran.ois d’Assise, ap.tre de la paix vanglique et prcurseur de l’oecumnisme
interreligieux.
Quant . la signification profonde de cette rencontre d’Assise, il faudra dire, avec le
cardinal Etchegaray, qu’elle n’a pas t une runion de "pri€re commune", mais qu’ensemble,
les diffrentes traditions ont pri, chacune de son c.t et . sa mani€re, pour une cause
commune : la paix dans le monde. Le fait d’avoir choisi un jour qui n’tait le "Shabbat"
d’aucune tradition signifie que la rencontre a vit toute divergence, dans le respect de ce qui
est sacr pour chacun.
En marge de cette stratgie organisationnelle, ces deux points nous paraissent donner la
signification profonde de la rencontre :
- A c.t des efforts entrepris par les hommes politiques et les chefs d’Etats pour
amliorer les relations internationales, et . l’instar de l’O.N.U. qui s’tait dcid de faire de
l’anne 1986, une anne de la paix, Jean-Paul II voulait, de son c.t, donner une signification
spirituelle . l’vnement : la paix par la pri€re, la mditation, le je.ne, le p€lerinage.
- Comme le dira M.D. Chenu, l’autre signification de cette rencontre est le passage des
discours aux actes concrets : . L’Eglise tient d€sormais que son rapport avec le monde
s’€tablisse, non par une conqu.te dominatrice, encore moins par des anath.mes, mais par un
224
dialogue, dont la premi.re loi est le discernement et la reconnaissance des v€rit€s que
pr€sente le partenaire… L’intervention du pape ne se situe pas sur le terrain des discours
doctrinaux, valables certes, mais abstraits et id€ologiques, elles pose un fait, dont la praxis
engage une v€rit€ concr.te . 329
IV. 3. 3. 2. Dialogue de pens€e th€ologique
Dans l’ditorial d’un numro de Concilium, Hans Kung et J.rgen Moltmann crivent :
. Personne ne pourra le contester, nous vivons en un temps o. la paix dans le monde et la
communion des hommes dans la libert€ et la justice sont constamment menac€es par des
tensions religieuses. Or les tensions sont souvent provoqu€es par la m€fiance, la m€fiance par
l’ignorance ou l’arrogance. Beaucoup serait d€j atteint si les membres des diff€rentes
religions dans le monde se connaissaient mieux les uns les autres. C’est pourquoi il importe
en premier lieu d’€largir dans le dialogue entre les religions notre horizon d’information et
de compr€hension. .330
Sur ce point, nous constatons que la dmarche actuelle est toujours . sens unique. Ce
sont les thologiens chrtiens, catholiques et protestants, qui s’interrogent sur le sens du fait
religieux, sur le pluralisme, l’inculturation et sur la signification de ce pluralisme du point de
vue de leur foi au Christ. Cette dmarche . sens unique constitue, pour nous, une autre
interpellation et, comme le dit Monique Aebischer-Crettol, . un signe des temps qui demande
discernement .331.
Dans le cas du Congo, l’urgent est de donner la possibilit aux autres interlocuteurs
afro-chrtiens d’avoir une base thologique stable et fiable sur laquelle ont peut se rfrer pour
un dialogue de pense, tant soit peu, quilibr.
C’est dans ce sens que ce second palier vers l’oecumnisme interreligieux constitue le
maillon qui tient en quilibre le dialogue spirituel et le dialogue s€culier. Le dialogue de pense
thologique est, en fait, celui o. les thologiens et penseurs de diffrentes communauts
religieuses et de diffrents lieux d’implantation de ces communauts changent leurs penses
329 Voir Actualit€ religieuse dans le monde, Cahier Spcial, n.38-15 octobre 1989, p. 21
330 Editorial, Concilium 203, 1986, p. 7
331 M. Aebischer-Crettol, op. cit., deuxi€me partie du livre.
225
dans une coute profonde, non pas d’abord pour essayer de trouver un point faible dans la
pense de l’autre, mais pour la comprendre du dedans et pour, . son tour, .tre cout et
compris par lui. Ce qui conduirait, plut.t qu’. de vaines rivalits, . un enrichissement de
penses thologiques et scientifiques, issues parfois du choc des ides et de l’largissement
d’horizon d’informations scientifiques que ne peut ignorer un thologien. Ce qui aiderait aussi
. mettre . plat certaines na.vets doctrinales qui n’ont plus de sens en ce XXI€me si€cle o.
science et foi ne peuvent plus s’ignorer.332
D’aucuns le savent, la convergence entre les disciplines purement scientifiques et la
thologie ncessite une grande ouverture et appelle au dialogue. Des disciplines comme la
biologie ou la gntique posent actuellement la question du sens, qui intresse au plus haut
point le thologien. Raison fondamentale pour pousser nos Eglises et communauts religieuses
. promouvoir le dialogue de pense thologique pour asseoir les bases de tout autre dialogue :
dialogue avec la science, dialogue spirituel et dialogue social que nous appelons "s€culier" ou
dialogue des oeuvres qui entre dans l’avantage du point de vue socio-culturel et conomique.
* Du point de vue socio-culturel et €conomique : Les conclusions du XVII€me
Sminaire scientifique de la facult d’Economie et Dveloppement ont montr que la
participation des adeptes des certaines Eglises de rveil est une preuve qu’il y a une volont
manifeste de rflchir ensemble . un haut niveau scientifique sur des questions socio-culturelles
et conomiques dont les mfaits ternissent l’image de ces Eglises.333 Le troisi€me mode de
dialogue est de ce fait ncessaire :
332 Voir . ce sujet les tudes de Fran.ois EUVE sj , Cr€ation comme jeu, ditions du Cerf, Paris 2000 ; Science,
Foi, Sagesse. Faut-il parler de convergence ? (L’Atelier 2004). [Franois Euv, pr.tre de la Compagnie de
Jsus est thologien et physicien. Sa double formation et le choix de son champ d’tude l’habilitent . rflchir
aux relations entre sciences et religions. A l’instar de Teilhard de Chardin, Franois Euv est un homme de
convergence, et donc partisan du dialogue de pense thologique et scientifique.]
333 Le professeur Flicien Lukoki a slectionn dans son adresse de bienvenue 6 questions parmi tant d’autres
par lesquelles les reprsentants des Eglises de rveil prsents au Sminaire ont pris conscience de l’image qu’ils
donnent en agissant trop souvent dans une spontan€it€ na.ve, sans rflexion sur les consquences
sociologiques, culturelles et conomiques que ces actions ont sur la vie des adeptes et du pays tout entier. . 1.
Peut-on construire une conomie durable avec des enseignements du type : . Dieu fera tout . (Nzambe
akosala). Enseignement contraire au message crateur de Dieu (Gn 1,28) et contraire . l’enseignement de Saint
Paul, 2 Thess. 3, 8-12). 2.. Peut-on avoir une conomie durable si l’unique fa.on de constituer le capital de
l’entreprise est la d.me prleve sur les fid€les pauvres, conomiquement anmis ? 3.Peut-on avoir une
conomie forte si les travailleurs, les tudiants et les l€ves sont agresss . longueur de journe et de nuit par
des musiques tonitruantes qui perturbent la quitude du travail et le sommeil ? 4.Peut-on avoir une conomie
forte et durable si l’ouvrier, sur le lieu du travail, passe son temps . lire ou . discuter Bible, au lieu d’accomplir
se tche quotidienne ? 5. Peut-on construire une nation forte, . l’conomie florissante, avec un peuple qui passe
4 . 5 heures en pri€re par jour, alors que nous n’avons que 8 heures de travail ? Et ceci, sans oublier que la
nuit, il faut veiller des heures durant. 6. Peut-on construire un pays conomiquement fort avec des familles
dsarticules dans lesquelles papa et maman passent plus de temps au lieu de culte qu’. la maison ou au
travail ? ..
226
III. 3. 3. 3. Dialogue S€culier
Le spirituel et le rationnel n’ont aucun sens s’ils ne peuvent aboutir au social et . la vie
concr.te. Ce troisi.me palier est celui o. ensemble, les diffrents croyants mettraient en
application les enseignements sociaux de la Parole de Dieu contenue dans les livres sacrs ;
enseignements qui visent le bien .tre de tout homme et de tout l’homme.
A l’instar de Paul VI dans Populorum progressio, Jean-Paul II y a cibl son
enseignement dans l’exhortation apostolique post synodale, Ecclesia in Africa. Il crit :
. L’obligation de se consacrer au d.veloppement des peuples n’est pas seulement un devoir
individuel, encore moins individualiste…C’est un imp.ratif pour tout homme et toute femme
et aussi pour les soci.t.s et les nations, il oblige en particulier l’Eglise Catholique, les autres
Eglises et les communaut.s eccl.siales, avec lesquelles les catholiques sont dispos.s .
collaborer dans ce domaine. Pour favoriser le d.veloppement int.gral de l’homme, les
Catholiques peuvent .galement faire beaucoup avec les croyants des autres religions, comme
ils le font du reste en divers lieux . (E.A. n.109)
En effet, toute communaut a le droit de prendre des initiatives concernant ses
mthodes pastorales, cependant, n’tant pas hors du monde, personne ne peut rester longtemps
hors-la loi et hors des acquis scientifiques dans sa mani€re de vivre, de s’exprimer et d’exercer
abusivement son influence au dtriment de l’quilibre socio-culturel et conomique de
l’ensemble de la population.
Tr€s souvent hors-la loi et hors des acquis scientifiques, certains leaders des Eglises de
rveil sont . la base d’un phnom€ne social, aujourd’hui inacceptable : celui des enfants de la
rue ou de ces enfants que Chantal Tokatlian334 appelle . Esclaves du XX.me si.cle : les enfants
dans les sectes .. Les enfants des rues des diffrentes villes du Congo, appels "chiegues" ou
"enfants sorciers" sont souvent victimes de certains pr.ches religieux de leaders qui disloquent
le noyau familial dans des croyances aussi plates que na.ves du mod€le : . J’ai eu une
r.v.lation de J.sus qui vous demande de divorcer si voulez sauvegarder votre vie .. Ou du
genre : . D€barrassez-vous sans tarder de tel enfant qui est pr.t manger votre .me par
sorcellerie… (sic) .
227
Au pire, les enfants ainsi abandonns deviennent la proprit du groupe au dtriment
des liens avec les parents. Sans .tre estims comme des personnes, ils n’ont pas d’autres choix
que de subir la prostitution, les mauvais traitements de toutes sortes, le sida, etc.
A la rue, sans foi ni loi, ils deviennent le miroir d’une socit en manque de structure et
de valeurs socio-culturelles et morales. La question est celle de C. Tokatlian : . Mais qui,
aujourd’hui, s’inqui.te r€ellement de ces enfants sans d€fense parqu€s dans [nos rues]…
dans les sectes ? Aucune structure sociale ou associative n’est cr€€e pour cette cat€gorie
d’enfants. Qui sont-ils ? Pourtant, des .tres comme vous et moi… Le fait plus que grave est
que ces enfants constituent une deuxi.me g€n€ration d’adeptes des sectes. Adeptes forc€s bien
entendu, car leur pr€sence la rue, dans une communaut€, un groupe sectaire ne r€sulte pas
de leur libre arbitre, mais est plutt conditionn€e par l’appartenance d’un ou des deux
parents la secte… .335
Les Eglises, les communauts institues et le gouvernement du Congo ont grand intr.t
. oeuvrer pour l’largissement des limites du dialogue oecumnique et interreligieux pour
trouver des voies propices . relever certains dfis majeurs dont celui des enfants de la rue. Si
pour certaines raisons, l’Etat n’arrive pas . prendre ses responsabilits pour faire respecter la
loi, les communauts religieuses institues peuvent suppler . cette dfaillance en faisant
prendre conscience de tous ces mfaits aux Eglises de rveil. C’est dans cette perspective que
l’ouverture de ces Eglises au dialogue et aux exigences de la critique scientifique est un
avantage pour la stabilit socio-culturelle, conomique et m.me politique de la Rpublique
Dmocratique du Congo.
334 Chantal TOKATLIAN, Esclaves du XX€me si€cle : les enfants dans les sectes, J. Grancher, diteur, Paris,
1995, 199pages
335 ibidem p. 9
228
CONCLUSION GENERALE
229
Il nous a paru ncessaire de faire une relecture de la situation socio-politique, culturelle
et religieuse de la Rpublique Dmocratique du Congo pour comprendre que le phnom€ne
"Eglises de rveil" est l’aboutissement de la prise de conscience d’une gnration qui s’est
toujours rveille, sous le soleil quatorial, de gr ou de force, avec un costume en velours ou
en laine, non taill sur mesure.
Nous avons ainsi montr, au premier chapitre, que la gnration qui est aux commandes
des affaires au Congo, depuis le lendemain de l’indpendance jusqu’. nos jours, . quelques
exceptions pr€s, est une gnration ne politiquement sous la colonisation occidentale, laquelle
a trac ses limites gographiques sans tenir compte de leur impact sociologique, linguistique et
culturel. Une gnration ne de parents qui du point de vue religieux, n’ont rien demand aux
Europens, mais . qui les missionnaires, confondant souvent "€vang€lisation" et "civilisation",
ont impos le christianisme au mpris de toutes les valeurs religieuses et culturelles
prexistantes. Cette dmonstration nous a conduits . la conclusion partielle que l'instabilit que
conna.t aujourd’hui ce pays est, entre autre tributaire d’un certain "rejet" de cet environnement
go-culturel et religieux impos.
Au deuxi€me chapitre, nous avons abord l’tude de l’implantation des religions et
communauts religieuses actuelles interlocutrices du dialogue oecumnique et interreligieux.
Cette tude nous a montr que les mthodes d’implantation de l’Evangile au Congo, trop
htives et superficielles, en m.me temps que contraignantes, ont tr€s t.t fait clore des
mouvements de rsistance que le gouvernement colonial brimait en condamnations et en
relgations, par crainte qu’ils se dveloppent et se transforment en partis politiques puissants et
organiss.
A dfaut de les analyser tous, nous nous sommes limits . prsenter celui qui est
devenu, apr€s l’indpendance, la troisi€me Eglise officielle du pays et membre international du
Conseil OEcumnique des Eglises (C.O.E.): l’Eglise du Christ sur terre par le proph€te Simon
Kimbangu. Notre intuition sur la fragilit de cette Eglise au sein du C.O.E., vu le double visage
qu’elle prsente, est sur le point de se raliser. La croyance fondamentale des adeptes sur le
230
r.le et la place du fondateur au sein de la Trinit divine ne pouvait pas longtemps maintenir
l’Eglise kimbanguiste au sein du Conseil OEcumnique des Eglise sans probl€me particulier.336
Nous avons tent de montrer aussi que l’islam, introduit . l’est du Congo par les
"arabiss" apr.s l’abolition de l’esclavage, a t, . ses tous dbuts, un syncrtisme afro-
musulman, diffrent de l’islam du Nord et de l’Ouest Afrique. Il a, pour cet effet, longtemps
figur sur la liste des sectes condamnes par le gouvernement colonial et dont les propagateurs
mritaient la rclusion, comme ceux du kimbanguisme, du kitawalasme, du ngunzisme, du
nzambi wa malemba, du bwanga bwa nkuba, du wazungu et autres sectes rpertories dans les
archives nationales du Zare.
En fait, cette dmonstration de la superficialit de l’vanglisation . l’poque coloniale
ne nous a pas amens . la conclusion que tout fut artifice et faux-semblant, ce qui n’aurait pas
t honn.te de notre part, au vu du bilan gnral que le christianisme a offert aux peuples
africains sur le plan spirituel, culturel et intellectuel. Nous avons relev dans notre tude
beaucoup d’aspects positifs, notamment l’tude des langues africaines locales avec la
publication des oeuvres d’rudition dans le domaine linguistique : livres de grammaire,
dictionnaires, catchismes et versions africaines de la Bible, des monographies d’ethnologie et
d’anthropologie consacres aux peuples indig€nes du Congo belge, etc. Du point de vue social,
nous avons not que, tirant des le.ons de l’chec de la premi€re vanglisation, l’Eglise s’est
beaucoup investie dans le combat pour l’abolition du syst€me d’esclavage interne ou externe et
pour la suppression de la traite des Noirs au XIX€me si€cle, particuli€rement les missionnaires
spiritains, avec le p€re Libermann qui a relanc la seconde vanglisation et les missionnaires
d’Afrique appels "P€res Blancs", . l’instigation du grand cardinal Lavigerie.
C’est du point de vue doctrinal que nous avons dnonc les mthodes de la mission
lies . celles de la colonisation, en dmontrant qu’elles ont dclench dans le psychisme des
336 Depuis juillet/Ao.t 2004, les nouvelles qui nous parviennent de la Rpublique Dmocratique du Congo font
tat de la rupture des relations entre les catholiques et les Kimbanguistes et de l’exclusion de l’Eglise
Kimbanguiste de la communion OEcumnique d’avec les Eglises chrtiennes(juillet/ao.t 2004). Pour les
v.ques catholiques du Congo, l’volution rcente de l’Eglise kimbanguiste fait tat d’un drapage par rapport
. la doctrine chrtienne d€s lors qu’il y a une nette identification des 3 fils du proph€te Simon Kimbangu, aux
trois personnes de la sainte Trinit. De ce fait, le kimbanguisme qui ne se reconna.t plus au travers du grand
myst€re chrtien de la tr€s sainte Trinit, en manifestant l’idoltrie et la divination, prouve . suffisance qu’il
n’est plus une religion chrtienne.
231
indig€nes du Congo belge le phnom€ne "d’Assimilation-rejet" et que Jean Delumeau qualifie
de "revanche de l’histoire"337. Une revanche des valeurs traditionnelles africaines, dirons-nous,
considres pendant des si€cles comme des "simples pierres d’attente".
Le dbat scientifique autour de l’opportunit d’une thologie africaine, men et cl.tur
avec succ€s par les thologiens africains de la premi€re gnration est une belle illustration de
ce processus "d’assimilation-rejet", processus qui a normment favoris l’mergence de
l’africanisation du christianisme, avec comme cheval de bataille "l’inculturation" rsume en
ces termes : . Chr.tien sans trahir l’Afrique, Africain sans nier le Christ ..
Au troisi€me chapitre, nous avons montr que le christianisme africain, dans son effort
"d’inculturation" bute contre le rigorisme du magist€re romain qui raffirme avec vigueur,
l’universalit, et l’unicit de l’Eglise catholique. Cela en dpit de l’ouverture voulue par le
concile Vatican II qui laisse une chance aux Eglises particuli€res, notamment . leurs
thologiens, de s’exprimer dans un dbat d’ides orient vers "l’indispensable pluralit€"
religieuse.
Qui plus est, le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, soutenant les efforts
des Eglises particuli€res, a ouvert une br€che pour la situation religieuse particuli€re de la Rdc
o., il a affirm qu’. aucune d.marche relative . l’oecum.nisme interreligieux ne peut se faire
sans tenir compte des nouveaux mouvements religieux .338
C’est dans le sillage de cette br.che ouverte par le concile Vatican II, encourage par le
Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, et pour faire suite aux travaux scientifiques
entams par le Centre d’Etudes des Religions Africaines (C.E.R.A.) et ceux de la facult
d’conomie et dveloppement des Facults Catholiques de Kinshasa339, que nous avons
dvelopp, dans le quatri€me chapitre, nos convictions et nos raisons de croire qu’en plus de
337 Jean Delumeau dans son article intitul . L’offre et la demande dans l’histoire chr.tienne . crit : . Il ne
suffit pas de vouloir et de croire imposer un credo des masses humaines pour que celles-ci l’assimilent
automatiquement, m.me quand, assaillies par une intense propagande ou d€sireuses de s’int€grer au groupe
social dominant, ou pour les deux causes la fois, elles paraissent adopter – et adoptent effectivement pendant
un certain temps – la foi des hommes au pouvoir. Les mentalit€s ne se modifient que lentement et opposent
l’acculturation autoritaire une r€sistance longtemps silencieuse et souterraine qui met parfois des si.cles
avant d’appara.tre au grand jour .. Voir 2000 ANS DE CHRISTIANISME, op.cit., tome X, dossier 30, p. 245
338 Voir compte rendu du quatri€me Colloque international du CERA, Facult Catholique de Kinshasa.
339 Ve Colloque international du C.E.R.A et VIIe semaine scientifique de la facult d’conomie et de
dveloppement, op.cit.
232
re-dynamiser nos Eglises institues au travers d’une inculturation qui rponde aux attentes de
nos chrtiens, il est ncessaire et urgent :
Primo, de repenser les expressions, termes et paradigmes pjoratifs et mprisants, fruits
de la surestimation historique des grandes Eglises. C’est quand celles-ci auront dvelopp des
attitudes de respect, de modestie et de remise en question de leur propre identit, qu’elles
seront aptes au vrai dialogue avec les autres communauts et nouveaux mouvements religieux
dans une ouverture rciproque . l’exprience de l’autre, jetant du lest, abandonnant tout ce
qui est purement contingent et adventice, pour la reconstruction de la communion eccl€siale
et religieuse. Cela, non pas dans un syncrtisme de juxtaposition, c’est-.-dire spontan et
extrioris, mais dans un "syncrtisme de synchronisation", c’est-.-dire rflchi et intrioris.
C’est par l. que passe, . notre avis, le chemin du christianisme universel vers une Eglise
particuli€re africaine.
Le paradigme "universel" ne gardera son sens que quand les "particuliers" seront
stabiliss et harmoniss. Le syncrtisme cessera d’.tre mpris quand on aura compris
qu’aucune religion n’y a chapp, que chacune, si rpandue et populaire soit-elle, a forg sa
doctrine, . un moment ou . un autre, en empruntant aux autres religions des valeurs
intriorises, harmonises et "incultures".
Enfin, c’est quand les grandes Eglises chrtiennes auront compris que si Dieu est Dieu,
Il peut en toute souverainet avoir plus . dire et plus . faire que ce qui a t dit et fait par le
Christ. Et que le Christ lui-m.me peut continuer . parler et agir . travers d’autres institutions
que les Eglises institues. Autrement dit, il y a plus de places dans le Royaume de Dieu que
dans les Eglises institues.
Avec la mondialisation des religions, il est important de re-considrer la question du
changement de paradigme : de l’ecclsiocentrisme au christocentrisme, du christocentrisme au
thocentrisme dans une complmentarit des valeurs entre toutes les religions pour l’unit des
croyants et pour la paix dans le monde. Complmentarit qui ne veut pas dire conformit, et
unit€ qui ne signifie pas uniformit. Cette re-considration de termes et de paradigmes nous est
apparue primordiale pour asseoir l’oecumnisme interreligieux dans un pays de mission hyper-
religieux comme le Congo.
233
Secundo, d’largir les aspects, les domaines et les limites actuels de l’oecumnisme
interreligieux. Jusqu'. prsent, le dialogue est limit . deux domaines : aux rencontres
programmes et pr-orientes par la hirarchie de l’Eglise catholique pendant la semaine de
pri.re pour l’unit des chrtiens et aux rencontres sporadiques des reprsentants des
diffrentes religions et confessions religieuses pour des questions lies . la scurit, la paix et le
dveloppement des citoyens, o. ils sentent l’opportunit de se runir pour s’adresser d’une
m.me voix . l’autorit politique.
Nous avons montr que les Eglises institutionnalises ont les moyens et la possibilit
d'aller plus avant. L’avenir d’un christianisme vraiment africain passe par l’ouverture aux
dbats scientifiques oecumniques et interreligieux, au sein des facults universitaires de
sciences religieuses et de sciences humaines. Dbats dans lesquels il faudra compter sur la
crativit de communauts chrtiennes marginalises, mais dynamiques, constitues de
volontaires motivs et plus proches de la vie courante de la socit africaine actuelle.
La rigueur scientifique des dbats doit aider les uns et les autres . mieux reflter dans
. leur mani.re de vivre et de s’exprimer, comme le sugg€re le professeur Ntedika, les valeurs
des civilisations au sein desquelles elles passent, dans le temps et dans l’espace, sans
s’arr.ter aux aspects les plus superficiels et p€rim€s de la culture africaine ., c’est-.-dire aux
tapes infrieures de la culture africaine ( ambiance festive, exubrance, recherche . tout prix
du thaumaturge, interprtation des textes au premier degr )340.
C’est au travers de sessions de formation et d’information scientifique que viendra le
vrai dsir de mieux conna.tre les Eglises de rveil, et que de leur part, viendra l’envie de
discerner les vraies motivations de leurs parrains amricains et autres de la . chuch business ..
En m.me temps na.tra l’envie de se forger une thologie propre, pour engager le vrai dialogue
dans la coexistence pacifique et l’change de mthodes et de techniques, pour une action
d’vanglisation et de dveloppement plus adquate et plus profonde.
340 En Afrique, les proverbes, par exemple, ne sont pas des dictons qui se lisent et s’interpr.tent au premier
degr. Leur message est toujours plus profond que les mots qui les expriment. Les Eglises de rveil devront .tre
aides par les dbats scientifiques . comprendre que la culture africaine a des tapes suprieures bien dignes de
ses sages et des tapes infrieures, . travers les exubrances des cl.nes (migandji)…
234
Dans tous les cas, cela ne peut, . notre avis, se faire qu’au cas par cas. Les Eglises de
rveil qui se crent et s’effondrent au gr des vagues ne sont pas toutes aptes et disposes .
pareil exercice d’ouverture et d’exigence.
Notre propre exprience sur le terrain, dans le cadre de la semaine de pri.re pour
l’unit des chrtiens, nous a montr qu’il est plus facile de runir les chrtiens de diffrentes
confessions religieuses, que de runir autour d’une m.me table, les leaders de ces diffrentes
communauts, leur leitmotiv ou les raisons initiales de leur sectarisme tant parfois extra
religieux. C’est une des grandes difficults . laquelle on pourra .tre confront et qui
demandera beaucoup de mthode et de tact pour russir le pari. En dehors des rencontres de
diffrents responsables nationaux de toutes les confessions religieuses y compris celui des
Eglises de rveil341, il n’existe pas d’autres rencontres motives . d’autres niveaux, pareilles .
celles qu’organisent, sous d’autres cieux, des communauts juives au sein de la "fraternit des
fils d’Abraham".
Dans le contexte actuel des religions et communauts religieuses en Rpublique
Dmocratique du Congo, face . l’mergence grandissante des Eglises de rveil, nous sommes
arrivs . la conclusion qu’il vaut mieux allier l’ouverture d’esprit . l’exigence, plut.t que de
s’arr.ter . la tolrance dans la rigueur qui ne favorisent pas la sincrit dans le dialogue
oecumnique et interreligieux.
Au travers de la tolrance et la rigueur, c’est la vie dans un m.me univers socio-
culturel, les uns . c.t des autres, chacun s’occupant de ce qui le concerne, alors que dans
l’ouverture et l’exigence, c’est la vie dans un m.me univers socio-culturel, les uns avec les
autres dans le respect de la diffrence et dans l’enrichissement psycho-doctrinal mutuel.
Un prlat de l’Eglise catholique de France crit ceci qui pourrait rsumer . peu pr.s
notre th.se : . La tol€rance laisse un arri.re-go.t de suffisance et la rigueur peut facilement
rimer avec raideur, l’ouverture d’esprit est bien €vang€lique. Ce n’est pas simplement une
bonne disposition de caract.re. Pour un chr€tien, il s’agit en fait de l’ouverture de son esprit
l’Esprit de Dieu. Il reconna.t que celui-ci agit invisiblement dans le coeur de tout homme.
"D’une fa.on que Dieu conna.t" pour reprendre l’expression du concile Vatican II. Devant le
235
sectarisme des disciples, le Seigneur J€sus voit large : "Celui qui n’est pas contre nous est
pour nous"(Marc 9,38-48)….342
Tenant compte du fait que dans l’authentique tradition africaine, quand on discute, ce
n'est souvent pas pour chercher . avoir raison . tout prix, mais pour savoir de quoi l'on
parle, les religions en Rpublique Democratique du Congo, - face au grand brassage de la
mondialisation, profitant des ouvertures des documents conciliaires clairs par l'ventail des
dbats thologiques actuels et tirant partie de la tendance plut.t souple de la plupart des
Eglises de rveil, - gagneront en stabilit si elles arrivent . surplomber le sectarisme des leaders
des Eglises de rveil et la surestimation historique des grandes communauts. C'est dans cette
logique qu'il faut chercher . comprendre le nicod€misme de croyants congolais. C'est en
suivant cette sagesse traditionnelle que les diffrents acteurs du dialogue oecumnique et
interreligieux cimenteront ensemble le chemin de l’inculturation souhaite par les uns et les
autres. Il s’agit d’une tche qui exige beaucoup de tact, de modestie, de discernement et de
perspicacit.
Notre th€se contribue, dans ce sens, . cette lucidation ncessaire . la cimentation du
chemin de l'inculturation au travers d’un oecumnisme interreligieux ouvert et exigent.
341 Voir notre annexe 14
342 Yves Patenotre (Mgr), . Au nom de votre appartenance au Christ ., dans P.lerin, n.6304, du 25 sept. 2003,
p. 6.
236
B I B L I O G R A P H I E
237
** Sur les Eglises de rveil qui pullulent actuellement en R.D. Congo, nous ne disposons pas
d’une grande bibliographie scientifique spcialise, mais des rsultats des tudes de quelques
colloques tenus aux Facults Catholiques de Kinshasa, de quelques articles et rsultats
d’enqu.tes publis dans les revues scientifiques locales et des travaux de fin de cycle des
tudiants de Sociologie et Anthropologie de l’universit nationale de Kinshasa.
** Par contre, nous avons une bibliographie importante sur les nouveaux mouvements
religieux de fa.on gnrale, s’talant entre 1960 et 1993 : gnralits sur les nouveaux
mouvements religieux, monographies sur les nouveaux mouvements religieux au Za.re et
monographies sur les nouveaux mouvements religieux dans le reste de l’Afrique. Nous
reprenons toute cette bibliographie en annexe 3 pour le besoin des futures recherches sur les
phnom€nes religieux actuels au Congo.
** Nous reprenons aussi en annexe 1 et 2, par souci des dtails thmatiques, toute la liste des
textes des actes du IVe Colloque international du Centre d’Etudes des Religions Africaines
(CERA) et celle des textes du XVII€me sminaire scientifique de la facult d’Economie et
Dveloppement des Facults Catholiques de Kinshasa sur les th.mes : . Sectes, Cultures et
Soci€t€s. Les enjeux spirituels du temps pr€sent . ; . L’€conomie des Eglises de r€veil et le
d€veloppement durable en R.D. Congo ..
** Par souci des recherches ultrieures, nous reprenons en annexe 4 la liste des mouvements
syncrtiques au Congo belge. Inventaire des archives nationales du Za.re (1921-1959)343
343 Nos propres recherches . la biblioth€que africaine du Minist€re des Affaires Etrang€res . Bruxelles et . celle
du Muse de Tervuren (Belgique) ont t normment facilites et recoupes par la publication de Djongongel
Otshudi Damase et celle Modio Zambwa Stanislas. On peut donc retrouver le contenu in extenso des nos
annexes 3 et 4 dans Ntedika Konde Joseph, Djongongele otshudi Damase, Modio Zambwa Stanislas, Les
nouveaux mouvements religieux : €vang€lisation et d€veloppement, Biblioth.que du Centre d’Etudes des
Religions Africaines n.15, Facults catholiques de Kinshasa, 1997, pp. 35-104.
Pour toutes recherches sur les phnom.nes religieux actuels au Congo, se passer de ce travail serait une lacune
tr.s notoire. C’est pour cela que nous avons jug bon de le reprendre en annexe.
238
I. TEXTES SOURCES
- ACTES DU SAINT-SIEGE, . Les sectes ou Mouvements religieux ; D€fi pastoral.
Rapport d’une enqu.te de quatre Dicast.res ., Documentation Catholique du 1 juin 1986, n.
1919, p. 547.
- BENOIT XV, Encl. Maxim Illud, publie en 1919.
- CONCILE OECUMENIQUE Vatican II, Constitutions. Dcrets. Dclarations, Editions
du Centurion, Paris, 1967.
- CONSEIL OECUMENIQUE DES EGLISES, Lignes directrices sur le dialogue avec les
religions et id€ologies de notre temps, Gen€ve, 1979, 20 pages.
- CONSEIL PONTIFICAL POUR LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX ET LA
CONGREGATION POUR L’EVANGELISATION DES PEUPLES, . Dialogue et
annonce. R€flexions et orientations concernant le dialogue interreligieux et l’annonce de
l’Evangile de J€sus-Christ (19 mai 1991) ., dans Pontificium Consilium pro Dialogo inter
religiones, Bulletin, n. 77 ; 26 (1991/2), p. 260-302.
- JEAN XXIII, Encl. Princeps Pastorum, publie le 28 novembre 1959.
- JEAN XXIII, Motu proprio Superno Dei Nutu, 5 juin 1960.
- JEAN-PAUL II, Encyclique Redemptor hominis, publie le 4 mars 1979, DC 76 (1979),
p.301-323.
- JEAN-PAUL II, Encycl. Ut Unum sint, sur l’engagement oecumnique, publie en 1995,
DC n.22118, p. 567-597.
- JEAN-PAUL II, Encyclique Redemptoris missio (7 dcembre 1990), DC 88 (1991), p.153-
191.
- JEAN-PAUL II, Lettre apostolique Tertio millennio adveniente, sur la prparation du
Jubil de l’An 2000, DC 1994, n.2105, p. 1017-1032.
- JEAN-PAUL II, Exhortation apostolique, Ecclesia in Africa (14 septembre 1995), DC
1995, n. 2123, p. 817-855.
- JEAN-PAUL II, La mission des Eglises locales dans le cadre de l'Eglise universelle,
Audience gnrale du 14 juin 1995, La Documentation Catholique, n.2120, 1995, pp. 677-
678.
- PAUL VI, Encycl. Ecclesiam suam, ao.t 1964, DC n.1431, 1964 cln 1057-1093.
239
- PAUL VI, Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, sur l’vanglisation du monde
moderne, publi le 8 dcembre 1975, DC 73 (1976).
- PIE XI, Encl. Rerum Ecclesiae, publie le 28/02/1926.
- PIE XII, Encl. Evangelii Proecones, publie le 2 juin 1951.
- PIE XII, Encl. Fidei Donum, publie le 21 avril 1957.
- SECRETARIAT ROMAIN POUR LES NON-CHRETIENS, L’esp.rance qui est en
nous : br.ve pr.sentation de la foi catholique, Typologie polyglotte Vaticane, 1967, 38 pages.
- SECRETARIAT ROMAIN POUR LES NON-CHRETIENS, Vers la rencontre des
religions : suggestions pour le dialogue, Typographie polyglotte vaticane, 1967, 49 pages.
II. AUTRES SOURCES.
- ENQUETES SUR LE TERRAIN EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU
CONGO
- FONDS A. LIENART, Ev.ch€ de Lille.
- FONDS H. DUPONT, Universit€ catholique de Lille.
- FONDS "AFFAIRES INDIGENES et MAIN D'OEUVRE", aux Archives Nationales
du ZARE.
III. OUVRAGES GENERAUX, ARTICLES,
MEMOIRES ET THESES.
A
- ABEL, Armand, Les musulmans noirs du Maniema, publications du Centre pour l’tude
des probl.mes du monde musulman Contemporain, Bruxelles, 1959.
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- ZAHAN, D. Religion, spiritualit€ et pens€e africaines, Paris, Payot, 1970.
- ZAIRE : HISTOIRE-DOSSIER de presse, Kinshasa, 1979.
255
IV. COLLOQUES ET SEMINAIRES
(Ordre chronologique)
- RELIGIONS AFRICAINES ET CHRISTIANISME, Actes du premier Colloque
International de Kinshasa, du 9 au 14 janvier 1978, Editions Saint Paul, Kinshasa 1978.
- MEDIATIONS AFRICAINES DU SACRE, Actes du troisi€me Colloque International de
Kinshasa, du 16 au 22 fvrier 1986, Facults Catholiques de Kinshasa, 1986.
- L’AFRIQUE ET SES FORMES DE VIE SPIRITUELLE, Actes du deuxi€me colloque
International de Kinshasa, 21-27/02/1983, Facults Catholiques de Kinshasa, 1990.
- SECTES, CULTURES ET SOCIETES. LES ENJEUX SPIRITUELS DU TEMPS
PRESENT, Actes du quatri€me Colloque International du CERA, en collaboration avec la
Fdration Internationale des Universits Catholiques, Kinshasa 14-21 novembre 1992,
Facults Catholiques de Kinshasa, 1994. (voir la liste des textes en annexe 1)
- 500 ANS D’EVANGELISATION ET DE RENCONTRES DES CULTURE EN PAYS
KONGO, Actes du Congr€s de Kisantu, 21-28 juillet 1991, dition du Centre Pastorale de
Kisantu, 1996.
- RELIGIONS TRADITIONNELLES AFRICAINES ET PROJET DE SOCIETE, Actes
du Cinqui€me Colloque International du CERA, Kinshasa, du 24-30 novembre 1996, Facult
Catholique de Kinshasa, 1997.
- LES MOUVEMENTS RELIGIEUX : EVANGELISATION ET DEVELOPPEMENT,
par Ntedika Konde Joseph, Djongongele Otshudi Damase, Modio Zambwa Stanislas,
Biblioth€que du Centre d’Etudes des Religions Africaines 15, Facults Catholiques de
Kinshasa, 1997.
- L’ECONOMIE DES EGLISES DE REVEIL ET LE DEVELOPPEMENT DURABLE
EN R.D. CONGO, Actes du XVII.me sminaire scientifique de la facult d’conomie et
dveloppement, du 8-11 mai 2002, Afrique et dveloppement 15, Konrad-Adenauer-Stiftung,
Facults Catholiques de Kinshasa, 2003. (Voir la liste des textes en annexes 2)
- RELGIONS AFRICAINES ET MONDIALISATION / ENJEUX IDENTITAIRES ET
TRANSCULTURALITE, Actes du VIIe Colloque International du CERA, Facults
Catholiques de Kinshasa, 2004.
256
V. DOSSIERS GENERAUX :
Revues, bulletins, dictionnaires.
- AXES, Recherches pour un dialogue entre christianisme et religions, Paris, 1948.
- BULLETIN, L’islam et les relations islamo-chrtiennes en Afrique, Selly Oak Coll.ge,
Birmingham, 1983-1995.
- BELLINGER, Gerhard J., Encyclop€die des Religions, La Pochoth€que, Edition 2, "La
Tipografica Varese S.p.A.", Varese (Italie), 2001.
- CONCILIUM, revue Internationale de Thologie, Paris, depuis 1966 : Numros
- 126/1981 : Les chances d’un dialogue en Afrique noire entre le Christianisme et
l’Islam.
- 203/1986 : Le christianisme parmi les religions du monde.
- 28/1990 : L'€thique des grandes religions et les droits de l'homme.
- 239/1992 : Vers le synode Africain.
- 241/1993 : Le fondamentalisme dans les religions du monde.
- 258 /1995 : les nombreux visages de Dieu.
- CROIRE AUJOURD’HUI, Revue publie par les jsuites (anciennement : Cahiers pour
croire aujourd’hui), Paris, depuis 1994.
- 2000 ANS DE CHRISTIANISME, X tomes, Socit d’histoire chrtienne, AUFADI-Paris
1976 et S.H.C. International, Barcelona, San Vicente dels Horts, 1975.
- DICTIONNAIRE DE LA BIBLE ET DES RELIGIONS DU LIVRE : Juda.sme,
Christianisme, Islam, Turnhout, Brepols, 1985.
- DORE, Joseph, ( sous la direction de ), "Le christianisme vis--vis des religions",
l'Acadmie internationale des sciences religieuses, ARTEL, 1997.
- DUBUISSON, Daniel, (Textes runis par), Dictionnaire des grands th.mes de l’Histoire
des religions. De Pythagore . L.vi-Strauss, Editions complexe, Bruxelles, 2004.
- ESPRIT ET VIE, Bimensuel catholique de formation permanente (anciennement : L’ami du
Clerg), Langres, depuis 1969.
- ETUDES, Revue fonde en 1856 par les P€res de la Compagnie de Jsus, Paris, depuis
1949.
- FREDERIC, Louis, Dictionnaire de la civilisation indienne, Robert Laffont, 1987.
257
- GERHARD, J. Bellinger, Encyclop€die des religions, pr€face de Pierre Chaunu, La
Pochoth€que, "La Tipografica Varese S.P.A.", Varese, 1986 ; Librairie Gnrale Fran.aise,
2000, pour la traduction en langue fran.aise et la prface.
- HUBY, Joseph, Christus. Manuel d’histoire des religions, ditions G. Beauchesne et ses
fils, Paris, 1934.
- ISLAMO-CHRISTIANA, Pontifico Instituto di Studi Arabi e d’Islamistica, Rome, 1970-
1985.
- LA DOCUMENTATION CATHOLIQUE, Paris depuis 1919.
- LE MONDE DES RELIGIONS, revue bimensuelle, dite par Malesherbes Publications.
- LENOIR Frederic ET YSE T. MASQUELIER, (sous la direction de). Encyclop€die des
religions, 2 Tomes, Deuxi€me dition, Bayard ditions, 1997.
- "L'ESPRIT D'ASSISE", CHEMIN DE DIALOGUE, n.7, avril 1996, Marseille.
- LETTRE DU SECRETARIAT POUR LES RELATIONS AVEC L’ISLAM, 1987 . 1988
et 1995 . 2001.
- POUPARD Paul (directeur de la publication), Dictionnaire des religions, PUF, Paris,
1984
- PUECH, Henri-Charles, ( sous la direction de ), Histoire des religions ( 3 volumes),
Encyclopdie de la Pliade, Ed. Gallimard, 1970-76.
- SELECTION DU READER'S DIGEST, Afrique, continent m€connu, prface de
Lopold Sdar SENGHOR, Paris, Bruxelles, Montral, Zurich, 1979.
- VERNETTE, Jean, MONCELON claire, Dictionnaire des sectes, Paris, PUF, 2001
258
A N N E X E S
259
ANNEXE 1 : Liste des textes des actes du IVme
Colloque International du CERA : . Sectes, Cultures et
Soci€t€s. Les enjeux spirituels du temps pr€sent .
A
- ANGEL Hans.Gerd, Le r.le de notre attitude . l’.gard des sectes, p.241-243
- ANYENYOLA Welo, Des communaut€s proph€tiques africaines en milieux urbains
za.rois, 269-301 ;
- ATAL Sa Angang Dosith€e, L’utilisation de la Bible par et dans les sectes religieuses de
Kinshasa, p.431-451.
B
- BADIKA Wane, Le mal et le d.s.quilibre de l’homme : aux sources de nouvelles
spiritualit.s, p.557-575.
- BITANGILAYI Wa Mpoyi Mutombo, Le contexte culturel de l’€mergence des sectes au
Kasa., p.389-401.
- BIZEUL, Yves, Les sectes et les nouveaux mouvements religieux dans les soci€t€s
industrialis€es, p.113-127.
- BUETUBELA Balembo, Maladie et gu€rison : sp€cificit€ du miracle €vang€lique selon
Mc 8, 22-26, p.421-430.
D
- DJOMO Lola, Le d€sir, ses manifestations et son accomplissement dans le v€cu des
membres d’une secte, p.483-489.
- DJONGONGELE Otshudi Damase, Le culte de la personne du chef spirituel dans les
sectes, p.175-192
260
G
- GONCALVES, Teresa, [charge de la problmatique des sectes pour le Saint
Si€ge/Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux. Rome], Sectes et nouveaux
mouvements religieux. La r€flexion pastorale de l’Eglise. p. 101-112.
H
- HAES Ren€ de, Sectes et gu€rison, p.405-417
- HEBGA Meinrad, Le minist.re de la Gu€rison : Monopole des sectes et €glises
ind€pendantes (rsum), p.419
I
- ISAYA Makungu ma Ngozi, Secte et Identification socio-culturelle : cas de la secte
Lumbala au Manieme, p.375-388
K
- KAMPETENGA Lusengu, A quoi tiennent les sectes religieuses ? Probl€matique de leur
vitalit€ et actualit€, p.43-59
- KIBANGA Muhilh, L’engagement socio-.conomique des sectes, p.331-354
- KITIKILA Dimonika, L’apport des sectes dans la conception de la th.ologie chr.tienne
(rsum) p.155-156
- KUETE Nyimi Cl€ment, Sectes et traditions : Proph€tisme ou Folie?, p.165-173
L
- LUDIONGO Ndombasi, Rapports sectes et pouvoirs politiques : Aspects juridiques des
sectes, p. 355-374
M
- MALEMBA-Mukengeshayi N’Sakila, Sectes et religions chr€tiennes face la survie
collective au Za.re, p.321-330.
- MATUKANGA Mbalu, Eglises ind€pendates et cr€ativit€, p.545-555
- MBONYINKEBE Sebahire, Les sectes et leurs racines psycho-culturelles, p.475-482
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- MUDIJI Malamba, Th€odore, Emotion esth€tique et qu.te de salut dans les sectes
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- MUNDAYA Baheta, Des religions traditionnelles aux sectes : Une mutation, p.157-164
- MUSAKA Kabob, R€flexion sur la prolif€ration des sectes religieuses a Lubumbashi,
p.303-320
- MUSUA Mimbari Matthieu, Les sectes religieuses et le d€veloppement en Afrique post-
coloniale, p. 345-354.
- MUZUNGU Bernardin, Efficace magique de l’action symbolique, p. 463-473.
- MWENE BATENDE, Les sectes, un signe des temps ? Essai d’une lecture sociologique
des . religions nouvelles . issues du christianisme, p.25.
- N
- NANGE Kudita wa Sesemba, Les survivances religieuses africaines dans les candombles
br€siliens : les cas du candombles de Bahia, p. 197-219.
- NDEKE Ngunga, L’alt.rit. des sectes : un d.fi, p. 61-74.
- NGIMBI Nseka, Le messianisme kongo comme mouvement de r€sistance aux m€thodes
d’€vang€lisation missionnaire, p. 147-153.
- NGWEYI Ngond’a Ndenge, Crispin, Sectes comme d€rive existentielle (rsum), p.75.
- NTEDIKA Konde, La christologie et la pneumatologie de la secte de l’alliance finale,
p.129-145.
- NYEME Tese et MALU Nyimi, Le p€ch€ dans les Eglises africaines. Fraction de la
fraternit€ humaine, p.483-489.
- P
- PFUNGA PFUNGA, Sectes et l€gitimation charismatique, p. 193.
- T
- TSHUNGU Bamessa, Sectes lucif€riennes et Afrique contemporaine : Le prochain d€fi,
p.77-97.
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S
- SAINT MOULIN, L€on de et MODIO Zambwa, La signification sociale des sectes au
Za.re, p. 247-267.
- W
- WASWANDI Kakule Ngoliko, L’.thique des nouveaux groupes religieux . comme
valorisation religieuse de la qu.te sociale . Kinshasa, p. 505-544.
- WOODHALL Ralph, [Interact Research Center, Selly Oak Colleges, BIRMINGHAM B
29 6LQ, England], Movements from primal culture: rivals of friends? p. 221-240.
263
Annexe 2 : Liste des textes de base du XVIIme
Sminaire Scientifique de la facult d’Economie et de
Dveloppement des Facults Catholique de Kinshasa.
THEME I : EGLISE DE REVEIL : Concept, facteurs d’€mergence, €volutions actuelles.
- BOLIYA Ngoy, Eglises de r€veil : fondement Th€ologique de doctrines, pp. 43-56.
- MWENZE, Dominique, Eglises de r€veil : gen.se et modes op€ratoires, pp. 23-42
- NKOKESHA Mukolo, Eglises de r€veil et la l€gislation congolaise, pp. 57-64
Sous-Th.me : Facteurs d’€mergence des Eglise de r€veil
- MULUMBA MUNUNGA, Albert, Les Eglises de r€veil et la vie quotidienne
Kinshasa : vision anthropo-sociologique, pp. 119-138.
- MUKENGE NGINDU, Jean-Louis, Facteurs d’.mergence des Eglise de r.veil du
point de vue .conomique, pp. 65-104
- OPANGA EKANGA, Venance, Les facteurs d’.mergence des Eglises de r.veil
(analyse socio-politique), pp. 105-118.
Sous-Th.me : Evolution des Eglises de r€veil
- LUKOKI Luyey, Cohabitation entre les Eglises de r€veil et les Eglises
traditionnelles en R.D. Congo, pp. 149-160.
- KITIKILA, Les tendances doctrinales fondamentales des Eglises de r€veil, pp. 161-
188
- MUKENDI wa Meta, Les Eglises de r€veil, quelle transformation dans le contexte de
la mondialisation, pp. 139-148
THEME : LES EGLISES DE REVEIL, LE SOCIO-POLITIQUE, L’ECONOMIE ET LA
MONDIALISATION ;
- KATHIAME MULUMBA, F€licien, Les Eglises de r€veil et la soci€t€ congolaise :
r€alit€s actuelles et perspectives d’int€gration durable, pp. 189-196
- MBWEMBWE KALALA, Jean-Pierre, Les Eglises de r.veil et l’engagement socio-
politique en R.D. Congo.
264
Sous-th.me : Eglises de r€veil et l’Economie
- MBAYA MUDIMBA, R€my, L’engagement des Eglises de r.veil dans les activit.s
socio-Economiques (Etude de cas).
- WOLA-MBALE IMBOPO, J.R., Les Eglises de r.veil et l’accumulation du Capital.
Sous-th.me : Les Eglises de r€veil et le socio-politique
- BOKUMBA LIFEKE, F€lix, Perspectives d’int.gration des Eglises de r.veil dans le
processus de d.veloppement durable en R.D. Congo.
- KIALUTA, D€nis, L’engagement socio-politique des Eglises de r.veil (de la C.N.S.
au dialogue inter-congolais).
- MABIALA MANTUBA, Les Eglises de r€veil et le pouvoir politique en R.D. Congo.
265
Annexe 3 : BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE DES
NOUVEAUX MOUVEMENTS RELIGIEUX AU CONGO
A PARTIR DE 1959344
ORDRE CHRONOLOGIQUE
I. G€n€ralit€s sur les nouveaux mouvements religieux.
DE 1960 A 1970
- GUARIGILIA, Guglielimo, Prophetismus und Heilserwartungs-Bewegungen als
V.lkerkunliches und religionsgechichiliches Problem. (Band XIII der Wiener Beitrge ZuR
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Missionnaire, XVI, 1960, p. 234-235.
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les sectes non-chrtiennes).
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Cahiers des Religions Africaines, (Kinshasa, 1984) n. 35-36, p. 275-294.
- MWENE BATENDE, . Le christianisme . l’preuve du temps : L’Eglise catholique .
l’heure des sectes au Za.re ., dans Fran.ois Houtard et alii, Ruptures sociales et religion,
L’Harmattan, 1992, p. 141-154.
- NDAYWEL Nziem, Isidor, La transmission politique au Za.re et son proph.te
Dominique Sakombi Inongo, Kinshasa, les Editions de la Voie de Dieu, 1995
- 1997
- MABIALA MANTUBA-NGOMA, . Religion et culture politique au Za.re ., Religion et
paix sociale. Sous la direction de Ngoma Binda, Kinshasa, IFEP et Fdration interreligieuse
pour la Paix Mondiale, 1997
- 1999
- NGOY BOLIYA, . Contribution de l’Eglise au maintien de l’ordre public ., Justice et
Ordre public. Droit et devoirs des gouvernants et des gouvern.s. Sous la direction de Lukieni
lu Nyimi et Masiala Muanda, Kinshasa, IFEP, 1999.
276
Annexe 4 : Mouvements Syncr.tiques au Congo belge.
Inventaire des Archives Nationales du Za.re
(1921 – 1959)345
Voir Correspondances et Rapports A.I.M.O.
I. Le Kitawala
II. Le Ngunzisme
III. Le Kimbanguisme
IV. La Secte "Apostolic Church"
V. La Secte "Apostolic Faith Church"
VI. La Secte Punga ou Mikuli-Punga ou Mikuli ou Punga Mikuli
VII. Les Sectes secr€tes (Protestantes)
VIII. La Secte Bena Singar
IX. La Secte Bena Apostolo
X. La Secte Bena Nzambi
XI. La Secte Nzambi wa Malemba
XII. La Secte Bena Nzambi wa Malemba
XIII. La Secte Efuka
XIV. La Secte Edumvu
XV. La Secte Dite "Kapelet"
XVI. La Secte Basakata
XVII. La Secte Nzambi wa Jonas
XVIII. La Secte Bwanga Bwa Nkuba
XIX. La Secte Muyaka
XX. La Secte Lukoshi
XXI. La Secte Ekomleyu
XXII. Michelisme (Mouvement des Archi-Michaelistes ou Michaelisme)
XXIII. La Secte Mfuanda
345 Voir pour plus des dtails, MODIO Zambwa Stanislas, dans Les nouveaux mouvements religieux :
Evang€lisation et D€veloppement, op. cit. pp. 79- 157
277
XXIV. La Secte Kisheta (Kishatu, Kishiatu, Kishieta)
XXV. La Secte Vanda
XXVI. La Secte Wajusti
XXVII. La Secte Wazungu
XXVIII. L’Eglise Noire
XXIX. La Secte Bambudi
XXX. La Secte Mashende
XXXI. La Secte Tshpwambula
XXXII. La Secte "Ma Soeur"
XXXIII. Mouvement Wazungu Watutsi
XXXIV. La Secte Kasete
XXXV. La Secte Kundima na Kulinga
XXXVI. La Secte Lidjo
XXXVII. La Secte Lilwa
XXXVIII. La Secte Shakunda (Tshakunda)
XXXIX. La Secte Mulonda Mission (Mulonda Mission, Mulanda Mission
XL. La Secte Bwami
XLI. L’association Mbata Mobali
XLII. La Secte Nyabingi
XLIII. La Secte Framacion (Farmacon)
XLIV. La Secte Toni-Toni
XLV. La Secte Ukanga
XLVI. La Secte Tambwe
XLVII. Islam
278
Annexe 5 : Le Congo, ex-Za.re dans l’Afrique
279
Annexe 6 : La R.D. Congo compar.e . l'Europe.
280
Annexe 7 : Partition de la R.D. Congo depuis 1998
SOURCE : LA CROIX
281
Annexe 8 : Les donn.es cl.s du Congo (RDC)
282
Annexe 9 : Carte linguistique de la R.D.C.
283
Annexe 10 : Sens de p€n€tration des religions
cht€tienne (ouest) et musulmane (est) en R.D. Congo
284
Annexe 11 : Carte de l’Eglise catholique en R.D.C.
Arch. de KINSHASA Arch. de MBANDAKA Arch. de KISANGANI Arch. de LUBUMBASHI Arch. de KANANGA Arch. de BUKAVU
Kinshasa 1 Mbandaka-
Bikoro 10 Kisangani 17 Lubumbashi 26 Kananga 34 Bukavu 42
Boma 2 Lisala 11 Bondo 18 Kolwezi 27 Kole 35 Butembo-
Beni 43
Kikwit 3 Bokungu-Ikela 12 Mahagi-
Nioka 19 Manono 28 Tshumbe 36 Kasongo 44
Popokabaka 4 Basankusu 13 Isiro 20 Kalemie-
Kirungu 29 Luebo 37 Kindu 45
Matadi 5 Budjala 14 Wamba 21 Sakania-
Kipushi 30 Mbuji-
Mayi 38 Uvira 46
Inongo 6 Lolo 15 Bunia 22 Kilwa-
Kasenga 31 Luiza 39 Goma 47
Kenge 7 Molegbe 16 Isangi 23 Kamina 32 Mweka 40
Idiofa 8 Dungu-
Doruma 24 Kongolo 33 Kabinda 41
Kisantu 9 Buta 25
285
Annexe 12 : Carte de l’Eglise protestante en R.D.C.
1 Bandundu 4 Haut-Congo 7 Kasa. Oriental
2 Bas-Congo 5 Katanga 8 Kinshasa
3 Equateur 6 Kasa. Occidental 9 Kivu
286
Annexe13 : Cartes des lieux importants
du kimbanguisme en R.D.C.
(Source : Susan Asch, p.136-137)
287
Annexe 14 : Extrait des signatures de chefs
de confessions religieuses. 1997 et 2002.
288
Annexe 15 : B.n.diction d’un parent
. l’ordination presbyt.rale de son fils
289
Bndiction d’un p.re . l’ordination presbytrale de son fils :
. Tata awal NKUMBI.
Mi kupil mukristu
Wene mwan ami, w.pil mupele.
Tshwa ! .
Traduction :
. Mon p.re €tait pr.tre de la religion traditionnelle.
Moi, je me suis converti au christianisme.
Toi, mon fils, pr.tre du christianisme, tu l'es.
F€licitations ! .
L€gende de son accoutrement :
. Je pense et je marche dans la religion de mes p.res (chapeau et pagne traditionnels)
Cependant, mon coeur est tourn vers le christianisme (tricot en laine). .
290
Annexe 16 : Attitudes des orants dans
les Eglises de r.veil
(source: Actualit. des Religions n.41 –sept.2002)
291
Annexe 17 : Les religions traditionnelles bantoues :
hi.rarchie triangulaire des forces.
292
Annexe 18 : Echantillon du questionnaire d'enqu.te
sur le terrain. Inspir. de la revue "Questions
actuelles, sept.-oct.1999, n.9, p.51
- Votre nom : (facultatif)
- Tranche d'ge : 15 - 20 ans
21 – 30 ans
31 – 40 ans
41 – 50 ans
51 – 60 ans
61 – 70 ans
- Votre confession religieuse
- Avez-vous une responsabilit dans votre Eglise, votre Communaut ou dans
votre Religion ?
A.Est-ce que vous comprenez pourquoi l'Eglise catholique insiste tellement
sur l'importance du dialogue avec les autres religions ?
1. L'attitude de l'Eglise envers d'autres religions [vous] semble-t-elle accueillante et
respectueuse ?
2. Est-ce que vous connaissez des chrtiens qui ne peuvent pas accepter la position de
l'Eglise sur le dialogue interreligieux dans notre pays ? Si oui, quelles sont les raisons
de leur refus ?
3. Est-ce que vous .tes convaincu(e) vous-m.me de la valeur de l'enseignement de l'Eglise
sur ce sujet ?
293
B. Est-ce que vous vous sentez interpell€ (e) quand l'Eglise invite tous les
chr€tiens s'engager dans le dialogues interreligieux ?
1. Dans votre entourage (famille, amis, coll€gues…), parle-t-on des religions non-
chrtiennes ? Si oui, qu'en dit-on ?
2. Avez-vous des amis ( ou membres de votre famille) qui appartiennent . une religion
non-chrtienne ? Si oui, est-ce que vous parlez avec eux de leur foi, de la v.tre ?
3. Vous arrive-t-il de prier avec les croyants d'autres traditions ? Si oui, dans quelles
circonstances ? Sous quelle forme ?
4. Vous arrive-t-il de collaborer . des mouvements en faveur de la paix, de la justice etc.,
avec d'autres croyants ? Si oui, de quels mouvements s'agit-il ?
5. Croyez-vous que le dialogue oecumnique et interreligieux dans notre pays peut avoir
des effets positifs en faveur de la paix, la justice et le dveloppement ? Justifiez votre
rponse si c'est possible.
C.Pour vous, qu'est-ce que le dialogue ? Qu'est-ce que le dialogue
interreligieux ? Qu'est-ce que l'oecum€nisme ?
1. Le dialogue oecumnique et le dialogue interreligieux ont-ils le m.me objectif ? sinon,
quelle en est la diffrence ?
2. A votre avis, entrer en dialogue avec les croyants des autres religions implique-t-il de
faire des compromis en ce qui concerne votre propre foi ? Vous offre-t-il une occasion
pour approfondir cette foi ?
3. Quelles concessions l'Eglise pourrait-elle .tre pr.te . faire ?
4. Est-ce que vous avez des tmoignages des personnes engages dans le dialogue entre
les religions ? Qu'en disent-ils ?
5. Quelles sont les religions et/ ou Eglises dont vous cotoyez quotidiennement le croyants ?
* Chr€tienne : Catholique OUI NON QLQFOIS JAMAIS
Protestante OUI NON QLQFOIS JAMAIS
Kimbanguiste OUI NON QLQFOIS JAMAIS
* Islam (muslmans) OUI NON QLQFOIS JAMAIS
* Religions traditionnelles OUI NON QLQFOIS JAMAIS
* Autres : (pr€cisez vous-m.me)
294
D. Etes-vous s.r(e) de vous m.me quand vous parlez des autres religions ? De
la v.tre ? De la rencontre entre les religions ?
1. Est-ce que vous vous sentez suffisamment form(e) pour vous lancer dans le dialogue ?
[ dialogue de la vie, dialogue des oeuvres, dialogue des change thologiques, dialogue
de l'exprience religieuse]
2. Avez-vous le temps pour vous informez au niveau de la paroisse, du dioc€se et autres
… sminaires ?
3. Votre connaissance de votre propre foi vous permet-elle de vous lancez dans l'tude de
ce que croient les autres ?
295
Annexe 19 : Interview de "Actualit. des religions
n.41, sept. 2002" accord.e . Tinyiko Maluleke.
Les religions afro-chr€tiennes tiennent une place grandissante au sein du christianisme en Afrique.
Quelle en est l'ampleur?
Plusieurs Eglises se crent chaque semaine. Les Eglises africaines indpendantes sont peut-.tre 30 000
aujourd'hui sur tout le continent, avec 150 . 200 millions de fid€les. Environ 50% des chrtiens
africains appartiennent . ces Eglises et cette proportion augmente. En m.me temps que ces Eglises
attirent un nombre croissant d'adeptes, les Eglises historiques voient le nombre de leurs fid€les
s'amenuiser. Les Eglises africaines indpendantes sont en train de fa.onner le nouveau visage de
l'Afrique.
Comment expliquer un tel succ.s?
Elles savent rpondre aux attentes de la population. Ces Eglises crent une communaut alternative en
zone rurale, o. les structures traditionnelles se dsagr€gent, o. femmes et enfants se retrouvent souvent
seuls, alors que l'homme est parti chercher un emploi en ville. En m.me temps, elles aident . faire face .
l'isolement et . la froideur des zones urbaines. Et ce, sans diaboliser la culture africaine. Elles offrent
plut.t un espace de dialogue entre la culture traditionnelle et le christianisme, et permettent d'affronter
les effets dvastateurs de la modernit. La modernit, par exemple, spare la vie en plusieurs entits : le
corps, l'me, le travail… Les Eglises africaines indpendantes rconcilient toutes ces entits en un seul
lment. Particuli€rement . travers la promesse de gurison, spirituelle en m.me temps que corporelle.
Le jour o. l'Afrique deviendra prosp.re, ces Eglises seront-elles vou€es un reflux?
Je ne pense pas qu'elles puissent devenir obsol€tes. Elles sauront s'adapter aux nouvelles attentes de
leurs membres. D'ailleurs, les Eglises africaines indpendantes des annes 1960 et celles des annes
1990 sont tr€s diffrentes. Auparavant, elles se concentraient plus sur les questions culturelles.
Aujourd'hui, elles paraissent davantage proccupes par les probl€mes socio-conomiques. Ainsi, leurs
membres, souvent dmunis, coniomisent ensemble pour pouvoir s'entraider.
Ces Eglises repr€sentent-elles une menace pour les Eglises historiques ?
Pas ncessairement, c'est plus complexe. Les Eglises historiques ont tendance . ressembler de plus en
plus aux Eglises indpendantes et , du moins en Afrique, prennent en compte des lments de culture
africaine. Quant aux Eglises indpendantes africaines, plus elles durent dans le temps et plus elles
ressentent la ncessit de se doter de structures qui sont susceptibles de ressembler . celles des Eglises
historiques. Pour autant, cela ne veut pas dire que ces deux familles chrtiennes ne conservent pas leurs
spcificits.
Propos recueillis par Christelle Carroy.
296
Annexe 20 : Plan d'action nationale pour la promotion
et la protection des droits de l'homme en RDC.
Les liberts de religion et de culte
A. Constat
De toutes les liberts publiques, les liberts de religion et de culte sont parmi celles qui
s'exercent le plus sans entrave, avec cependant les risques de manipulation des consciences et
de destructuration des personnalits, ainsi que de toutes formes d'exploitations (financi€re,
sexuelle ou autres) des adeptes.
B. Axes prioritaires
- Contr.ler les conditions de cration et de fonctionnement des ASBL . caract€re religieux
confessionnel ou spirituel;
- Inventorier les ASBL . but religieux, confessionnel ou spirituel dont la cration n'a pas t
autorise et prendre les mesures appropries . leur endroit;
- Contr.ler les conditions d'implantation en RDC des ASBL . but religieux, confessionnel ou
de recherche spirituelle d'origine trang€re.
C. Orientations stratgiques
- Adaptation de la lgislation congolaise en mati€re de cration et de fonctionnement des
ASBL . but religieux, confessionnel ou spirituel;
- Cration d'un Inspectorat Gnral des Eglises, confessions et communauts religieuses;
- Poursuite et sanction des pratiques contraires . la loi, . la morale et bonnes mours.
Section 2 :
La sauvegarde de la vie prive
A. Constat
Des dispositions de la Charte internationale des droits de l'homme ainsi que de la lgislation
nationale garantissent les individus contre des immixtions arbitraires ou illgales dans leur vie
prive, familiale, le domicile ou la correspondance, les atteintes . l'honneur et . la rputation.
C'est ainsi que les heures pendant lesquelles peuvent .tre excuts les mandats de justice
donnant lieu . l'acc€s aux domiciles privs et bureaux des particuliers sont dtermines par le
code de procdure pnale. Cet acc€s est subordonn . des titres lgaux mis rguli€rement par
des autorits judiciaires comptentes.
297
On constate cependant que, en dpit de ces dispositions, des visites domiciliaires et autres
perquisitions sont opres en violation de la loi, notamment par les services spciaux, ainsi que
ceux de l'arme et de la police. Par ailleurs, des arrestations non fondes sur des motifs tablis
ont port atteinte . la rputation des individus. Il arrive galement que dans la presse, des faits
non vrifis et susceptibles de porter atteinte . l'honorabilit des individus soient publis.
B. Axes prioritaires
- Raffirmer le caract€re sacr et inviolable de la vie prive et notamment du domicile ;
- Promouvoir l'thique et la responsabilit professionnelle de la presse en vue de mieux
protger l'homme et la rputation des individus
. Les liberts de religion et de culte
A. Constat
De toutes les liberts publiques, les liberts de religion et de culte sont parmi celles qui
s'exercent le plus sans entrave, avec cependant les risques de manipulation des consciences et
de destructuration des personnalits, ainsi que de toutes formes d'exploitations (financi€re,
sexuelle ou autres) des adeptes.
B. Axes prioritaires
- Contr.ler les conditions de cration et de fonctionnement des ASBL . caract€re religieux
confessionnel ou spirituel;
- Inventorier les ASBL . but religieux, confessionnel ou spirituel dont la cration n'a pas t
autorise et prendre les mesures appropries . leur endroit;
- Contr.ler les conditions d'implantation en RDC des ASBL . but religieux, confessionnel ou
de recherche spirituelle d'origine trang€re.
C. Orientations stratgiques
- Adaptation de la lgislation congolaise en mati€re de cration et de fonctionnement des
ASBL . but religieux, confessionnel ou spirituel;
- Cration d'un Inspectorat Gnral des Eglises, confessions et communauts religieuses;
- Poursuite et sanction des pratiques contraires . la loi, . la morale et bonnes mours.
298
Annexe 21 : Charte congolaise des droits de
l'homme et du peuple.
Avant-Propos
En cette aube d'un si€cle nouveaux le XXI€me, comme pour poser les jalons d'un nouvel Etat
ancr dans les enjeux, contraintes, dfis et proccupations d'une €re nouvelle, celle du III€me
millnaire, les participants . la Confrence Nationale sur le Droits de l'Homme ont tenu . doter
la Rpublique Dmocratique du Congo d'un instrument destine . la hisser . hauteur de
grandes dmocraties et Etats de droit de notre village plantaire, ballott au rythme de la
mondialisation.[…]
Article 31:
Toute personne a, droit . la libert de pense, de conscience, et de religion. Il ne peut .tre
tabli 'de religion d'Etat en Rpublique Dmocratique du Congo. Toute personne a le droit de
manifester ses convictions religieusesou autres, seule ou encommun, tant en public -qu'en
priv, parle culte, l'enseignement, l'accomplissement des rites ou autres pratiques,sous rserve
du respect de la loi, de l'ordre public et de bonnes moeurs.
Article 32:
Toute personne a droit . l'information et . la libert d'expression. Ce droit implique la libert
de chercher des informations, d'exprimer ses opinions. et es sentiments, notamment par la
parole,l'crit, le son et l'image sous rserve du respect de la loi, des droits d'autrui, de l'ordre
public et des bonnes moeurs. Nul ne peut .tre inquit pour ses opinions politiques,
idologiques ou autres.
Article 33:
La libert de presse est garantie . tous les congolais. La loi en fixe les modalits d'exercice.La
loi ne prendra aucune disposition qui restreigne la libert de la parole ou de la presse, sauf pour
assurer la sauvegarde de l'ordre public et des bonnes moeurs ainsi que le respect de la dignit
et de l'honneur d'autrui. L'auteur d'une publication qui a t identifi et qui a une rsidence en
Rpublique Dmocratique du Congo assume personnellement la responsabilit de ses actes,
sans prjudice de l'application des dispositions de la Loi sur la Presse.
Article 34:
La libert d'information et d'mission par la radio et par la tlvision est garantie. La
radiodiffusion et la tlvision organises par les pouvoirs publics sont des services publics.
Leur statut, tabli par la loi, garantit, dans leurs missions,l'objectivit, l'impartialit et le
pluralisme des opinions dans lamesure o. elles sont compatibles avec l'ordre public et les
bonnes moeurs. En priode lectorale, l'acc€s de tous aux mdias publics et privs est rgi par
un r€glement ad hoc tabli par l'organe de rgulation prvu par la loi.
299
Article 35:
Tous les Congolais ont le droit de fonder des syndicats, des socits ou autres associations ou
de s'y affilier librement, pour promouvoir leur bien .tre et assurer la dfense de leurs intr.ts,
soit sociaux, conomiques, religieux et autres, soit politiques dans les conditions fixes par la
loi.
Article 36:
Toute personne a le droit de se runir librement avec d'autres. Ce droit s'exerce sous la seule
rserve des restrictions ncessaires dictes par les lois et r€glements, notamment dans l'intr.t
de la scurit nationale, de la scurit d'autrui, de la sant, de la morale ou des droits et liberts
des personnes
Article 37:
Toute personne a le droit d'adresser individuellement ou collectivement une ptition .
l'autorit. La loi dtermine les modalits d'exercice de ce droit
Article 38:
Tout Congolais a le droit d crer un parti politique ou de s'affilier . unparti de son choix et de
le quitter librement. Les partis et les regroupements politiques, en tant qu'expression du
pluralisme dmocratique, rassemblent des personnes de nationalit congolaise autour d'un
programme politique commun pour la conqu.te lgale et l'exercice dmocratique du pouvoir
au sein de l'.tat Congolais. Ils concourent . la formation de la conscience nationale et de la
volont politique du Peuple et . l'expression du suffrage Ils se forment et exercent leurs
activits librement, dans le respectde la Loi organisant les partis politiques et des principes de
la souverainet nationale, de la dmocratie et des droits de l’homme
Article 39:
Tout Congolais a droit . la nationalit congolaise. Nul ne peut en .tre priv
Article 40:
Aucun Congolais ne peut .tre expuls, ni dport d'une province .une autre, ni extrad du
territoire national, sauf en mati€re de crime contre l'humanit. Tous les Congolais ont le droit
de circuler librement sur tout le territoire national, de le quitter et d'y revenir: L'exercice de ce
droit ne peut .tre limit que par la loi et pour des motifs tenant . l'ordre public, . la scurit
nationale ou . la prvention des infactions pnales. Aucun Congolais ne peut .tre contraint,
pour des raisons politiques ou autres, . rsider hors de son lieu de rsidence habituelle ou .
l'exil.
Article 41:
Tout Congolais a le droit de changer de domicile, de se fixer librement en un lieu quelconque
du territoire de la Rpublique et d'y jouir de tous les droits reconnus par la prsente Charte.
Article 42:
Toute personne a droit au secret de sa correspondance, de tlcommunication ou de toute
autre forme de communication. Toute interception par quiconque des messages ou de toute
autre forme de communication destine . autrui est prohibe. Il ne peut .tre port atteinte . ce
droit que pour une dure limite,dans les cas dfinis par la loi et pour des motifs tenant .
l'ordre public ou . la scurit nationale.
300
Article 43:
Toute personne a droit au. respect et . la protection de l'intimit desa vie prive et familiale.
Aucune restriction ne peut .tre porte . l'exercice de ce droit, sauf pour assurer le respect
d'autrui et la sauvegarde de bonnes moeurs.
Article 44:
Le droit d'asile est reconnu. Une loi en fixe les conditions d'exercice. Il est interdit . toute
personne jouissant rguli€rement du droit d'asile d'entreprendre une activit subversive ou
terroriste contre son pays d'origine ou contre tout autre pays, . partir du territoire de la
Rpublique Dmocratique du Congo.
Article 45:
Le droit de proprit individuelle ou collective est garanti. L'expropriation pour cause d'in tr.t
gnral ou d'utilit publique ne peut intervenir qu'en vertu d'une loi prvoyant le versement
pralable d'une indemnit quitable. Cette mesure est susceptible de contr.le juridictionne. Nul
ne peut .tre dpossd de ses biens qu'en vertu d'un jugement rendu par une juridiction
comptente.
Article 46:
La libert de commerce et de circulation est garantie . toute personne tablie sur le territoire
de la Rpublique dans les conditions fixes par la loi. L'exercice du petit commerce est
exclusivement rserv aux Congolais.
TITRE IV: DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
Article 47:
Tout Congolais a le droit et le devoir de travailler. Les pouvoirs publics ont l'obligation de
garantir et de scuriser l'emploi des citoyens dans le respect de leur comptence et de leur
dignit. Nul ne peut .tre ls dans son travail, en raison de sa race, de sacouleur, de son sexe,
de sa langue, de sa rgion, de sa religion, de son origine sociale, tribale ou ethnique, ou en
raison de ses opinions. Tout Congolais a le devoir de contribuer, par son travail, . la
construction et . la prosprit nationales.
Article 48:
Tout travailleur a droit . une rmunration rguli€re, quitable et satisfaisante lui assurant ainsi
qu'. sa famille une existence conforme . la dignit humaine et complte par tous autres
moyens de protection sociale. Tous les travailleurs ont droit . un salaire gal pour un travail
gal. Le travail salari des enfants mineurs est prohib et puni par la loi.
Article 49:
Le droit . la gr€ve est garanti. La loi et les conventions internationales rguli€rement ratifies
ou approuves en r€glent la procdure et fixent les conditions dans lesquelles sera assur le
fonctionnement minimal des services publics ou d'intr.ts publics vitaux, qui ne peuvent
souffrir d'interruption, m.me en cas de gr€ve.
Article 50:
Les membres des forces combattantes et des forces de l'ordre nepeuvent fonder des syndicats,
ni des associations ayant une activit . caract€re politique, ni s'y affilier. Ils ne peuvent
participer . aucune gr€ve.
301
Article 51:
Toute personne a le droit de se marier avec le conjoint de son choix, de sexe oppos et de
fonder une famille. La famille, base naturelle de la communaut, sera organise de mani€re que
soient assures son unit et sa stabilit. Elle est-place sous la protection particuli€re des
pouvoirs publics. Les soins et l'ducation . donner aux enfants constituent, pour les parents, un
devoir qu'ils exercent sous la surveillance et avec l'aide des pouvoirs publics. Les enfants ont le
devoir d'assister leurs parents.
Article 52:
Tout Congolais rguli€rement mari a le droit d'hriter de son conjoint, conformment . la loi.
Article 53:
Tout Congolais a le droit de jouir du meilleur tat de sant physique, mentale et sociale. L'Etat
a l'obligation d'assurer le bien .tre sanitaire des citoyens et leur offrir des installations
appropries. La loi fixe les principes fondamentaux et les r€gles d'organisationde la sant
publique.
Article 54:
Tout Congolais a droit . une alimentation saine, suffisante et quilibre. Les pouvoirs publics
ont l'obligation de concourir . sa ralisation
Article 55:
Tout Congolais a droit . un logement dcent et . un niveau de vie conforme . la dignit
humaine. Les Pouvoirs Publics ont l'obligation de concourir a sa ralisation.
Article 56:
Tout Congolais a droit . l'ducation., Les Pouvoirs Publics ont l'obligation de mettre . la
disposition de tous les Congolais un enseignement national. Le droit . l'ducation constitue une
obligation individuelle etcollective dont la mise en oeuvre incombe . l'individu -et .
lacollectivit, vu leur caract€re vital. L'enseignement national comprend les tablissements
d'enseignement publics et privs agrs. La loi en fixe les conditions de cration et de
fonctionnement L'enseignement est obligatoire et gratuit jusqu'. la fin du, cycle secondaire. Les
parents ont, par priorit, le droit de choisir le genre d'ducation et d'enseignement . donner .
leurs enfants. Nul individu ne saurait y porter atteinte nulle communaut n'estautorise .
ngliger de les mettre en oeuvre.
Article 57:
Les tablissements d'enseignement national peuvent assurer, en collaboration avec les autorits
religieuses intresses, . leurs l€ves mineurs, . la demande des parents, une ducation
conforme . leurs convictions religieuses. Aucun l€ve ne peut faire l'objet d'une discrimination
ni d'unrenvoi d'une cole en raison de sa religion. Une loi prcise les conditions d'application de
la prsente disposition.
Article 58:
L'enseignement est libre. Il est soumis . la surveillance des pouvoirspublics, dans les conditions
fixes par la loi.
Article 59:
Le droit de manifester et de jouir de saculture est garanti. Il est soumis . la surveillance des
pouvoirs publics, dans les conditions fixes par la loi.
302
Article 60:
Le droit . la proprit intellectuelle etartistique est garanti. La recherche scientifique et
technologique, l'exercice de l'art et de toute autre activit culturelle sont libres, sous rserve du
respect de la loi, de l'ordre public et de bonne moeurs. Il ne peut .tre port atteinte aux
droitsculturels du Peuple Congolais.
CHAPITRE 1 :DES DROITS DES PERSONNES VULNERABLES
Article 61:
Tout enfant doit .tre enregistr immdiatement apr€s sa naissance, avoir un nom et une
nationalit. Tout enfant a le droit de conna.tre les noms de son p€re et de sam€re. Tout enfant
mineur a le droit de jouir de la protection de sa famille,de l. socit et de l'.tat
TITRE V: DES DROITS CATEGORIELS
La loi assure . l'enfant n hors mariage la m.me protection juridique et sociale qu'. ceux ns
dans le mariage.
Article 62:
La jeunesse congolaise a droit . la protection de sa sant, de son ducation et de son
dveloppement moral. Les Pouvoirs Publics ont l'obligation d'assurer cette protection. Les
organisations de jeunesse doivent avoir un r.le ducatif. Les Pouvoirs Publics sont tenus de
leur apporter le soutien moral, matriel et financier ncessaire.
Article 63:
Nul ne peut .tre recrut dans les Forces combattantes et dans lesForces de l'ordre, ni .tre
autoris . prendre part aux hostilits, s'iln'a accompli au moins l'ge de 18 ans.
Article 64:
Les personnes ges, celles vivant avec handicap et les invalides ont le droit . des mesures
spcifiques de protection en rapport avec leurs besoins physiques, sociaux et moraux. Les
droits politiques leur sont reconnus pour autant qu'ils peuvent les exercer.
CHAPITRE II: DES DROITS DES MINORITES
Article 65:
Les droits des personnes appartenant aux minorits sont reconnus etprotgs par la loi. Ils
comprennent le droit d'avoir une culture propre, de pratiquer une religion propre et d'utiliser
une langue propre.
Article 66:
Tout Congolais a le devoir de participer . un environnement sain et. propice . son
dveloppement et . son panouissement. Il a le devoir de participer au dveloppement de la
sant publique.
TITRE VI: DES DEVOIRS
Article 67:
Tout Congolais a le devoir de respecter et deconsidrer ses concitoyens sans discrimination
aucune et entretenir avec eux des relations quipermettent de promouvoir, de sauvegarder et
derenforcer le respect et la tolrance rciproques. Il a, en outre, le devoir de prserver et de
renforcer la solidaritsociale et nationale, singuli€rement lorsque celle- ci est menace.
303
Article 68:
Tout Congolais a le devoir de jouir et de prserver le patrimoine commun de I'humanit.
Article 69:
Les Pouvoirs Publics ont le devoir de collaborer avec les associations nationales prives qui
contribuent au dveloppement spirituel, moral, intellectuel, culturel, social et conomique de la
Nation et . l'ducation des masses. Cette collaboration peut prendre la forme d'une assistance
par des subventions octroyes dans les conditions prvues par la loi.
TITRE VII: DES MECANISMES DE PROMOTION ET DE PROTECTION
Article 70:
Afin d'assurer le respect effectif et efficace des droits et liberts reconnus dans la prsente
Charte et dans d'autres textes pertinents, il est institu une COMMISSION NATIONALE DES
DROITS DE L'HOMME ET DU PEUPLE, C.D.H.P. en sigle. La. Commission Nationale des
Droits de l'Homme et du Peuple est un organisme public autonome, indpendant et permanent.
Il est dot de Ia personnalit juridique. La Commission Nationale des Droits de l'Homme et du
Peuple comprend des chambres, un greffe ainsi que des subdivisions provinciales appeles .
Commissions Provinciales des Droits del'Homme et du Peuple.. Le si€ge de la Commission
Nationale des Droits de l’Homme et du. Peuple est tabli dans la Capitale de la Rpublique,
celui des Commissions Provinciales au chef-lieu de chaque Province.
Article 71:
La Commission Nationale des Droits de l'Homme et du Peuple est comptente pour
promouvoir et protger les droits de l'homme en Rpublique Dmocratique du Congo, dans les
limites de ses attributions. A ce titre elle re.oit des requ.tes individuelles et/ou collectives
introduites pour violation des droits et liberts ; constate la ou les violations . ces droits et
liberts, et ordonne toutes mesures de rparation, de redressement ou de satisfaction quitable
elle assure la traduction, la vulgarisation et l'ducation par tous les moyens adquats des
normes relatives aux droits de l'homme en Rpublique Dmocratique du Congo ; elle met des
avis consultatifs en direction des autorits pourassurer la conformit ds lois et pratiques
publiques ou prives auxnormes relatives aux droits et liberts. Elle est seule comptente pour
assurer l'interprtation des normes relatives aux droits de l'homme en Rpublique
Dmocratique du Congo.
Article 72:
La Commission Nationale des Droits de l'Homme et du Peuple est compose de 15 membres,
dont deux-tiers au moins des juristes,ayant une comptence et une exprience prouves en
mati€re des droits de l'homme et de procdure judiciaire. Ces membres doivent .tre de plus
haute probit morale et intellectuelle. Les membres de la Commission, appels . Commissaires
aux Droits de l'Homme et du Peuple., sont dsigns par le Parlement,apr€s avis du Conseil
National d'Ethique, pour un mandat de 7 ans renouvelable. Ils si€gent . titre individuel et ne
peuvent .tre rvoqus que par leurs pairs. Dans l'exercice de leur mandat, les Commissaires
s'abstiennent d'exercer toute autre activit incompatible avec les exigences d'indpendance,
d'impartialit, de moralit et de disponibilit requises pour l'exercice de leurs fonctions. Ils ont
droit . une rmunration adquate.
304
Article 73:
Toute personne ou groupe de personnes victime directe ou indirecte d'une violation des droits.
et liberts consacrs par les normes nationales et internationales en mati€re des droits de
l'homme peut saisir la Commission par une requ.te individuelle ou collective tendant . faire
redresser ou rparer la violation constate. Au cas o. la violation d'un droit ou d'une libert
constitue en m.me temps une infraction pnale ou une contestation de nature civile, la victime
saisit d'abord les Cours et Tribunaux; si la violation du droit ou de la libert demeure en dpit
de la dcision judiciaire devenue dfinitive, elle saisit la Commission pour le redressement de la
violation ou pour une satisfaction quitable. Cette r€gle ne s'applique pas si le recours aux
Cours et Tribunauxn'est pas effectif et adquat.
Article 74:
Toutes autres questions concernant l'organisation interne et le fonctionnement de la
Commission sont rgies par le R€glement Intrieur
Article 75:
Dans leurs missions ordinaires, les Cours et Tribunaux ont aussi le devoir de protger les droits
et liberts fondamentaux de la personne humaine Les Pouvoirs Publics ont le devoir de garantir
l'indpendance des Cours et Tribunaux en vue d'assurer une meilleure administration de la
justice et une meilleure protection des droits, des liberts et des devoirs consacrs par la
prsente Charte ou par d'autres Instruments pertinents
Article 76:
L'Etat veille . ce que le statut des O.N.G. et des activistes des droits de l'homme 'et autres
mcanismes de promotion et de dfense soit protg par une loi leur garantissant des droits et
obligations spcifiques.
Article 77:
La prsente Charte ne peut .tre rvise que par une loi vote par le Parlement . la majorit de
2/3 de ses membres.
Article 78:
La prsente Charte entre en vigueur . la date de sa promulgation.
305
Annexe 22 : Extrait du livre de Paul de Meester sur
l'implatation chiffr.e de l'islam :
10% de la population congolaise.
"L'Eglise de J€sus Christ au Congo-Kinshasa", Editions Centre interdiocsain de Lubumbashi,
1997, pp. 298-302
C. Regain de l'Islam
Un dfi beaucoup plus srieux vient du c.t de l'islam. Il y a quelques annes il n'y
avait qu'une petite mosque . Lubumbashi. Aujourd'hui elles sont trois, dont l'une en face de
l'h.pital Sendwe, dverse sept fois par jour des versets coraniques par le chant nasillard du
muezzin. Un doyen de la Facult des lettres a l'audace de prtendre publiquement, . la radio, .
la tlvision et au cours d'un dbat dans la chapelle universitaire qu'il soutient et comprend les
intgristes et terroristes musulmans qui, en Algrie, en priode de "crise", gorgent des
paisibles villageois, des moines au service de la pri€re et des religieuses au service des malades.
Au dbut l'islam tait au Congo dans une situation beaucoup moins florissante
qu'en de nombreux autres pays d'Afrique, ayant subi un net coup d'arr.t lors de la compagne
anti-esclavagiste. Actuellement l'islam figure parmi les quatre grandes confessions reconnues
officiellement au Congo. Lorsqu'en 1974 cette mesure a t publie, certains se demandaient
pourquoi cette faveur . une religion dont on ne connaissait la prsence que de quelques
adeptes, surtout des trangers ouest-africains, commer.ants en mati€res mini€res. C'tait le roi
du Maroc qui avait exig cela du Prsident Mobutu en retour des quelques soldats qu'il avait
envoys au Katanga. Depuis lors le nombre des disciples de Mohammed s'est enrichi de
congolais, de sorte qu'en 10 ans il y a, grce aux ptro-dollars, plus de quatre mosques .
Kinshasa. Le nombre des adhrants . l'islam est pass de 1.200 . 8.000 selon l'estimation de
l'Imam Kapuluta de Kinshasa (Barumbu) et actuellement(6) ils sont 3.790.000 soit 10% de la
population.
Jusqu'ici dans les dioc€ses de Kasongo et de Kindu – berceau de l'islam au Congo
– les musulmans taient au nombre de quelque 160.000. Ils ont essaim dans d'autres villes et
rgions. Leur prsence est devenue importante Kisangani, Ubundu, Kirundu (45.000) ainsi qu'.
Bunia et Aru (10.000 venus du Soudan et de l'Uganda) ; . Goma, o. nagu€re on ne voyait
presque personne en boubou islamique, on recence plus de 5.000 musulmans. L'immigration au
Maniema . partir du Rwanda et de l'Uganda fait qu'en peu d'annes 10% des habitants sont
musulmans. Bukavu en compte dj. plus de 3.000 ; Uvira et Baraka – par les rfugis de
Bujumbura et de Rumonge – voient leur nombre s'lever . 10.000 ; Kalemie n'est pas pargn.
Lubumbashi et Mbuji-Mayi en comptent plus de 700. Souvent, pour les besoins de la cause,
des responsables islamistes du Congo devancent toute prvision en donnant des chiffres
fantaisistes, comme ceux dclars . la radio au mois de mai 1990 : soit 6 millions ! Il s'agit sans
doute de trouver un argument social pour rclamer la rouverture des coles islamiques
fermes par l'inspection, . cause d'une organisation scolaire qui laissait beaucoup . dsirer.
306
Il y va encore d'une minorit sociale, mais en tout tat de cause quand on voit cette
efflorescence de mosques – et . quel rythme – et quand on conna.t la dtermination de
certains pays . redynamiser par tous les moyens par le biais de l'conomie, l'islamisation de
l'Est de l'Afrique, on ne peut pas rester indiffrent . cette prsence qui est un dfi dangereux.
En effet, l'islam a vinc le christianisme au Proche-Orient, il l'a balay en Afrique
du Nord. Seule une rsistance et survie furent possibles en Espagne, En Ethiopie et dans
l'Egypte copte, grce . la qualit de la vie familliale et une liturgie inculture. Celles-ci seront
au Congo aussi la meilleure parade contre l'invasion de l'islam et la meilleure prparation du
dialogue. […]
Longtemps l'attitude des Eglises en Afrique fut domine par le sentiment que le
Christianisme y possdait un srieux handicap, que l'islam envahira tout le continent et qu'il y a
peu de chose que les chrtiens puissent faire l. contre. Ceci a t vrai par le pass pour un
certain nombre de rgions, mais la situation qui se prsente aujourd'hui est toute autre. L. o.
l'Eglise est tablie et bien implante avec sa liturgie africaine, ses familles chrtiennes dans un
dveloppement cuturel et social vraiment libre, l'islam des marabouts, des boubous et de
muezzins perd toute sduction. L'Eglise dispose en ces jours plus que l'islam de quoi attirer les
Africains. Le mythe en particulier selon lequel l'islam serait plus africain, n'est plus tenable. (9)
(6) Implantation chiffre de l'islam en Afrique in "Teleme", 3-4/96 (n.87-88) p.41
(9) J.KENNY, L'Eglise et l'Islam in "Eglise et Histoire de l'Eglise en Afrique" p.24
307
Annexe 23 :La Controverse de Valladolid. Un film de
Jean-Daniel Verhaeghe. Sc.nario original de Jean-
Claude Carri.re, avec Jean Carnet, Jean-Pierre
Marielle, Jean-Louis Trintignant.
Circonstances historiques :
"Les missions jsuites du XVIIe et XVIIIe si€cle se trouvaient . la zone fronti€re entre les
royaumes de l'Espagne et du Portugal. Elles regroupaient plus de 100 villages indig€nes depuis
le sud du Brsil actuel, l'Uruguay, l'Argentine, le Paraguay, le Prou, la Colombie et le
Venezuela.
Au XVI€me si€cle, les populations indig€nes sont exploites par le syst€me colonial dit
d'encomiendas. Ce syst.me permet aux colons de disposer de la main d'oeuvre pour
l'exploitation de leurs domaines. En 1550 et 1551, les conf€rences de Valladilod
reconnaissent le principe d'€galit€ des droits et des devoirs de tous les hommes et leur
vocation . la libert€. La culture des Indiens commence alors . .tre reconnue. Ils peuvent
commencer . .tre instruits et catchiss. Malgr cela, certains colons continuent d'abuser des
Indiens, les rduisant . l'tat de serfs. En r€action, les ordres religieux d€veloppent une
nouvelle manire d'€vang€liser les Indiens : ma.trise et promotion des langues indig€nes,
tude et prservation des coutumes locales, mise en place d'une organisation sociale et le
progr€s conomique de communauts autochtones. Regroupant les Indiens autour de leurs
monast€res, ils les prot€gent des exc€s de l'encomienda, et les sdentarisent. D€s leur arrive
au Prou, en 1566, les jsuites s'inscrivent dans cette mani€re de faire. Ils dveloppement le
syst€me des "r€ductions". Ce mot fait rfrence . la tentative de regrouper (reducere en latin)
dans un m.me lieu une population indig€ne et de les rduire ainsi . la vie civile. Les jsuites
crent des missions pour les Indiens Mojos (ou Moxos), Chiquitos et Guaranis. En misant sur
le strict respect de toutes les dispositions protectrices des Indiens dans la lgislation espagnole,
ils s'attirent les bonnes grces des fonctionnaires espagnols. Voir
http://www.jesuites.com/histoire/baroque/index.html
308
Rsum du film : " Les Indiens du Nouveaux Monde ont-ils une me ? tel est l'objet de la
controverse qui oppose en 1550 . Valladolid, la capitale de l'Espagne, le chanoine philosophe
Sepulveda et le fameux dominicain Las Casas, ardent protecteur des Indiens. Ont-ils t
rachets par le sang du Christ ou sont-ils des esclaves-ns ? Devant un lgat du pape, un
reprsentant de Charles Quint et toute une assemble, les deux adversaires s'affrontent. Pour
confirmer ou infirmer leur dclarations le lgat a fait venir des terres nouvelles plusieurs
indig€nes : on va pouvoir observer s'ils sont ou non capables de sentiments humains. Dbat
enflamm, profond, baroque, prmonitoire. De la dcision prise va dpendre, pour des si€cles,
le sort de dizaines de millions d'hommes, mais pas forcment ceux qu'on croit." (Arte-Vido
1991. Couleur. 90mn.)
309
Annexe 24 : TEXTE DE SOUTENANCE
De source biblique, le livre des Actes des Ap.tres nous assure que depuis son
origine, l'volution du christianisme passe au travers des controverses, des polmiques et des
questions ouvertes auxquelles les plus humbles des vicaires du Christ ont rpondu par la
douceur, en laissant place . l'Esprit Saint.
A la controverse au sujet du bapt.me des pa.ens, nous entendons Pierre se justifier
en ces termes : " Or, peine avais-je commenc€ parler que l'Esprit saint tomba sur eux,
tout comme sur nous au d€but […] Si donc Dieu leur a accord€ le m.me don qu' nous, pour
avoir cru au Seigneur J€sus Christ, qui €tais-je, moi, pour faire obstacle Dieu?"Actes 11,
15-16.
A celle qui a donn lieu au premier Concile de Jrusalem, au sujet de la
circoncision des pa.ens, la conclusion des Ap.tres dit : "L'Esprit Saint et nous-m.mes avons
d€cid€ de ne pas vous imposer d'autres charges que celles-ci, qui sont indispensables : vous
abstenir des viandes immol€es aux idoles, du sang, des chairs €touff€es et des unions
ill€gitimes." Actes 15, 28-29
D'heureuse mmoire, le pape Jean-Paul II . russi . faire passer l'Eglise catholique
au 3€me millnaire marqu par le brassage culturel et religieux qu'impose la mondialisation, en
redonnant . l'Esprit Saint la place que nombre de ses prdcesseurs ont relgu aux seconds
plans, dans les questions concernant le dialogue oecumnique et interreligieux. De Redemptor
hominis . Redemptoris missio, Jean-Paul II a retrouv les traces des saints Ap.tres en
affirmant que " l'action de l'Esprit op.re au-del des fronti.res visibles du corps mystique,
dans la fermet€ de la croyance des membres des religions non-chr€tiennes, action qui affecte
non seulement les personnes individuelles, mais les traditions religieuses elles-m.mes" ( RM
28).
310
Cette assurance des sources biblique et apostolique nous a donn l'audace
d'aborder, . si haut niveau, des questions dlicates et particuli€res poses par la prsence active
des Eglises dites de "rveil" dans la situation religieuse de la Rpublique dmocratique du
Congo. Quatre fois plus tendue que la France, quatre-vingts fois plus que la Belgique,
l’ancienne mtropole d'o. sont venus, en majorit, les missionnaires qui nous ont apport
l'Evangile, la Rdc est parmi les pays de l'Afrique subsaharienne o. l'histoire des religions est
tr€s riche en vnements et tr€s mouvementes.
En effet, depuis les premiers contacts, d’une part, avec le sultan de Mascate et
Oman sur la c.te orientale d'Afrique au XIV€me si.cle, et d’autre part, avec les missionnaires
portugais sur la c.te occidentale au XV€me si€cle, les religions en Rdc. n’ont cess de subir des
mutations qui posent toujours des questions aux historiens, aux sociologues, aux
anthropologues et aux thologiens..
A l'instar de la cl€bre controverse de Valladolid en Espagne au XVI €me si€cle o.
la question centrale tait de savoir si les Indiens avaient une me, l'vanglisation en Rdc est
passe de la question du salut des mes au XVIII€me s. jusqu'. la problmatique de
l'inculturation dclenche en 1960 par un dbat rest historique entre les tudiants de la facult
de thologie de l'Universit Lovanium de Kinshasa et leurs professeurs, ma.tres de Louvain en
Belgique, autour de la possibilit d'une thologie africaine ou thologie de couleur africaine.
Entre les deux polmiques, l'volution de la pense missionnaire a t marque par les
questions de l'adaptation de la thologie, de l'implantation de l'Eglise et de la thologie des
pierres d'attente. Cette poque est bien rvolue.
Depuis plus d'une dcennie, les questions religieuses tournent autour du dialogue
oecumnique et interreligieux, non seulement entre les interlocuteurs classiques, mais aussi et
surtout avec les nouveaux mouvements religieux d’obdience pentec.tiste et afro-islamo-
chrtienne. Les titres des ouvrages et des articles parus entre 1992 et 2004 en sont les
rvlateurs. Voir les diffrents titres dans notre bibliographie.
Notre th€se aborde ces questions dlicates et particuli€res : dlicates parce que, .
notre connaissance, elles n’ont pas de prcdent dans les annales de l’Eglise catholique
romaine, particuli€res parce qu’elles sont fortement lies . l’inculturation de l’Evangile en pays
de mission dont la problmatique est rsume en une phrase : . Comment .tre chr€tien sans
trahir l’Afrique et rester africain sans nier le Christ .. Particuli€re aussi et surtout parce que
les chrtiens au Congo cultivent de plus en plus le nicod€misme qui est le fait de pratiquer
simultanment plusieurs religions (au mois deux).
311
En affirmant que cette situation du Congo, pour ne pas parler de l'Afrique noire de
fa.on gnrale, n'a pas de prcdent dans les annales de l'Eglise catholique romaine, nous
n'oublions pas ce qui se passe dans d'autres parties du monde, entre autres, . Salvador de
Bahia sur la c.te nord-est du Brsil. Du syncrtisme dynamique et novateur jusqu'au
nicodmisme, la situation religieuse dans le Candombl brsilien est . peu de chose pr€s,
semblable . celle des Eglises de rveil au Congo. Ce phnom€ne simultan en Afrique et en
Amrique a veill notre intr.t . pousser nos recherches plus loin, au-del. des limites
thologiques. Anciens esclaves imports d'Afrique, notamment des rgions du Bnin-
Dahomey, de l'Angola-Congo et du Nigria, ces brsiliens de Salvador de Bahia, pour ne parler
que d'eux, ont pendant longtemps camoufl leurs croyances sous des traits emprunts au
catholicisme afin chapper . la violente rpression de leurs ma.tres. De m.me, leurs congn€res
rests en Afrique ont, pendant des longues annes, assimil par imposition le christianisme
missionnaire au mpris des cultures religieuses locales.
Depuis quelques dcennies, la mondialisation aidant, une nouvelle forme de
religiosit se dveloppe . grande vitesse : en Amrique et aux Iles, c'est du "Vaudou", du
"Umbanda" et du "Candombl€". En Afrique, ce sont les Eglises afro-chrtiennes
indpendantes et celles dites de rveil.
Compris comme dsir de simples croyants . rester enracins dans leur propre
culture en gardant la foi au Christ et . s’ouvrir . d’autres formes de religiosit et . l’Autre,
nous pensons que les jalons pour baliser cet lan restent une affaire d’lites, historiens,
sociologues, anthropologues, thologiens et pasteurs, pour que ce qui est dj. vcu de fa.on
spontane soit, non pas lud, mais lucid intellectuellement.
Notre objectif en abordant ces questions n'a pas t de faire une tude pntrante
des Eglises de rveil. Des enqu.tes srieuses sur ce th€me ont dj. t faites et publies. Nous
avons pens qu'il est ncessaire de pousser la rflexion autour des facteurs psycho-
sociologiques et politico-conomiques susceptibles de fragiliser ou de renfoncer les bases du
rapprochement dj. tabli entre les Communauts institutionnalises et les nouveaux
mouvements de rveil plut.t "souples" et aptes au dialogue.
312
Nous avons donc cherch . rpondre . quelques questions de fond suivantes :
quels sont les dsirs profonds, dans la qu.te spirituelle de l'me africaine, les religions
institues, c'est-.-dire d'origine trang€re, n'arrivent pas . satisfaire ? Si les Eglises de rveil
arrivent . donner satisfaction . ces dsirs profonds, comment procder . leur intgration dans
les rangs des interlocuteurs du dialogue oecumnique et interreligieux dans le respect et
l'adaptation des normes qui conviennent . toutes les communauts religieuses en dialogue ?
Jusqu'o. peuvent aller les uns et les autres dans la redfinition des termes clefs qui font tr€s
souvent obstacles et sont des emb.ches sur le chemin de l'oecumnisme interreligieux ?
Faut-il continuer . prenniser les conceptions absolutistes, inclusives et exclusives
de l'Eglise catholique dans un contexte culturel et cultuel diffrent de l'Occident ? Quelle valeur
donner au mot "syncrtisme" dans les circonstances du brassage culturel et religieux impos
par la mondialisation? […]
Suivant la mthode historico-analytique, nous avons men notre tude en quatre
chapitres de plus ou moins trois sections chacun.
- Primo, considrant que l’histoire des religions ne pourrait .tre isole
de son environnement, nous avons commenc notre tude par dfinir le cadre socioculturel et
politique de la Rpublique Dmocratique du Congo. Nous avons pris comme anne de dpart,
1959, l’anne de notre naissance qui est celle du rveil politique avec la lutte pour
l’indpendance. 1959 est aussi l’anne de la reconnaissance officielle des Eglises africaines
indpendantes, notamment du kimbanguisme dont le fondateur est un Congolais, ancien
catchiste des missionnaires protestants de la British Missionary Society (BMS). Les
mouvements de rveil politique et religieux ns en 1959 ont connu leur paroxysme dans les
annes 1970 sous le rgime du prsident Mobutu dont le maillon fort de la politique intrieure
tait la rhabilitation des religions traditionnelles au travers de la politique du recours .
l’authenticit.
Suite aux dm.ls qu’il avait eus avec le Cardinal Joseph Malula, alors archev.que
de Kinshasa, le prsident Mobutu avait apport un soutien inconditionnel aux religions afro-
chrtiennes indpendantes. Dans les conflits internes qui ont plong le pays dans des guerres
civiles et face . la situation internationale de la guerre du Kippour, le prsident Mobutu avait
fait le choix d’aider l’islam . s’panouir librement au Congo : "Entre un ami et un fr.re, avait-
il dit, le choix est clair". L'ami tant l'Isra.l et le fr€re l'Egypte.
313
Entre la rhabilitation des religions traditionnelles, la stabilisation des Eglises
indpendantes et la monte de l’islam, la politique intrieure du prsident Mobutu avait cr
vers les annes 1990, un couloir favorable aux mouvements pentec.tes soutenus
financi€rement par les Etats-Unis d'Amrique. Quelles que soient leurs motivations de base, ces
diffrents mouvements, favoriss par l’environnement socio-politique et fortement enracins
dans la culture africaine, posent aujourd’hui question dans la problmatique du dialogue
oecumnique et interreligieux en Rpublique Dmocratique du Congo.
- Secundo, pour comprendre les mobiles de cette situation, nous avons fait le bilan
de l'implantation des religions chrtienne et musulmane. C'est . partir de leur rencontre avec les
religions traditionnelles africaines que sont nes les Eglises afro-chrtiennes indpendantes et .
celles dites de rveil spirituel. Sont regroupes sous ce vocable, toutes les communauts
religieuses chr€tiennes crant des cultes syncrtiques ou messianiques, fondes par des
proph€tes africains . charisme souvent politico-religieux. De fa.on gnrale, elles
reconnaissent Jsus-Christ comme Seigneur, affirment leur "africanit€" et rejettent la
domination religieuse et politique des Eglises missionnaires, catholique et protestantes.
Les derni€res statistiques fiables datant de 1995 attribuent 48% de la population
aux catholiques, 29% aux protestants, 17,1% aux Eglises afro-chrtiennes indpendantes,
3,4% aux religions traditionnelles et 1,4% aux musulmans. Entre 1995 et 2005, beaucoup
d'eaux ont coul sous les ponts des religions au Congo. D'une part, les derni€res tudes
scientifiques des Facults Catholiques de Kinshasa datant de 2003 attribuent 30% de la
population aux Eglises afro-chrtiennes indpendantes, toutes tendances confondues. D'autre
part, les tudes chiffres de Paul de Meester, missionnaire jsuite et professeur d'Universit,
datant de 1997 attribuent 10% de la population congolaise . l'islam. C'est-.-dire qu'en une
dcennie, les Eglises indpendantes ont augment de 12,9% et les musulmans de 8,6%. Cela
sans ngliger le phnom€ne du "nicod€misme".
Ces chiffres peuvent .tre contests, mais la situation des Eglises chrtiennes n'est
pas moins dlicate. Le brassage des croyances provoqu par la mondialisation et la
mgalomanie des Amricains ne font qu'acclrer le dsenchantement des Eglises chrtiennes
institutionnalises. Celles-ci cherchent, cependant, . se stabiliser au travers de l'inculturation du
message vanglique et de l'adaptation de la pastorale . la demande de la chrtient congolaise.
314
- Tertio, dans son effort de stabilisation par l'inculturation, l'Eglise catholique de la
Rdc bute souvent . l'autorit parfois crasante du Magist€re romain, malgr les ouvertures du
concile Vatican II et les encouragements du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux.
Notre troisi€me chapitre est, pour cette raison, consacr . l’analyse de la position officielle de
l’Eglise catholique romaine au sujet du pluralisme religieux. Nous avons situ dans leur cadre
historique, les mobiles qui ont pouss l’Eglise . avoir un nouveau regard sur les religions non-
chrtiennes. Nous avons commenc avec les initiatives positives des penseurs et des mystiques
catholiques, notamment Pierre le Vnrable, abb de Cluny, Fran.ois d’Assise et Raymond
Lulle, jusqu’. la dclaration conciliaire "Nostra Aetate"[L’Eglise et les religions non-
chrtiennes, promulgue le 28 octobre 1965]. Nous avons ensuite prsent l’volution de
l’Eglise dans le monde apr.s Vatican II, l'enseignement du magist.re post conciliaire et l’tat
des dbats actuels entre thologiens et spcialistes des religions, choisis parmi ceux qui
pourraient nous clairer dans la situation qui est la n.tre en Rpublique Dmocratique du
Congo. Il s'agit de Hans Kung, Franois-Paul Knitter, Raymond Panikkar, Aloysus Piers,
Jacques Dupuis et Monique Aebischer-Crettol qui a vcu l’exprience de l'oecumnisme
interreligieux sur le terrain en Rdc.
- Quarto, cet approfondissement nous a conduit au quatri€me chapitre qui fait tat
de nos questions concernant le phnom€ne . Eglises de rveil ., une nouveaut qui interpelle
vivement l’Eglise catholique dans ce vaste pays d'Afrique noire, hyper-religieux. En cherchant
. rpondre . nos questions de fond, nous avons essay d’analyser les possibilits et les
conditions d’un dialogue ouvert et exigent entre ces Eglises de rveil et les Communauts
religieuses traditionnelles institutionnalises.
Suivant la sagesse africaine qui dit : . Si tu ne sais plus o. tu vas, retourne-toi,
regarde d’o. tu viens ., nous avons plong nos recherches en relisant Mircea Eliade dans le
souci de comprendre le dsir profond de l’me africaine que n’arrivent pas . satisfaire les
formes des religiosits trang€res. C'est au travers des trois attitudes fondamentales des
religions du monde, notamment : la convocation, l'invocation et l'€vocation que nous avons
compris le lien du phnom€ne religieux simultan entre Kinshasa au Congo, en Afrique, et
Salvador de Bahia au Brsil en Amrique latine. La structure anthropo-sociologique logique
"d'assimilation-rejet" nous a fait comprendre le pourquoi du dveloppement rapide de ces
nouvelles formes de religiosit : vaudou, umbanda, candombl€ et Eglises afro-chrtiennes
indpendantes et de rveil spirituel.
315
Pour rpondre . la question du "comment proc€der l'int€gration de ces nouvelles
formes de religiosit€ dans les rangs des interlocuteurs du dialogue oecum€nique et
interreligieux", nous avons plong nos recherches dans les tudes des spcialistes des sciences
des religions tels que J-Yves Congar, Henri-Charles Chry, Dani€le Hervieu-Lger, Fran.ois
Euve, Jean Vernette, Xavier de Schutter, Jean Delumeau, et dans celles des autres spcialistes
qui ont apport leur contribution au Colloque et au Sminaire Scientifique des Facults
Catholiques de Kinshasa sur le th€me de "Sectes et Eglises de r€veil au Congo". Ces
recherches nous ont ramen . l’vidence de la sagesse de Conficius qui disait : . Pour €viter la
guerre, il faut commencer par d€finir le sens des mots ..
Nous nous sommes ainsi pench sur les dfinitions et le sens des termes ; sur la
valeur des paradigmes trop survalus et mprisants du catholicisme universel imprgn par la
culture occidentale. Sont passs par la cible de cette redfinition, les termes comme
"raisonnable", "tolrance", "rigueur", "syncrtisme", et des paradigmes comme "universel",
"ecclsiocentrisme", "christocentrisme" et "thocentrisme".
Nous avons, enfin mis en cause le syst€me actuel de formation des futurs pr.tres et
pasteurs qui arrivent sur le terrain de la pastorale active avec un bagage intellectuel qui ne leur
permet pas de se confronter aux ralits psycho-sociologiques et historiques du monde actuel,
exacerbes par le grand brassage provoqu par la mondialisation. Spcialistes de Saint Thomas
d'Aquin et de Martin Luther, ils apprennent sur le tas, les ralits des autres religions du monde
et l'histoire des Eglises Afro-chrtiennes locales qu'ils assimilent . priori aux sectes.
Nous nous sommes rendu compte que depuis Vatican II, on a souvent pens la
question de l'Eglise et du minist€re pastoral uniquement . partir de Lumen Gentium
[constitution dogmatique sur l'Eglise, lumi€re des nations]. Nous pensons qu'il faudrait aussi le
faire – au moins pour la Rdc – en lien avec Gaudium et Spes [ constitution pastorale sur
l'Eglise dans le monde de ce temps] : quelle lumi€re sur notre minist€re nous vient par les
autres et par les volutions de l'histoire ? Une telle dmarche permettrait aussi de rendre
compte des pathologies et des souffrances vcues dans l'exercice du minist€re presbytral et
pastoral. Il est pour cette raison, question d'agencer la formation des pr.tres en les ouvrant sur
trois dimensions : pasteur entant que p€re de la communaut, pr.tre entant que compagnon
spirituel de ceux qui demandent un service . l'Eglise et prophte en prenant du temps avec
ceux qui ne partagent pas pleinement notre foi.
316
Tout compte fait, en ayant pris comme soubassement, d’une part, les ouvertures
des documents conciliaires et l'enseignement du magist.re post conciliaire, clairs par
l’ventail des dbats thologiques, et d’autre part, le fait que la majorit des Eglises de rveil
au Congo soit plut.t de la tendance "souple", nous avons essay de poser des jalons auxquels
peuvent se rfrer les Eglises chrtiennes locales institutionnalises, afin qu’elles s’ouvrent . la
diffrence des Eglises de rveil, . leur mthode pastorale et . leurs limites, en m.me temps
qu’elles les ouvrent aux exigences de l’exg.se biblique et de la critique scientifique, jetant du
lest, abandonnant tout ce qui est purement contingent et adventice, pour la reconstruction de la
communion ecclsiale et religieuse qui rponde aux besoins et aux attentes des Croyants.
Les Eglises de rveil qui sont aptes au vrai dialogue pourront ainsi franchir la
barri.re d’un clectisme facile pour un syncrtisme d’harmonisation qui est, . notre avis, une
richesse quand elle contribue . une auto-comprhension plus profonde. C’est dire que les
Eglises de rveil pourront .tre . mesure de comprendre que Jsus n’est pas que gurisseur et
exorciste mais qu’Il va au plus profond de l’homme. Il est le Sauveur de tout homme et de tout
l’homme.
Ceci dit, l’instabilit socio-politique et le cadre de la mondialisation qui favorisent
leur mergence exige que l’oecumnisme interreligieux, en Rpublique Dmocratique du
Congo, soit men avec prcaution et modestie, vitant de se rduire en un oecumnisme de
retour, visant plut.t l’horizon d’un vrai dialogue jalonn non pas de fausse tolrance et de
fausse rigueur, mais d’ouverture et d’exigence, dans le respect mutuel et la confiance en
l’action de l’Esprit Saint.
Je voudrais, apr.s cet expos systmatique, solliciter votre indulgence pour les
imperfections lies . la reprographie et . la typographie de ma th.se. Le fait de ne pas ma.triser
la nouvelle technologie de l’informatique a ajout un plus au dsagrment li . la forme du
travail. En effet, certaines erreurs corriges, non mmorises par l’ordinateur, sont rapparues,
. ma grande dsolation, dans le texte final. Il y a des pages o. des notes infrapaginales sont
dcales. Et ces coquilles qui tra.nent sur les plages de mon texte! J'en suis dsol.
317
Sur le fond, je reconnais avoir prouv quelques difficults, tant . la fois juge et
partie, en ma qualit de pr.tre catholique, pour faire preuve d’objectivit dans le commentaire
des faits historiques tels qu’ils se sont drouls dans notre pays. C’est la difficult que pourrait
avoir tout pr.tre qui ferait des tudes scientifiques sur les phnom€nes religieux : .tre objectif
sans nier et sans trahir sa foi, rester fid€le . sa foi sans tronquer la vrit. C'est l. aussi le
dilemme auquel sont confronts les thologiens de fa.on gnrale. Comme le dit Christian
Duquoc : " Ils ne sont cr€dibles que s'ils 'osent penser par eux-m.mes', selon la requ.te de
Kant ; ils ne sont th€ologiens que par leur all€geance la foi biblique et leur fid€lit€ la
tradition. Comment articuler les €l€ments apparemment contradictoires de ce dilemme ?
Comment t€moigner du souci de la v€rit€ qu'ils accueillent et argumenter en toute libert€ ?
…"346
Le sort des enfants qui jugent parfois sv€rement leur m€re est aussi bien connu.
Mais Aristote disait que . Si l’amiti. et la v.rit. me sont ch.res l’une et l’autre, je choisis
quant . moi, la v.rit. .. Je pense, pour ma part, que le choix de la vrit vient du bonheur
d'avoir t con.u dans une matrice saine, de vouloir en sortir par le sexe, de crer, de pleurer comme
pour dire " p.re, j'existe, coupe-moi le cordon, j'en garderai la marque mon nombril"…
C’est au risque de ce choix que je soumets ma th.se . votre sentence. Cher jury, je
voudrais exister, coupez-moi ce cordon! S'il vous pla.t! MERCI.
346 346 Christian Duquoc, la th€ologie en exil. Le d€fi de sa survie dans la culture contemporaine, Paris,
Bayard, 2002, p. 12
318
I N D E X O N O M A S T I Q U E
319
ABEL, Armand 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103,
105, 106, 238
AEBISCHER-CRETTOL, Monique 145, 161, 162,
224, 238
AHMED, ben Muhamed 100
ANAWATI, G.C. 238, 268
ANCIAUX, Lon 97,238
ASCH, Susan 26, 30, 82, 84, 94, 95, 238, 275, 286
AYAD, Christophe 207
BALTHASAR, Hans Urs Von. 238
BANANGA MUNONGO 53, 71, 79, 248
BARTHE, Claude 238
BASTIDE, Roger 185, 238, 252
BAVAREL, Michel 239
BEA, Cardinal 124, 125, 131
BELLINGER, Gerhard J 256, 257
BEN OMAR (Rana Sabra) 119, 250
BENA SAPHARY 89
BENOIT XV 63, 239
BENTLEY 76
BERGERON, R. 205
BERNARD, Jacques 179, 239
BERNARD, G. 239, 267, 273
BILAL 31
BIMWENYI KWESHI, Oscar. 60, 61, 213, 239
BIRAGO DIOP. 45, 239
BOKELEALE 80
BONTINCK, Fran.ois 275
BORRMANS, Maurice 239
BRAEKMAN 71, 239
BRAZZA 55, 56
BUHLMANN 150
BULAIMU ABEMBA 97
CALVEZ, Jean-Yves 239
CAMELOT, J.-Th. 239, 269
CAMPS 149
CARRIE 55
CASPAR, R. 239
CAZELLES, Henri. 211, 240
CERTEAU, Michel de 240
CHENU, Bruno 240
CHENU, M-Dominique 223, 240, 265
CHERY, H.Ch. 172, 240
CHEZA, Maurice 64, 240
CHOME, Jules 239
CISSE 30
COFFY, Cardinal 198, 240
COMBY, Jean 240
CONFUCIUS 168
CONGAR, Yves 181, 182, 240, 241
CORNELIS, Etienne 241
CRANE, WILLIAM 89
CYPRIEN, Saint 120
DAG HAMMAREKJ.LD 25
DAMMANN, E. 241, 266
DANIELOU 66
DECRAENE, Philippe 241, 266
DELUMEAU, Jean 176, 180, 201, 202, 231, 241
DE MEESTER, Paul 14, 32, 53, 55, 58, 59, 109,
112, 206, 247, 305
DE MEEUS 61
DEPELCHIN, Jacques 241
DEROUSSEAUX, Louis 119, 121, 124, 130, 165,
241
DESSEAUX, Jacques 241
DETH, Jean-Pierre van 241
DE WITTE, Ludo 22
DIALUNGANA SALOMON 87, 96
DIANGIENDA KUNTIMA 82, 241
DIEGO CAO 17, 53
DIFENA MATOMENA 242
DIOP CHEIK ANTA 242
320
DONEUX, J.-L. 252
DUBUISSON, Daniel 146, 256
DULLES 149
DUPUIS, Jacques 119, 135, 137, 145, 151, 152,
153, 154, 155, 156, 157, 158, 160, 161, 162,
164, 242
DURIEZ, Bruno 146
EKOLLO, Thomas 66
ELA, Jean-Marc 242
ELIADE, Mircea 122, 129, 172, 175, 242
ELONGO, V. 243
EUVE, Fran.ois 225, 243
FERNANDES, Angelo 138
FREDERIC, Louis 185, 256
FROELICH, Jean-Claude 243
GANTIN, Bernardin 243
GEFFRE, Claude 143, 145, 243
GELOT, Joseph 243
GILIS, Charles-Andr 243
GILLILAND, S. 244, 271
GIOIA, Francesco 244
GIRANLT, Ren 244
GRAVAND, P. 41, 244
HAACK, F.W. 244
HADDAD, Adnan 16, 31, 32, 97, 109, 110, 244
HASSAN II 32, 109, 112, 114
HAYEK, M. 244
HAYWARD, V.E.W. 244, 265
HEBGA MEINRAD 51, 67, 208, 244, 260
HEGEL 31, 50, 110, 309
HELLWIG 150
HERVIEU-LEGER, Dani€le 182, 183, 184, 204,
244
HOLAS, B. 244
HUBY, Joseph 41, 42, 257
HUNTINGTON, Samuel P. 203, 244
HUSSEIN DE JORDANIE 125
JEAN-PAUL II 50, 133, 137, 138, 139, 140, 141,
223, 226, 245
JEAN XXIII 28, 63, 123, 124, 132, 245
JEANROND 145
JOMIER, Jacques 245
KABANGA NTUMBA 245
KABASELE, Fran.ois 245
KABILA 32, 34, 35, 36, 77, 205
KABONGO, P. 71, 73, 245
KAFUTI SONY 170
KAGAME, Paul 35
K. MANA 245
KAPULUTA 32, 112, 305
KASA-VUBU 21, 22, 24, 25
KEBE 30
KIAZAYILA, Kingengo 245
KIMBANGU 6, 21, 30, 81, 83, 84, 85, 86, 87, 90,
91, 93, 94, 95, 96, 116, 186, 188, 194, 229
KINZEMBO 83, 84
KISOLOKELE, Damien Charles 88
KNITTER, Paul 145, 148, 150, 155, 157, 164, 245
KRISHNA, L.R. 185, 245
KUNG, Hans 145, 164, 224, 246
KUNGA KONGO, Emawoyi 246
KUTINO, Fernando 170
KUYELA 83
LABURTHE-TOLRA, Philippe 246
LAME, Pierre 246
LENOIR, Frederic 175, 257
LEON X 178, 201
LEOPOLD II 53, 54, 55, 59, 71, 72, 73, 74, 81, 83,
98, 100, 116
LEVY BRUHL, Lucien 50
LIVINGSTONE, David 17, 53
LUBARIS 32
321
LUMUMBA, Patrice 21, 22, 23, 24, 34, 77, 88,
110
LUNEAU, Ren 170, 252
LUNTADILA 30, 88, 89, 91, 271, 273
LUTHER ,Martin 178, 201, 217
LUYELE MAGAMA 246
MADRANDELE, Prosp€re 27
MAKAZA, M. 246
MAKOLO AKUMBU 246
MALRAUX, Andr 174, 175
MALULA, Cardinal Joseph 27, 28, 53, 64, 65, 68,
240, 251
MANDJUMBA MWANYIMI 246
MAQUET, Jacques 47, 246
MARITAIN, J. 247
MARTEIL, V. 66
MARTINEAU, Suzanne 247
MARX, Karl 6
MAURICE, H. 247
MAURIER 150, 247
MAXIMOS IV 126
MAYER, J.F. 247
M’BOKOLO ELIKIA 247
McBRIEN 149
MERE TERESA 126
MESLIN, Michel 247
METENA M’NTEBA 66, 247
METZ 144
MIMBORO MWENDELE, L. 248
MITTERRAND, Fran.ois 30
MOBUTU 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31,
32, 34, 35, 36, 75, 79, 91, 95, 108, 109, 111,
112, 113, 114, 117, 248, 305
MODIO ZAMBA 187, 237, 255, 262, 278
MOJAISKY PERRILLI 23
MONOD, Thodore 175
MOSHE-ISSHEM 88
MUDIJI, Thodore 48, 261
MUFUTU KABAMBA 42, 43, 44, 46
MULAGO, Vincent 41, 248, 251
MULELE, Pierre 34
MUNDAYA BAHETA 169, 261
MWENE BATENDE 248, 261, 273, 274, 275
MWILU 84
NDAYWEL E NZIEM, Isidore 20, 22, 24, 34, 72,
73, 76, 98, 109, 111, 248, 275
NECKEBROUCK,V 248
NEUNER 145
NGANDU NKASHA 248
NGBANDA, Honor 24, 32, 248
NGIMBI NSEKA 44, 261
NIEBUHR 148
NLEMVO 76, 77
NOMANYATH, David 249
NTEDIKA KONDE 173, 189, 191, 193, 194, 212,
233, 237, 249, 255, 261, 265
OTTO RUDOLF 121, 122
PANIKKAR, Raimundo (Raymond) 145, 150, 158,
164, 212, 217, 249
PAUL VI 65, 125, 129, 133, 134, 137, 197, 204,
226, 249
PAWLINKOWSKI 150
PEETERS, J. 249, 250
PENOUKOU, Efo Julien 250
PERO MISHONDO 47
PETILLON 87, 92, 105
PIE XI 63, 220
PIE XII 63, 129, 250
POULLART DES PLACES 54
POUPARD, Paul 257
PUTHIADAM 150
RAHNER, Karl 149, 252
322
RATZINGER, Joseph. 145, 163, 164, 165, 250
REMY, J. 250
REY-MERMET, Th. 119, 124, 125, 130, 250
RIBAUCOURT, Jean-Marie 46, 49, 250
RIES, Julien 119, 250
ROBERT, J. 250
ROBINSON 151
RONCALLI, ANGELO 123
ROSNY, Eric 250, 271
ROSSANO 149
ROUX, Andr 250
ROUX, Hebert 250
RUETHER 150
SAINT MOULIN, Lon de 23, 28, 53, 65, 78, 173,
251, 262
SAINT-CLAIR, David 185, 251
SANTEDI, Kinkupu, Lonard 251
SCALAIS 23
SCHILLEBEECKX 145, 149
SCHINELLER 155
SCHLETTE, Heinz Robert 251
SCHMIDT 129
SCHUTTER, Xavier de 186, 186, 212, 251
SCHOMER, MARK 89, 272
SCHOONENBERG 150
SCLETTE 150
SEGUY, Jean 252, 265, 266, 271
SENGHOR 193, 257
SESBO.E, Bernard 120, 252
SHAUMBA 79
SIEGWALT, Grard 252
SINDA, Martial 82, 83, 85, 252, 272, 274
SMITH WILFRED 146, 162, 275
SODERBLOM, NATHAN 122, 129
SOHIER 106
SOUCHON, Michel 211, 252
SOUMIALOT 34
STANLEY, HENRY MORTON 17, 25, 27, 53,
54, 55, 56, 71, 83
STEEBERHEN 61
TEILHARD DE CHARDIN 175, 225
TEMPELS, Placide 41, 50, 252
TERNISIEN, Xavier 16, 170
THILS, Gustave 252
THOMAS, L.V. 252
THOMPSON 150
TINCQ, Henri 174, 175
TIPPO-TIP 100, 101, 246
TOKATLIAN, Chantal 217, 226, 227, 252
TOMKO, Cardinal 134, 136, 137
TSHOMBE, Mo.se 23, 25
TRACY, David 253
TROELTSCH 162, 253
TURNER, H.W. 253, 266, 267, 269
TSHIBANGU, T. 66, 67, 253
VALLET, Odon 132
VAN DER LEEUW 122, 253
VANDEVELDE 103, 107, 108
VANNESTE, Alfred 66, 67, 192, 253
VAN PARYS, J.M. 253
VAN RONSLE (Mgr) 73
VAN STRAELEN, HENRY 42, 43, 253
VAN WING 44, 83, 84, 272
VERGER, B. 253
VERNETTE, Jean 42, 171, 176, 183, 187, 222,
244, 253, 257
VILAIN, Pierre 200, 253
VISSER’T HOOFT 89, 253
WESTHINGS, Nils 76
WEULERSSE, Jacques 20, 253
WHALING 145
WILSON, B. 170, 205, 254, 265, 266, 267, 271
323
WOODROW, A. 254, 269
YOULOU, FULBERT 23
YOWERI MUSEVENI 35
YSE T. MASQUELIER 257
ZAHAN, D. 254
324
T A B L E D E S M A T I E R E S
325
Avant-propos et remerciements ...................................................................................................... 2
Ddicace ........................................................................................................................................ 5
Liste des sigles utiliss ................................................................................................................... 7
INTRODUCTION GENERALE................................................................................................ 10
Etat de la question .................................................................................................................. 11
Fondement de la problmatique .............................................................................................. 15
Intr.t de la recherche ............................................................................................................ 16
Mthodologie de la recherche et plan du travail ...................................................................... 17
CHAPITRE I : LA SITUATION SOCIO-POLITIQUE DE LA REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO, DE 1959 A NOS JOURS ....................................................... 19
Introduction ......................................................................................................................... 20
I.1. De 1959 . 1961 : Le Congo de Lumumba ..................................................................... 21
I.2. De 1961 . 1997 : Le Congo /Za.re de Mobutu .............................................................. 24
I.2.1. De son accession au pouvoir .................................................................................... 24
I.2.2. De sa politique intrieure ......................................................................................... 25
I.2.3. Les religions face . la politique intrieure du rgime de Mobutu ............................... 27
I.2.3.1. Les conflits avec l’Eglise catholique ................................................................. 27
I.2.3.2. La rhabilitation des religions traditionnelles et afro-chrtiennes ...................... 29
I.2.3.3. L’islam ............................................................................................................ 31
I.3. De 1997 . 2002 : Le Congo de L.D. Kabila ................................................................... 34
I.3.1. Du 29 mai 1997 au 17 ao.t 1998 ............................................................................. 35
I.3.2. Du 24 ao.t 1998 au 16 janvier 2001 ........................................................................ 35
I.3.3. Du 24 janvier 2001 . nos jours ................................................................................. 36
Conclusion ............................................................................................................................ 37
326
CHAPITRE II : LES INTERLOCUTEURS ACTUELS DU DIALOGUE OECUMENIQUE ET
INTERRELIGIEUX .................................................................................................................... 39
Introduction ......................................................................................................................... 40
II.1. Les religions traditionnelles ......................................................................................... 41
II.1.1. La conception de l’Etre supr.me ............................................................................. 43
II.1.1.1. La nomenclature ............................................................................................ 43
II.1.1.2. La rsidence de l’Etre Supr.me ...................................................................... 43
II.1.2. Le r.le des anc.tres (les manes) .............................................................................. 44
II.1.2.1. Qui sont les mnes ? Quel r.le jouent-ils ? ...................................................... 44
II.1.2.2. Qui s’adresse . eux ? Quand et comment ? ..................................................... 46
II.1.3. L’Etre s.preme et les hommes ................................................................................ 47
II.1.3.1. Par l’art .......................................................................................................... 47
II.1.3.2. Par les mythes ................................................................................................ 49
II.1.3.3. Par les rites .................................................................................................... 50
II.1.4. Les Esprits de la nature ........................................................................................... 51
II.2. La religion chr€tienne ou le Christianisme .................................................................. 53
II.2.1. L’Eglise catholique au Congo ................................................................................. 54
II.2.1.1. La relance de l’vanglisation par les spiritains (1865 – 1890 .......................... 54
II.2.1.2. L’vanglisation sous l’Etat Indpendant du Congo ........................................ 55
II.2.1.2.1. L’article VI de l’acte de Berlin garantissant la libert religieuse .............. 56
II.2.1.2.2. Les mthodes d’implantation de l’Eglise en pays de mission ................... 57
II.2.1.3. L’vanglisation du Congo belge ( 1914 – 1959 ) ........................................... 59
II.2.1.3.1. L’quivoque entre vangliser et civiliser ............................................... 60
II.2.1.3.2. Des thologies . la hauteur de l’quivoque ............................................. 62
II.2.1.4. Vers un visage africain du christianisme : effort d’inculturation ....................... 64
III.2.1.4.1. Thologie . africaine . ou . africanisation . de la thologie ? ............... 65
III.2.1.4.2. L’inculturation de la liturgie : Cas du rite za.rois de la messe ................ 68
II.2.2. Les Eglises protestantes .......................................................................................... 71
II.2.2.1. L’implantation . difficile . des missions protestantes sous Lopold II (E.I.C) . 72
II.2.2.1.1. La gen€se de la politique anti-protestante de Lopold II ......................... 72
II.2.2.1.2. L’astuce . lopoldienne . pour exclure les protestants ........................... 73
327
II.2.2.2. La . stratgie . de maintien des missions protestantes au Congo belge ........... 75
II.2.2.2.1. L’organisation d’une confrence des missionnaires ................................. 76
II.2.2.2.2. L’adoption de la langue fran.aise et la traduction de la Bible en kikongo 76
II.2.2.3. L’ . africanisation . des structures d’Eglise au Congo indpendant ................. 77
II.2.2.3.1. Les retours massifs des missionnaires dans leurs pays respectifs ............. 77
II.2.2.3.2. Les conflits entre missionnaires revenus au Congo et chrtiens congolais 79
II.2.2.3.3. La fusion des . Missions . et . Eglises . fonctionnant au Congo ............ 80
II.3. Les Eglises afro-chr€tiennes ......................................................................................... 82
II.3.1. L’Eglise kimbanguiste ............................................................................................ 83
II.3.1.1. L’histoire du proph€te Simon Kimbangu (1885 – 1921) ................................. 83
II.3.1.2. Des perscutions aux reconnaissances officielles (1921 – 1969) ...................... 85
II.3.1.3. Les deux visages de l’Eglise kimbanguiste au Congo ...................................... 90
II.3.1.3.1. Le kimbanguisme officiel ....................................................................... 91
II.3.1.3.1.1. L’ossature des documents administratifs ........................................ 91
II.3.1.3.1.2. Le contenu de la rforme kimbanguiste .......................................... 92
II.3.1.3.2. Le kimbanguisme traditionnel ................................................................ 95
II.3.1.3.2.1. Les principes et mthodes .............................................................. 95
II.3.1.3.2.2. La foi ............................................................................................ 95
II.4. La religion musulmane ................................................................................................. 97
II.4.1. L’introduction . la connaissance de l’islam au Congo oriental ................................. 97
II.4.1.1. La rpartition des groupements musulmans et leur importance relative ............ 98
II.4.1.2. La religion des arabiss ou . l’islam noir . .....................................................101
II.4.1.2.1. Fondement de la religion islamique des arabiss ................................... 103
II.4.1.2.2. Le contenu de la foi musulmane des arabiss ........................................ 104
II.4.1.2.3. Le contenu de la loi musulmane ("Sheria") ........................................... 104
II.4.1.3. Le droit coutumier et le droit musulman ....................................................... 105
II.4.1.4. Les croyances relatives . la magie et . la sorcellerie ...................................... 107
II.4.2. L’panouissement de l’islam au Congo . partir des annes 1980 ........................... 109
II.4.2.1. La vague de la politique de l’authenticit....................................................... 109
II.4.2.2. L’amiti Mobutu – Hassan II du Maroc ........................................................ 112
II.4.3. La place de l’islam dans le concert des religions au Congo .................................... 113
Conclusion et bilan du deuxime chapitre. ............................................................................. 115
328
CHAPITRE III : L’EGLISE CATHOLIQUE ET LE DIALOGUE OECUMENIQUE ET
INTERRELIGIEUX : ETAT GENERAL DE LA QUESTION .................................................. 118
Introduction ....................................................................................................................... 119
III.1. Le dialogue interreligieux avant Vatican II ............................................................. 120
III.1.1. Introduction ........................................................................................................ 120
III.1.2. Initiatives positives des penseurs et mystiques catholiques ................................... 120
III.1.3. Eclosion des sciences des religions ...................................................................... 121
III.1.4. World’s Parliament of Religions ......................................................................... 121
III.2. Vatican et la doctrine conciliaire sur les religions non chr€tiennes ......................... 123
III.2.1. Les circonstances de la naissance difficile de Nostra Aetate .................................. 123
III.2.2. La doctrine conciliaire sur les religions non chrtiennes ....................................... 126
III.2.3. L’enseignement de Nostra Aetate ........................................................................ 128
III.3. L’volution de l’Eglise dans le monde et le Magist.re postconciliaire .................... 132
III.3.1. L’volution de l’Eglise dans le monde apr€s Vatican II ........................................ 132
III.3.2. Paul VI : De Ecclesiam suam . Evangelii nuntiandi : une ouverture sur le chemin de
l’inculturation ............................................................................................................................ 134
III.3.2.1. Ecclesiam suam : base historique et idal de rflexion sur le dialogue .......... 134
III.3.2.2. Evangelii nuntiandi : Stagnation ou recul ? ................................................. 136
III.3.3. Jean-Paul II : De Redemptor hominis . Redomptoris missio :documents . guide .
pour le dialogue entre les religions ............................................................................................. 137
III.3.3.1. Redemptor hominis : L’Esprit de Vrit dans la croyance de non-chrtiens .. 137
III.3.3.2. De Dominum et vivificatem . Redemptor missio : de la thorie . la pratique du
dialogue ............................................................................................................................. 139
III.3.3.3. Redemptoris missio, Dialogue et Mission, Dialogue et annonce ................... 140
III.3.4. L’tat actuel des dbats thologiques sur le pluralisme religieux .......................... 144
III.3.4.1. Hans K.ng .................................................................................................. 145
III.3.4.2. Paul Knitter ................................................................................................ 148
III.3.4.3. Raymond Panikkar ...................................................................................... 150
III.3.4.4. A. Piers ....................................................................................................... 151
III.3.4.5. Jacques Dupuis ........................................................................................... 151
III.3.4.5.1. Aper.u global du livre ........................................................................ 152
329
III.3.4.5.2. Le dbat actuel sur la thologie ........................................................... 154
III.3.4.5.3. Le dialogue interreligieux, praxis et thologie ..................................... 156
III.3.4.5.4. Le dialogue interreligieux et la praxis de libration .............................. 156
III.3.4.5.5. Dfis du dialogue interreligieux .......................................................... 157
III.3.4.5.6. Les fruits du dialogue interreligieux .................................................... 158
III.3.4.5.7. Apprciation critique .......................................................................... 158
III.3.4.6. Monique Aebischer-Crettol.......................................................................... 161
III.3.4.7. Joseph Ratzinger.......................................................................................... 163
CHAPITRE IV : LES EGLISES DE REVEIL EN R.D.CONGO, UNE QUESTION OUVERTE
DANS LA PROBLEMATIQUE DU DIALOGUE OECUMENIQUE ET INTERRELIGIEUX.. 167
Introduction ....................................................................................................................... 169
IV.1. Attitudes et caract€ristiques fondamentales des principales religions du monde.... 174
IV.1.1. La religion et les religions .................................................................................... 174
IV.1.2. Attitudes et caractristiques des religions ............................................................ 175
IV.1.2.1. Attitude de . convocation . ........................................................................ 176
IV.1.2.2. Attitude d’ . invocation . ........................................................................... 176
IV.1.2.3. Attitude d’ . vocation . ............................................................................ 177
IV.1.3. Le processus d’ . assimilation-rejet . .................................................................. 179
IV.1.4. Les mouvements de rveil dans l’histoire des religions ......................................... 181
IV.2. Les enjeux spirituels et les aspects actuels du dialogue au Congo ........................... 188
IV.2.1. Clivage des enjeux spirituels actuels et intr.t de la hirarchie catholique ............. 188
IV.2.2. Les nouveaux mouvements religieux : vanglisation et dveloppement ............... 189
IV.2.2.1. Prsentation ................................................................................................ 190
IV.2.2.2. La terminologie .......................................................................................... 190
IV.2.2.3. La classification .......................................................................................... 191
IV.2.2.4. Les causes .................................................................................................. 192
IV.2.2.5. La thologie dans les mouvements de rveil au Congo ................................ 192
IV.2.2.6. Les le.ons . tirer ........................................................................................ 196
IV.2.2.6.1. Au niveau des sectes .......................................................................... 196
IV.2.2.6.2. Pour les grandes communauts institues ............................................ 196
IV.2.3. Les Eglises de rveil au Congo, une interpellation ............................................... 197
330
IV.2.3.1.Le contexte de la mondialisation .................................................................. 200
IV.2.3.2. L’impact des Eglises de rveil sur le corps social . Kinshasa ....................... 201
IV.2.3.3. Le r.le politique des Eglises de rveil ......................................................... 203
IV.2.3.4. Les perspectives de cohabitation ................................................................. 204
IV.2.4. Aspects et limites actuels de l’oecumnisme interreligieux au Congo .................... 206
IV.3. Perspectives d’avenir pour un dialogue interreligieux quilibr ............................. 208
Introduction..................................................................................................................... 208
IV.3.1. Sens des termes classiques et valeur des paradigmes thologiques ....................... 210
IV.3.1.1. Le sens des termes classiques....................................................................... 210
IV.3.1.2. La valeur des paradigmes thologiques ........................................................ 214
IV.3.2. Psychologie et Exg€se [Mthode et Parole] ....................................................... 215
IV.3.2.1. S’ouvrir . la diffrence des Eglises de rveil ................................................ 215
IV.3.2.2. Ouvrir les Eglises de rveil aux exigences scientifiques de la Parole de Dieu. 219
IV.3.3. Ouverture et Exigences : Pour quel dialogue en perspective ................................ 221
IV.3.3.1. Dialogue spirituel ........................................................................................ 222
IV.3.3.2. Dialogue de pense thologique .................................................................. 224
IV.3.3.3. Dialogue sculier ........................................................................................ 226
CONCLUSION GENERALE ................................................................................................. 228
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................. 236
ANNEXES ................................................................................................................................ 258
Annexe 1 : Liste des textes des actes du IV€me Colloque International du CERA.......................... 259
Annexe 2 : Liste des textes de base du XVII€me Sminaire Scientifique de la facult d'conomie et
dveloppement des Facults Catholiques de Kinshasa.................................................................. 263
Annexe 3 : Bibliographie slective de nouveaux mouvements religieux au Congo . partir de 1959.
Ordre chronologique................................................................................................................... 265
Annexe 4 : Mouvements syncrtiques au Congo belge. Inventaire des Archives Nationales du Za.re
(1921-1959) ........................................................................................................................ 276
Annexe 5 : Le Congo, ex-Za.re dans l'Afrique ............................................................................. 278
Annexe 6 : La R.D. Congo compare . l'Europe ......................................................................... 279
Annexe 7 : La partition de la R.D. Congo depuis 1998................................................................ 280
Annexe 8 : Les donnes cls du Congo (RDC) ........................................................................... 281
331
Annexe 9 : Carte linguistique de la R.D.C. .................................................................................. 282
Annexe 10 : Sens de pntration des religions chrtienne (Ouest) et musulmane (Est) ................. 283
Annexe 11 : Carte de l'Eglise catholique en R.D.C. ..................................................................... 284
Annexe 12 : Carte de l'Eglise protestante en R.D.C. .................................................................... 285
Annexe 13 : Carte des lieux importants du kimbanguisme en R.D.C. ........................................... 286
Annexe 14 : Extrait des signatures de chefs de confessions religieuses : 1997 et 2002.................. 287
Annexe 15 : Bndiction d'un parent . l'ordination presbytrale de son fils .................................. 288
Annexe 16 : Attitudes des orants dans les Eglises de rveil.......................................................... 290
Annexe 17 : Les religions traditionnelles bantoues : hirarchie triangulaire des forces .................. 291
Annexe 18 : Echantillon du questionnaire d'enqu.te sur le terrain ................................................ 292
Annexe 19 : Intervew de "Actualit des Religions n.41" . Tinyiko Maluleke ............................... 295
Annexe 20 : Plan d'action nationale pour la promotion des droits de l'homme en Rdc .................. 296
Annexe 21 : Charte congolaise des droits de l'homme et de peuple .............................................. 298
Annexe 22 : Extrait du livre de Paul de Meester sur l'implatation chiffre de l'islam : 10 % de la
population congolaise ................................................................................................................. 305
Annexe 23 : La Controvese de Valladolid ................................................................................... 307
Annexe 24 : Texte de Soutenance .............................................................................................. 309
INDEX ONOMASTIQUE ....................................................................................................... 318
TABLE DES MATIERES ..................................................................................................... 324
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